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Syntaxe et macrosyntaxe. L'exemple des structures en il y a et des verbes dits "recteurs faibles". Dominique Willems Université de Gand Lyon, le 21 juin 2010. La structure existentielle en il y a en français parlé. 1. Structures en il y a et réalisations en français parlé
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Syntaxe et macrosyntaxe.L'exemple des structures en il y a et des verbes dits "recteurs faibles". Dominique Willems Université de Gand Lyon, le 21 juin 2010
La structure existentielle en il y a en français parlé 1. Structures en il y a et réalisations en français parlé 2. La structure parataxique: divers degrés d’intégration 3. Analyse d’une variation: conditions d’emploi des réalisations parataxiques 4. Les structures présentatives: syntaxe ou macrosyntaxe?
Source • Willems D. et Meulleman M., 2010, « Il y a des gens ils viennent acheter des aspirines pour faire de l’eau gazeuse. Sur les raisons d’être des structures parataxiques en il y a », in La parataxe, Peter Lang. • Données • CORPAIX: 5013 occurrences de “il y a” • limitation aux emplois verbaux de “il y a” • recherche spécifique sur base du déterminant: “il y a un/une/des”, “il y a le/la/les”, “il y en a”, etc. • analyse des 1000 premières occurrences • micro-analyse des 120 réalisations parataxiques relevées
1. Structures en “il y a” et réalisations en français parlé 1.1. Trois structures syntaxiques • il y a SN (75%) • il y a SN qu- V (25%) • il y a que P (0%)
il y a SN • Le SN est le plus souvent indéfini, sauf dans les listes (1) ah non là il y a des séchoirs partout (2) comme des gaufres + il y a le kouglof + il y a les bretzels il y a plein de choses + quoi
il y a SN qu- V 1) Tour clivé (3) il y a des choses qui se disent pas (4) au cinéma est-ce qu'il y a des films que tu aimes plus particulièrement (5) puis il y a des fois où on est découragé (6) il y a une chose dont il faut bien parler je crois ici
2) Restriction (7) il y a que moi qui te pose des questions (8) non il y a que chez les Corses que en principe ils avaient la complainte normale 3) “Que” dont le statut reste à décrire (9) il y en a que sur le plan politique de la CGT ils sont pas d'accord
il y a que P (10) «Mais qu’y a-t-il donc ? Qu’y a-t-il encore et pourquoi n’es-tu pas content ? Il y a que cela vient un peu trop tard. » (Frantext, Green Julien, Journal, pp 139-140)
1.2. Fonction discursive globale Fonction présentative: “il y a” sert à introduire des référents dans le discours 1.3. Tableau syntactico-sémantique des différents emplois
Il y a SN existentiel; présentation d’un argument Il y a SN Il y a SN qu- V Il y aexistentiel + événementiel présentation d’un argument et d’un événement Il y a que P événementiel présentation d’un événement
Il y a SN existentiel; présentation d’un argument Il y a SN Il y a SN qu- V Il y aexistentiel + événementiel; présentation d’un argument et d’un événement Il y a que P événementiel; présentation d’un événement
2. Structures parataxiques et degrés d’intégration Seuls les tours clivés (à exclusion du tour restrictif) 1) Il y a SN indéfini (47%) (11) il y a des gens ils viennent acheter de l'aspirine pour faire de l'eau gazeuse 2) Il y en a (31%) (12) il y en a quand on les X abordent dans la rue pour répondre à un questionnaire à croix là + oui non oui non ça les stresse ils ne peuvent pas 3) Il y a SN défini (14%) (13) allez ah Nadia vite ah speed vite il y a le bus il va partir
Plusieurs formes de parataxe 1) phénomène général (contrastes, symétries, corrélations) (macrosyntaxe) (22) en général dans les maisons il y en a il y en a pas ça dépend 2) le couple il y a /c'est : mouvement de précision progressive (cf. le double point) (23) j'avais tout pris dans l'Allier tous les poissons il y en avait qu'un que je n'avais pas pris c'était le saumon (24) il y a une chose assez curieuse c’est que (…) 3) phénomène de parataxe, à l'intérieur même de la structure syntaxique (c'est ce que nous étudierons ici) (25) il y a des gens ils viennent acheter de l'aspirine pour faire de l'eau gazeuse
Divers degrés d’intégration 1) Reprise du SN par un clitique anaphorique (il, le, en) ou un possessif (son) (14) il y en a certains on va pouvoir les définir (15) il y en a un ben dis donc il est rose bonbon 2) Reprise du SN par le clitique "ce/ça'" (16) il y en a d'autres c'est huit cent mètres (17) il y a des mots ça passe (18) il y a des choses vraiment c'est aberrant
3) Reprise du SN par un clitique + que d’intégration (19) il y en a que tu leur parles ils comprennent de suite 4) Sans reprise du SN + que d’intégration (20) il y en a que ah bon je paie c’est bon c’est tout bon 5) Sans reprise du SN (21) il y a des gens on peut pas mettre de nom
→ échelle d’intégration relatif > que + il > il > ce/ça> que > Ø + _
la construction syntaxique avec relative est sept fois plus fréquente que sa « variante » parataxique • Quels sont les facteurs qui déterminent le choix d’une réalisation parataxique par rapport à une réalisation syntaxique?
3. Les conditions d’emploi de la structure parataxique : analyse d’une variation 3.1. Précautions • Bribes, hésitations (26) en Allemagne il y a pas il y a les médecins sont archicontrôlés (27) euh le village donc de Lorcière il y a l'hiver il y a vingt habitants (28) sur Genève il y a le contact /il, est/ est facile
Problèmes de découpage (29) il y en a trois alors on va aller les voir L2 il y a des entreprises sur Benot L1 oui ici oui + il y en a trois + alors on va aller les voir de- Bob il va faire faire les devis et puis on verra un peu
3.1.2. Cumul des structures j’ai eu mon laisser passer par la mairie mon mari il était employé à la ville et j'ai vite passé mais les autres euh peuchère les malheureux il y en a qui sont partis à Fréjus après ils ont ils ont été en Compiègne ils ont été en Allemagne il y en a qui sont mortsil y en a peuchère ils sont retournés tuberculeux voyez eh on s'est dispersé et on s'est plus vu il y en a qu'ils ont été ailleursil y en a qui sont ils ont été à Nîmes ils ont été un peu de partout voyez eh
3.1.3. Lexicalisations SN indéfini (102) Il y en a (50) Il y a + SN (52) Il y a des fois (13) Il y a des gens (6) Il y a des choses (4) Il y a des mots (des phrases) (6) Il y a des moments (4) Il y a des coins (des endroits) (3) SN défini (15 ex) Il y a ça (4)
et puis de voir que des fois on on (n') arrive pas à faire quand même ce qu'on voudrait faire et ben ça ça ça ça décourage + + mais il y a des fois c'est le contraire + + on se dit euh c'est beau ce métier on a réussi
3.2. Facteurs favorisant la parataxe 1) Complexité syntaxique à droite de il y a (a) Succession parataxique d’événements (31) elle est vraiment la la fille formidable hein L1 mm mm L2 comme il y en a des autres bon elles sortent elles sont + maquillées euh un pot de peinture quoi mais alors si vous entrez dans leur chambre vous tombez à la renverse
(32) il y a deux types qui se rencontrent il y en a un + il y en a un il a + la tête + carrément bandée + le bras dans le plâtre avec les béquilles et tout + et + /alors, Ø/ il rencontre son copain qui /lui, Ø/ fait + tiens il y a ta femme qui X qui te cherche il dit ben ça se voit pas qu'elle m'a trouvé
(b) P2 : corrélations, dislocations, paroles rapportées… (33) par exemple il y a des moments et nous en connaissons des femmes on leur dit bon ben votre enfant il va falloir faire une I.V.G. thérapeutique puis quelques jours après ah ben non non alors ent- entre temps qu'est-ce /qui, qu'il/ se passe
(34) bon il y a deux sortes de d'ouvri- d'ouvriers bon il y en a que + tu leur parles ils comprennent de suite ++ et il y en a que bon ils sont pas d'accord avec toi mais il faut leur expliquer ils comprennent après quand même hein (a) il y en a [tu leur parles] [ils comprennent de suite] (b) il y en a que [[tu leur parles] [ils comprennent de suite]] (c) il y en a qui [[quand tu leur parles] [ils comprennent de suite]]
(c) Présence d’éléments séparateurs entre le SN et la P2 (parenthèses, incises…) (35) Il y a des gens + c'est te dire le le niveau d'ignorance un suppositoire ils savent pas où il faut le mettre le pharmacien doit expliquer ce qu'est un suppositoire (36) ah ah non ils sont très très très méchants + il y en a un tu sais ce qu'il a f- qu'est-ce qu'il nous a fait + il a pris euh une bombe + des pétards + il les a mis chez la police + il les a fait éclater + il a mis la dynamite- (37) il y en a quand on les X abordent dans la rue pour répondre à un questionnaire à croix là + oui non oui non ça les stresseils ne peuvent pas puis d'autres au contraire ça leur fait plaisir quoi moi je pense que c'est une différence de caractère
2. Simplicité syntaxique à gauche de il y a : La présence d’éléments couvrants favorise l’hypotaxe : (35) est-ce qu'il y a des films que tu aimes plus particulièrement (36) puisque oui il y a un certain nombre de mots qui ont changé de signification (37) c'est sûr qu'il y a des exceptions qui s- se justifient pas trop
3. Facteur morphologique : évitement des relatifs « complexes »: dont, lequel, où (38) enfin je comprends pas trop il y en a unil son père est c'est un peu comme (eux/euh) il s'occupe des bovins (39) tu sais avec les télé-prompteurs là là il y a Claire Chazaltu vois très bien qu'elle lit son au début elle arrive à la fin et bon euh puis je pense que de faire ça ou dans les discours on lit mais ça rend pas obligatoirement (40) il y a des gens on peut pas mettre de nom mais il y en a deux là on peut mettre des noms tout à fait c'est "Ariston ou le pôle dans la peau" [à qui?]
4. Facteurs sémantiques? • Moins partitif (41) il y avait euh il y avait des gens dans la salleça leur a plu et voilà quoi • Consécutivité (42) allez ah Nadia vite ah speed vite il y a le busil va partir
Conclusion : • Les structures ne sont pas interchangeables • le choix dépend essentiellement de facteurs macrosyntaxiques
4. Comment et où traiter les structures en il y a? 4.1. Divers niveaux de fonctionnement des structures en il y a • Niveau microsyntaxique : emplois prépositionnels • Niveau syntaxique : • Il y a + SN (existentiel : cf. impersonnels à séquence nominale: cf. il existe, il reste etc) • Il y a + queP (événementiel : cf. impersonnels à séquence phrastique (il arrive, il se passe etc) • Niveau macrosyntaxique • Il y a /c’est
4.2. Les structures présentatives : syntaxe ou macrosyntaxe? • 3 réalisations d’une même construction: • Il y a SN qui V • Il y a SN il V • Il y a SN que V • Choix dépend de conditions macrosyntaxiques spécifiques: qui vs il ou que
Les verbes à recteur faible 1. Description des verbes ‘faibles’ en français parlé contemporain. 2. Statut syntaxique et sémantique des verbes faibles
1. Description des verbes ‘faibles’ en français parlé contemporain Sources • Je crois, je pense, je trouve : analyse sur corpus de 2000 exemples (Corpaix) • Blanche-Benveniste & Willems (2007) • J’ai l’impression, on dirait, je dirais, il me semble, il paraît : analyse sur corpus de quelque 600 exemples (Corpaix) • Willems & Blanche-Benveniste (2008)
Données(Corpaix) • je crois, je pense, je trouve : env. 6OO ex. par V • il me semble, il paraît, je dirais : entre 100 et 200 • j’ai l’impression, on dirait : entre 50 et 100 → réserves sur les conclusions chiffrées : Il faudrait un corpus dix fois plus important…
Synthèse des resultats (en dix points) 1. Les trois distributions des verbes faibles (1) je trouve que c’est dommage (2) c’est dommage je trouve (3) S1 - c’est dommage S2 - oui je trouve
2. L’impossibilité de remplacer le complément par une proforme clitique: (1) je trouve que c’est dommage → *je le trouve, *je trouve ça (2) c’est dommage, *je le trouve (3) - c’est dommage - *Je le trouve, oui *Je trouve ça, oui → perte de certaines propriétés valencielles (verbes ‘à rection faible’)
mais : « ce que je crois – si vous voulez – c’est que les juristes – peuvent tout à fait – expliquer aux gens – les choses plus simplement – hein »
Donc: • Trois réalisations syntaxiques • V + que P : sans équivalence avec une proforme le oucela (mais éventuellement avec ce que et qu’est-ce que) : • la construction en incise, sans pronom réalisé • énoncé disjoint, sans pronom, en tant que réponse (y compris en monologue) • C’est l’ensemble de ces réalisations qui caractérise les verbes faibles. Chacune de ces propriétés, séparée, peut caractériser d’autres verbes.
3. Le sens du verbe reste identique à travers les diverses réalisations syntaxiques • Valeur de “mitigation”: affaiblissement de la valeur de vérité de la proposition • La proposition sans verbe faible est souvent vue comme trop forte (“c’est dommage” est précédé d’un verbe faible dans 50% des exemples!)
Joli exemple… « faut euh avoir avoir un petit peu de recul oui j'arrive euh il y a aucun problème je pense - il y a aucun problème même tout court »
Autre notion utile : degré de prise en charge par le locuteur • Absence de prise en charge (il paraît) • Prise en charge par le locuteur seul (je crois, je pense, je trouve, il me semble, je dirais, j’ai l’impression) • Prise en charge par le locuteur, présenté comme collectif (on dirait, il semble) A chaque fois = limitation de la validation par rapport à l’énoncé sans verbe faible
4. Chaque verbe sélectionne toutefois des compléments spécifiques • je crois (*je trouve) qu’il a été fait au XVIIème siècle • une classe de je sais pas vingt vingt élèves je crois (*je trouve) • je pense (*je trouve)que on ne parlera plus le patois
je trouve : • sélectionne des compléments évaluatifs • évaluation personnelle basée sur l’expérience (cf. O. Ducrot, 1975) • fréquemment utilisé avec des prédicats adjectivaux : intéressant, triste, beau, important, ridicule… • je pense et je crois: • évaluations, mais non basées sur l’expérience personnelle • procès
je pense + événements futurs « je pense que on ne parlera plus le patois » • je crois + quantifications « une classe de je sais pas vingt vingt élèves je crois »
5. Les 3 réalisations syntaxiques présentent des différences en ce qui concerne • L’ordre des mots • La portée • Le degré d’autonomie syntaxique (e.a. par rapport à la négation)
L’ordre des mots • V + que P: le verbe faible est en position initiale • Emploi parenthétique: le verbe faible est en position médiane ou finale • Comme réponse: proposition autonome
La portée • V que P : portée prospective (sur la proposition suivante) • Emploi parenthétique: • portée le plus souvent rétrospective • admet une portée plus restreinte (un fragment à l’intérieur d’un syntagme, un mot). « on a eu recours à un petit stratagème pas trop méchant je pense » « c’est une expression je crois très malheureuse » « au niveau je dirais santé »
En emploi disjoint: portée rétrospective (sur la phrase précédente ou un fragment de celle-ci) « L1 parce que ça faisait trop de monde L2 au départ oui je pense »