E N D
Ceci est l’histoire d’un père de famille, le chef Jebbe. Il vivait avec sa femme et leurs douze filles. Mais un jour à la mort de celle-ci, Jebbe se trouva seul à élever ses filles. Il tenta tant bien que mal d’inculquer à ses filles les valeurs qui étaient les siennes mais aussi celles de sa femme. Voyant ses filles qui se disputaient souvent, il décida de distribuer une tâche à chacune d’elles.
Or les filles avaient hérité chacune d’un don de leur mère. Donc Jebbe distribua les tâches en fonction de ses dons reçus. A partir de ce moment, les filles se mirent à se disputer le rang dans la hiérarchie du clan. Jebbe qui aimait ses filles, avait du mal à comprendre cette situation. Lui qui les avait élevé dans les valeurs qui le respect de l’autre et des siens.
Caïssa savait cultiver un tubercule qui est le symbole même du clan. Caïssa récoltait des ignames magnifiques. Comme cet tubercule est le symbole du clan, Caïssa disait qu’elle devait être la seconde dans l’ordre hiérarchique. Mais il en était de même pour chacune de ses sœurs. L’igname qui était le symbole de l’homme représentait la force de leur père, le chef du clan et donc la force.
Mayda cultivait la patate. Il y en avait de toutes sortes. Les patates de Mayda servaient à nourrir les membres de sa famille. Sans les patates de Mayda, son père et ses sœurs ne pourraient plus s’alimenter.
Oumy cultivait les taros pour la famille. Ces taros étaient une source de nourriture pour toute la famille tout comme les patates et les ignames. Oumy se disait pourquoi se ne serait pas elle qui aurait la première place dans la hiérarchie du clan. Son rôle dans celui-ci avait autant d’importance que Mayda et Caïssa. De plus ce taro qu’elle cultivait, était le symbole de la femme. Pour elle, l’esprit de leur mère était là dans ce champ et nulle part ailleurs.
Haïlé quant à elle, s’occupait de la cocoteraie. Haïlé prenait à cœur sa tâche. Les cocotiers étaient des arbres magnifiques. Les feuilles étaient très belles. Donc pour Haïlé, ses cocotiers avaient une importance dans la vie du clan. Car les feuilles servaient au tressage pour les toitures des cases.
La tâche de Phébée, était de s’occupait de la bananeraie. Ce fruit au goût particulier, s’accommodait fort bien dans les plats. De plus les feuilles étaient utilisaient dans la préparation de ces plats. Cette tâche était pour Phébée tout un symbole. Leur mère aimait et prenait grand soin de la bananeraie. Elle représentait sa mère en s’occupant de cette bananeraie et elle disait que leur mère lui parlait.
Emela s’occupait de l’élevage du clan. L’élevage se composait des poules, des cochons et des vaches. Il est vrai que la culture avait une importance au sein du clan mais il fallait aussi manger de la viande. Alors sa tâche prenait toute son importance.
Wafae quant elle pêchait ce que la mer voulait bien lui donnait. Chaque jour, elle se levait pour aller pêcher et marcher sur les récifs. La mer lui donnait du poisson, des poulpes, des langoustes et bien d’autres choses aussi. Comme pour l’élevage, il fallait de la rigueur pour cette tâche. Mais il fallait aussi tenir compte de la position de la lune. La pêche comme l’élevage permettait de varier les repas.
Les repas. C’était la tâche de Siloé de les préparer. Siloé réclamait la première place au sein de la hiérarchie du clan. Car sans ses repas, personne ne pourrait manger. Elle savait si bien harmoniser chaque saveur dont ses sœurs s’occupaient.
Vahina savait tresser les feuilles de cocotier. Ce tressage permettait de protéger les habitations. Donc son rôle était important dans le clan. Pour Vahina, sans ses tressages, tous seraient soumis aux caprices de la nature.
Feiza avait une tâche assez difficile. Car elle devait ramasser le bois qui servait à alimenter le feu de la case mais aussi le bois servant à la cuisine. Elle se dit alors que si elle venait arrêter de ramasser le bois, il n’y aurait plus de chaleur dans la case mais Siloé ne pourrait plus cuisiner. Alors elle avait tout aussi le droit d’être en haut de la hiérarchie.
Jaya avait la tâche de prendre soin de la terre des ancêtres. Cette terre par laquelle les esprits venaient les protéger. La terre servait aussi à la confection du torchis pour les murs de la case. Mais Jaya aimait respecter la terre des ancêtres. Cette terre cimentait leur identité.
Jebbe était si fier de ses filles. Il était si content de voir comment elles menaient leurs tâches avec tant d’amour. Mais ce conflit pour avoir la première place de la hiérarchie l’ennuyait énormément. Chaque jour qui passait le rendait malheureux. Jusqu’au jour où Maabé qui avait hérité du don de la sagesse eu une idée.
Maabé représentait la sagesse de leur mère. Elle demanda alors à Jebbe que chacune de ses sœurs se réunissent autour d’un projet à afin de préparer un plat, celui de la réconciliation.
Il a été demandé à Vahina de tresser des sous plats, à Jaya de creuser un four et d’y mettre des cailloux. Feiza devait préparer le bois en grande quantité. Wafae devait aller pêcher les plus beaux poissons. Emela devait fournir du poulet. Caïssa devait donner les ignames nouvelles. Mayda allait emmener des patates et Oumy les taros. Haïlé fournirait les feuilles des cocotiers pour le tressage. Phébée allait cueillir de belles bananes et les feuilles qui allaient contenir le plat qui serait ensuite mis au four. Et Siloé devait penser à ce plat de réconciliation. Comment le préparer. L’idée de Maabé a permis aux sœurs de s’unir et de travailler ensemble pour le bien de ce projet.
Jebbe était si heureux de voir ses filles aussi unies. Maabé proposa à Siloé de mélanger tous les produits qui venaient du travail de leurs sœurs. Ce plat avait commencé son travail de réconciliation. Et au moment de la dégustation, toutes les sœurs comprirent que chacun avait un rôle de la même importance. Aucune n’était au bas de la hiérarchie car elles occupaient le même rang.
Jebbe remercia les anciens et l’esprit de sa femme pour ce moment. Et Maabé donna un nom à ce plat de la réconciliation : le bougna.
A savoir L’igname dans la culture kanak : Dans la tradition kanak, l’igname, offrande de la terre-mère, revêt une dimension sacrée. Son cycle de croissance rythme la vie des hommes et, dans chacune des îles de la Nouvelle-Calédonie, sa récolte occasionne d’importantes cérémonies coutumières. Elle est également l’une des principales valeurs d’échange lors d’autres événements intertribaux. Chargée de symboles, l’igname a une valeur culturelle : offrande noble, symbole de la virilité, de l’honneur. Le taro dans la culture kanak : Dans la société kanak, tout comme l'igname la culture du taro à sa place entière. Si la culture de l'igname faisait partie des travaux effectués par les hommes, ceux du tarot étaient du domaine de la femme, seules les terrasses étaient aménagées par les hommes. Aujourd'hui encore, on entend souvent dire : "le taro c'est la femme; l'igname c'est l'homme". Il a aussi une bonne place dans les mythes de création du monde : "il y avait une feuille de taro, il y avait un peu de terre ...". On associe le taro au genre féminin comme toutes les plantes liées à l'eau. On parle séparément du soleil qui est un élément masculin et de la pluie qui est un élément féminin. Même de part sa forme, le tubercule fait penser à une femme. Cette répartition des tâches permettait à la femme d'avoir sa place dans la société traditionnelle. Ainsi, pendant les périodes ou l'igname venait à manquer, l'homme dépendait de la femme en ce qui concerne son alimentation.