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Théories, postulats, modèles et simulations en sciences sociales : un essai de mise en perspective. Franck Varenne Université de Rouen (MC épistémologie) / GEMASS (UMR 8598) franck.varenne@univ-rouen.fr. Constats et questions. Modèles : omniprésents en physique comme en science sociale
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Théories, postulats, modèles et simulations en sciences sociales : un essai de mise en perspective Franck Varenne Université de Rouen (MC épistémologie) / GEMASS (UMR 8598) franck.varenne@univ-rouen.fr
Constats et questions • Modèles : omniprésents en physique comme en science sociale • En physique : • associés traditionnellement à des théories selon une hiérarchie et des degrés d’universalité • théories à base économe (peu de suppositions) • En sciences sociales : • modèles identifiés parfois à des théories • théories avec un nombre important de postulats : TAR ou MUE ; Boudon (2003, 2009) : MRG puis TRO • Deux questions : • 1) Y a-t-il une différence de nature entre théories et modèles en physique et pas en science sociale ? ou seulement une question de degré dans les 2 cas ? • 2) Qu’apporte l’essor des modèles de simulation à ce débat ?
Plan de l’exposé • Définitions (ébauches) • I- Postulats fondamentaux d’une théorie • II- Modèles et théories en physique et en science sociale • III- Critiques des théories universelles et retour des processus causaux en science sociale • IV- Modèles et simulations à l’ère computationnelle • Conclusions
Définitions (ébauches) • Théorie : ensemble d’énoncés – éventuellement formalisés et axiomatisés – permettant des dérivations d’énoncés d’observation pour tout un type de phénomènes donné • Postulat : énoncé qui ne dérive pas d’autres énoncés et dont on demande d’admettre la validité pour la bonne marche d’un système déductif (≈ Axiome) • Loi : énoncé de forme universelle affirmant l’existence d’une connexion régulière sans exception, i.e. non ceteris paribus (Nadeau, 99) • Modèle : construit formel (équation ou système d’équations) simplifié et permettant la description dans des termes compréhensibles, observables ou mesurables d’un ensemble restreint de phénomènes • Simulation : calcul de modèle sur ordinateur
Fonctions des modèles (1/3) • Caractérisation du concept de MODELE plutôt qu’une définition: • « Pour un observateur B, un objet A* est un modèle d’un objet A dans la mesure où B peut utiliser A* pour répondre à des questions qui l’intéressent au sujet de A » (Minsky 1965) • Conséquences : • Pas nécessairement une représentation • Une double relativité • Le modèle est un « objet » • Sa fonction : la facilitation d’une médiation
Fonctions des modèles (2/3)Source : Varenne (2011) • 1- faciliter une observation, une expérience ou une expérimentation : • 1) Rendre sensible (écorché de cire, maquette du système solaire, maquette de dinosaure…) • 2) Rendre mémorisable (modèles pédagogiques, diagrammes…) • 3) Faciliter l’expérimentation en la concentrant sur un type d’objet ou organisme modèle (modèles vivants en biologie: drosophile, porc, E. coli…) facilement disponible (pour des raisons matérielles, financières, techniques, morales, déontologiques…) • 4) Faciliter la présentation de l’expérimentation (non la représentation de l’objet expérimenté) via un modèle statistique d’analyse de données • 2- faciliter une présentation intelligible via une représentation mentale ou une conceptualisation • 5) Faciliter la compression de données disparates pour l’utilisation ultérieure : modèles de données • 6) Faciliter la sélection et la classification des entités pertinentes dans un domaine : modèles conceptuels, modèles de connaissance, ontologies • 7) Faciliter la reproduction d’une évolution observable : modèle phénoménologique, modèle prédictif (d’où: positivisme, instrumentalisme de Friedman 1953) • 8) Faciliter l’explication d’un phénomène en donnant à voir ou à comprendre ses mécanismes d’interaction élémentaires : modèles explicatifs (ex.: modèles mécanistes en physiques, modèles individus-centrés en théorie sociale, modèles de mécanismes, individualisme méthodologique en sociologie, science sociale générative…) • 9) Faciliter la compréhension d’un phénomène en donnant à voir les principes généraux qui gouvernent une dynamique proche de celle qui est observée : modèles théoriques (ex.: modèles topologiques ou à systèmes dynamiques continus pour la morphogenèse, thermodynamique des SO, synergétique, fractales, relativité d’échelles…) • 3- faciliter une théorisation • 10) Faciliter l’élaboration d’une théorie non encore mature • 11) Interpréter une théorie, en montrer la représentabilité (Boltzmann) • 12) Illustrer une théorie donnée par une autre théorie (Maxwell) (recherche d’analogies pour le calcul) • 13) Tester la cohérence interne d’une théorie (en lien avec la théorie mathématique des modèles) • 14) Faciliter l’application de la théorie, i. e. son calcul et sa reconnexion avec le réel (ex.: modèles heuristiques ou asymptotiques des équations de Navier-Stokes) • 15) Faciliter l’hybridation de théories dans les systèmes hétérogènes (ex.: modèles de systèmes polyphases).
Fonctions des modèles (3/3) Source : Varenne (2011) • 4- faciliter la médiation entre discoursautour d’un phénomène (faciliter la formulation du questionnement non celle de la réponse): • 16) Faciliter la communication entre disciplines et chercheurs (partage de bases de données) • 17) Faciliter l’écoute, la délibération et la concertation (ex.: Modèle RAINS : qualité de l’air) • 18) Faciliter la co-construction des hypothèses de gestion de systèmes mixtes de type sociétés-nature (ex.: modélisation d’accompagnement ou modélisation interactive des systèmes agricoles) • 5 - nefaciliter ni la formulation du questionnement ni la formulation de la réponse, mais la décision seule, i.e. la seule détermination d’un type d’action pré-établi (vacciner ou non, acheter ou pas…): • 19) Faciliter la décision rapide dans un contexte effectivement complexe (modèles de gestion d’épidémie, de gestion de catastrophes) • 20) Faciliter la décision rapide dans un contexte où le modèle est auto-réalisateur et où il n’est pas jugé utile de faire l’hypothèse de la complexité (ex.: modèles financiers = habituellement auto-réalisateurs mais cycliquement auto-réfutants, d’où les krachs (MacKenzie 2004)(Aglietta 2008)). • BILAN : au moins 20 fonctions différentes pour les modèles
I- Postulats fondamentaux d’une théorie (1/2) • Postulat fondamental (supposition générale) d’une théorie T (Nagel, 1961) : • classe d’énoncés de T apparaissant comme prémisses dans toutes les déductions de T • pas eux-mêmes dérivables d’autres postulats (dans une certaine axiomatisation de T) • introduisant une certaine hiérarchie : degré d’universalité • Exemple: postulats dans la Théorie cinétique des gaz : • Postulats fondamentaux du mouvement (newtonien) • 1- Ppe d’inertie, 2- F = m. a, 3- Ppe d’action / réaction • champ d’application plus large que la T cinétique des gaz • Postulats spécifiques : • gaz = système de molécules parfaitement élastiques, • à dimensions négligeables… • Ajouts variables et optionnels
I- Postulats fondamentaux d’une théorie (2/2) • Statut épistémique des postulats fondamentaux ? (Nagel 1961, Nadeau 1999) • Exemple (rappel): 1- Ppe d’inertie, 2- F = m. a, 3- Ppe d’action / réaction • Généralisations empiriques ? • Enoncés analytiques ? • Définitions ?
II- Modèles et théories (1/2) • A- En physique • 3- faciliter une théorisation • 10) Faciliter l’élaboration d’une théorie non encore mature • 11) Interpréter une théorie, en montrer la représentabilité (Boltzmann) • 12) Illustrer une théorie donnée par une autre théorie (Maxwell) (recherche d’analogies pour le calcul) • 13) Tester la cohérence interne d’une théorie (en lien avec la théorie mathématique des modèles) • 14) Faciliter l’application de la théorie, i. e. son calcul et sa reconnexion avec le réel (ex.: modèles heuristiques ou asymptotiques des équations de Navier-Stokes) • 15) Faciliter l’hybridation de théories dans les systèmes hétérogènes (ex.: modèles de systèmes polyphases). Vision du positivisme logique (Nagel) sur les modèles de théories : une interprétation • Pour donner du sens, de la chair (« flesh ») et visualiser la théorie (n°11 et 12) (p. 90). Ex.: la théorie de Bohr, mais elle est incomplète car justement elle n’est que sous forme de modèle • Un modèle ne remplace pas non plus les « règles de correspondances » (ex. de RC : la notion théorique d’un saut d’électron est liée à la notion expérimentale d’une ligne spectrale, p. 95) servant à lier les concepts théoriques à des concepts expérimentaux : il n’a pas la même fonction. Nagel nie donc la fonction 14 (p. 95) Ce sont les LOIS (expérimentales) qui, en combinant les notions expérimentales • décrivent les régularités empiriques sans exception • et sont en même temps dérivables déductivement de la théorie (via les RC)
II- Modèles et théories (2/2) • B- En sciences sociales • Grands types de modèles en sciences sociales • Modèles d’analyse : analyse de données multivariées • Modèles phénoménologiques prédictifs (instrumentalisme) • Modèles de synthèse ou générateurs (explicatifs : fonction n°8) : • Modèle de mobilité scolaire (Boudon 1973) : 4 axiomes fondamentaux et 10 axiomes auxiliaires (« pour obtenir des conséquences spécifiques », ibid., p. 165) • Soit rapport (Théorie / Modèle) à l’intérieur du Modèle • Soit Modèle = Théorie avec axiomes fdtaux = postulat fdtaux • Flou : Modèle de l’Utilité Espérée ou Théorie de l’Acteur Rationnel. Cf. diapo suivante (Boudon 2003) : pas moins de 6 postulats fondamentaux • Donc Modèles explicatifs / Théories : Frontières floues (si par théorie on entend ce qu’on vu précédemment).
La Théorie de la Rationalité Ordinaire: plus générale que la TCR « La Théorie du Choix Rationnel (TCR) n’a pas grand-chose à nous dire sur les sentiments moraux ni généralement sur les phénomènes d’opinion […] La TCR accepte à juste titre le postulat individualiste [1- tout phénomène social résulte de comportements individuels], le postulat de la compréhension [2- l’individu donne du sens à son action] et le postulat de la rationalité [3- l’individu a des raisons d’agir ainsi]. Mais elle fait fausse route en prétendant accorder un statut général au postulat du conséquentialisme[4- le sens de son action pour un individu réside toujours dans ses conséquences connues ou imaginés par lui], au postulat de l’égoïsme [5- parmi ces conséquences seules l’intéressent celles qui le concernent personnellement] et au postulat du calcul coûts-avantages [6- au vu de ces conséquences probables, l’individu minimise toujours ses coûts personnels et maximise toujours ses avantages personnels], car ils ne sont pertinents que dans des cas particuliers. » R. Boudon, La rationalité, Paris, PUF, 2009, pp. 45-47. Voir aussi Raison – Bonnes raisons, Paris, PUF, 2003, pp. 19-28.
III- Critique des théories universelles et retour des processus causaux (1/4) • A- Epistémologie (1/2) :Tournant sémantique (années 1980) • les modèles deviennent centraux • car les philosophes se rendent compte qu’il faut toujours des modèles pour passer des théories aux lois expérimentales • Cartwright (LSE, 1983) : les « lois fondamentales » ( ≈ les théories) « mentent » car: • les lois expérimentales (= modèles) ne sont pas déductibles des lois fondamentales à une époque donnée (on y met une part de fiction) • Les hypothèses théoriques qui fondent ces lois sont même fausses le plus souvent • Exemple de la loi de réfraction de Snell-Descartes (Cartwright, 1983) : • on découvre (avec la théorie électromagnétique de la lumière) que pour la déduire il faut faire l’hypothèse de l’isotropie des milieux traversés par le rayon de lumière ; ce qui est rarement le cas. • La loi phénoménologique vraie devrait donc dire qu’il y a deux rayons réfractés. Mais on préfère toujours enseigner qu’il n’y en a qu’un.
III- Critique des théories universelles et retour des processus causaux (2/4) • A- Epistémologie (2/2) : Cartwright • Pas anti-réaliste, car les modèles peuvent être dits vrais (pas les théories) • Mais anti-universaliste (Cartwright, 1999 : Le monde tacheté) • Les théories sont seulement des guides de formulation (des structures formelles) pour les modèles • Par ailleurs : débat épistémologique sur l’existence de lois en sciences sociales, i.e. lois non ceteris paribus (1980-2000) • Earman, Roberts, Kincaid… • Contre le « légalisme » positiviste, retour à la causalité, aux causes, aux mécanismes : • Pas de lois non cp même en physique (Cartwright) : d’où homogénéité lois physiques / lois sociales • Chap. 4 : « La réalité de causes » : « Bien que les philosophes croient généralement en des lois et nient les causes, la pratique explicative en physique montre juste l’inverse » (1983, p. 86). Ex.: le nombre d’Avogadro chez Perrin.
III- Critique des théories universelles et retour des processus causaux (3/4) • B- En biologie : • « lois de l’évolution » = un ensemble de mécanismes: mécanisme de reproduction avec différence héritée, mécanisme de sélection • « lois de la morphogenèse »: un graphe de règles Varenne (2007) • Favorisé par le tournant computationnel : des lois aux règles • Exemple : les modèles de simulations de plantes réalistes d’un point de vue botanique et physiologique (approche par l’individu « bourgeon » doté de mécanismes)
Aulne - Source : Bionatics ( http://www.bionatics.com ) Rapidly growing tree mature at about 60 years with long trunk and narrow crown. Distinctive outline in winter. Height 20m or more.
Accacia Lahia - Source : Bionatics ( http://www.bionatics.com ) A perennial flat-topped species of tree found in Africa.
Abricotier japonais - Source : Bionatics ( http://www.bionatics.com ) Low spreading tree with pink flowers in spring.
Applications en agronomie prédictive Source: AMAP (CIRAD, INRIA, INRA, IRD, CNRS, Montpellier)
III- Critique des théories universelles et retour des processus causaux (4/4) • C- En sciences sociales : • Les mécanismes ou « liens causaux » :IM, Boudon (« mécanisme générateur », 1973), Elster (1983), Coleman (1990), Hedström & Swedberg (1998), Manzo (2007), Demeulenaere (2011) : • « Mécanisme générateur » : qui explique comment des événements en engendrent d’autres (Bouvier, 2011, p. 39) • « Mécanisme » : « structure causale apparaissant fréquemment, facilement reconnaissable, qui est déclenchée sous des conditions généralement inconnues ou avec des conséquences indéterminées » (Elster, 2011, p. 50) • Mettant en œuvre des dispositions, croyances, émotions, ressources des agents paramétrables par l’environnement (contre l’ « atomisme des agents non sociaux », Demeulenaere, p. 5) • Elster : sélection, aversion à la perte, réduction de la dissonance cognitive, pensée magique, transmutation des émotions • lls sont « the basic building blocks of explanation in social sciences » (Elster, p. 61) • D’où « sociologie analytique » (Demeulenaere, p. 1) : hypothèse de décomposabilité de l’explication en éléments • Réactivés par les limites de la TCR mais aussi sous la pression des débats : • sur la primauté structure / action (agency) • sur les lois ceterisparibus(influence de Cartwright dans Elster notamment) • Favorisé techniquement surtout (« débloqué ») par l’essor de la science sociale computationnelle • Epstein (2006) = expliquer générativement par simulation au moyen de formalisations non immédiatement mathématiques • Exemple : l’archéologie computationnelle
Simuler les sociétés anciennes Les recherches en archéologie de Tim Kohler (Washington State University) & George Gumerman (School of American Research - Santa Fe) Le peuple Anasazi a vécu des siècles dans une région du Sud-ouest des EU, y a prospéré et l’a brusquement abandonné au 14ème siècle. Comment expliquer cette évolution ? Source : NSF - http://www.nsf.gov/news/news_summ.jsp?cntn_id=104261
Idées de base • Approches par des individus interagissants et évolutifs (les foyers) • Ils évoluent : • 1) selon des règles de comportement et d’interaction qui modifient certains aspects de leur environnement • 2) selon leur environnement qui paramètre ces règles (d’où : Système Multi-Agents) • On a des données environnementales précises qui ont leur propre dynamique • On part d’une répartition initiale au hasard des foyers • On regarde si on peut rétrodire la répartition réelle des foyers
Le modèle de simulation : un SMA • L’environnement : • Informations très précises sur les capacités de production en maïs des zones simulées entre 400 et 1305 ApJC. • Conditions topographiques et environnementales : données topographiques hydrographiques (SIG), paléoclimatiques et paléobotaniques très précises • Accessibilité variable des sources d’eau sur cette période (donnée paléo-hydrographiques). • Les agents : • Foyers avec chacun des caractères et des mécanismes définis : capacité de production, besoins en nourriture, fertilité, longévité • Possibilité de déplacement de ces foyers en fonction de la zone la plus favorable pour eux • Si la capacité de production en maïs de la zone baisse, le foyer se déplace vers une zone voisine plus favorable
Source : « SimulatingAncientSocieties », Scientific American, 2005, Timothy A. Kohler, George J. Gumerman and Robert G. Reynolds
Résultats • Jusqu’en 1300, on a des résultats très proches des enregistrements archéologiques, y compris dans la réaction des Anasazis à un épisode connu de sécheresse. • Mais il ne prédit pas la disparition brusque de ces implantations autour de 1300 • Les archéologues en concluent qu’il a dû se produire quelque chose qui n’était pas de l’ordre d’une modification environnementale (sécheresse, changement climatique ou appauvrissement due à une pression de production) mais un événement d’ordre politique ou social Perspectives • D’où l’utilisation aujourd’hui (après 2006) de ce terrain empirique second et singulier (multi-aspect, multi-physique, multi-champ) pour tester directement des mécanismes sociaux théoriques, par exemple de construction concertée • de la hiérarchisation sociale (leadership) • de la stratification sociale • Choix de Kohler et al. 2008 : modèle théorique d’élaboration de bien public par jeux évolutionnaires Commentaires • Le statut épistémique du construit commun n’est pas trivial : théorique, empirique ? • Kohler pense qu’on obtient par là une cumulativité en science sociale • Remarquons une intrication du singulier et du particulier.
Résultats • Jusqu’en 1300, on a des résultats très proches des enregistrements archéologiques, y compris dans la réaction des Anasazis à un épisode connu de sécheresse. • Mais il ne prédit pas la disparition brusque de ces implantations autour de 1300 • Les archéologues en concluent qu’il a dû se produire quelque chose qui n’était pas de l’ordre d’une modification environnementale (sécheresse, changement climatique ou appauvrissement due à une pression de production) mais un événement d’ordre politique ou social Perspectives • D’où l’utilisation aujourd’hui (après 2006) de ce terrain empirique second et singulier (multi-aspect, multi-physique, multi-champ) pour tester directement des mécanismes sociaux théoriques, par exemple de construction concertée • de la hiérarchisation sociale (leadership) • de la stratification sociale • Choix de Kohler et al. 2008 : modèle (théorique) d’élaboration de bien public par jeux évolutionnaires Commentaires • Le statut épistémique du construit commun n’est pas trivial : théorique, empirique ? • Kohler pense qu’on obtient par là une cumulativité en science sociale • Remarquons une intrication du singulier et du particulier.
Résultats • Jusqu’en 1300, on a des résultats très proches des enregistrements archéologiques, y compris dans la réaction des Anasazis à un épisode connu de sécheresse. • Mais il ne prédit pas la disparition brusque de ces implantations autour de 1300 • Les archéologues en concluent qu’il a dû se produire quelque chose qui n’était pas de l’ordre d’une modification environnementale (sécheresse, changement climatique ou appauvrissement due à une pression de production) mais un événement d’ordre politique ou social Perspectives • D’où l’utilisation aujourd’hui (après 2006) de ce terrain empirique second et singulier (multi-aspect, multi-physique, multi-champ) pour tester directement des mécanismes sociaux théoriques, par exemple de construction concertée • de la hiérarchisation sociale (leadership) • de la stratification sociale • Choix de Kohler et al. 2008 : modèle (théorique) d’élaboration de bien public par jeux évolutionnaires Commentaires • Le statut épistémique du construit commun n’est pas trivial : théorique, empirique ? • Kohler pense qu’on obtient par là une cumulativité en science sociale • Remarquons une intrication du singulier et du particulier.
IV- Modèles et simulations à l’ère computationnelle (1/3) • Simulations = plus seulement calculs approchés de modèles mathématiques • Mais computations pas à pas et combinantes d’une pluralité de modèles formels de mécanismes (Varenne, 2007, 2008, 2010, 2011). • Pluralité de mécanismes : • atomisation des formalismes : « discrétisme méthodologique » • mécanismes aux paramètres locaux, donc non universels dans l’espace et/ou le temps • Conséquences méthodologiques et épistémologiques : • Étude précise des mécanismes particuliers dans leurs interactions à la fois dynamiques et situées dans des structures sociales et physiques elles-mêmes dynamiques • Rétroaction : Micro → Micro, Micro → Macro et Macro → Micro (Coleman, 1990). • Pensée non syllogistique (Boudon 1973), non linéaire, non mono-causale, mais non holiste, ne recourant pas pour autant à des « forces » incompréhensibles (Boudon, 2009, 2010) (bien que Kincaid, 2004, p. 170 et Elster, 1989, et 2011, p. 50 : opacité résiduelle des mécanismes (bacl box) : un lien opaque et qui peut être décrit par une loi…) • Conséquence thématique : la peur de l’enfermement dans le singulier (Sawyer, 2011, p. 92) : • « Il demeure le risque qu’une approche mécanistique puisse produire de merveilleuses explications d’instances token spécifiques, mais dégénère une fois appliquée à l’étude de cas spécifiques , perdant par là toute généralité et possédant ainsi une valeur scientifique limitée » • La peur de l’insignifiance de la simulation fac-simile
IV- Modèles et simulations à l’ère computationnelle (2/3) • Modèles : Sciences du particulier (catégories de mécanismes typiques) ≠ Sciences du singulier : sciences historiques (Bouvier, 2011, p. 40) : • d’où tension entre modèle traditionnel et modèle de simulation • Avec le degré accru de réalisme dans les simulations de mécanismes, l’historicité devient réplicable(pas seulement son « allure ») • Or, cf. déjà l’archéologie computationnelle : elle entremêle les deux (particulier et singulier) • Une fonction épistémique nouvelle des simulations : • Test de la pertinence possible du mécanisme (modèle) particulier dans sa dynamique à l’aide de son insertion dans une réplication de l’individuel dans son historicité
IV- Modèles et simulations à l’ère computationnelle (3/3) • Difficultés des sciences sociales computationnelles: • Recevabilité a priori des mécanismes : explications compréhensibles, auto-suffisantes i.e. ne nécessitant pas d’autres explications (Becker, 1992 ; Boudon, 2003, p. 9) ? • Généricité des mécanismes a posteriori même validés ? (Weisbuch, 2000) • Car problème de la multi-réalisabilité : équifinalité de certaines dynamiques à mécanismes distincts (Epstein et al. 2000) • Solutions = validations croisées et multi-niveau (Moss & Edmonds, 2005) ? • Mais aussi : mécanismes en fait multi-disciplinaires, multi-point de vue (biogéographie, écologie, paléoclimatologie, botanique, éthologie, sciences cognitives, psychologie, IA, économie, sociologie, …) • Dosage des effets des contraintes environnementales (physiques) ? Constructivisme ? • Perte de la maîtrise monodisciplinaire académique • L’épistémologie classique des « modèles monodisciplinaires orientés compréhension dans la discipline » est elle-même contestée : car modèles de simulations = multi-usages, multi-contexte, ne répondent plus à une unique question… • Science sociale cumulative mais … du coup non complètement sociale ? (Sperber, 2011) • Exemple pionnier de la géographie computationnelle : pas un hasard
Conclusions (1/3) • Différence modèle et théorie : seulement de degré en sciences sociales car • difficulté à abstraire dans les sciences sociales sans perdre de vue le terrain : médiations avec rupture de continuité, de dérivation • Formalisation : autre que construction mathématique de concept + interprétation par modèles : même dans les « théories », les concepts mathématiques sont régulateurs mais pas constitutifs • difficulté à montrer à l’oeuvre le particulier (ce qui dans l’individuel est typique) dans le singulier (cas individuel dans son unicité) du fait du processus de singularisation toujours à l’oeuvre dans le social • mais ce processus peut sembler être dû (au moins en partie) à l’entrecroisement chaque fois différent des déclenchements des mécanismes particuliers (d’où d’ailleurs des lois seulement ceteris paribus) : espoir de la sociologie analytique par SMA
Conclusions (2/3) • Le tournant mécanistique de la sociologie (depuis les années 90) : • Contre le légalisme, retour aux causes : un néo-causalisme Vs. un légalisme (essentialiste ou positiviste) • Un Néo-causalisme dû aux critiques contre les limites du TCR notamment mais aussi opportunément favorisé par une technique en plein essor : le tournant computationnel des techniques de modélisation • Car une simulation de modèle computationnel permet : • de représenter ce qui est particulier sous forme de mécanismes, mécanismes eux-mêmes paramétrés ponctuellement par les structures dans leurs dynamiques • et de combiner pas à pas ces mécanismes entre eux de manière non triviale ; « discrétisme méthodologique » : la méthodologie des simulations computationnelles intégratives
Conclusions (3/3) • Un essor des simulations intégratives comme terrain empirique second, au-delà même de l’expérimentation de modèle (Boudon, 1973; Walliser, 2001) : le singulier répliqué devient le terrain de test du mécanisme hypothétique particulier. • 1- D’où : une rencontre inédite de l’idiographique et du nomothétique d’une même discipline dans un même construit commun qui est aussi le même terrain formel. • 2- D’où une rencontre entre types de sciences : sciences descriptives et historiques (du singulier) et sciences nomothétiques : • de la nature : botanique, histoire de la terre, des volcans, des reliefs, des climats, géographie physique (?)… • de la culture : histoire, archéologie • 3- D’où une interdisciplinarité qui va même jusqu’à l’inter-champ : SHS / Sciences de la vie / Sciences de l’univers