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3. La dynamique des classes sociales et ses conséquences : les mobilités sociales

3. La dynamique des classes sociales et ses conséquences : les mobilités sociales. Définition  : Nous appellerons mobilité sociale tout déplacement de position, individuel ou collectif, inter ou intra-générationnel, au sein d’une structure sociale en mouvement.

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3. La dynamique des classes sociales et ses conséquences : les mobilités sociales

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  1. 3. La dynamique des classes sociales et ses conséquences : les mobilités sociales • Définition : • Nous appellerons mobilité sociale tout déplacement de position, • individuel ou collectif, • inter ou intra-générationnel, • au sein d’une structure sociale en mouvement. • Cette mobilité sociale peut-être • ascendante (promotion sociale), • horizontale (changement d’emploi) ou • descendante jeanferrette@free.fr

  2. Cours de mobilité sociale (1) Mardi 18 avril 2006 jeanferrette@free.fr

  3. On nomme mobilité sociale structurelle ou forcée les déplacements qui sont la conséquence de la transformation de la structure sociale • Exemple : baisse du nombre de paysans et augmentation du nombre d’emplois ouvriers, puis baisse (relative) du nombre d’emplois ouvriers et augmentation du nombre d’emplois du secteur tertiaire. • On nomme mobilité sociale nette ou « pure » ou « fluidité sociale » ce qui excède la mobilité sociale structurelle. On imagine alors qu’à structure sociale inchangée, les fils d’ouvriers ont plus de chance d’accéder à des emplois de cadres. jeanferrette@free.fr

  4. Plus la mobilité sociale nette est importante, plus la société est alors considérée comme « ouverte ». • Une distinction contestée • analyse en terme de force du lien qui unit la position des pères à celle des fils. jeanferrette@free.fr

  5. 3.1. Les théories sociologiques de la mobilité sociale face à la mobilité sociale ouvrière • Un thème populaire récurrent • Molière, le bourgeois Gentilhomme • Maupassant, Bel-Ami • Stendhal, Le Rouge et le Noir, • Annie Ernaux, La Place • La sociologie naissante s’intéresse à la mobilité sociale ascendante, en portant son regard depuis les sommets de la structure sociale. • Un premier programme de recherche avait été conçu à la fin du 19e siècle par les sociologues regroupés autour de Gabriel Tarde, qui avait essentiellement pour but de mettre en évidence l’hérédité (génétique) des « grands hommes ». jeanferrette@free.fr

  6. Un seul Durkheimien: Paul Lapie • un émigré Russe aux Etats-Unis, Pitirim Sorokin, • ancien ministre de Kérensky, Social mobility (1927). • PITIRIM ALEXANDROVICH SOROKIN:(1889-1968) • Ce programme sociologique se développe d’abord aux Etats-Unis • La France prend un retard considérable • Pour mieux comprendre la genèse de cette problématique, nous verrons • 1. l’environnement idéologique qui conditionnera la représentation de la société en strates entre lesquelles circulent des individus • 2. les enjeux attachés à ces représentations • 3. ce qui distingue, à partir des enjeux idéologiques repérés, les démarches scientifiques, les règles et normes de la recherche sociologique. jeanferrette@free.fr

  7. Quelques livres Pour débuter Pour approfondir jeanferrette@free.fr

  8. 3.1.1. Les enjeux idéologiques.. jeanferrette@free.fr

  9. Pourquoi idéologique ? • L’idéologie est une vision du monde, non neutre, déformée par le jeu des intérêts des acteurs sociaux. C’est une vision du monde à la fois partagée et mise au service d’une cause. jeanferrette@free.fr

  10. Partagée : c’est elle qui définit la validité et la légitimité d’un « champ » au sens de Pierre Bourdieu (espace social qui structure les rapports de force entre agents, enjeu de luttes pour le monopole de la domination légitime). « Tous les agents engagés dans un champ ont donc en commun un certain nombre d’intérêts fondamentaux » (Lallement, 1993). C’est ainsi que P. Bourdieu explique par exemple la domination masculine, qui ne serait pas possible si les schèmes de perception des dominants n’étaient pas aussi ceux des dominés. (Bourdieu 1998). jeanferrette@free.fr

  11. Au service d’une cause: car au-delà de ces schèmes partagés, chaque champ est dominé par un groupe d’agents qui impose sa vision légitime du monde afin d’assurer sa reproduction en tant que groupe dominant. jeanferrette@free.fr

  12. Les rapports entre la science et l’idéologie sont ambigus • Toute représentation sociale est idéologique. Elle vient donc s’interposer entre le chercheur et son objet. (Durkheim, 1894). Obstacle et condition : • elle peut en être la matrice, dans la mesure où elle impulse et guide le chercheur au moins à ses débuts, quitte à ce que la recherche l’invalide ensuite. • Elle n’est donc un obstacle qu’en fin de parcours, lorsqu’elle cesse d’être une intuition pour commander les conclusions. • Analyser la mobilité sociale, c’est accepter une vision du monde au sein de laquelle les déplacements des acteurs sociaux d’une position sociale à une autre à travers les générations constitue un niveau pertinent d’information pour saisir la réalité sociale dans son ensemble. jeanferrette@free.fr

  13. C’est, à travers l’analyse, valoriser ce phénomène particulier, le hisser à un niveau où il puisse être reconnu en le reconnaissant soi-même digne d’intérêt. C’est lui donner un sens, une orientation, un objectif voire un idéal pour toute la société. jeanferrette@free.fr

  14. A l’inverse, lui dénier toute valeur explicative fondamentale c’est le renvoyer à la dimension personnelle, accidentelle, arbitraire, de choix individuels non représentatifs ou au contraire de phénomènes économiques que les groupes sociaux ne peuvent que subir. Tout en reconnaissant la réalité des transformations de la structure sociale au sein de laquelle évoluent les acteurs sociaux, c’est lui conférer un caractère inévitable, presque accidentel, une « rançon du progrès », mais en aucun cas un idéal qui serve de guide légitime aux stratégies des acteurs. jeanferrette@free.fr

  15. Nous examinerons ici successivement les conditions culturelles qui ont fait qu’en France en particulier la sociologie de la mobilité sociale a longtemps été un objet sociologique non pertinent (Cuin, 1993) (1.1.) puis à l’inverse les conditions historiques particulières qui ont fait de celle-ci aux Etats-Unis un trait de civilisation distinctif. (1.2.). jeanferrette@free.fr

  16. La mobilité sociale comme objet sociologiquement non pertinent jeanferrette@free.fr

  17. La France, longtemps considéré comme un pays de « classes immobiles » ou faiblement mobiles, fut à la fois la terre d’élection d’un républicanisme conservateur et d’un marxisme figé. jeanferrette@free.fr

  18. La France, pays de « la barrière et du niveau ». jeanferrette@free.fr

  19. De l’ancien Régime à la Révolution • Le passage de la Monarchie à la République est couramment présenté comme un changement de régime de la mobilité sociale, la stratification sociale passant d’un principe d’états à celui de classes. Dans un système d’états tel qu’il existait avant 1789, les frontières entre strates, sans être totalement imperméables, étaient difficilement poreuses. Soulignons que l’Aristocratie n’était pas seule à constituer un état: la bourgeoisie marchande et pré-industrielle constituait également un groupe social fermé aux individus originaires d’autres groupes de ce qui constituait le « Tiers Etat », ou partie non noble de la société. Les monopoles familiaux sur une profession étaient autant de rentes de situation qui constituaient un obstacle au développement économique du Royaume. Turgot, ministre du Roi, tenta par l’Edit de février 1776, soit 13 ans AVANT la révolution, d’abolir les corporations. Ce texte prépare explicitement les conditions juridiques d’une mobilité professionnelle : « Il sera libre à toutes les personnes de quelque qualité et condition qu’elles soient(…) d’embrasser et d’exercer (…) tout commerce et telle profession (….) que bon leur semblera… » (soubiran-Paillet 1998). jeanferrette@free.fr

  20. Preuve de l’enracinement de la bourgeoisie dans le système politique d’alors, de l’entremêlement des intérêts d’une partie de la noblesse et de la bourgeoisie, cette tentative de réforme, pourtant appelée de leurs vœux par Diderot, Rousseau et les physiocrates, échoua. Il fallut attendre les Décrets d’Allarde et la Loi Le Chapelier, pris sur fond de revendications salariales des ouvriers charpentiers et imprimeurs, pour que l’interdiction des corporations fut effective. Avec la fin des monopoles traditionnels put apparaître une bourgeoisie nouvelle à l’origine de la Révolution industrielle, en même temps qu’étaient interdites jusqu’en 1884 les coalitions ouvrières. jeanferrette@free.fr

  21. Les frontières culturelles entre classes • Quelles traces demeurent dans la culture française de ce quasi-système de castes ? Une nouvelle bourgeoisie à peine formée, Edmont Goblot (1925) date très précisément de 1835 l’établissement entre celle-ci et les autres classes d’une « barrière » et d’un « niveau ». La « barrière », c’est ce qui sépare, et que la richesse ne suffit pas à franchir. Le « niveau », c’est ce qui unifie une classe au-delà de ses différences internes de fortune et d’occupation, qui repose sur la mode, les bonnes manières, l’éducation. jeanferrette@free.fr

  22. La barrière entre les classes, dont l’existence n’est pas inscrite en droit, n’est pas aisément franchissable pour autant. Il faut en plus d’avoir accédé à un certain niveau de fortune, y être accueilli, or cet accueil ne peut être que collectif : une épouse sans bonnes manières, une fratrie qui déroge, sont autant de repoussoirs qui font stigmatiser le promu en « parvenu ». La bourgeoisie n’était pas seule à établir cette barrière. Cet héritage fut largement partagé socialement et politiquement au moins jusqu’à la troisième République. jeanferrette@free.fr

  23. La mobilité sociale ne faisait pas l’objet d’une valorisation collective. La petite bourgeoisie assignait à ses enfants des ambitions bornées par la sécurité et le prestige des professions : durant la Troisième République, la fonction publique et les professions libérales. L’ambition sociale répondait à des normes contraignantes : elle devait être progressive, s’étendre sur plusieurs générations, transiter par la réussite scolaire. Le succès par l’argent était peu considéré. (Cuin 1993) jeanferrette@free.fr

  24. La classe ouvrière était souvent victime récente d’une descension sociale, le passage du statut de paysan à celui d’ouvrier. Elle garde jusqu’à aujourd’hui la nostalgie d’un passé rural, d’autonomie et d’autoproduction. Elle savait les portes de l’ascension sociale fermée pour défaut de patrimoine. La perspective d’ascension qui lui était présentée par les instituteurs était austère, passait par le travail et l’épargne. L’éthique prolétarienne, entretenue par l’anarcho-syndicalisme, valorisait le « refus de parvenir » et ne voyait dans la mobilité sociale « qu’un piège idéologique tendu par la bourgeoisie pour désamorcer les luttes sociales ». (Terrail, 1984). Toute promotion sociale ne pouvait être que collective ; toute promotion individuelle suspecte de trahison. jeanferrette@free.fr

  25. Ainsi se rejoignaient, pour des raisons différentes, des visions du monde assignant à chaque groupe social et aux individus les composant une position durable dans l’espace social. Les représentations communément admises par les chercheurs trouvaient chacune leur expression théorique. Nous n’exposerons pas ici le paradigme des chercheurs, qui fera l’objet de la partie suivante ; nous montrerons ici en quoi ceux-ci sont redevables de parti pris, de positions héritées qui s’imposent par la force de leur évidence. jeanferrette@free.fr

  26. Durkheim, ou la peur d’un changement trop rapide comme source d’anomie. • L’idéologie républicaine propre aux classes intermédiaires d’une promotion lente, individuelle et passant par la valorisation des titres scolaires trouva son expression théorique avec Emile Durkheim. jeanferrette@free.fr

  27. Le moindre des paradoxes de la part d’un pourfendeur des représentations sociales s’interposant entre l’objet et le chercheur est d’y succomber lui-même. Mais la proclamation d’une position épistémologique ne constitue sans doute pas une garantie suffisante. A la différence de son rival Gabriel Tarde, qui ne fit en l’occurrence qu’énoncer un programme de recherche possible, Durkheim et son école (Sauf Paul Lapie, pour des raisons sans doute liées à sa position dans l’appareil scolaire d’Etat) ne prêta pas d’attention à cette problématique. • Durkheim, s’il ne se fait pas le théoricien de la mobilité sociale, a une bonne raison pour cela : héritier d’une tradition de l’ordre, fut-il républicain, le changement lui fait peur. Les commentaires de Bernard Dantier (2003) à propos de la conception du suicide anomique selon Durkheim pourraient tout aussi bien s’appliquer à la mobilité : « la société ne peut s’organiser…. sans imposer une sélection pour ses fonctions, limites imposées qui, étant objet de déférence et de soumission de la part de l’individu, permettent à chaque individu d’harmoniser ses attentes à la mesure de sa condition sociale, de se satisfaire de cette condition en bornant ses besoins aux ressources de celle-ci et en considérant cette condition comme juste pour lui-même ». jeanferrette@free.fr

  28. Il cite alors Durkheim tel qu’il décrit les situations d’anomie, dans un passage du Suicide tout particulièrement approprié à notre sujet: « On ne sait plus ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, ce qui est juste et ce qui est injuste, quelles sont les revendications et les espérances légitimes, quelles sont celles qui passent la mesure. Par suite, il n’est rien à quoi on ne prétende. [Souligné par moi-JF]. Pour peu que cet ébranlement soit profond, il atteint même les principes qui président à la répartition des citoyens entre les différents emplois. (…) Ainsi les appétits n’étant plus contenus par une opinion désorientée ne savent plus où sont les bornes devant lesquelles ils doivent s’arrêter ». (Durkheim 1897 Livre 2, Chapitre V, section II§ 15). jeanferrette@free.fr

  29. Sans être niée, la possibilité de promotion pour les uns, les risques de déclassement pour les autres, ne constituaient pour la société française et sa sociologie une réalité sociale ni significative, ni souhaitable. Elle risquait en effet , si elle se réalisait, d’engendrer davantage de maux que de biens pour la société et ses individus. Ce que résument ainsi Alain Desrosières et Laurent Thévenot : • « On craignait aussi parfois les effets néfastes de scolarités ou d’ascensions sociales qui, en éloignant du milieu d’enfance, risquaient de produire des individus aigris, parce que coupés à la fois de leurs origines et de leur nouveau milieu. »(Desrosières,Thévenot 1992) jeanferrette@free.fr

  30. L’écart entre les attentes suscitées par l’école et le niveau de diplôme obtenu, et l’incapacité de la société à satisfaire ces attentes par défaut de places disponibles étaient présentés comme l’explication de l’engagement révolutionnaire. • Cette position pouvait-elle être tenue après la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’en pleines « Trente Glorieuses » il apparaissait évident que, la France s’enrichissant, les conditions de vie allaient être meilleures et davantage de places plus élevées offertes aux enfants des classes populaires ? jeanferrette@free.fr

  31. La mobilité sociale témoin du caractère démocratique d’une nation : L’exemple des Etats-Unis. jeanferrette@free.fr

  32. Une représentation mythifiée… • La représentation des Etats-Unis comme lieu d’un régime de « classes mobiles » est une « doxa » (système de croyances sociales non discuté et hors du champ de la discussion) aussi enracinée que la représentation d’une France de classes immobiles. Elle fut défendue par Tocqueville dès 1835 dans un texte célèbre de  La démocratie en Amérique . jeanferrette@free.fr

  33. « Ce n’est pas qu’aux Etats-Unis il n’y ait pas de riches ; je ne connais même pas de pays où l’amour de l’argent tienne une plus large place dans le cœur de l’homme, et où l’on professe un mépris plus profond pour la théorie de l’égalité permanente des biens. Mais la fortune y circule avec une incroyable rapidité, et l’expérience apprend qu’il est rare de voir deux générations en recueillir les faveurs. […] En Amérique, il y a peu de riches ; presque tous les Américains ont donc besoin d’exercer une profession. Or, toute profession exige un apprentissage. Les Américains ne peuvent donc donner à la culture générale de l’intelligence que les premières années de la vie ; à quinze ans, ils entrent dans une carrière ; ainsi leur éducation finit le plus souvent à l’époque où la nôtre commence. […] En Amérique, la plupart des riches ont commencé à être pauvres. » jeanferrette@free.fr

  34. A sa suite, Marx ne fit que mentionner en passant dans un de ses ouvrages politico-historiques les « échanges entre classes » (Le 18 Brumaire, 1852, éditions sociales page 21) en précisant que ceux-ci n’avaient lieu qu’aux Etats-Unis (« …aux Etats-Unis d'Amérique du Nord, où les classes déjà constituées, mais non encore fixées, modifient et remplacent constamment, au contraire, leurs éléments constitutifs…). jeanferrette@free.fr

  35. 50 ans plus tard, cette antienne est reprise par un chercheur français : • « Il serait extrêmement intéressant de comparer ces résultats d’un vieux pays comme la Grande-Bretagne avec ceux d’un pays neuf comme l’Amérique. A priori, on s’attendrait à trouver une plus grande liberté par rapport aux influences de l’environnement, un plus grand choix chez le fils, et ainsi une mesure plus proche d’une pure hérédité des goûts » (Perrin, 1904, p.469.cité in Merllié 95). jeanferrette@free.fr

  36. …Contredite par les faits. • Il s’agit bien davantage d’une doxa, que d’un fait avéré. S’il est vraisemblable que toute situation d’émigration « rebat les cartes » dans une certaine mesure des positions sociales, il serait logiquement exagéré d’en inférer une rupture totale de liens entre la vie ici et la vie là-bas, et que tous les capitaux nécessaires à la transmission du statut - capitaux économiques, mais aussi symboliques, sociaux et culturels - aient été soit laissés au pays, soit entièrement découverts et acquis dans la terre d’accueil. C’est d’ailleurs le point de vue d’un auteur américain contemporain, Howard Zinn (2002) pour qui les Etats-Unis, loin d’être une terre sans classes ni luttes de classes, a été d’emblée le lieu d’une lutte entre classes déjà constituées. (Ce que concède dans une certaine mesure Tocqueville lorsqu’il écrit : « Les émigrants qui vinrent s'établir sur les rivages de la Nouvelle-Angleterre appartenaient tous aux classes aisées de la mère patrie. » ) (De la démocratie en Amérique Tome I, 1835) jeanferrette@free.fr

  37. 3.1.2 Mobilité sociale et intérêts sociaux • John GOLDTHORPE Sociologie et sociétés, VIII.2 jeanferrette@free.fr

  38. Problème : • « D’abord… ceux qui étudient la mobilité se perdent dans des problèmes techniques , et spécialement statistiques … Deuxièmement … on a accusé la recherche en mobilité d’être biaisée idéologiquement … elle contribue à dévaloriser certains problèmes plus fondamentaux, en particulier ceux de la division en classes et des conflits de classes. » P.8 • « La tendance à définir les problèmes que l’on veut étudier en fonction des possibilités de ces techniques est une façon efficace de fermer d’autres avenues de recherche. » jeanferrette@free.fr

  39. Thèse : • « … il n’y a pas forcément un lien nécessaire entre un intérêt pour la recherche sur la mobilité et une affiliation idéologique spécifique » p.8 jeanferrette@free.fr

  40. Démonstration  • :« … nous tentons de passer en revue … les différents intérêts aux quels s’est rattachée l’étude de la mobilité sociale au cours des cent dernières années. … l’analyse de la mobilité n’est en aucune manière compatible avec un seul type d’option idéologique. » p.9 jeanferrette@free.fr

  41. L’origine des recherches : • C’est le mouvement socialiste révisionniste qui est à l’origine des recherches sur la mobilité sociale, et non pas le libéralisme pour lequel la distribution des individus dans les places allait de soi • « C’est surtout le mouvement socialiste révisionniste et le courant radical à l’intérieur du libéralisme qui a été à l’origine de la recherche sur la mobilité. » F. Van Heek, « Some introductory Remarks on Social Mobility and Class structure, 1956, p.131 jeanferrette@free.fr

  42. Libéralisme et foi • « L’aveuglement du libéralisme face au problème de la mobilité provient de la croyance en l’existence au sein de la démocratie libérale de multiples occasions permettant à chaque individu d’occuper, dans la société, une position en accord avec ses capacités. Cette croyance … trouve son fondement dans le darwinisme social. … la répartition des positions dotées de niveaux variables de privilège et de pouvoir pouvait être légitimée comme reflet de « la loi du plus fort ». p.10 • C’est sur les qualités personnelles telles que la détermination, la persévérance, l’assiduité et l’intégrité – en d’autres mots, sur le caractère moral de l’individu – que l’accent est placé. … le but de Smiles était de « faire accepter aux hommes la place à laquelle il avait plû à Dieu de les appeler – en insistant sur leur devoir de découvrir pour eux-mêmes quelle était cette place . » p. 10 jeanferrette@free.fr

  43. Le marxisme • La Verelendungstheorie: Précipitation dans les rangs du prolétariat • Pas de mobilité ascendante de la classe ouvrière, seul un avancement collectif obtenu par les luttes du mouvement ouvrier. jeanferrette@free.fr

  44. Le Manifeste : • « Petits industriels, marchands et rentiers, artisans et paysans, tout échelon inférieur des classes moyennes de jadis tombent dans le prolétariat : d’une part, parce que leurs faibles capitaux ne leur permettent pas d’employer les procédés de la grande industrie et qu’ils succombent dans leur concurrence avec les grands capitalistes ; d’autre part, parce que leur habileté technique est dépréciée par les méthodes nouvelles de production. De sorte que le prolétariat se recrute dans toutes les classes de la population. » jeanferrette@free.fr

  45. Marx : il existe aux EU une mobilité sociale qui est un frein à la formation de classe. Au lieu d’une prolétarisation, il y a « transformation permanente des travailleurs salariés en paysans indépendants. La position du travailleur salarié est, pour une très grande partie du peuple américain, un état provisoire qu’il est sûr d’abandonner dans un délai plus ou ,moins bref. » Salaires, prix et profits jeanferrette@free.fr

  46. La mobilité peut servir … de processus stabilisateur … sous la forme d’un « recrutement par le bas ». … il remarque qu’avec l’accessibilité croissante au crédit, « un homme sans fortune, mais ayant de l’énergie, de la fermeté, de l’habileté et de la perspicacité dans les affaires peut devenir un capitaliste. … Malgré que cette situation apporte continuellement un nombre de nouveaux soldats de fortune non souhaités dans l’arène et dans la compétition avec les capitalistes individuels qui existent déjà, elle renforce aussi la suprématie du capital lui-même, étend sa base et lui permet de recruter plus que jamais de nouvelles forces à la base de la société. … Plus une classe dominante est capable d’assimiler les esprits les plus avancés, plus sa domination est stable et dangereuse» • Le Capital, volume 3, p.587 de l’édition en anglais jeanferrette@free.fr

  47. Les dritte Personen (Tierce parties) peuvent être soit précipitées vers le bas, soit promues à des fonctions de contrôle : « l’exploitation des travailleurs coûte du travail » (Théorie de la plus-Value) A propos des intellectuels payés par l’Etat que la bourgeoisie jugeait autrefois « improductifs » « Quand les travaux de l’esprit sont eux-mêmes produits de plus en plus à son service et entrent au service de la production capitaliste –alors les choses prennent un nouveau tour et la bourgeoisie essaie de justifier « économiquement », de son propre point de vue, ce qu’à l’époque antérieure elle avait critiqué et combattu. » (Théorie de la plus-Value) • « De ce fait, la bourgeoisie se voit entourée par une « clientèle » qui se fait de plus en plus nombreuse, semblable à celle qui entourait les seigneurs féodaux, et lui assure ses besoins de jouissances prestigieuses et ostentatoires. » p.14 jeanferrette@free.fr

  48. Conclusion selon Marx : • « Ce [que Ricardo] oublie de souligner c’est le nombre constamment croissant des classes moyennes, de ceux qui se situent entre le travailleur d’une part et le capitaliste et le propriétaire foncier d’autre part. Les classes moyennes subsistent de plus en plus directement à même la rente ; elles sont un fardeau qui pèse lourdement sur la base travailleuse et elles augmentent la stabilité sociale et le pouvoir des 10000 puissants. » Théorie de la plus-Value jeanferrette@free.fr

  49. Bernstein 1898 : « À partir de données statistiques, Bernstein attaquait à la fois la théorie de la paupérisation de la classe ouvrière et celle de l’élimination progressive des « dritte personen » dans la structure de classe. » p. 16 • « Bernstein insistait sur le fait que la société loin d’être simplifiée dans ses divisions, comparativement à des périodes antérieures, s’était différenciée et étagée tant en ce qui concerne les revenus que les types de production. » p. 17 jeanferrette@free.fr

  50. Sombart, 1906, Pourquoi n’existe-t-il pas de socialisme aux Etats-Unis ? • « toutes les utopies socialistes se sont heurtées au roast beef et à la tarte aux pommes. » jeanferrette@free.fr

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