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Superfluidité et condensation de Bose - Einstein : de l’hélium liquide aux vapeurs alcalines. S. Balibar Laboratoire de Physique Statistique de l ’ENS (Paris, France). Institut Henri Poincaré, 29 mars 2003.
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Superfluidité etcondensation de Bose - Einstein :de l’hélium liquide aux vapeurs alcalines S. Balibar Laboratoire de Physique Statistique de l ’ENS (Paris, France) Institut Henri Poincaré, 29 mars 2003
dec. 1937 - jan. 1938: J.F. Allen, A.D. Misener et P. Kapitza découvrent la superfluidité de l’hélium liquide 5 mars 1938, Institut Henri Poincaré :Fritz London: la condensation de Bose-Einstein explique-t-elle la superfluidité?
Une réponse des gaz d’alcalins dilués:superfluidité et condensation de Bose Einstein 1995-2003 (E. Cornell, C. Wieman, W. Ketterle …) : découverte de la condensation de Bose-Einstein dans les vapeurs alcalines puis d’autres gaz (Rb, Na, Li …). Etude de leur superfluidité. La condensation de Bose-Einstein dans les gaz de Bose dilués est établie On comprend comment leur superfluidité découle des interactions (faibles) (voir les autres exposés de cette journée) La physique de l’hélium liquide après la découverte de superfluides gazeux: flashback + quelques questions actuelles
Quelques propriétés de l’hélium superfluide • But de l’exposé: • Fournir quelques éléments d’information pour une comparaison éventuelle avec les superfluides gazeux. • Insister sur quelques difficultés qui subsistent Plan de l’exposé: - histoire de la découverte, images, questions au départ - ébullition - évaporation - cavitation - vitesses critiques, rotons, tourbillons - condensat et température critique
deux états liquides différents Keesom (Leiden, 1928-32): la chaleur spécifique présente une singularité en forme de « l » à Tl = 2.17 K (le « point lambda ») L’helium est pur et simple et présente pourtant deux états liquides différents: l’helium I à T > Tl et l’helium II à T < Tl
pas de points chauds sur les surfaces pour la nucléation de bulles l’hélium II ne bout pas est ce une conséquence d’une faible viscosité qui favoriserait la convection ? mesurer la viscosité L’hélium superfluide ne bout pas(J.C. McLennan, Toronto 1932) la conductivité thermique de l’hélium II est grande (Keesom 1936, Allen 1937) en dessous de Tl = 2.17 K (NB. vers 2K)
parenthèse: l’évaporation quantique P.W. Anderson 1966: un phénomène analogue de l’effet photoélectrique un photon hv éjecte un électron d’énergie cinétique hv - E0 de même, un « roton » d’énergie minimale D = 8.65 K devrait pouvoir évaporer un atome d’énergie D - 7.15 K (l’énergie de liaison) S. Balibar et al. (thèse de doctorat, ENS-Paris 1976) : à suffisamment basse température, les « rotons » évaporent les atomes avec une énergie cinétique D - 7.15 = 1.5 K , donc une vitesse minimale de 79 m/s
Une hydrodynamique non-classique écoulement classique dans un capillaire de rayon R, longueur l, viscosité h, pression DP débit Q (loi de Poiseuille) : Q = p R4DP / (8 h l) J.F. Allen et A.D. Misener (Cambridge, jan. 1938) : en dessous Tl , le débit Q est pratiquement indépendant de la pression DP et du rayon R ( de 10 à 500 microns) « the observed type of flow cannot be treated as laminar nor turbulent » l’hydrodynamique de l’helium II est non-classique
P. Kapitza invente le mot « superfluide », par analogie avec « supraconducteur » P. Kapitza (Moscow, dec. 1937) : en dessous de Tl , la viscosité de l’hélium est très faible... « it is perhaps sufficient to suggest, by analogy with superconductors, that the helium below the l-point enters a special state which might be called a ‘superfluid’»
h2 2ma2 effets quantiques importants dans ce liquide qui ne cristallise pas à basse pression : l’énergie cinétique de point zéro est grande par rapport à l’énergie potentielle d’interaction entre atomes (a: distance interatomique) BEC dans un gaz de Bose ideal (i.e. sans interactions): TBEC = n2/3= 3.1 K pour n = 2.18 1022 atomes/cm3 proche de Tl = 2.2 K 2 p h2 1.897 m kB Fritz London 1938 singularités semblables pour la chaleur spécifique
Pression (bar) solide 25 liquide normal superfluide gaz 0 1 2 Température (K) le diagramme de phases de l’hélium la ligne lambda a une pente négative l’hélium liquide cristallise au delà de 25 bar
Laszlo Tisza 1938 : le « modèle à deux fluides » deux fluides: le condensat et les atomes non-condensés le condensat est à T=0 , ne transporte pas d’entropie et ne peut participer à la dissipation (viscosité nulle) les atomes non-condensés constituent un « fluide normal » qui transporte de l’entropie et peut échanger de l’énergie (viscosité non-nulle) il existe deux champs de vitesse indépendants: vs et vn la température détermine le rapport entre les les densités des deux fluides la dissipation dépend de la géométrie de l’expérience si le superfluide seul s’écoule (à travers un poreux), T diminue un gradient de T produit un effet thermomécanique inverse, un écoulement du superfluide vers la région chaude (effet fontaine)
ENS, Paris 14 juin 2001 Laszlo Tisza Sébastien Balibar EricVaroquaux Jean Dalibard Bertrand Duplantier
Lev D. LandauMoscou 1941 - 47 En 1941, Landau reprend le modèle à deux fluides de Tisza sur des bases plus rigoureuses, mais sans aucune référence à la condensation de Bose-Einstein: le fluide normal est constitué des « excitations élémentaires » du fluide dont le spectre (modifié en 1941) présente deux branches (phonons et rotons) calcul de la thermodynamique de l’hélium superfluide prédiction d’une vitesse critique au delà de laquelle la superfluidité est détruite ondes de chaleur (« deuxième son ») : vs et vn en opposition de phase
La vitesse critique de Landau échange d’énergie et de moment avec un superfluide en mouvement. une hypothèse implicite: pas d’excitations individuelles les modes collectifs ont une vitesse minimale dans un liquide quantique vitesse critique vc Conservation de E et p impossible si v < vc = E/p phonons: vc = c = 240 m/s rotons: vc = 60 m/s à pression de vapeur saturante autres mécanismes possibles à plus basse vitesse ?
pourquoi Landau ne croyait-il pas à la condensation de Bose - Einstein dans l’hélium liquide ? pas de continuité entre les propriétés d’un gaz de bosons et celles d’un liquide de bosons ? Lev Pitaevskii ( communication privée, Trento 15 mars 2003): Landau et Kapitza croyaient à l’analogie entre superfluidité et supraconductivité Or, les électrons sont des fermions ! (c’était 10 ans avant la théorie BCS) d’où l’importance historique de l’étude de l’hélium 3 liquide, qui n’est pas superfluide à des températures comparables et la satisfaction de London et Tisza devant ce résultat expérimental négatif , au début des années 50. l’hélium 3 liquide est superfluide vers 0.002 K, lorsque des paires se forment (comme dans les supraconducteurs)
champ électrique écoulements microscopiques : P. McClintock et al. (Lancaster 1974-86) : un électron dans l’hélium liquide. On observe la vitesse de Landau : vc de 51 m/s (à 13 bar) à 46 m/s (à 24 bar) émission de rotons par paires (R.M.Bowley et F. Sheard). cf déplacement d’un atome étranger dans un condensat gazeux. e- 2 nm écoulements macroscopiques non contrôlés : capillaires ou milieux poreux instabilités de tourbillons piégés vc ~ 0.1 à 10 cm/s la vitesse critique dépend de la taille du système • 3 types de situations expérimentales : • écoulements microscopiques • - écoulements macroscopiques non contrôlés • - écoulements macroscopiques contrôlés
la vitesse dans l’orifice varie par sauts quantifiés : nucléation de tourbillons quantiques individuels près des parois O. Avenel E. Varoquaux et al. Orsay-Saclay 1994 - 2003 écoulement à travers un orifice submicronique vitesse temps écoulements macroscopiques contrôlés
Si Y = Y0 exp (iF) est la fonction d’onde de l’état fondamental, • la vitesse du superfluide est • vs = grad (F) • donc la circulation est • = v dl = n (n = 1 presque toujours) h m vs h m R.P. Feynman , 1955 quantification des tourbillons...
A B ... et glissements de phase la vitesse superfluideà travers le trou estvs ~ (FA - FB ). cette différence de phase saute de 2p lorsqu’un tourbillon quantifié traverse l’écoulement. la vitesse change par sauts quantifiés Avenel et Varoquaux ont étudié la statistique de la nucléation des tourbillons énergie d’activation E ~ 2 à 5 K pour des vitesses ~ 20 m/s
superfluides en rotation:réseaux de tourbillons et le rubidium gazeux en 2000 : KW Madison, F. Chevy, W. Wohlleben et J. Dalibard l’hélium liquide en 1979 : E.J. Yarmchuk, M.J.V. Gordon et R.E. Packard
Une BEC généralisée dans l’hélium liquide ? F. London (1938) : le calcul d’Einstein s’applique au gaz idéal (i.e. sans interactions) N.N. Bogoliubov (1947) justifie l’hypothèse de Landau dans le cas d’un gaz de Bose en interaction répulsive faible: à faible vecteur d’onde, les excitations individuelles disparaissent au profit de modes collectifs de vitesse finie (la vitesse du son). L. Onsager et O. Penrose (1956) considèrent la matrice densité à une particule r1(r) = <Y + (0, r2, ...,rN)Y (r, r2, ...,rN)> C’est le recouvrement de la fonction d’onde de l’état fondamental du système lorsqu’on déplace une particule d’une distance r. La limite de r1(r) quand r tend vers l’infini vaut n0 , c’est la population de l’état fondamental (le condensat généralisé). Au dessus de Tc, la fraction condensée n0 / N est négligeable il y a condensation de Bose (généralisée) en dessous de Tc , où n0 / N est d’ordre 1. Onsager et Penrose trouvent n0 ~ 8 % pour l’hélium liquide à T = 0 et à basse pression (un calcul faux mais un résultat juste ? voir P. Nozières cet après midi )
n0 dans l’helium liquide P. Sokol (in Bose Einstein Condensation, ed. by A. Griffin, D.W. Snoke and S. Stringari, Cambridge University Press, 1995) différents calculs numériques (Path Integral Monte carlo, Green’s Fonction Monte Carlo...) prédisent 10 ± 2 % l’analyse des expériences de DIPS (deep inelastic neutron scattering) est très délicate. Il n’y a pas de preuve expérimentale irréfutable qu’un condensat existe dans l’hélium liquide, ni de démonstration qu’un fluide de bosons présente nécessairement une condensation de Bose-Einstein. Si on suppose que le condensat existe, et qu’on tient compte de la forme théorique de la fonction de distribution des états excités de moment non-nul, on trouve un n0 expérimental en accord avec les calculs théoriques
l’accord entre théorie et expériences n0 décroît violemment avec la densité : ~ 9% à 0.145 g/cm3 (0 bar) ~ 4 % à 0.177 c/cm3 (25 bar) la région « inaccessible » d’après P. Sokol est , en fait, accessible dans nos expériences acoustiques
la température critique de transition Tc présente un maximum ! T0: gaz idéal n: densité a : longueur de collision (gaz dilué) ou coeur dur (helium liquide) P. Gruter, F. Laloë et D. Ceperley (1997) intensité des interactions L’effet des interactions sur la température critique gaz dilué helium liquide cette courbe aurait surpris Landau !
Pression (bar) TBEC solide Tl 25 liquide normal superfluide P < 0 P > 0 ligne l gaz 0 Température (K) liquide metastable 1 2 - 9.5 limite spinodale l’helium liquide s’étend à pression négative S.M. Apenko Phys. Rev. B, 1999 une prédiction théorique: S.M. Apenko (1999) et G. Bauer, D. Ceperley et N. Godenfeld (2000): la ligne lambda présente un maximum (2.2 K) à pression négative (c’est-à-dire sous tension) et se rapproche de la température TBEC
G.Beaume, S. Nascimbene, A. Hobeika, F. Werner, F. Caupin et S. Balibar (2002 - 2003) ondes acoustiques de grande amplitude • au point focal: • P = Pstat + dP cos (2p .t) • f ~1 MHz • grandes dépressions puis compressions loin de toute paroi (ici : ± 35 bar d’amplitude) • pendant ~ T/10 ~ 100 ns • dans un volume ~ (l/10)3 ~ (15 mm)3
expériences de cavitation acoustique(S. Balibar, F. Caupin et al.) le seuil de nucléation des bulles présente un cusp à 2.2K (transition superfluide) en accord avec les prédictions théoriques
cristallisation acoustiquesur paroi de verreX. Chavanne, S. Balibar and F. CaupinPhys. Rev. Lett. 86, 5506 (2001) amplitude de l'onde acoustique au seuil de cristallisation: ± 4.3 bar
l’hélium en surpression forte: rotons mous ? verre de Bose ? Expériences de cristallisation acoustique: en l’absence de paroi, pas de cristallisation jusque vers +120 bar. L’hélium liquide est metastable jusqu’à 120 bar où la densité vaut environ 0.215 g/cm3; est il encore superfluide à une telle pression ? d’après Sokol, n0 semble tendre vers zéro aux environs de 0.19 g/cm3 (50 bar) un verre de Bose à 120 bar ? l’énergie des rotons tend vers 0 vers +200 bar (d’après la fonctionnelle de densité « Orsay - Trento - ENS » ) : rotons mous = instabilité du liquide par rapport à la formation du cristal ?
en guise de conclusion … La superfluidité des gaz de bosons dilués est mieux comprise que celle de l’hélium liquide, système en interaction forte La superfluidité de l’hélium liquide pose toujours quelques questions difficiles