E N D
1. Le Normal et le Pathologique Professeur D. DRAPIER
Service Hospitalo-Universitaire de Psychiatrie
2. Cas clinique Mr B 20 ans amené aux urgences par ses parents car refuse de s’alimenter depuis trois jours:malaise à son domicile
Mode de vie
élève en terminale, désinvesti
Habite chez ses parents
Parcours
Linéaire jusqu’en seconde
Puis deux redoublements : par désintérêt
3. ATCD
Pas d’ATCD psychiatriques personnels ou familiaux
Consommation de cannabis depuis trois ans « comme tout le monde »
Examen clinique
Examens physique et biologique normaux : avis psychiatrique
Ne comprend pas pourquoi il voit un psychiatre aux urgences
N’explique pas clairement son refus d’alimentation si ce n’est par un désir de se purifier des toxines
Discours centré sur l’ésotérisme, la recherche de la paix
4. Contact un peu lointain et renfermé. Pas d’hostilité franche
Élément de bizarrerie comportementale: conserve des squelettes d’animaux dans des bocaux de formol
Revendique son droit aux expérimentations biologiques
5. Pas de trouble du cours et du contenu de la pensée, un peu tangentiel et allusif
Pas de discours délirant
Humeur neutre
Reste de l’examen psychiatrique sans particularité
Bilan physique et biologique normal
6. Synthèse Pris séparément les comportements du patients ne sont pas en soi pathologiques
Cannabis
Désintérêt global
Ésotérisme
Recherche de pureté
Intérêt pour la « science »
Leur association est plus préoccupante…
Mais il existe trop peu de symptômes psychiatriques structurés pour imposer un suivi médical
7. Questions qui se posent: Quel diagnostic ?
Quelle prise en charge ?
Plus fondamentalement: est-on dans le registre des conduites normales ?
Que penser d’un jeune homme qui met des chats dans du formol et qui fait des malaises ??
Comment peut-on définir la normalité des comportements ?
8. Introduction Concept largement discuté depuis 19° siècle
Auguste Comte, Claude Bernard et surtout Georges Canguilhem dans sa thèse de 1943
« l’état pathologique n’est qu’une variation quantitative et qualitative de l’état normal »
On ne peut juger de l’influence d’un traitement pour une maladie donnée que si on connaît l’évolution naturelle de cette maladie
9. Introduction Au point que l’état pathologique obéit lui-même à une normativité qui lui est propre
La pathologie est ainsi une modification qualitative et quantitative de l’état normal
10. Introduction
Si l’état pathologique est une variation de l’état normal, l’exigence première est donc de connaître la normalité
11. NORMALITE Normalité statistique
Normalité idéale
Normalité fonctionnelle
Normalité subjective
12. 1. Normalité Statistique
13. Normalité Statistique Assimile le comportement normal à la fréquence
Beaucoup de comportements se répartissent selon une courbe de Gauss
Critère utilisé en biologie car fonctionne bien
Au moins pour toutes les normales biologiques
14.
17. 2. Normalité idéale
18. Normalité idéale Idéal auquel on aspire
Critères élaborés par la société. Plus on se rapproche d’un critère idéal plus on est normal et vice versa
Marginalise, psychiatrise les comportements non habituels
On est malade selon les critères de la société, de l’opinion publique, des médias, des hommes politiques
Ex du transexualisme: comportement normal depuis un décret du ministre le 1er juillet 2009
19. Normalité idéale Cette normalité est difficile à définir
La médecine peut-être amenée à remplacer le système défaillant des valeurs morales individuelles
Débouche sur une idée sociale de la maladie, l’idée de maladie dépendant de ce que l’on en a appris de ses parents, son éducation, ses lectures au détriment d’une approche scientifique pure de la maladie
20. Normalité idéale La notion de droit à la santé est devenue très extensive, se généralisant à tous les évènements en rapport avec le corps
Ainsi les difficultés de la vie sociale deviennent des « stress », des « traumatismes », entraînant des « dépressions ».
21. Normalité idéale Exemples:
Enfants trop sages amenés au psychiatre
Enfants agités aussi
L’échec scolaire est drame médicalisé
La vieillesse devient sénescence et est confiée au gériatre
Le manque de liens sociaux est une cause d’institutionnalisation
Le licenciement, la dispute conjugale provoque un malaise qui finit par être médicalisé
22. Normalité idéale Double demande:
L’individu demande à la société de supprimer ses difficultés personnelles, qui jusqu’alors étaient gérées par l’individus lui-même
La société demande à la médecine de régler un nombre croissant de situations pour lesquelles la science médicale n’a pas toujours de solution à apporter
23. 3. Normalité fonctionnelle
24. Normalité fonctionnelle Se définit en miroir de la normalité idéale
Se rapproche du fonctionnement optimum d’une personne
« si je ne suis pas à l’aise avec ce que je suis, je suis pathologique »
Idéal individuel mais influencé par la société
Mais: ce critère n’est applicable que pour les sujets non pathologiques
25. Normalité fonctionnelle Renvoie à la notion de « conscience du trouble »
C’est-à-dire d’introspection (insight)
Qui n’existe pas chez les patients psychotiques qui par définition sont en dehors de la réalité
Peut s’étendre aux patients cancéreux qui refusent les soins (notion de déni)
26. 4. Normalité subjective de l’évaluateur
27. Normalité subjective de l’évaluateur On a une représentation des limites de la normale concernant toutes les conduites
Ces représentations sont strictement individuelles
On confronte l’individus avec notre propre comportement
Cette subjectivité est assez importante
De plus chez chacun de nous la stabilité du jugement est variable
28. Normalité subjective de l’évaluateur Le médecin est soumis dans sa pratique au poids de sa subjectivité
Le médecin tentera de ramener toute situation subjective à une attitude scientifique
Mais dans le domaine du comportement il a sa propre subjectivité
29. Normalité subjective Certains ont une représentation interne de la normale qui est fluctuante
Le plus grave est de ne pas être conscient de cela
Cela rejoint la notion de contre-transfert et de contre-transfert
30. Conclusion
Normalité statistique
Normalité idéale
Normalité fonctionnelle
Normalité subjective
31. Comment avancer ? Dans la mesure ou chaque système a des inconvénients, on se réfère à un mélange et on utilise différents critères en fonction de la pathologie rencontrée.
En se référant à un modèle théorique scientifiquement valide
Si on élabore des critères de comportement on peut s’y référer pour définir ce qui est « normal » et ce qui ne l’est pas
32. Analyse des conduites Recherche d’une méthode
33. Analyse des conduites Dire si cette conduite est normale ou non et si elle est pathologique, selon quels critères ?
Suppose que l’on connaisse les limites du normal et du pathologique
Pour définir une pathologie comportementale on se réfère à un modèle normal:façon de se représenter l’appareil psychique (référentiel)
34. Psychopathologie des conduites Modèle analogique:
Décrit par Pierre Janet (19° siècle)
Inspiré de l’hydraulique:le psychisme est décrit par des forces, des tensions, des pulsions, de l’Energie
Modèle mathématique:
Approche du comportement en utilisant l’analyse fonctionnelle
Identifier des corrélations entre variables
Utile dans une démarche scientifique
35. Le modèle C’est une représentation du normal qui prépare à un niveau explicatif
36. Le modèle
37. Le modèle n’est peut-être pas valide mais il permet d’échanger sur un sujet
Modèle pratique qui permet d’avancer dans la connaissance: modèle à valeur heuristique
Nuance entre validité et utilité
38. Analyse des conduites Trois niveaux d’examen:
Niveau descriptif sémiologique
Niveau pathogénique: comment cette conduite est apparue
Niveau étiologique: expliquer la cause de la conduite
39. Niveau descriptif sémiologique
Quelle est-elle? C’est la sémiologie
C’est le niveau le plus accessible
C’est seulement la description du comportement
Peut-on décrire un comportement en dehors d’un modèle théorique ?
40. Niveau descriptif sémiologique
Ex : la dépression névrotique: 100 réponses différentes sur 100
Mauvais outil pour communiquer
Ne plus utiliser ce mot
Classification théorique
Utilisation de critères qui ne se réfèrent pas à une théorie
41. Niveau descriptif sémiologique DSM III en 1980: Classification des troubles mentaux
Classification internationale des maladies (CIM)
Rupture avec les classifications antérieures car on se limite au niveau descriptif sémiologique sans considération éthiopathogénique.
Répartition des troubles mentaux en types fondés sur des groupes de critères bien définis
C’est l’approche fondamentale du diagnostic médical
42. Niveau descriptif sémiologique:DSM Cependant l’athéorisme est probablement une illusion et dépend de références théoriques et des représentations de la normalité même inconscientes (ex du suicide) (Normalité subjective)
Le niveau descriptif utilise des critères clairs pas ambigus dans un champ sémantique définissable:même signification pour le voisin
Mots qui se réfèrent à des comportements manifestes
43. Niveau descriptif sémiologique:DSM Sélectionner des critères manifestes revient à privilégier le comportementalisme plutôt que l’approche psychodynamique.
Critères définis par un collège d’experts
Illusion de l’athéorisme.
44. Niveau pathogénique Comment cette conduite est apparue ? A partir d’un évènement étiologique, quel est l’enchaînement de phénomènes pathologiques ou non qui ont conduit à cette conduite ?
C’est le niveau biologique
45. Niveau étiologique Cause de la conduite: c’est l’étiologie.
Il est rare d’atteindre le niveau étiologique
46. Exemple clinique:la consommation de cannabis Difficultés de repérer la norme
47. Rappel
Normalité statistique
Normalité idéale
Normalité fonctionnelle
Normalité subjective
48. Normalité statistique Population générale 18 à 75 ans:
22,8% l’ont expérimenté
7,5% au moins une fois dans l’année
1,4% usage régulier
49. Normalité statistique
Jeunes 18-25 ans:
56% ont expérimenté à 18 ans
16% ont une consommation régulière
50. Normalité statistique
51. Normalité idéale Il n’y a jamais eu de sociétés sans drogues. La consommation de substances qui créent des dépendances est universelle et partagée par toutes les cultures depuis le début de l'humanité.
Selon les cultures, certaines drogues sont prohibées, comme l'alcool dans l'Islam ou encore le cannabis, la cocaïne et les substances opiacées en occident. Mais le degré de dangerosité n'a rien à voir avec le fait qu'elle est licite ou illicite
52. Normalité idéale Utilisés pour soigner et guérir, ces produits étaient aussi employés dans des cérémonies religieuses ou festives ritualisées afin de modifier l'état de conscience et de renforcer les relations entre les personnes.
53. Normalité idéale Chaque drogue dispose d’un cadre légal propre à une époque et à un pays donné. On observe ainsi un gradient qui va de l’illégalité totale à la vente libre.
La légalisation du cannabis est toutefois de plus en plus discutée un peu partout dans le monde.
55. Normalté fonctionnelle Dépend du milieu dans lequel on évolue
Et des expériences personnelles
« Moi j’en prends, ça ne me fait rien de mal »
« J’ai besoin d’en prendre pour me sentir bien »
« J’ai fais une bouffée délirante sous cannabis »
56. Normalité subjective Dépend de l’éducation reçue, de la volonté de transgresser
Dépend de la valeur positive ou négative que l’on met dans ce comportement
Des connaissances scientifiques de chacun
La normalité du médecin sera différente de la normalité commune
57. Normalité subjective du médecin La consommation d’une drogue qui nous procure du plaisir ne mène pas inévitablement à la dépendance. On commence à parler de dépendance lorsqu’ on observe chez quelqu'un le besoin compulsif et irrépressible pour une substance psychoactive.
58. Normalité subjective du médecin Le désir persistant pour la drogue et l’incapacité d’arrêter de la consommer ;
Le développement d’une tolérance à la drogue qui l’oblige à en consommer des quantités croissantes pour avoir les mêmes effets
59. Normalité subjective standard C’est cool cela ne fait rien de mal
On est libre de faire ce que l’on veut
…
60. Repérage diagnostic Selon la classification des maladies mentales (CIM, DSM)
Recherche des critères diagnostics de dépendance
Recherche des conséquences sur le bien-être du sujet ou son entourage
Recherche des critères d’un syndrome amotivationel
Recherche des critères de schizophrénie…
61. Conclusion La normalité ne peut pas s’appréhender de façon simple et univoque
Elle est le résultat d’intrications culturelles, sociologiques, statistiques et scientifiques
Il existe un continuum entre le normal et le pathologique
Le travail du médecin est de repérer ce glissement de l’un vers l’autre
62. Le Normal et le Pathologique Professeur D DRAPIER
Service Hospitalo-Universitaire de Psychiatrie