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BAUDELAIRE ILLUSTRÉ PAR MATISSE. Baudelaire: 1821-1867 1841: voyage forcé vers Calcutta, escale à l’Île Maurice où Charles Baudelaire quitte le navire – son seul voyage 1857: publication des Fleurs du Mal , censurés 1861: republication des Fleurs du Mal , beaucoup remaniés
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BAUDELAIRE ILLUSTRÉ PAR MATISSE Baudelaire: 1821-1867 1841: voyage forcé vers Calcutta, escale à l’Île Maurice où Charles Baudelaire quitte le navire – son seul voyage 1857: publication des Fleurs du Mal, censurés 1861: republication des Fleurs du Mal, beaucoup remaniés Mésaventures financières Nombreuses maîtresses de différentes ethnies Matisse: 1869-1954 1900-1930: voyages au nord de l’Afrique et à Tahiti 1947: publication des Fleurs du Mal illustrés par Matisse: uniquement 33 poèmes (peut-être les plus rêveurs et optimistes), aucune subdivision, illustrés seulement par des visages de femmes Adhère à différents courants artistiques
IMAGE: Visage affiné Regard durement fier Expression altière Cheveux peut-être blonds Visage et cheveux esquissés, yeux mis en évidence « comme un rêve de pierre » « [j’ai] un cœur de neige », « et jamais je ne pleure et jamais je ne ris » « mes grandes attitudes que j’ai l’air d’emprunter au plus fiers monuments» « je trône dans l’azur comme un sphinx incompris » « [j’ai] la blancheur des cygnes » « [j’inspire] d’austères études » « j’ai, pour fasciner (…) mes yeux (…) aux clartés éternelles » TEXTE: Femme froide, presque inhumaine Impassibilité inquiétante Beauté fatale Charme létal spécialement dû aux yeux Attitude solennelle Pâleur
IMAGE: Femme à la tête ronde Cheveux bouclés Regard et sourire chaleureux Regard rêveur Regard direct mais cordial Femme à l’aspect (physionomie mais aussi choix vestimentaire) relativement exotique « ton sein chaleureux » « je vois se dérouler des rivages heureux » « [je vois] une île paresseuse où la nature donne des arbres singuliers et des fruits savoureux » « guidé par ton odeur vers de charmants climats je vois un port rempli de voiles et de mâts (…) pendant que le parfum des verts tamariniers (…) se mêle dans mon âme au chant des mariniers » « je vois une île paresseuse où la nature donne (…) des femmes dont l’œil par sa franchise étonne » TEXTE: Femme chaleureuse et accueillante Femme dont la vue (ou l’existence) invite l’esprit à voyager vers de terres exotiques – voyage heureux Femme loyale et simple
IMAGE: Chevelure bouclée et très présente Visage peut-être inexpressif: met en évidence la chevelure Regard perdu Femme à l’apparence forte MAIS pas vraiment exotique « o toison, moutonnant (…) ! » « o boucles ! » « des souvenirs dormant dans cette chevelure » « la langoureuse Asie et la brûlante Afrique, tout un monde lointain (…) vit dans tes profondeurs » « comme d’autres esprits voguent sur la musique, le mien (…) nage sur ton parfum » TEXTE: Chevelure pleine et bouclée Chevelure envoûtante Chevelure qui invite l’esprit au voyage vers des terres exotiques
DONC… Trois textes présentant trois femmes-type très différentes (beauté froide ≠ beauté accueillante ≠ juste la chevelure) Tous inspirés de Jeanne Duval, amante à l’aspect exotique mais à l’attitude froide dont Charles Baudelaire n’arrive pas vraiment à se détacher… … MAIS Matisse semble avoir saisi certains aspects spécifiques de leur caractères pour leur donner vie DONC elles apparaissent toutes différentes Matisse a-t-il voulu rester le plus possible fidèle au ressenti que Baudelaire exprime en poésie?
COMPARAISON: Jeanne Duval par Baudelaire lui-même (in Decaunes & in Album Baudelaire) (in Decaunes) (in Album Baudelaire) Femme à la peu peut-être brune, les cheveux noirs, la posture envoûtante et le regard relativement menaçant (in Peyré)
Illustration d’autres textes: Les femmes exotiques (1) Tu mettrais l’univers…: « Femme impure ! L’ennui rend ton âme cruelle (…) buveur du sang du monde » Texte: Femme à l’attitude sauvage que Baudelaire ne décrit pas vraiment Image: Son regard a quelque chose de menaçant Le serpent qui danse: « Chère indolente » « ton corps si beau » « ta chevelure profonde » « tes yeux (…) sont deux bijoux froids » « à te voir marcher en cadence (…) on dirait un serpent qui danse » Texte: Femme à la beauté envoûtante et relativement sauvage Image: Femme à la posture sinueuse et le regard gentil Sed non satiata: « Bizarre déité, brune comme les nuits, au parfum mélangé de musc et de havane (…), sorcière au flanc d’ébène » « l’elixir de ta bouche où l’amour se pavane » Texte: Femme de couleur au charme exotique, sauvage et dangereux Image: Sa tête tournée et son regard détourné montrent son inaccessibilité Parfum exotique: comparaison
Illustration d’autres textes: Les femmes exotiques (2) Femmes à la beauté exotique, peut-être un peu sauvage, chaleureusement envoûtantes La posture et le regard jouent un rôle primordial dans leur connotation Chanson d’après-midi: « Sorcière aux yeux alléchants » « ma terrible passion » « le désert et la forêt embaument tes tresses rudes » « tu me déchires, ma brune, avec un rire moqueur, et puis tu mets sur mon cœur ton œil doux comme la lune » Texte: Femme de couleur au charme sauvage mais pas destructeur Image: Son regard est doucement envoûtant À une malabaraise: [dans Les nouvelles Fleurs du Mal] « Tes pieds sont aussi fins que tes mains, et ta hanche est large à faire envie à la plus belle blanche ; à l’artiste pensif ton corps est (…) cher » « pays chauds et bleus où ton Dieu t’a fait naître » « tout le jour, où tu veux, tu mènes tes pieds nus, et fredonnes (…) de vieux airs inconnus » Texte: Femme indienne qui paraît une muse (et songe à quitter son pays) Image: Son regard est nostalgique Parfum exotique: comparaison
CONCLUSION: Baudelaire Baudelaire est un poète, non un peintre (ni un romancier): il ne décrit jamais entièrement les femmes dont il parle (du point de vue de leur aspect physique)… … il les décrit à travers quelques détails très significatifs de leur apparence (comme le regard, les cheveux ou la posture)… … et surtout il les décrit en nous montrant l’effet qu’elles ont sur son imaginaire DONC même s’il s’agit de la même femme elle peut, selon l’occasion, assumer différentes apparences. Arnaud Buchs (à propos des Salons): « l’art n’a plus pour fonction de copier ou d’imiter la nature, mais de l’exprimer au travers de la subjectivité de l’artiste (…) » & « Cette ‘’réalité extérieure’’ est maintenant la ‘’Nature’’, chez Baudelaire, et la majuscule est le signe clair d’une abstraction, d’un absolu qui trouve son origine moins dans le monde extérieur que dans l’acte même de percevoir – ou d’écrire (…). La Nature n’a du coup plus sens et valeur en elle-même, mais pour sa capacité à ‘’exciter’’ l’imagination (…). L’art doit être l’expression d’une vision intérieure traversée de passions, non la simple restitution des données de la perception rétinienne. »
CONCLUSION: Matisse Matisse est fidèle au choix de Baudelaire: bien qu’il soit un peintre, il ne fait pas de portrait de ces femmes… … il en saisit le caractère au travers de ce que Baudelaire dit éprouver en leur présence… … et essaie de nous faire ressentir la même chose uniquement à travers l’expressivité de ses visages. « Lorsque je peins un portrait (…) il m'est arrivé, souvent (…)de m'inspirer des photographies d'une même personne à des âges différents : le portrait définitif pourra la représenter plus jeune, ou sous un aspect autre que celui qu'elle offre au moment où elle pose, parce que c'est cet aspect qui m'aura paru le plus vrai, le plus révélateur de sa personnalité réelle. (…) C'est en ce sens, il me semble, que l'on peut dire que l'art imite la nature: par le caractère de vie que confère à l'œuvre d'art un travail créateur. » (Henri Matisse, propos recueillis par Pernoud Régine, Le Courrier de l'U.N.E.S.C.O., vol. VI, n°10, octobre 1953, in Centre Pompidou en ligne)
CONCLUSION Baudelaire (Mon cœur mis à nu, cit. par Buchs): « Glorifier le culte des images (ma grande, mon unique, ma primitive passion) » Baudelaire était attiré par la peinture & selon lui la réalité n’a d’importance qu’à travers ce que le sujet qui l’observe ressent Matisse a illustré les poèmes de Baudelaire restant fidèle à ce que le poète disait explicitement – il a donc illustré ce que le poète voyait à travers ses sens
(L’AVIS DE QUELQUES CRITIQUES: concilier des opinions différentes?) Umberto Eco: « L’auteur offre en somme au bénéficiaire une œuvre à terminer. Il ne sait pas exactement de quelle façon l’œuvre pourra être terminée, mais il sait que l’œuvre terminée sera tout de même toujours son œuvre, (…) bien qu’organisée d’une autre façon qu’il ne pouvait pas entièrement prévoir: car toute somme faite il avait proposé des possibilités déjà rationnellement, organisées, orientées et douées d’exigences organiques de développement ». LeonBattista Alberti : « Ainsi je conseille que chacun des peintres se familiarise avec les poètes, les rhétoriciens et les autres savants des lettres, car ces derniers donneront de nouvelles inventions, ou sans doute aideront à composer l’histoire de beauté, à travers lesquelles dans sa peinture ils acquerront beaucoup de louanges et de renommée. Fidias, connu plus que les autres peintres, avouait avoir appris de Homère poète à peindre Jupiter avec une certaine maîtrise divine. Ainsi nous, assoiffés d’apprentissage plus que de gain, de nos poètes apprendrons plus et plus de choses utiles à la peinture ». GotthamEphraim Lessing : « La beauté matérielle naît de l’effet concordant de diverses parties que le regard embrasse ensemble. Elle exige donc que ces parties soient placées les unes à côté des autres et, puisque les choses dont les parties sont placées les unes à côté des autres sont l’objet propre de la peinture, celle-ci peut, et peut seule imiter la beauté matérielle. Le poète, qui ne pourrait montrer que les uns après les autres les éléments de là beauté, s’abstient donc complètement de la peinture de la beauté matérielle, en tant que beauté. »