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AUTOPORTRAITS . Autoportraits Apprendre à se connaître, apprendre à parler de soi, ... pour se construire ?.
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Autoportraits • Apprendre à se connaître, apprendre à parler de soi, ... pour se construire ?
Est-ce important d'apprendre à se connaître, d'apprendre à se poser des questions sur soi, au lieu de se dévaloriser parce qu'on croit je ne sais quoi, à la suite de réflexions, remarques de l'entourage ? Est-ce important de confronter sa personne aux autres par production plastique interposée ?
Faire son autoportrait Qu'est-ce que ça veut dire ? C'est une réflexion personnelle à mener.Que pouvez-vous dire de votre personnalité ?Que pouvez-vous dire de votre caractère ?Que pouvez-vous dire de vos idées ?Que pouvez-vous dire de vos goûts ?Comment parler de votre physique ?
Repères historiques C'est un genre littéraire connu dès l'Antiquité : Saint Augustin, par exemple, a publié des Confessions au IVme siècle après J.-C. pour rendre compte de son évolution spirituelle et de sa conversion au christianisme. Au XVIme siècle, Montaigne publie les Essais, oeuvre dans laquelle il mêle récit d'événements de sa vie publique, de quelques événements de sa vie privée, et réflexions sur son époque ; mais c'est au XVIIIme siècle que naît vraiment l'idée que parler de soi peut revêtir un intérêt certain pour autrui (à ce siècle se développe en effet le goût pour l'individualité, la subjectivité). La première grande autobiographie, Les Confessions, a été écrite par Rousseau entre 1765 et 1770
Les enjeux, pourquoi parler de soi ?! →pour apporter un témoignage sur des évènements historiques →se justifier →mieux se connaître et se comprendre, trouver un sens à sa vie →plaisir de revivre des émotions personnelles Comment raconter sa vie ?! a) le pacte autobiographique : c'est celui qui raconte qui fait un pacte (accord avec le lecteur) qui consiste à dire la vérité sur soi-même. Le lecteur est incité à le croire. b) les problèmes de la mémoire : pas de maîtrise des souvenirs. "La mémoire, c'est ce qui reste quand on a tout oublié". Quoi raconter ?! Les mêmes thèmes souvent : naissance, enfance, famille, proches, lieux importants, scolarité, amours, passions, vocations, explications de son ouvrage Frontières du genre autobiographique a) le roman : les auteurs préfèrent masquer leur autobiographie en inventant un double à qui ils font vivre leur vie. b) le journal intime : on ne raconte qu'une partie de la vie du narrateur c) la correspondance : caractère autobiographique, mais on ne raconte pas tout, l'auteur fait juste part de ses réactions, il donne son avis. d) les mémoires : autobiographie mais, elles ne relatent que des évènements ayant des valeurs historiques (épisodes aux cours desquels ils sont participés = les auteurs). Et les temps dans tout cela ?! a) le présent d'énonciation : exprime un fait au moment où l'on parle, permet d'exprimer ce l'auteur/narrateur fait ou pense ≠ souvenirs évoqués b) le présent de narration : rapporter des faits passés et permet de les rendre actuels, vivants, aux yeux du lecteur qui a l'impression de participer à l'histoire.
TEXTES • p 104 F R de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe • p 106 J-J Rousseau, Les Confessions • p 108 J Green, Jeunes Années • p 110 M Leiris, L’Age d’homme • Texte donné: Larochefoucauld, Autoportrait du duc François de la Rochefoucauld • p 112 F R de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe • p 114 J-J Rousseau, Les Confessions • p 115 L F Céline, Mort à crédit • p 117 J-P Sartre, Les Mots • p 118 N Sarraute, Enfance
Jean-Jacques Rousseau, né le 28 juin 1712 à Genève et mort le 2 juillet 1778 à Ermenonville, est un écrivain, philosophe et musicien genevois de langue française. Il est l'un des plus illustres philosophes du siècle des Lumières et l'un des pères spirituels de la Révolution française. Tous se réclament de lui. Les révolutionnaires, d'un extrême à l'autre, prétendent « ne marcher que le Contrat social à la main ». Paradoxalement, les théoriciens de la contre-révolution (Joseph de Maistre, Louis-Gabriel de Bonald) se réclament eux aussi de Rousseau. Il était considéré par Arthur Schopenhauer comme le « plus grand des moralistes modernes ». Schopenhauer disait : « Ma théorie a pour elle l'autorité du plus grand des moralistes modernes : car tel est assurément le rang qui revient à J.-J. Rousseau, à celui qui a connu si à fond le cœur humain, à celui qui puisa sa sagesse, non dans des livres, mais dans la vie ; qui produisit sa doctrine non pour la Chaire, mais pour l'humanité ; à cet ennemi des préjugés, à ce nourrisson de la nature, qui tient de sa mère le don de moraliser sans ennuyer, parce qu'il possède la vérité, et qu'il émeut les cœurs »[1]. Ses travaux ont influencé grandement l'esprit révolutionnaire français. Il est particulièrement célèbre pour ses travaux sur l'homme, la société ainsi que sur l'éducation. La philosophie politique de Rousseau se situe dans la perspective dite contractualiste des philosophes britanniques des XVIIe et XVIIIe siècles, et son fameux Discours sur l'inégalité se conçoit aisément comme un dialogue avec l'œuvre de Thomas Hobbes. Rousseau était d'une grande sensibilité.
Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau est une autobiographie couvrant les cinquante-trois premières années de la vie de Rousseau, jusqu'à 1767. Les 12 livres des Confessions se divisent en deux ensembles distincts, définis par Jean-Jacques Rousseau lui-même : la première partie constituée par les livres I à VI avec le Préambule, rédigée en 1765-1767, couvre les années 1712-1740 (années de formation, de la naissance à Genève à l'installation à Paris à 28 ans) alors que la deuxième partie, constituée par les livres VII à XII et rédigée en 1769-1770, couvre les années 1741-1765, c'est-à-dire sa vie à Paris dans les milieux de la musique et des philosophes, avec ses réussites (Discours - La Nouvelle Héloïse) et ses déboires comme les attaques qui suivent la publication de l'Émile, qui l'oblige à fuir en Suisse). L'œuvre aura une publication entièrement posthume : en 1782 pour la première partie et en 1789 pour la deuxième [1] ; Jean-Jacques Rousseau avait cependant déjà fait des lectures publiques de certains extraits. Le titre des Confessions a sans doute été choisi en référence aux Confessions de Saint-Augustin, publiées au IVe siècle après Jésus Christ. Rousseau accomplit ainsi un acte sans valeur religieuse à proprement parler, mais doté d’une forte connotation symbolique: celui de l’aveu des péchés, de la confession. Associant sincérité, humilité et plaidoyer pour lui-même, Rousseau cherche à brosser un portrait positif de lui-même et se présente essentiellement comme une victime de la vie[2]. L'œuvre des Confessions fonde néanmoins le genre moderne de l'autobiographie et constitue un texte marquant de la littérature française.
LIVRE PREMIER : 1712 - 1728 Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple, et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi. Moi seul. Je sens mon coeur, et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus ; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m'a jeté, c'est ce dont on ne peut juger qu'après m'avoir lu. Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement : Voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus. J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n'ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon ; et s'il m'est arrivé d'employer quelque ornement indifférent, ce n'a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire. J'ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l'être, jamais ce que je savais être faux. Je me suis montré tel que je fus : méprisable et vil quand je l'ai été ; bon, généreux, sublime, quand je l'ai été : j'ai dévoilé mon intérieur tel que tu l'as vu toi-même. Être éternel, rassemble autour de moi l'innombrable foule de mes semblables ; qu'ils écoutent mes confessions, qu'ils gémissent de mes indignités, qu'ils rougissent de mes misères. Que chacun d'eux découvre à son tour son coeur au pied de ton trône avec la même sincérité, et puis qu'un seul te dise, s'il l'ose : je fus meilleur que cet homme-là. Je suis né à Genève, en 1712 d'Isaac Rousseau, Citoyen, et de Susanne Bernard, Citoyenne. TEXTE 1
INTRODUCTION L'incipit des Confessions est un préambule qui permet à Rousseau, de façon assez orgueilleuse, de présenter son projet autobiographique. Il annonce ses intentions et revendique la singularité de son moi. On pourra analyser successivement : I. Une affirmation orgueilleuse de soi II. La singularité du Moi et la singularité de l'oeuvre III. Le projet autobiographique: intentions et difficultés .
I. UNE AFFIRMATION ORGUEILLEUSE DE SOI 1. La situation de communication. L'étude de la situation de communication et en particulier des marques de l'énonciation révèle immédiatement l'importance du je . Plus de 40 occurrences des marques de la première personne (pronoms et adj. possessifs) Le narrateur parle en son nom ( narrateur = auteur = personnage) Souvent en position de sujet des phrases. Le destinataire au début du texte est le lecteur c'est ce dont on ne peut juger qu'après m'avoir lu (le pronom indéfini on , renvoie au lecteur) Dans la deuxième partie du texte, le destinataire est Dieu, désigné par les périphrases: le souverain juge, maître éternel le pronom et l'adj. poss. de la deuxième personne: Rousseau s'adresse directement à lui au style direct, à partir de «Voilà ce que j'ai fait». (ce qui témoigne d'un certain orgueil) Les autres hommes sont simplement évoqués par comparaison à lui. Ils ne deviennent pas locuteurs, sauf à la fin, mais c'est dans une situation hypothétique présentée comme invraisemblable: «qu'un seul te dise, s'il l'ose.» Donc insistance sur la première personne. Texte centré sur l'auteur. 2. L'apologie de soi-même . Le "beau rôle". L'orgueil Rousseau se donne la place centrale. Il se présente, surtout dans le 3ème paragraphe, en position de commandement : Il donne des ordres, d'un ton assuré, y compris à Dieu (la fin peut faire penser à un texte de type injonctif, même si les ordres ne s'adressent pas au lecteur). Présence des impératifs et des subjonctifs à valeur d'ordre: «Rassemble , qu'ils écoutent , qu'ils rougissent , que chacun d'eux découvre» ... Un ton assez solennel: rythmes ternaires. Une sorte de supériorité morale: celui qui demande à être jugé devient en quelque sorte le juge des autres. Leur lance un défi: fin du texte. (Attitude assez peu chrétienne !) Il cherche à minimiser quelque peu ses fautes (les inexactitudes qui pourraient apparaître dans l'oeuvre sont d'avance présentées comme secondaires ou excusables ( ornement indifférent , défaut de mémoire ) A la fin du préambule, Rousseau se met en scène dans le jugement dernier. Il occupe la place centrale ( «autour de moi»), Il s'imagine s'adressant à Dieu (d'une façon quelque peu cavalière) On constate une certaine mystification du moi. Un certain orgueil de la différence (idée qu'il n'est pas comme les autres, que les autres sont pires que lui) Il prétend dire le bien comme le mal mais le bien est mis en relief et le mal relativement minimisé: « tel que je fus ; méprisable et vil quand je l'ai été, bon, généreux, sublime, quand je l'ai été » «Méprisable et vil» : deux mots péjoratifs «Bon, généreux, sublime» : trois mots mélioratifs + une gradation. Qui met bien en relief l'aspect positif «sublime» : hyperbole. Cet orgueil est lié aussi à la volonté de se singulariser.
II. LA SINGULARITÉ DU MOI ET LA SINGULARITÉ DE L'OEUVRE 1. La singularité du Moi : Individualité. Rousseau souhaite marquer sa différence, sa distance avec les autres hommes; voir les comparaisons (surtout l'idée qu'il n'y a pas de comparaison possible): «Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus ; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m'a jeté, c'est ce dont on ne peut juger qu'après m'avoir lu.» La métaphore du moule brisé fait-elle allusion à la mort de sa mère ? Toujours est-il que la personnification de la nature souligne elle aussi cette unicité du moi. L'auteur utilise le raisonnement par induction (généralisation) : «Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus ; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent» On peut voir dans cette volonté de proclamer la singularité de l'individu un certain aspect romantique: l'affirmation du moi; une auteur qui se sent isolé de ses semblables, et qui se sent aussi messager. Son entreprise est anti-classique: Au XVIIème siècle, les grands écrivains pensaient, comme Blaise Pascal (1623-1662) que «le moi est haïssable», (Pensées, 455) Rousseau est donc un précurseur qui s'engage dans une voie nouvelle: la narration des aventures personnelles, l'analyse des états d'âme individuels qui continueront durant toute la période romantique. D'un autre côté, son attitude peut sembler un peu paradoxale, puisqu'il affirme sa singularité, il précise qu'il est différent des autres, mais veut tout de même être comparé à eux: «qu'un seul te dise, s'il l'ose: «je fus meilleur que cet homme-là» 2. Le caractère unique, incomparable de la démarche. Rousseau présente son ouvrage comme unique. Sans précédent et sans postérité: affirmations catégoriques... et discutables. «une entreprise qui n'eut jamais d'exemple» > saint Augustin, Montaigne (1533-1592) ont, avant Rousseau, utilisé le genre autobiographique «dont l'exécution n'aura point d'imitateur» > les autobiographies, carnets etc. seront très nombreux au XIXème et XXème siècles, on ne comptera plus les journaux intimes, confessions de... etc. Mais l'auteur invite ses semblables à faire comme lui. Souhaite qu'il y ait une certaine "contagion de la sincérité": ce qui crée là aussi un paradoxe: «entreprise (...) dont l'exécution n'aura point d'imitateur» s'oppose à «que chacun découvre à son tour son coeur au pied de ton trône avec la même sincérité»
III. LE PROJET AUTOBIOGRAPHIQUE : INTENTIONS ET DIFFICULTÉS 1. Le projet : une ouvre consacrée à parler de soi. Le projet est évoqué à plusieurs reprises, par plusieurs expressions: «entreprise» «ce livre» «mes semblables... après m'avoir lu» «qu'ils écoutent mes confessions» (référence au titre) Le MOI sera au centre de cette oeuvre (on a vu par les occurrences qu'il était déjà 'envahissant' dans le préambule) Mise en relief par la phrase brève: moi seul, et par la répétition: ce sera moi. Moi seul. Le je est en même temps l'auteur et l'objet de l'étude: Dans plusieurs phrases, je est en position de sujet et de COD : «Je veux montrer à mes semblables un homme (...) et cet homme, ce sera moi.», «je viendrai (...) me présenter». «Je me suis montré. j'ai dévoilé mon intérieur» Il y aura une adéquation parfaite entre le livre et la vie: d'où le présentatif: «Voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus» «Voilà» est l'équivalent lexical du geste qui consiste à montrer. En présentant le livre, Rousseau présente sa vie. Un ton assez solennel dans le parallélisme de construction et le rythme ternaire: «Voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus.» (semble résumer toute sa vie) 2. La recherche de la vérité : la transparence. Obsession de la vérité. Présente dans l'épitaphe (ici: citation): "intus et in cute" (intérieurement et sous la peau) mais aussi dans le réseau lexical du dévoilement, du regard: «montrer» «Je me suis montré tel que je fus» «j'ai dévoilé mon intérieur» «tel que tu l'as vu toi-même» «Que chacun d'eux découvre à son tour son cour au pied de ton trône avec la même sincérité» L'obsession de la transparence s'exprime aussi par la volonté de tout dire: contrastes, antithèses: (les deux facettes du personnage seront révélées) «J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n'ai rien tu de mauvais, je n'ai rien ajouté de bon ; et même s'il m'est arrivé d'employer quelque ornement indifférent, ce n'a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire. J'ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l'être, jamais ce que je savais être faux. Je me suis montré tel que je fus ; méprisable et vil quand je l'ai été, bon, généreux, sublime, quand je l'ai été» quand je l'ai été... quand je l'ai été... répétition qui permet d'insister. NB: il s'agit du même procédé que l'anaphore, mais à la fin de groupes successifs. Insistance sur la sincérité: «dans toute la vérité de la nature», «franchise», «rien tu», «rien ajouté» (antithèse), «je me suis montré tel que je fus», «j'ai dévoilé mon intérieur...», «avec la même sincérité» «dans toute la vérité de la nature» On sait que Rousseau pense que la société corrompt l'homme. Se dévoiler, c'est échapper aux corruptions de la société. 3. Les difficultés et les limites. L'auteur a conscience de la difficulté de son entreprise: il lui faudra avouer ses fautes: Réseau lexical du mal; «J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n'ai rien tu de mauvais, (...) méprisable et vil» Les limites: reconnaître qu'on a pu utiliser «quelque ornement», «remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire», «J'ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l'être», font peser des doutes sur la sincérité. Il en est de même pour l'orgueil: un écrivain si sûr de lui même pourra-t-il échapper aux écueils du genre et ne pas travestir la vérité ? (à cause de la vanité et du désir de donner de soi une image flatteuse). En même temps, Rousseau revendique la sincérité. Un nouveau paradoxe.
CONCLUSION Texte qui annonce le projet autobiographique. Il révèle certains aspects de la personnalité de son auteur. Un document capital sur l'orgueil et la recherche de la sincérité de Rousseau. La présentation d'une démarche dont on a pu souligner les caractéristiques. (recherche de la sincérité, dévoilement...) mais aussi les paradoxes. Suscitera des réactions diverses chez le lecteur.
TEXTE 2 Un souvenir qui me fait frémir encore et rire tout à la fois, est celui d’une chasse aux pommes qui me coûta cher. Ces pommes étaient au fond d’une dépense qui, par une jalousie élevée, recevait du jour de la cuisine. Un jour que j’étais seul dans la maison, je montai sur la may pour regarder dans le jardin des Hespérides ce précieux fruit dont je ne pouvais approcher. J’allai chercher la broche pour voir si elle y pourrait atteindre: elle était trop courte. Je l’allongeai par une autre petite broche qui servait pour le menu gibier; car mon maître aimait la chasse. Je piquai plusieurs fois sans succès; enfin je sentis avec transport que j’amenais une pomme. Je tirai très doucement: déjà la pomme touchait à la jalousie, j’étais prêt à la saisir. Qui dira ma douleur? La pomme était trop grosse, elle ne put passer par le trou. Que d’inventions ne mis-je point en usage pour la tirer! Il fallut trouver des supports pour tenir la broche en état, un couteau assez long pour fendre la pomme, une latte pour la soutenir. A force d’adresse et de temps je parvins à la partager, espérant tirer ensuite les pièces l’une après l’autre: mais à peine furent-elles séparées, qu’elles tombèrent toutes deux dans la dépense. Lecteur pitoyable, partagez mon affliction. Je ne perdis point courage; mais j’avais perdu beaucoup de temps. Je craignais d’être surpris; je renvoie au lendemain une tentative plus heureuse, et je me remets à l’ouvrage tout aussi tranquillement que si je n’avais rien fait, sans songer aux deux témoins indiscrets qui déposaient contre moi dans la dépense. Le lendemain, retrouvant l’occasion belle, je tente un nouvel essai. Je monte sur mes tréteaux, j’allonge la broche, je l’ajuste; j’étais prêt à piquer… Malheureusement le dragon ne dormait pas: tout à coup la porte de la dépense s’ouvre; mon maître en sort, croise les bras, me regarde, et me dit: Courage!… La plume me tombe des mains. Bientôt, à force d’essuyer de mauvais traitements, j’y devins moins sensible; ils me parurent enfin une sorte de compensation du vol, qui me mettait en droit de le continuer. Au lieu de retourner les yeux en arrière et de regarder la punition, je les portais en avant et je regardais la vengeance. Je jugeais que me battre comme fripon, c’était m’autoriser à l’être. Je trouvais que voler et être battu allaient ensemble, et constituaient en quelque sorte un état, et qu’en remplissant la partie de cet état qui dépendait de moi, je pouvais laisser le soin de l’autre à mon maître. Sur cette idée je me mis à voler plus tranquillement qu’auparavant. Je me disais: Qu’en arrivera-t-il enfin? Je serai battu. Soit: je suis fait pour l’être.
Michel Leiris est né au sein d'une famille bourgeoise cultivée habitant au 41 rue d'Auteuil dans le seizième arrondissement. Sa famille le pousse contre son gré à faire des études de chimie alors qu'il est attiré par l'art et l'écriture. Il fréquente les milieux artistiques après 1918, notamment les surréalistes jusqu'en 1929. Il se lie d'amitié avec Max Jacob, André Masson, Picasso, etc. Son œuvre a marqué les recherches ethnographiques et ethnologiques. En 1935, dans L'Âge d'homme, voici comme il se décrit : « Je viens d’avoir trente-quatre ans, la moitié de la vie. Au physique, je suis de taille moyenne, plutôt petit. J’ai des cheveux châtains coupés court afin d’éviter qu’ils ondulent, par crainte aussi que ne se développe une calvitie menaçante. Autant que je puisse en juger, les traits caractéristiques de ma physionomie sont : une nuque très droite, tombant verticalement comme une muraille ou une falaise, marque classique (si l'on en croit les astrologues) des personnes nées sous le signe du Taureau ; un front développé, plutôt bossué, aux veines temporales exagérément noueuses et saillantes. (...) Mes yeux sont bruns, avec le bord des paupières habituellement enflammé ; mon teint est coloré ; j'ai honte d'une fâcheuse tendance aux rougeurs et à la peau luisante (...). » — Je viens d'avoir trente-quatre ans, §1 in Michel Leiris, L'Âge d'homme, Gallimard, 1939. Sa famille [modifier] Son grand-père paternel, Jacques Eugène Leiris (1819-1893), employé de commerce, a pris part aux journées de juin 1848[réf. nécessaire]. Sa mère, Marie-Madeleine née Caubet (1865-1956), catholique fervente, a fréquenté la Sorbonne, parlait couramment l’anglais mais n’exerça aucune fonction rémunérée. Eugène Leiris (1855-1921), son père, travaille dès l’âge de quatorze ans. Il est agent de change d’Eugène Roussel (1833-1894) puis de son successeur Jacques Sargenton, caissier des titres de ce dernier, puis son fondé de pouvoirs. Établi à son compte, il est alors l’homme d’affaires de Raymond Roussel (fils d’Eugène Roussel et écrivain à qui Leiris voue une immense admiration). Eugène Leiris décède, le 16 novembre 1921, des suites d’une opération de la prostate. Max Jacob, retiré, fin juin 1921, au couvent des bénédictins de Saint-Benoît-sur-Loire, adresse, le 18 novembre 1921, ses condoléances à Michel Leiris qui vient de perdre son père. C'est la première des lettres qu’il lui adresse (deux par mois) au cours des deux années qui suivent. Les soixante-six lettres, dont cinquante-deux de novembre 1921 à décembre 1923, conservées par Leiris ont été publiées. Eugène et Marie Leiris qui ont perdu une fille, Madeleine, élèvent quatre enfants : trois fils, Jacques, Pierre (dont les deux fils, François et Henri, décèdent au combat en novembre 1944), Michel et leur nièce Juliette, marraine de Michel. Elle est, pour lui, une sœur aînée, une seconde mère mais aussi, grâce à son excellente mémoire, celle qui lui permet de vérifier l’exactitude de ses souvenirs d’enfance. Juliette épouse, le 2 juin 1910, Gustave Jannet (1883-1935). Le couple vient habiter Paris, près de chez les Leiris, Michel peut ainsi continuer à voir sa sœur tous les jours. Il épouse en 1926 Louise Godon surnommée Zette, fille « naturelle » de Lucie Godon qui a trois sœurs plus jeunes. Michel Leiris devient ainsi le beau-fils de Daniel-Henry Kahnweiler, le puissant marchand de tableaux (s'occupant de Picasso notamment), ami de Max Jacob, Georges Braque. Chez les Kahnweiler, on rencontre régulièrement André Masson et ses amis, le critique d’art Maurice Raynal (1884-1954), Élie Lascaux et son épouse Berthe (sœur de Lucie Godon), Suzanne Roger et son mari André Beaudin, le sculpteur Jacques Lipchitz, le musicien Erik Satie, le dramaturge Armand Salacrou et sa femme Lucienne, des écrivains et poètes Antonin Artaud, Charles-Albert Cingria (1883-1954), André Malraux et sa femme Clara. Études [modifier] Les parents de Michel Leiris s’installent, en 1904, au 8 rue Michel-Ange dans un quartier d’Auteuil. De 1906 à 1909, Michel fréquente, jusqu’à la classe de neuvième incluse, l’école privée mixte de la rue Michel-Ange. Au mois d’octobre 1909, il entre au cours Kayser-Charavay, avenue Montespan, pour une année scolaire. En octobre 1910, il est en classe de septième, et l’année suivante en sixième, au cours Daguesseau, dirigée par l’abbé Llobet, rue Boileau. Puis, en octobre 1912, il intègre le lycée Janson-de-Sailly pour y suivre les cours de cinquième. En juillet 1914, Michel termine sa quatrième avec le deuxième prix de français et le premier prix de récitation. En juillet 1916, il obtient, à la fin de sa classe de seconde, les premiers prix de composition française et d’exercices latins, mais, pour raison disciplinaire, il doit quitter le lycée Janson-de-Sailly. Sa famille le protège des nouvelles concernant la Première Guerre mondiale. Au mois d’octobre 1916, il entre à l’école Vidal de la rue de Passy, pour y suivre la classe de première. Michel obtient en juillet 1917, la première partie du baccalauréat latin-langues, avec l’indulgence du jury. Il retourne, en octobre 1917, au cours Kayser-Charavay, pour suivre sa classe de philosophie. Il échoue, en juillet 1918, à la deuxième partie du baccalauréat. L’été 1918, les Leiris s’installent au 2 rue Mignet dans le seizième arrondissement de Paris. Michel suit des cours de philosophie dans une école privée, l'« école Descartes ». Il repasse, le 28 octobre 1918, la deuxième partie du baccalauréat (philosophie) qu’il obtient « tant bien que mal » d'après ses dires.
Dès 1919, Michel Leiris fait quelques tentatives pour avoir un travail stable. Après deux tentatives comme employé de commerce aux magasins Peter Robinson et chez le commissionnaire Max Rosambert, Leiris abandonne très rapidement. Durant l’automne 1920, il prépare l’examen d’entrée à l’Institut de chimie. Le 15 décembre 1921, Michel Leiris commence un service militaire, au fort d'Aubervilliers, puis à l’Institut Pasteur, où il termine ses deux ans de conscription. Il habite encore chez sa mère (rue Mignet), et prépare, seulement pour la forme, un certificat de chimie. Le 15 décembre 1923, libéré du service militaire, il met fin à ses études de chimie. Il dira lui-même : J’obéis à ma vocation - et renonçant aux vagues études que j’avais poursuivies jusqu’alors - je quittai le laboratoire où j’avais fini mon service [...], décidé à consacrer toute mon activité à la littérature. Au mois d’octobre 1926, Michel Leiris est représentant en librairie, métier qui l’ennuie, mais lui laisse le temps d’écrire. Il adhère au syndicat CGT des V.R.P. (voyageurs représentants placiers). Il entre à Documents, revue fondée en 1929, par Georges Bataille, Georges Henri Rivière, Carl Einstein et financée par le marchand d’art Georges Wildenstein, le 3 juin 1929, comme secrétaire de rédaction, succédant à un poète, Georges Limbour, et précédant un ethnologue, Marcel Griaule, à son retour d’Éthiopie. Une rencontre décisive pour sa carrière d’ethnographe. À vingt-huit ans, c'est son premier emploi stable, où il reste salarié jusqu’à sa retraite, en 1971. De 1929 à 1935, il suit une psychanalyse sous la conduite d'Adrien Borel. Il ressent le besoin, pour la parachever, ou en constater l'échec, d'écrire une autobiographie : L'Âge d'Homme. Cette première œuvre est ensuite prolongée par les quatre tomes de La Règle du Jeu, rédigés de 1948 à 1976. Avec l’appui de Georges Henri Rivière, sous-directeur du Musée d’ethnographie du Trocadéro depuis 1929, Leiris est officiellement recruté, en janvier 1931, par Marcel Griaule en tant qu’homme de lettres et étudiant en ethnologie faisant fonction de secrétaire archiviste de la Mission ethnographique la « Mission Dakar-Djibouti ». Michel Leiris tient le journal de bord de cette mission, publié sous le titre de L'Afrique fantôme, dont la tonalité est de plus en plus personnelle et intime. La mission comprend, en 1931, six personnes : Marcel Griaule (chef de la mission), Marcel Larget, un naturaliste, chargé de l’intendance et second de la mission, Leiris, Éric Lutten (enquêtes sur les technologies et prises de vue cinématographiques), Jean Mouchet (études linguistiques) et Jean Moufle (enquêtes ethnographiques). Plus tard, André Schaeffner (musicologue), Abel Faivre (géographe et naturaliste), Deborah Lifchitz (1907-1943), linguiste, et Gaston-Louis Roux, recruté sur la recommandation de Leiris comme « peintre officiel de la Mission » chargé d’étudier et collecter des peintures éthiopiennes anciennes et d’en exécuter des copies. À ces personnes, il est essentiel d'ajouter Abba Jérôme Gabra Mussié. De retour à Paris, il a du mal à se réadapter à la vie parisienne. Il habite, avec sa femme, encore chez sa mère, rue Wilhem. Il se met à étudier l'ethnologie en suivant les cours de Marcel Mauss à l'Institut d'ethnologie, puis prend la responsabilité du Département d'Afrique noire du Musée d'ethnographie du Trocadéro (ancêtre du Musée de l'Homme). Il fait un trait, comme Paul Nizan (dans Aden Arabie), sur le voyage comme mode d'évasion, en signant L'Afrique fantôme : monumental journal de voyage dans lequel il détourne les techniques d'enquête et de retranscription ethnographiques pour les appliquer à la description du quotidien et des conditions de travail de l'équipe de chercheurs. La publication de ce texte dans la revue Le Minotaure provoque la rupture avec Marcel Griaule qui craint que la révélation des méthodes brutales utilisées pour la collecte de certains objets sacrés ne porte atteinte à la réputation des ethnographes[1]. Il se donne comme mission d'obtenir les diplômes qui légitimeront ses activités. Son mémoire sur la langue secrète des Dogons présenté à l’École pratique des hautes études (EPHE) est ajourné par Louis Massignon (1883-1962) qui lui reproche de procéder par « explosions successives de pensée » et non par enchaînements discursifs. Il le présente en juin 1938. Entre temps, en janvier 1935, il commence à suivre les cours sur les religions primitives de Maurice Leenhardt à l’EPHE et, à partir du mois de novembre, une licence de lettres à la Sorbonne. En 1936, il obtient son certificat d’histoire des religions (option religions primitives), mention bien, et le 21 novembre de la même année un certificat de sociologie. En juin 1937, il décroche son certificat d’ethnologie (options linguistique et Afrique Noire), mention bien, et le 21 d’octobre le diplôme d’amharique de l’École nationale des langues orientales vivantes, mention bien. Au printemps de l’année 1938, désormais licencié ès lettres, Leiris est nommé directeur de service au Laboratoire d’ethnologie du Muséum national d’histoire naturelle.
Au mois d’août 1940, le linguiste Boris Vildé (1908-1942), l’anthropologue Anatole Lewitsky (1901-1942) et la bibliothécaire Yvonne Oddon (1902-1982) créent le « secteur Vildé » du réseau de résistance dit Groupe du musée de l'Homme. Leiris entretient des rapports cordiaux avec le groupe, sans en faire partie, notamment pour préserver la sécurité et les intérêts de Kahnweiler et de la galerie Simon (de Zette), mais Michel Leiris et son épouse abritent, sans aucune réserve, Deborah Lifchitz, juive d’origine polonaise, dans leur appartement de la rue Eugène-Poubelle. Cette collaboratrice de la mission Dakar - Djibouti, meurt à Auschwitz après son arrestation par la police française, le 21 février 1942. Leiris dédie à sa mémoire « La Langue secrète des Dogons de Sanga » à sa publication. Durant la fin de la guerre, il organisera également dans son salon le 19 mars 1944 la lecture de la première pièce de théâtre de Picasso, Le Désir attrapé par la queue, regroupant une importante partie de l'intelligensia parisienne (Sartre, De Beauvoir, Lacan, Reverdy...) sous la direction d'Albert Camus[2]. Après la guerre, on continue [modifier] En octobre 1942, Leiris rencontre Sartre au Havre. Les deux écrivains se sont auparavant mutuellement lus et appréciés, Leiris ayant été subjugué par La Nausée et L'âge d'homme ayant fait forte impression sur Sartre. Cette rencontre sera décisive pour la pensée et l'écriture de Leiris, au point qu'il réalisera une seconde préface à L'âge d'homme marquée par la thématique sartrienne de la « littérature engagée ». Après la Libération, il devient membre de l'équipe fondatrice de la revue Les Temps modernes dirigée par Sartre. Il participe également, avec Alioune Diop, Aimé Césaire, dont il devient l'ami, et Georges Balandier, à la fondation de la revue Présence africaine en 1945. Il écrit également des nouvelles et de nombreux poèmes. Parallèlement, il embrasse la profession d'ethnologue et en 1943 il est chargé de recherche CNRS au Musée de l'Homme. Il exerce une grande influence sur une nouvelle génération d'ethnologues comme Georges Condominas. Il est nommé Satrape du Collège de 'Pataphysique en 1957, et publie de nombreux textes dans la revue du Collège. D'un tempérament mélancolique et angoissé, atteignant une profonde dépression, il tente en 1957 de se suicider, et reste 4 jours dans le coma.
En 1960, Michel Leiris participe à la fondation et à la direction des Cahiers d’études africaines publiés par l’École pratique des hautes études (VIe section). En juillet de la même année, prenant position contre le colonialisme, il est notamment un des premiers signataires du Manifeste des 121 - Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie, et également membre du Mouvement de la paix publiée en septembre dans différents périodiques, qui furent saisis, vingt-neuf des signataires, dont Leiris, furent inculpés de provocation à l’insoumission et à la désertion. Le 25 octobre 1960, année de l’accession à l’indépendance des colonies françaises d’Afrique noire et de Madagascar, une commission paritaire du CNRS se réunit en conseil de discipline pour examiner le cas des chercheurs signataires du « Manifeste des 121 ». Tentant de se défendre, Leiris affirme que sa vocation d’ethnologue le pousse à défendre les peuples qu’il étudie et dont il est « l’avocat désigné, celui qui plus que quiconque doit s’attacher à faire admettre leurs droits, sans excepter le droit de lutter à leur tour pour se constituer en nation ». Le 7 décembre, un blâme lui est infligé. En janvier 1961, quelques mois après la sanction concernant la signature du « Manifeste des 121 », il est promu maître de recherche au CNRS Jean Rouch conseille à Leiris en 1967 de postuler au grade de directeur de recherche au CNRS (ce qui lui prolonge de trois ans sa carrière). Il est nommé directeur de recherche en janvier 1968. Il préside avec Simone de Beauvoir, l’association des amis du journal maoïste La Cause du peuple. Il s’associe au mouvement de mai 1968. Avec Robert Jaulin et Jean Malaurie, il assure durant l'année 1969 la critique des théories d’ethnologie dans le cadre de l’enseignement « critique » et « polémique » donné à la Sorbonne, parallèlement aux cours officiels d’ethnologie. Il laisse, en plus de son œuvre autobiographique, d'importantes études de critique esthétique et d'ethnologie. Il a notamment travaillé sur la croyance en la possession - zar - dans le nord de l'Éthiopie, l'analysant dans une perspective proche du thème sartrien de la mauvaise foi existentielle et des travaux d'Alfred Métraux sur le culte vaudou. En matière de critique d'art, l’un des observateurs les plus aigus, Leiris s'est principalement intéressé à la peinture moderne figurative. Il a consacré des articles et des essais aux grands peintres "réalistes" du 20e siècle : Pablo Picasso, Wifredo Lam, André Masson, Alberto Giacometti ou Francis Bacon (dont on peut considérer qu’il était le « découvreur »), avec qui il partagera une amitié dès 1966. En 1980, Leiris refuse le Grand prix national des lettres
Son bureau au Musée de l’Homme lui est supprimé, au mois d’août 1984, une mesure rapportée fin septembre par l’assemblée des professeurs du Muséum national d’histoire naturelle, après les protestations et pétitions du personnel du musée. Au mois de janvier de l’année suivante Leiris fait don, au Musée de l’Homme, de ses archives relatives à l’ethnologie et à sa carrière d’ethnographe, archives aujourd'hui conservées (et numérisées) par la bibliothèque du Laboratoire d'anthropologie du Collège de France Le 7 janvier 1988, un verrou est posé sur la porte de son bureau. Son bureau est cadenassé pour lui en empêcher l'accès et ses notes sont confisquées en 1987. Il n'y revient plus. Avec Jean Jamin, Leiris fonde en 1986 au musée de l'Homme la revue d'anthropologie Gradhiva, aujourd'hui publiée par le Musée du quai Branly, ainsi que la collection “Les cahiers de Gradhiva” publiée aux éditions Jean-Michel Place. Hospitalisé à l’Hôpital américain de Neuilly (du 7 au 20 novembre 1989) à la suite d'une crise cardiaque, il décède le dimanche 30 septembre 1990, à 9 h 15 du matin, dans sa maison de Saint-Hilaire (Essonne). Incinéré au crématorium du Père-Lachaise, ses cendres furent placées dans le caveau où reposent Lucie (1882-1945) et son mari Daniel-Henry Kahnweiler (1884-1979), Jeanne Godon et Zette (Louise Alexandrine) Leiris (née Godon le 22 janvier 1902 à Paris). Leiris a légué ses biens à Amnesty International, à la Fondation des Droits de l’Homme, au Mouvement contre le racisme. Sa bibliothèque et ses manuscrits littéraires sont déposés à la Bibliothèque Jacques Doucet, tandis que les manuscrits de son œuvre et ses archives ethnographiques son déposées au Laboratoire d'anthropologie sociale. Jean Jamin en est l'exécuteur testamentaire. Une revue internationale consacrée exclusivement à Michel Leiris a été fondée en 2006. Éditée par les Éditions Les Cahiers, les Cahiers Leiris consacrent chacune de leurs livraisons à la publication d'articles critiques et de documents inédits.
L’Âge d’homme est un récit autobiographique de Michel Leiris, publié en 1939 et considéré comme son œuvre majeure[réf. nécessaire]. L’Âge d’homme est le premier texte littéraire de Michel Leiris à aborder l'autobiographie tout en renouvelant les règles du genre. Il a été écrit entre 1930 et 1935. Il est dédié à Georges Bataille « qui est à l'origine de ce livre ». Commencé à trente-quatre ans, après une cure psychanalytique, ce récit retrace la vie de son auteur avec le regard rétrospectif de l'autobiographie. Mais le pacte de vérité qu'il sous-entend revêt une forme particulière du fait de l'expérience analytique. En effet, la liberté de ton dont use Leiris n'est pas sans rappeler l'absence de censure du discours analytique à laquelle le patient se prête durant la cure : l’Âge d’homme révèle ainsi les obsessions de l'auteur, morbides et sexuelles, avec une lucidité qui n'exclut pas l'autodérision, comme en atteste l'autoportrait des premières pages. Centré essentiellement sur l'enfance et la jeunesse de Leiris, le récit se veut aussi et surtout une interprétation de l'existence. À l'aune des figures mythologiques qui symbolisent son rapport au monde – Judith et Lucrèce notamment –, Leiris effectue un parallèle constant entre les épisodes de sa vie et ces deux icônes entre lesquelles sa vie balance, celle de la dévoratrice et celle de la femme blessée. Divisée en huit chapitres, l'autobiographie se clôt au moment où Leiris pense avoir atteint l'âge d'homme, qui se confond, pour lui, avec la naissance de sa vocation d'écrivain. Fin 1945, il revient sur cette œuvre dans un court texte, De la littérature considérée comme une tauromachie, où il compare sa prise de risque dans la description autobiographique de son intimité à celle d'un torero lors d'une corrida.
Francis Bacon Né le 28 octobre 1909 à Dublin de parents anglais, décédé le 28 avril 1992 à Madrid est un peintre britannique. Peintre de sujets religieux, figures, portraits, nus, animaux, paysages, peintre à la gouache, aquarelliste, pastelliste, peintre de technique mixte, lithographe. Expressionniste.
Que voulait signifier Bacon avec ces visages tordus, torturés, décomposés? Voulait-il peindre la chair ou l'âme de ses modèles ? Voulait-il dire la vanité de la peinture, de la ressemblance, de la reproduction du réel ? Voulait-il dire autre chose que ce jaillissement de matière, entre solide, liquide et gazeux ? Voulait-il peindre un autre réel, intérieur?
«Je viens d'avoir trente-quatre ans, la moitié de la vie. Au physique, je suis de taille moyenne, plutôt petit. J'ai des cheveux châtains coupés court afin d'éviter qu'ils ondulent, par crainte aussi que ne se développe une calvitie menaçante. Autant que je puisse en juger, les traits caractéristiques de ma physionomie sont: une nuque très droite, tombant verticalement comme une muraille ou une falaise (...); un front développé, plutôt bossué, aux veines temporales exagérément noueuses et saillantes (...). Mes yeux sont bruns, avec le bord des paupières habituellement enflammé; mon teint est coloré; j'ai honte d'une fâcheuse tendance aux rougeurs et à la peau luisante. Mes mains sont maigres, assez velues, avec des veines très dessinées; mes deux majeurs, incurvés vers le bout, doivent dénoter quelque chose d'assez faible ou d'assez fuyant dans mon caractère. Ma tête est plutôt grosse pour mon corps; j'ai les jambes un peu courtes par rapport à mon torse, les épaules trop étroites relativement aux hanches. Je marche le haut du corps incliné en avant; j'ai tendance, lorsque je suis assis, à me tenir le dos voûté; ma poitrine n'est pas très large et je n'ai guère de muscles. J'aime à me vêtir avec le maximum d'élégance; pourtant, à cause des défauts que je viens de relever dans ma structure et de mes moyens qui, sans que je puisse me dire pauvre, sont plutôt limités, je me juge d'ordinaire profondément inélégant; j'ai horreur de me voir à l'improviste dans une glace car, faute de m'y être préparé, je me trouve à chaque fois d'une laideur humiliante». TEXTE
Quelles sont les caractéristiques de cet autoportrait ? Michel Leiris, auteur du 20ème siècle a subi une psychanalyse pendant près de 10 ans, lui permettant d’écrire L’age d’homme. I) De la peinture à l’écriture 1) Le portrait physique 2) Le portrait moral II) Les formes énonciatives de l’autoportrait 1) Etude du système énonciatif III) Un travail ne reflétant pas toujours la réalité 1) Le coté subjectif 2) Un travail pour mieux se comprendre : l’introspection
Introduction I) Les matériaux de la prosoprographie d'un personnage A. Un physique défraîchi par les ans B. Une description minutieuse II) Les procédés de dénigrement de soi A. Un vocabulaire dépréciatif qui témoigne d'un complexe d'infériorité B. La révélation d'un dégoût de soi Conclusion
Autoportrait du duc François de la Rochefoucauld • 1615 - 1680 -
Je suis d’une taille médiocre, libre et bien proportionnée. J’ai le teint brun, mais assez uni ; le front élevé, et d’une raisonnable grandeur ; les yeux noirs, petits et enfoncés ; et les sourcils noirs et épais, mais bien tournés. Je serois fort empêché de dire de quelle sorte j’ai le nez fait ; car il n’est ni camus, ni aquilin, ni gros, ni pointu, au moins à ce que je crois : tout ce que je sais, c’est qu’il est plutôt grand que petit, et qu’il descend un peu trop bas. J’ai la bouche grande, et les lèvres assez rouges d’ordinaire, et ni bien ni mal taillées. J’ai les dents blanches et passablement bien rangées. On m’a dit autrefois que j’avois un peu trop de menton : je viens de me regarder dans le miroir pour savoir ce qui en est ; et je ne sais pas trop bien qu’en juger. Pour le tour du visage, je l’ai ou carré ou ovale ; lequel des deux, il me seroit difficile de le dire. J’ai les cheveux noirs, naturellement frisés, et avec cela assez épais et assez longs pour pouvoir prétendre en belle tête.
J’ai quelque chose de chagrin et de fier dans la mine : cela fait croire à la plupart des gens que je suis méprisant, quoique je ne le sois point du tout. J’ai l’action fort aisée, et même un peu trop, et jusqu’à faire beaucoup de gestes en parlant. Voilà naïvement comme je pense que je suis fait au dehors ; et l’on trouvera, je crois, que ce que je pense de moi là-dessus n’est pas fort éloigné de ce qui en est. J’en userai avec la même fidélité dans ce qui me reste à faire de mon portrait ; car je me suis assez étudié pour me bien connoître, et je ne manquerai ni d’assurance pour dire librement ce que je puis avoir de bonnes qualités, ni de sincérité pour avouer franchement ce que j’ai de défauts.
Premièrement, pour parler de mon humeur, je suis mélancolique, et je le suis à un point que depuis trois ou quatre ans à peine m’a-t on vu rire trois ou quatre fois. J’aurois pourtant, ce me semble, une mélancolie assez supportable et assez douce, si je n’en avois point d’autre que celle qui me vient de mon tempérament ; mais il m’en vient tant d’ailleurs, et ce qui m’en vient me remplit de telle sorte l’imagination et m’occupe si fort l’esprit, que la plupart du temps, ou je rêve sans dire mot, ou je n’ai presque point d’attache à ce que je dis. Je suis fort resserré avec ceux que je ne connois pas, et je ne suis pas même extrêmement ouvert avec la plupart de ceux que je connois. C’est un défaut, je le sais bien, et je ne négligerai rien pour m’en corriger : mais comme un certain air sombre que j’ai dans le visage contribue à me faire paraître encore plus réservé que je ne le suis, et qu’il n’est pas en notre pouvoir de nous défaire d’un méchant air qui nous vient de la disposition naturelle des traits, je pense qu’après m’être corrigé au-dedans, il ne laissera pas de me demeurer toujours de mauvaises marques au dehors.
J’ai de l’esprit et je ne fais point difficulté de le dire car à quoi bon façonner là dessus tant biaiser et tant apporter d’adoucissement pour dire les avantages que l’on a c’est ce me semble cacher un peu de vanité sous une modestie apparente et se servir d’une manière bien adroite pour faire croire de soi beaucoup plus de bien que l’on n’en dit. Pour moi je suis content qu’on ne me croie ni plus beau que je me fais, ni de meilleur humeur que je me dépeins, ni plus spirituel et plus raisonnable que je le suis. J’ai donc de l’esprit encore une fois, mais un esprit que la mélancolie gâte ; car encore que je possède assez bien ma langue, que j’aie la mémoire heureuse, et que je ne pense pas les choses fort confusément, j’ai pourtant une si forte application à mon chagrin, que souvent j’exprime assez mal ce que je veux dire.
La conversation des honnêtes gens est un des plaisirs qui me touchent le plus. J aime qu’elle soit sérieuse, et que la morale en fasse la plus grande partie. Cependant je sais la goûter aussi lorsqu’elle est enjouée, et si je ne dis pas beaucoup de petites choses pour rire, ce n’est pas du moins que je ne connoisse pas ce que valent les bagatelles bien dites, et que je ne trouve fort divertissante cette manière de badiner, où il y a certains esprits prompts et aisés qui réussissent si bien. J’écris bien en prose, je fais bien en vers, et si j’étois sensible à la gloire qui vient de ce côté-là, je pense qu’avec peu de travail je pourrois m’acquérir assez de réputation.
J’aime la lecture en général : celle où il se trouve quelque chose qui peut façonner l’esprit et fortifier l’âme est celle que j’aime le plus. Surtout j’ai une extrême satisfaction à lire avec une personne d’esprit ; car de cette sorte on réfléchit à tout moment sur ce qu’on lit, et des réflexions que l’on fait il se forme une conversation la plus agréable du monde et la plus utile. Je juge assez bien des ouvrages de vers et de prose que l’on me montre ; mais j’en dis peut-être mon sentiment avec un peu trop de liberté. Ce qu’il y a encore de mal en moi, c’est que j’ai quelquefois une délicatesse trop scrupuleuse et une critique trop sévère. Je ne hais pas entendre disputer, et souvent aussi je me mêle assez volontiers dans la dispute : mais je soutiens d’ordinaire mon opinion avec trop de chaleur ; et lorsqu’on défend un parti injuste contre moi, quelquefois, à force de me passionner pour la raison, je deviens moi-même fort peu raisonnable.
J’ai les sentimens vertueux, les inclinations belles, et une si forte envie d’être tout à fait honnête homme, que mes amis ne me sauroient faire un plus grand plaisir que de m’avertir sincèrement de mes défauts. Ceux qui me connoissent un peu particulièrement, et qui ont eu la bonté de me donner quelquefois des avis là-dessus, savent que je les ai toujours reçus avec toute la joie imaginable, et toute la soumission d’esprit que l’on sauroit désirer. J’ai toutes les passions assez douces et assez réglées : on ne m’a presque jamais vu en colère, et je n’ai jamais eu de haine pour personne. Je ne suis pas pourtant incapable de me venger si l’on m avoit offensé et qu’il y allât de mon honneur à me ressentir de l’injure qu’on m’auroit faite ; au contraire je suis assuré que le devoir feroit si bien en moi l’office de la haine que je poursuivrois ma vengeance avec encore plus de vigueur qu’un autre.
L’ambition ne me travaille point. Je ne crains guère de choses et ne crains aucunement la mort. Je suis peu sensible à la pitié, et je voudrois ne l’y être point du tout. Cependant il n’est rien que je ne fisse pour le soulagement d’une personne affligée, et je crois effectivement que l’on doit tout faire, jusqu’à lui témoigner même beaucoup de compassion de son mal ; car les misérables sont si sots, que cela leur fait le plus grand bien du monde. Mais je tiens aussi qu’il faut se contenter d’en témoigner et se garder soigneusement d’en avoir : c’est une passion qui n’est bonne à rien au dedans d’une âme bien faite, qui ne sert qu’à affoiblir le cœur, et qu’on doit laisser au peuple, qui n’exécutant jamais rien par raison, a besoin de passions pour le porter à faire les choses.
J’aime mes amis et je les aime d’une façon que je ne balancerais pas un moment à sacrifier mes intérêts aux leurs. J’ai de la condescendance pour eux, je souffre patiemment leurs mauvaises humeurs : seulement je ne leur fais beaucoup de caresses, et je n’ai pas non plus de grandes inquiétudes en leur absence. J’ai naturellement fort peu de curiosité pour la plus grande partie de ce tout qui en donne aux autres gens. Je suis fort secret, et j’ai moins de difficulté que personne à taire ce qu’on m’a dit en confidence. Je suis extrêmement régulier à ma parole ; je n’y manque jamais, de quelque conséquence que puisse être ce que j ai promis ; et je m’en suis fait toute ma vie une loi indispensable. J’ai une civilité fort exacte parmi les femmes ; et je ne crois pas jamais avoir rien dit devant elles qui leur ait pu faire de la peine. Quand elles ont l’esprit bien fait, j’aime mieux leur conversation que celle des hommes : on y trouve une certaine douceur qui ne se rencontre point parmi nous ; et il me semble, outre cela, qu’elles s’expliquent avec plus de netteté, et qu’elles donnent un tour plus agréable aux choses qu’elles disent. Pour galant, je l’ai été un peu autrefois ; présentement je ne le suis plus, quelque jeune que je sois. J’ai renoncé aux fleurettes et je m’étonne seulement de ce qu’il y a encore tant d’honnêtes gens qui s’occupent à en débiter.
J’approuve extrêmement les belles passions ; elles marquent la grandeur de l’âme ; et quoique dans les inquiétudes qu’elles donnent il y ait quelque chose de contraire à la sévère sagesse, elles s’accommodent si bien d’ailleurs avec la plus austère vertu, que je crois qu’on ne les sauroit condamner avec justice. Moi, qui connois tout ce qu’il ya de délicat et de fort dans les grands sentimens de l’amour, si jamais je viens à aimer, ce sera assurément de cette sorte : mais, de la façon dont je suis, je ne crois pas que cette connoissance que j’ai me passe jamais de l’esprit au cœur.
Introduction Écrit en 1659. Autoportrait en relation avec autobiographie, confrontation de son image telle qu’on la voit avec celle des regards des autres. Etude I Technique du portrait 1) Enonciation "je" ouvre le texte, commence la plupart des phrases (23), présent de l'indicatif, locuteur décrit tel qu'il est au moment où il parle et aussi plus largement inscrit dans le temps. Traits permanent ou fugitif. Le locuteur sujet s'observe comme un objet (extérieur) -> effet de miroir. 2) Organisation de la description De l'ensemble à l'ensemble en passant par le détail : taille, teint, front, yeux, sourcils, nez. Description descendante pour le visage (bouche, lèvres, dents, menton) Impression d'ensemble (mine l.15) portrait organisé, strict. 3) Insistances tailles, formes couleurs Séries d'anaphores -> volonté d'exactitude. Adjectif renvoie a l'idée de grandeur, petitesse, forme, couleur. Présentation sincère, authentique.
II Choix d’écriture 1) L’imprécision Difficulté à recomposer le portrait -> impression d'incertitude. Négation, grande difficulté de décrire de manière sure. Difficulté de trancher entre deux images opposées. Lien logique d'opposition (mais) n'oppose rien. Adverbe d'atténuation -> incertaines floues (assez, plutôt). Désaccord entre le locuteur et l'avis des autres. Détails précis mais incertitude des formes = paradoxes étonnants. 2) Un ton pourtant assuré Ordre précis sans mot de liaison, effet de parataxe. Présent de généralité ôte possibilité de modification. 3) Marque de sincérité Ignorance sur la volonté de bien se connaître. Il s'appuie sur l'affirmation d'ignorance et sur une étude prouvant sa volonté de bien se connaître -> paradoxes. Souci de faire coïncider l'image donné par le portrait et l'image qu'ont les autres. Conclusion Apparence physique n’offre que peu de particularités. Descriptif minimum, tantôt précis, tantôt incertain. Ce que les autres voient de nous renvoie-t-il ce que nous sommes ?
François-René, vicomte de Chateaubriand, né à Saint-Malo le 4 septembre 1768 et mort à Paris le 4 juillet 1848, est un écrivain romantique et homme politique français. Il est considéré comme l'une des figures centrales du romantisme français et de la littérature française en général. Si le rôle politique de Chateaubriand dans la mouvance royaliste au moment du Premier Empire et de la Restauration est resté mineur, il en va tout autrement dans le domaine littéraire où sa place est grande. En effet ses descriptions de la nature et son analyse des sentiments du « moi » en ont fait un modèle pour la génération des écrivains romantiques en France (« Je veux être Chateaubriand ou rien » proclamait le jeune Victor Hugo). Il a aussi, le premier, dans René, ou les Effets des passions (1802) formulé le « vague des passions » qui deviendra un lieu commun du romantisme et fera de René le personnage emblématique de cette sensibilité nouvelle, créée avec une prose ample et rythmée que ses détracteurs qualifieront d'ampoulée. Il participera aussi au goût pour l'exotisme de l'époque en évoquant l'Amérique du nord où il a voyagé dans Atala (1801) ou Les Natchez (1826) ou encore dans le récit de son voyage en Méditerranée dans Itinéraire de Paris à Jérusalem en 1811. Ses œuvres engagées où il fait l'apologie du christianisme comme le Génie du christianisme (1802), Les Martyrs (1809) ont davantage vieilli. Il en va de même pour ses textes politiques comme De Bonaparte et des Bourbons (1814). L'œuvre monumentale de Chateaubriand reste les Mémoires d'outre-tombe (posthumes, 1849-1850) dont les premiers livres recréent son enfance et sa formation dans son milieu social de petite noblesse bretonne à Saint-Malo ou à Combourg alors que les livres suivants relèvent davantage du tableau historique des périodes dont il a été le témoin de 1789 à 1841. Ce qui fait de ce texte à la fois un chef-d'œuvre de l'autobiographie romantique et une mine d'informations pour l'historien.
Mémoires d'outre-tombe est une autobiographie de François-René de Chateaubriand, dont la rédaction commence en 1809, sous le titre Mémoires de ma vie, et s'achève en 1841. L'édition originale des Mémoires d'outre-tombe, titre final du projet, sera publiée en 12 volumes entre 1849 et 1850 chez Penaud frères (Paris), après une diffusion en feuilleton dans le journal La Presse. On divise cette œuvre en quatre parties distinctes : livres 1 à 12, carrière de soldat et de voyageur ; livres 13 à 18, carrière littéraire ; livres 19 à 34, carrière politique ; livres 35 à 42, retraçant la fin de sa vie.
[Ce livre a été écrit, à la Vallée-aux-Loups, près d'Aulnay, d'octobre 1811 à juin 1812.]Naissance de mes frères et sœurs. - Je viens au monde. Ma mère accoucha à Saint-Malo d'un premier garçon qui mourut au berceau, et qui fut nommé Geoffroy, comme presque tous les aînés de ma famille. Ce fils fut suivi d'un autre et de deux filles qui ne vécurent que quelques mois.Ces quatre enfants périrent d'un épanchement de sang au cerveau. Enfin, ma mère mit au monde un troisième garçon qu'on appela Jean-Baptiste : c'est lui qui dans la suite devint le petit-gendre de M. de Malesherbes. Après Jean-Baptiste naquirent quatre filles : Marie-Anne, Bénigne, Julie et Lucile, toutes quatre d'une rare beauté, et dont les deux aînées ont seules survécu aux orages de la Révolution. La beauté, frivolité sérieuse, reste quand toutes les autres sont passées. Je fus le dernier de ces dix enfants TEXTE
Il est probable que mes quatre sœurs durent leur existence au désir de mon père d'avoir son nom assuré par l'arrivée d'un second garçon ; je résistais, j'avais aversion pour la vie.Voici mon extrait de baptême: «Extrait des registres de l'état civil de la commune de Saint-Malo pour l'année 1768.«François-René de Chateaubriand, fils de René de Chateaubriand et de Pauline-Jeanne-Suzanne de Bedée, son épouse, né le 4 septembre 1768, baptisé le jour suivant par nous Pierre-Henri Nouail, grand vicaire de l'évêque de Saint-Malo. A été parrain Jean-Baptiste de Chateaubriand, son frère, et marraine Françoise-Gertrude de Contades, qui signent et le père. Ainsi signé au registre : Contades de Plouër, Jean-Baptiste de Chateaubriand, Brignon de Chateaubriand, de Chateaubriand et Nouail, vicaire général « On voit que je m'étais trompé dans mes ouvrages : je me fais naître le 4 octobre,