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Corinne Roux- lafay Professeur de philosophie IUFM de LYON

Gestion des classes difficiles. Corinne Roux- lafay Professeur de philosophie IUFM de LYON. LA DISCIPLINE.

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  1. Gestion des classes difficiles. Corinne Roux-lafayProfesseur de philosophieIUFM de LYON

  2. LA DISCIPLINE • Un terme historiquement connoté : du latin disciplina signifiant punition, ravage. L’expression ancienne « se donner la discipline » fait référence aux pratiques de flagellation et mortification dont le fouet est l’emblème. • La discipline est alors l’action de faire ployer la volonté par des pratiques visant à humilier le sujet, à étouffer sa sensibilité, et dont on a encore trace au 20ème siècle. Conception théocratique de l’autorité des éducateurs à qui l’enfant doit une obéissance inconditionnelle. Pour une analyse de cette « pédagogie noire », voir Alice Miller, C’est pour ton bien. Racines de la violence dans l’éducation de l’enfant.

  3. Pour une réhabilitation de la discipline : • Le renoncement à toute discipline dans une classe ne peut avoir que des effets profondément anxiogènes (nécessité d’un cadre, de repères, de règles formalisées). Le paradoxe de la discipline, souligné par Kant, est qu’elle cultive la liberté (au sens de l’autonomie) par la contrainte (du corps, de l’esprit), à des fins d’humanisation.. • « La discipline soumet l’homme aux lois de l’humanité et commence à lui faire sentir la contrainte des lois » , Kant, Traité de Pédagogie

  4. Quel lien entre la discipline et la mise au travail des élèves ? • Mise en place de la discipline par les pères jésuites dans les collèges, dès la 2de moitié du 16ème siècle et, par les frères lassaliens dans les petites écoles. • L’espace-classe se transforme alors en espace géométrique, ce dispositif disciplinaire s’inscrivant d’emblée dans un processus d’apprentissage. • Organiser le travail, c’est organiser la discipline. L’indiscipline n’est que l’effet d’un défaut d’organisation.

  5. « Le régime général de discipline est l’ensemble des règles (régulation juridique), des rituels (régulation sociale) et des dispositifs (régulation pédagogique) qui organisent à la fois la cohabitation des élèves et la planification des tâches scolaires » . • E. Prairat, Sanction et Socialisation • « C’est donc dans l’approfondissement de la discipline à enseigner qu’on trouve les fondements de la discipline à faire respecter  ». • P. Meirieu, Lettre à un jeune professeur.

  6. Quelle discipline instaurer dans la classe ? • Structuration du temps : adapter les activités aux plages horaires et leur durée, à la concentration des élèves; anticiper... • Structuration de l’espace : aménager l’espace en fonction des situations pédagogiques, des interactions entre élèves. • Structuration des relations dans la classe : prévoir une configuration de travail dans laquelle chaque élève soit à même de s’impliquer (enjeu de la différenciation). • Structuration du travail : la discipline découle du travail, non l’inverse.

  7. Donner sens aux apprentissages :expliciter ce qui est en jeu dans les activités, favoriser le retour réflexif des élèves… • Rendre les élèves acteurs de leurs apprentissages :éviter le double écueil du « magistrocentrisme » et du « puérocentrisme ». Responsabiliser les élèves en vue de leur autonomie mais veiller au fait que l’autorité du professeur ne saurait se déléguer. • Instaurer un espace de confiance : faire droit à la parole de chaque élève (et à son droit à l’erreur) et considérer avec Kant que penser par soi-même, c’est d’abord penser avec d’autres. Instaurer en ce sens un climat relationnel respectueux. Besoin de reconnaissance et d’estime de soi.

  8. Favoriser la communication : • Voix (pose, débit, volume, ponctuations et modulations) • Regard • Gestuelle( privilégier le non verbal), déplacements • Posture du corps et symbolique du vêtement. • Donner à la parole du maître un véritable statut d’autorité. Nécessité d’une certaine économie dans les explications, les consignes et les rappels à l’ordre. • Favoriser les interactions langagières tout en régulant les interventions et temps de parole des élèves. • Privilégier les « messages je » et l’écoute active des élèves .

  9. Construire des règles signifiantes. • La discipline est formalisées par des règles lesquelles doivent faire l’objet d’une appropriation fine mais aussi signifiante pour répondre au besoin de sécurité. • Articuler le pôle des obligations à celui des droits, en réf. à des valeurs. Un interdit est toujours une autorisation. • Différence entre la règle (négociable) et la loi (fondatrice). • Règles et lois ne prennent sens qu’au regard des valeurs qui les fondent et légitiment. D’où la nécessité de la sanction. Sanctionner, c’est donner autorité à une loi transgressée, la rendre sacrée (sancire rendre sacré).

  10. La sanction éducative. • Une définition : selon Prairat, la sanction est « la réaction prévisible d’une personne juridiquement responsable, ou d’une instance légitime, à un comportement qui porte atteinte aux normes, aux valeurs ou aux personnes d’un groupe constitué », La sanction en éducation, 2003. • La sanction, à la double valence positive et négative, est la suite et la rétribution logique d’un acte. • Le terme de sanction est préféré à celui de punition, terme moins polysémique mais trop connoté historiquement car identifié à une conception doloriste et expiatrice de la faute .

  11. Finalités et fonctions de la sanction. Selon E. Prairat, une sanction n’est éducative (rendre possible l’avènement du sujet), qu’à la condition de répondre à une triple fin : • Une fin politique et sociale : le « vivre-avec » s’articule toujours à l’instance impersonnelle de la loi qui nous relie par sa fonction régulatrice et sa visée de socialisation. • Une fin psychologique : la loi est là pour signifier une limite, réorienter un comportement à la dérive, en mettant fin à la régression pulsionnelle de la toute puissance du désir. La sanction, de par la frustration qu’elle génère, a alors une fonction libératrice. • Une fin éthique : la loi a unefonction de responsabilisation au double sens de répondre de et répondre à.

  12. Quelles sanctions mettre en place ? • Un principe de justice : nécessité d’appliquer les règles de la gradation et de la proportionnalité, en fonction de la gravité du manquement à la règle. • Un principe d’objectivation :sanctionner seulement des actes et non des personnes; rapport impersonnel à la loi qui doit se traduire par une règle de sérénité (mais non pas d’indifférence). • Un principe de signification : Nécessité d’individualiser la sanction et d’expliciter le sens de la sanction . Interdits = « inter-dits » . • Un principe de privation d’un droit ou d’un avantage :ne jamais sacrifier certaines activités pédagogiques. Jouer sur le symbolique.

  13. Différences entre règles et rituels : • Imposer/Adhérer. • Individu/Groupe. • Dire/Faire. • Extratemporel/Temporel. • Intérieur/Extérieur. • Personnel/Impersonnel; Référence : N. Noël et J.C. Vilatte, « Rituel et Loi dans la classe », in Cadre, Règles et Rituels dans l’institution scolaire.

  14. Fonction du rituel : • Fonction régulatrice : les rituels sont des normes sociales (et non juridiques) immanentes à l’ordre des pratiques, et ordonnant le groupe-classe à travers l’incorporation de modèles de comportement et de valeurs. • Fonction symbolique : seule la construction d’un horizon de sens partagé permet de différencier la répétition routinière d’un cérémonial à seule visée disciplinaire, d’un véritable rituel à visée socialisante. Besoin de cohésion. • Fonction de structuration : conjuration de l’angoisse par la répétition du même et la mise à distance des émotions.

  15. La mise en place de rituels signifiants : • renforcer la structuration du temps et de l’espace • renforcer l’identité de chaque élève par l’appartenance à un groupe • aménager une transition entre espaces privé et public, par le marquage d’une césure signifiante • favoriser le passage du statut d’enfant au statut d’élève • opérer une médiation symbolique de mise à distance : « les rituels ont pour fonction anthropologique de réguler et de mettre les passions à distance », Meirieu, Faire l’Ecole, faire la classe.

  16. Quels rituels ? • Le rituel de l’appel : reconnaissance symbolique de l’élève comme sujet qui a sa place dans le groupe classe et devient présent aux autres. • Le rituel de l’accueil en classe : fonction d’accueil qui symbolise le passage du privé au public. • Le rituel d’entrée dans les activités : silence et immobilité du corps appellent au travail. • Le rituel d’ouverture et de clôture des activités. • Le rituel de remise des copies : pacifier une situation potentiellement anxiogène.

  17. La gestion des micro-perturbations. • Pour Perrenoud, la gestion des perturbations scolaires consiste à « identifier et résoudre des problèmes en situation d’incertitude, de stress et de forte implication professionnelle », La formation des enseignants entre théorie et pratique. • Bavardages individualisés : privilégier les stratégies silencieuses. A défaut, rappel à l’ordre verbal assorti de sanctions prévisibles (à différer) en cas de réitération. • Agitation collective : même procédure mais prévoir activité régulatrice avec contrôle ultérieur éventuel. Priver les élèves d’interactions pendant un certain temps. Favoriser l’auto-analyse des comportements.

  18. La gestion des violences symboliques. • Une question : incivilités ou conflits de civilités ? • Violences symboliques du côté de l’enseignant, certes, comme du côté de l’élève ? Réf. : Blin, Classes difficiles. • Une règle d’or : désamorcer la spirale de la violence. Ne pas s’enfermer dans des relations duelles. Marquer calmement son étonnement. Signifier à l’élève en quoi son comportement perturbateur est inacceptable et appelle des excuses. Rappeler calmement les règles . Différer si possible la sanction. Garder trace de l’incident.

  19. Dérégulations scolaires et moyens d’action • Agir sur le groupe classe : anticiper (contenus et modalités d’apprentissage, imprévus); structurer (temps, espace, activités); développer coopération et responsabilité. • Agir sur la relation éducative : identifier les causes des comportements inadaptés et les besoins des élèves « difficiles »; leur proposer une prise en charge individualisée (contrat); mettre en œuvre le postulat d’éducabilité par le regard positif porté sur l’élève. • Agir sur soi : porter sur soi un regard à la fois critique (savoir se remettre en question) et bienveillant. Apprendre à se connaître et à développer ses compétences relationnelles . Prévenir colère et débordement émotionnel.

  20. Gestion des imprévus et identité professionnelle. • Thèse de Nicole Bénaïoun-Ramirez : la professionnalité enseignante se construit aussi dans le  Faire avec les imprévus de la classe. • La gestion de l’imprévu est en lien avec : • l’identité professionnelle et psychosociale ; • l’implication professionnelle et psychosociale ; • l’ancienneté ; • le contexte professionnel.

  21. L’identité professionnelle et psychosociale. • L’identité professionnelle, collective, s’ancre dans des représentations et pratiques évolutives (confrontation entre le Soi et l’idéal professionnels visant à réduire leur écart), ce pour quoi elle est une construction jamais achevée. • L’identité psychosociale (image de soi : identité personnelle inscrite dans la relation à autrui et l’interaction sociale) est activée dans la confrontation aux imprévus.

  22. L’implication professionnelle et psychosociale. • L’implication professionnelle s’articule autour du sens de la profession (motivation initiale et actuelle) et des valeurs (idéal professionnel). • L’implication psychosociale est en rapport avec l’implication professionnelle. Lien fort entre l’implication et la capacité d’adaptation aux imprévus, à travers le renforcement de l’identité professionnelle et psychosociale.

  23. L’ancienneté et le contexte. • Rapport entre l’adaptation aux imprévus et l’ancienneté professionnelle : poids de la formation initiale et de l’évolution du métier. • Distance ou implication affectives, sens accordé aux imprévus (attribution interne ou externe) et centration sur l’enfant ou l’élève variables selon l’ancienneté mais aussi selon des effets de contexte.

  24. A titre de conclusion, une citation à méditer : «  Le bois dont l’homme est fait est si courbe qu’on ne peut rien y tailler de tout à fait droit » Kant, Sixième proposition de L’idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique ».

  25. Bibliographie succincte : • M.T. Auger, C. Boucharlat, Elèves « difficiles », profs en difficulté, Ed. Chronique Sociale, 2006. • J.F. Blin , Classes difficiles. Des outils pour prévenir et gérer les perturbations scolaires, Delagrave, 2004. • Coordonné par B. Galand, Les sanctions à l’école et ailleurs. Serrer la vis ou changer d’outils ? Editions Couleur livres, 2009 • T. Gordon, Enseignants efficaces. Enseigner et être soi-même. Editions de l’homme, 2005. • F. Léonard, Autorité et conduite de classe, Nathan, 2007. • V. Guérin, A quoi sert l’autorité ? S’affirmer-respecter-coopérer, Ed. Chronique Sociale, 2001.

  26. Bibliographie (suite et fin) • E. Maheu, Sanctionner sans punir. Dire les règles pour vivre-ensemble. Ed. Chronique Sociale, 2005. • E. Prairat, Questions de discipline à l’école et ailleurs… Erès, 2002 • E. Prairat, La sanction en éducation, P.U.F. coll. Que sais-je ? 2003 • B. Rey, Faire la classe à l’école élémentaire, ESF 2005. • B. Rey, Discipline en classe et autorité de l’enseignant. Eléments de théorie et d’action, De Boeck, 2004. • J.C. Richoz, Gestion de classes et d’élèves difficiles, Favre, 2009 • J. Salomé, Minuscules aperçus sur la difficulté d’enseigner, Ed. Albin Michel, 2004.

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