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LYON LA CATHÉDRALE SAINT-JEAN Elle vient de faire peau neuve et nous offre un merveilleux livre d’images le 6 novembre 2011 Photographies et textes de Jean-Paul BARRUYER. UNE JOLIE CURE DE JOUVENCE… ET DÉJA UNE POLÉMIQUE !
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LYON LA CATHÉDRALE SAINT-JEAN Elle vient de faire peau neuve et nous offre un merveilleux livre d’images le 6 novembre 2011 Photographies et textes de Jean-Paul BARRUYER
UNE JOLIE CURE DE JOUVENCE… ET DÉJA UNE POLÉMIQUE ! En cet automne 2011, la cathédrale Saint-Jean de Lyon vient de voir se terminer un chantier qui a duré un an, celui de son très réussi ravalement de façade. Les échafaudages ont été retirés le 3 octobre et ont laissé place à une très belle pierre d’un blond très clair. La statuaire et tous les motifs ornementaux ont été décrassés pour retrouver l’aspect du neuf, comme au temps de la construction de l’édifice, de 1180 à 1480. Il ne reste plus maintenant qu’à rénover l’intérieur de l’édifice. Démarrage des travaux, assez longs, prévu l’an prochain, pour que la cathédrale resplendisse aussi en son c(h)oeur. Cet été, une polémique a défrayé la chronique locale, surtout dans le milieu catholique intégriste de la capitale des Gaules. De quoi s’agit-il ?… Une gargouille à l’effigie d’Ahmed a été sculptée et installée sur la tour nord, parmi des centaines d’autres, clin d’œil amical et humoristique à celui qui, en qualité de chef de chantier de la cathédrale depuis près de trente ans et de confession musulmane, a mené à son terme avec compétence ce long travail de rénovation. Elle est même accompagnée de l’inscription « Dieu est grand », en français et en arabe. Particulièrement virulent, le mouvement extrémiste des Jeunesses identitaires de Lyon diffuse ce message par mail et sur son blog : « Alors que dans beaucoup de pays musulmans, la religion chrétienne est interdite et les chrétiens martyrisés, à Lyon, les musulmans se paient le luxe de s’approprier nos églises, en toute tranquillité, et avec la complicité des autorités catholiques. » Si certains crient « au blasphème ! », d’autres ont salué la beauté du geste œcuménique qui s’inscrit dans la grande tradition des compagnons bâtisseurs de cathédrale depuis le Moyen Âge, comme une main tendue à l’autre. Et le père Cacaud, recteur de la primatiale, ajoute aussitôt, goguenard : « Si on faisait faire le tour de la cathédrale à ces gens qui s’offusquent de ce beau geste, on leur ferait voir des gargouilles qui pourraient les scandaliser beaucoup plus… ». Il lève le mystère dans un chuchotement : « Sur les parties extérieures de la cathédrale, qui sont l’expression du monde environnant, il y a des statues carrément érotiques ! » A côté, la gargouille de l’humble Ahmed ferait figure d’enfant de chœur. Décidément, en cette période de sécheresse, cette gargouille fait couler beaucoup plus d’encre que d’eau !…
Si, comme moi, vous êtes passionnés d’Histoire et si vous voulez savoir pourquoi les statues des saints dans les niches de la façade ont été détruites et les anges des trois portails décapités, alors lisez avec attention l’article qui va suivre…
L’EQUIPEE SANGLANTE DU BARON ROUGE… Connaissez-vous les sauteries de la mort ?… Il s’agit d’une horrible invention qui n’a pas sa place dans le livre des records, mais plutôt dans l’annuaire des férocités humaines que le cerveau perverti de l’homo sapiens aime parfois à imaginer… et concrétiser. Ici, c’est le chef militaire vainqueur qui oblige les vaincus à sauter du haut des remparts sur les piques dressées de ses soldats. En l’occurrence, le sieur François de Beaumont, baron des Adrets, qui se déchaîna à Lyon lors des guerres de religion. En mars 1562, en plein conflit entre les catholiques et les protestants, il prend la tête d’une armée de mercenaires protestants de Provence et ravage le sud-est du royaume de France, à commencer par la vallée du Rhône. Avec ses 8.000 hommes, il pénètre dans Valence qui est mise à sac, occupe Vienne qui subit le même sort, puis se jette sur Grenoble, multipliant les massacres et les exactions. Avec ses troupes, le baron rouge prend Lyon, fin avril, procédant à un pillage systématique des bâtiments, mêlé aux exécutions et aux brutalités. La collégiale de Saint-Just est rasée, les abbayes d’Ainay et de l’Ile-Barbe sont dévastées, les couvents des cordeliers, des dominicains, des bénédictines et bien d’autres sont saccagés. Les statues ornant la façade de la cathédrale Saint-Jean sont jetées à bas et la population catholique est molestée. Paradoxalement, le sanguinaire baron se fait urbaniste malgré lui. Taillant dans les vignes de chanoines-comtes, seigneurs de la ville, il crée les actuelles montées du Chemin-Neuf et Saint-Barthélemy, aménage le clos Bellecour en place d’armes et perce l’actuelle rue Emile-Zola qui y mène. N’empêche, sa présence fait peur et même les protestants lyonnais en appellent à leur leader, Jean Calvin. Quand le sanguinaire soudard part poursuivre ses exactions dans le Forez (c’est à Montbrison qu’il invente les macabres sauteries), il est remplacé à Lyon par un chef protestant plus modéré. Le baron rouge se retourne alors vers son Dauphiné natal, incendie le monastère de la Grande Chartreuse, commet encore une bonne dose de forfaits puis, sans état d’âme superflu, passe dans les rangs catholiques où il poursuit sa carrière. Après quoi, il se retire en son château de La Frette où il meurt en 1587… dans son lit. Article paru en été 2011 dans le quotidien LE PROGRES DE LYON Comme ces nombreuses statues décapitées. « Il manque les têtes ! » remarque-t-il avec d’autres, presque déçu. On lui explique qu’elles avaient été profanées par les troupes du baron protestant des Adrets, pendant les guerres de religion, au XVI e siècle. Et que, le dessin d’origine de ces statues n’étant répertorié nulle part – et les parties détruites ayant disparu –, ces éléments ne peuvent être rénovés. C’est même interdit par les Monuments historiques.
UNE CATHEDRALE NOMMEE « PRIMATIALE » A l’origine, la cathédrale de Lyon portait le nom plus complet de « Saint-Jean-Baptiste-et-Saint-Etienne ». Par commodité, elle a finit par ne s’appeler plus que « cathédrale Saint-Jean ». Si elle porte le nom de « primatiale », c’est parce que l’évêque de Lyon s’est vu décerner par le pape Grégoire VII, en 1074, le titre honorifique de « Primat des Gaules ». Il s’agit d’une reconnaissance historique, celle d’une primauté de Lyon sous l’Empire romain. La ville fut en effet le premier foyer de diffusion du christianisme dans l’ensemble des trois Gaules administratives romaines, introduit par des soldats et des marchands en provenance d’Asie mineure, dont nous gardons le souvenir des premiers martyrs dès l’an 177 entre Saône et Rhône. Ce titre lui confère une position privilégiée dans la hiérarchie catholique et devrait faire de Lyon, en théorie, la capitale religieuse de notre pays. La construction de l’édifice s’est déroulée sur une très longue période, 300 ans exactement, de 1180 à 1480, parfois avec des matériaux prélevés sur les vestiges romains de la ville. D’où ce mélange particulièrement réussi d’art roman (pour le chevet tourné sur la Saône) et d’art gothique (pour la façade tournée sur la colline de Fourvière). Sans être une merveille dans son genre, car elle n’a ni la majesté, ni les dimensions imposantes de ses consoeurs du nord de la France, la primatiale est une très belle réalisation dans l’équilibre des formes, surtout le soir grâce à un éclairage de qualité. Elle se distingue de la plupart des autres cathédrales par la présence de quatre tours au lieu de deux habituellement et par l’absence de flèche, comme c’est très souvent le cas dans la moitié sud de la France. Cette flèche qui lui manque aurait pu lui donner un peu plus de majesté, car elle se trouve un peu écrasée par la basilique Notre-Dame de Fourvière qui la domine et masquée en partie par des immeubles édifiés sans respect sur les quais de Saône à une époque plus récente. Au fond de la nef, à gauche du chœur, elle abrite une pièce assez rare dans le monde, peut-être unique en France, une splendide et monumentale horloge astronomique du XIVe siècle, remaniée aux siècles suivants, toujours en état de fonctionnement, qui s’anime à 12, 14, 15 et 16 heures sonnantes de chaque jour et qui justifie à elle seule la visite de l’intérieur de la cathédrale. D’ailleurs, bien renseignés, les touristes ne s’y trompent pas !
UN MERVEILLEUX ET SAVOUREUX LIVRE D’IMAGES A MILLE LIEUES DES BONDIEUSERIES… De part et d’autre des trois portails d’entrée, sculptés en colonnes, à hauteur d’homme et presque tous à portée de vue, figurent environ 300 petits médaillons en bas-relief qui racontent différents épisodes de la Bible, de l’Ancien et du Nouveau Testament. Au Moyen Âge, ce livre d’images gravé dans la pierre était l’unique média à l’usage du peuple illettré. Avez-vous lu la Bible ?… Moi, pas !… Mais je sais que, dans ses pages, il n’y est pas uniquement question de Dieu et que des scènes assez diverses y sont décrites, des scènes de travaux quotidiens, des scènes de guerre, des scènes assez cocasses, coquines, voire grivoises, des scènes où transparaissent tous les tourments, les désirs, les fantasmes et les peurs de l’Homme partagé entre le bien et le mal, avec ses monstres et ses chimères, et ceci depuis la nuit des temps. Je n’en ai retenues que quelques unes seulement. Mais, regardez plutôt, c’est vraiment cocasse et savoureux, à mille lieues des bondieuseries habituelles en ces lieux !…
Un clin d’œil à notre actualité, comme cette image d’un pèlerin, dans sa chambre d’auberge, qui semble avoir été surpris par une gente dame de service en sortant de son bain d’étuve… Décidément, cette histoire restera gravée dans la pierre !