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Adeline Wrona. Autoportraits collaboratifs et portabilité du moi. Les formes renouvelées du portrait au temps du numérique. Un objet d’intérêt : les représentations de l’individu à l’épreuve des nouveaux médias. Quelques hypothèses de travail :
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Adeline Wrona Autoportraits collaboratifs et portabilité du moi Les formes renouvelées du portrait au temps du numérique
Un objet d’intérêt : les représentations de l’individu à l’épreuve des nouveaux médias • Quelques hypothèses de travail : • chaque innovation médiatique suscite l’exploration d’espaces inédits pour la mise en image de soi • Il existe toutefois une « mémoire sociale des formes » (Jeanneret, 2008) • Le portrait constitue l’une des ces formes à mémoire longue.
Mobilité, individualité, communauté • Comment les contraintes de la mobilité déterminent-elles les formes de représentation de l’individu? • Une équation : • plus un portrait circule largement, plus il se standardise, et intègre donc les marques du collectif. • Inversement, plus la représentation est personnalisée, plus elle se prête à des appropriations communautaires. • Ce qui se vérifie dans l’observation des réseaux sociaux : • « L’individualisme expressif ne tend pas vers le solipsisme, mais au contraire démultiplie les formes de vie commune » (Allard, 2007, 22) • « C’est en rendant publiques des informations sur soi que l’on rend possibles opportunités, liens, coopérations et communautés » (Beuscart, Cardon, Pissard, Prieur, 2009).
Le portrait médiatique, ou la sémiotique du « je-nous » • Le « je-nous » : un emprunt à Norbert Elias, pour « signifier que le rapport entre identité du je et identité du nous chez l’individu pris isolément n’est pas fixé une fois pour toutes » (La Société des individus, 1939). • Le portrait tel qu’il circule dans les médias sémiotise une combinaison des marques de la singularité, et des contraintes liées à une diffusion massive.
1. Des livres de visages : le XIXe siècle, et l’invention des portraits-cartes • En 1854, Eugène Disderi invente le « portrait photographique au format carte de visite »
Un moi mobile, qui porte un « nous » • Des portraits au format portable • De facture standardisée • Qui circulent et s’échangent • Et portent en conséquence la marque d’autrui : au dos du portrait, le nom du studio.
Deux amis par Disderi (vicomte Charles de Corberon et comte de Fracontel)
Un moi mobile, qui porte un « nous » • Ces portrait se collectionnent, et se rangent dans des livres : autant de classements du social, par typologies bricolées. • Ils se promènent aussi avec soi : on les laisse chez les personnes à qui l’on rend visite, en cornant le coin.
Un témoignage dans la fiction : La Curée, d’Émile Zola • Maxime Saccard, « amateur de dames », promène « des portraits d’actrices dans toutes ses poches, et jusque dans son porte-cigares » (Zola, 1872, p. 427). Puis « s’en débarrasse », dans l’album. • L’album grossit, comprend des portraits d’amis de toutes sortes, « les amies de Renée », et « des photographies d’hommes, […] des acteurs, des écrivains, des députés, qui étaient venus on ne sait comment grossir la collection » (Zola, 1872, p. 427 )
La société en conversation • Le « livre de visages » devient un remède à l’ennui, les jours de pluie. Les photos sont alors commentées, auscultées : « Alors c’était de longues discussions sur les cheveux de l’Écrevisse, le double menton de Mme de Meinhold, les yeux de Mme de Lauwerens, la gorge de Blanche Muller, le nez de la marquise qui était un peu de travers, la bouche de la petite Sylvia, célèbre par ses lèvres trop fortes » (Zola, 1872, p.427) • On « zoome » sur les détails : Renée s’attache aux « détails microscopiques », fascinée par un poil sur le nez de l’écrevisse; ce qui devient nouveau prétexte à socialisation :
« Pendant une semaine, les dames qui vinrent durent s’assurer par elles-mêmes de la présence du poil » (p. 428)
Un nouveau jeu de société • L’album de portraits-cartes produit du même dans la somme des figures d’autrui • Il reprend à son compte un divertissement mondain, fondé sur le jeu mimétique du portrait : reconnaître un individu par une représentation mimée, versifiée, dessinée. • Industrialisé, mis en mobilité, rendu plus réaliste par la capture photographique, le portrait-carte favorise un jeu d’appariements. « Ils posaient cette question : ‘Avec qui passerais-je volontiers la nuit ?’ et ils ouvraient l’album qui était chargé de la réponse. Cela donnait lieu à des accouplements très réjouissants » (p. 428).
2. Portraits numériques : Facebook ou l’autoportrait collaboratif • Une mémoire sociale réappropriée dans le titre : « un livre » mis en réseau • Comme dans les albums de portraits-cartes, l’identité individuelle se constitue par la collection des images d’autrui
Deux nouvelles caractéristiques • 1.Le caractère obligatoire de « l’inter-référence » (Froissart, 2007) Ainsi l’individu se désigne-t-il comme la somme de ses amis, ou « la somme de ses relations » (Norbert Elias).
Le renouveau des combinatoires : grilles et frises, un musée dynamique Une frise dialogique
2. La nouvelle mobilité du portrait : des visages nomades, et labiles • Un nouveau partenariat entre « amis » • Un dispositif d’intégration des images d’autrui
Pour conclure • Dans les « livres de portraits » numériques, l’identité individuelle prend la forme d’une « agrégation » (Doueihi) • Le portrait devient polyphonique, tout en obéissant à un standard dicté par l’architexte éditorial. • Une textualisation conversationnelle, qui reprend les usages du jeu de salon?