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Journée SAE2 - Etiquetage nutritionnel - 10 avril 2013. L’arbitrage goût – santé : La dimension comportementale (ou comment la psychologie et les neurosciences peuvent aider l’économiste et les pouvoirs publics). Bernard Ruffieux Grenoble INP, GAEL-INRA . Contexte.
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Journée SAE2 - Etiquetage nutritionnel - 10 avril 2013 L’arbitrage goût – santé : La dimension comportementale(ou comment la psychologie et les neurosciences peuvent aider l’économiste et les pouvoirs publics) Bernard Ruffieux Grenoble INP, GAEL-INRA
Contexte • « Alors que de nombreux consommateurs dépensent du temps, des efforts et de l’argent à tenter de modifier leur régime, la plupart de nos comportements alimentaires se produisent sans qu’on y pense vraiment.” Just, 2011 • Une personne ordinaire prendrait chaque jour 226 décisions relatives à son alimentation. Wansink and Sobal, 2007 Elle déclareprendre 14,4 décisions en moyenne. • … Il n’est pas surprenant que la prise de décision alimentaire soit devenue un sujet majeur d’application des recherches en économie comportementale et en psychologie appliquée, mais aussi de recherche fondamentale.
Cadre scientifique comment sait-on ? • Penser l’étiquetage nutritionnel comme un ensemble d’informations, de stimuli pensant sur la prise de décision alimentaire. • L’économie expérimentale observe en laboratoire des comportements économiques effectifs dans des contextes d’information et d’incitation contrôlés et reproductibles. (Pas déclaratifs) • Décisions, dispositions à payer, préférences, réactions (réponses) à des politiques de prix, d’étiquetage • L’économie comportementale théorise et modélise les comportements économiques individuels et collectifs. Se distinguent de la rationalité de l’Homo Oeconomicus(biais comportementaux). • Préférence pour le présent, aversion au risque, effet de saillance, • La psychologie cognitive et émotionnelle étudie les processus mentaux qui fondent les comportements observés. • Attention, biais cognitifs • Les neurosciences et neuroéconomie étudient les bases neurobiologiques des processus mentaux et des comportements, notamment en recourant aux techniques d’imagerie cérébrale. • Activités cérébrales des différentes zones du cerveau au moment de la prise de décision
Justifier les politiques économiques d’étiquetage • Les modèles économiques traditionnels fournissent des justifications ténues aux interventions publiques sur les comportements alimentaires. • Lever des ignorances en donnant de l’information • Corriger des irrationalités (erreurs) • Corriger des comportements de passager clandestin (sécurité sociale) • Les approches comportementales fournissent des justifications différentes. • Pour ce faire elles séparent les désirsdes souhaits et des actions. • Ces approches permettent de concevoir des politiques fondées sur des décisions plus proche d’un optimal défini selon notre propre perception des choses.
Eléments de cadrage sur nos comportements alimentaires … • Les décisions alimentaires seraient majoritairement des décisions rapides, cognitivement ‘frugales’, inconscientes et automatiques. D. Kahneman, Rothman, A. J., Sheeran, P., & Wood, W., 2009. • Ces décisions rapides tendraient, schématiquement, à privilégier ce qui est bon sur le plan gustatif et pour les sens, tant en qualité (choix) qu’en quantité (abondance). • Compte tenu de l’offre de produits, un conflit existerait entre le choix du bon et le choix du sain. Les aliments jugés bons au plan hédonique ne sont pas toujours les aliments connus comme nutritionnellement sains. (Ou ,au plan du régime, dans les bonnes proportions). • Ce conflit entre le bon et le sain appelle à un arbitrage. D’autres sont à l’œuvre parallèlement : prix, facilité d’usage, naturalité, impacts environnementaux, etc. • Manger plus sain pourrait en partie passer par un changement de processus décisionnel : de l’émotion au raisonnement, de décisions rapides et automatiques à des décisions plus lentes et plus conscientes. (retourner les emballages). • Mais ce processus serait coûteux en temps et en efforts cognitifs.
Quelques propositions comportementales simples … … apprises des psychologues • Même avec un processus décisionnel ralenti – moins impulsif et plus rationnel – un arbitrage favorable à la nutrition n’est pas garanti. Nous valorisons mieux ce qui est immédiatet du certain (sensoriel), que ce qui est futur et aléatoire (la santé liée à la nutrition). • Dès lors, une information complète et objective sur les données nutritionnelles des produits n’aura pas forcément les effets positifs rationnellement attendus. Elle peut même parfois avec des effets pervers, contraires aux attentes. • Les consommateurs seraient plutôt bien informés de ce qui est nutritionnellement sain et de ce qui ne l’est pas. • Au total, le consommateur se trouve face à un dilemme entre des choix hédoniques simples, immédiats et automatiques et des choix fonctionnels de santé, plus difficiles, à effets reportés et aléatoires.
Quelques propositions comportementales simples …… apprises des psychologues • Cet arbitrage défavorable à la santé fait l’objet d’un processus d’apprentissage limité. Nos désirs (hédoniques) et notre volonté (nutritionnelle) ne sont pas mis en harmonie par la pratique et la répétition. • Cet apprentissage est lent et incomplet, si bien que la rationalité de l’économiste peut ne jamais se réaliser : les différents niveauxd’utilités ne s’alignent pas. « Rationnellement irrationnel » D. Ariely • L’hétérogénéité des comportements est élevée. Cette hétérogénéité a une dimension sociale et culturelle, mais la dimension individuelleest importante. Les ‘biais rationnels’ sont systématiques. Il est dès lors possible de comprendre et d’anticiper ces biais. (predictablyirrational). • Le caractère prédictif de ces biais permet potentiellement d’améliorer les politiques publiques du point de vue de leur efficacité comportementale.
… conséquences sur l’étiquetage nutritionnel • Il pourrait être illusoire d’imaginer un étiquetage qui servirait à rationaliser les choix alimentaires : l’attention, le temps nécessaire et les efforts requis sont-ils mobilisables pour un consommateur sain ? • Ici la précision informationnelle, si elle accroît la crédibilité et l’acceptabilité des étiquetages, modifie peu les comportements. • S’autorise-t-on à un étiquetage suscitant des émotions ? Quel est le plus utile au plan comportemental ?
La psychologie cognitive dans le programme AlimInfo • Programme AlimInfo: occasion de premiers rapprochements des psychologues, des neurosciences avec les économistes expérimentaux de l’INRA. • On a cherché à mettre en évidence, par des protocoles expérimentaux, le traitement implicite des émotions par le cerveau, avec comme objectif à terme de connaitre son impact potentiel sur le comportement du consommateur. • Pour ce faire, nous avons exploré une partie des processus automatiquesimpliqués dans la prise de décision alimentaire. • Nous mettons en évidence qu’une information ‘plaisir’ ou ‘santé’ peut influencer de façon automatique et non consciente une prise de décision alimentaire. • La partie ‘neuroscience’ cherche à voir comment cette modification du comportement alimentaire se modifie viales substrats neurophsyiologiquessous-jacents.
Séquence d’évènements pour un essai dans le paradigme subliminal d’amorçage affectif Amorce Cible
La présentation subliminale de visages joyeux ou en colère influe sur la consommation de boissons • Protocole : Winkielmanet al. 2005 • Des visages à caractères joyeux, en colèreou neutres sont présentés en ‘amorce’ (16 ms) • Ils sont suivis par la vue, sur une durée plus longue, d’un visage d’homme ou de femmeneutre. • Première tâche : classification du (second) visage vu selon le genre : homme ou femme? • Seconde tâche : évaluation de l’humeur dans laquelle cette personne se trouvait. • Troisième tâche : consommation de boissons. • Résultats : • La valence des ‘visages amorces’ influence la consommation de boissons, mais pas l’évaluation de l’humeur du second visage. • Les ‘visages amorce’ joyeux augmentent la consommation de boissons. • Ils ne sont pas perçus: pas d’effet sur l’évaluation de l’humeur. • L’introduction d’un stimulus émotionnel « amorce » subliminal affecte de façon non intentionnelle et automatique le traitement ultérieur d’un second stimulus, appelé « cible ».
Une expérience psychologique • Une expérience psychologie expérimentale dans AlimInfo en contexte alimentaire. • Amorce : terme nutritionnel positif, négatif ou neutre ou terme hédonique positif, négatif ou neutre. • Cible : un aliment. • La tâche du participant : attribuer, suite à chaque séquence amorce-cible, un jugement évaluatif (positif ou négatif) à la cible, nutritionnel ou hédonique. • Résultats : • Une cible de même valence que l’amorce (ex. sain-sain) facilite le choix. Des effets de congruence sont observés : les temps de réaction sont plus court(par rapport au neutre). • Lorsque la cible et l’amorce sont de valences opposées (négatif-positif) des effets d’incongruence sont observés : le temps de réaction est plus long. Processus d'inhibition. • Cet impact est différent selon le type d’aliment : les mots positifs facilitent la décision des consommateurs vis-à-vis des aliments SAIN alors que la même information va perturber la prise de décision pour consommer des aliments LIM.
L’arbitrage goût santé Quelques résultats comportementaux • 1. Statu quo: inertie et changement • 2. Valeur du tempset self contrôle : tout de suite ! • 3. Raison et émotion : désir et devoir… la faim facteur viscéral • 4. Choix par défaut et référentiel : ancrage • 5. Comptabilité mentale : se référer à son régime du jour ?
1. Statu quo et inertie Changer n’est pas facile • Les décisions alimentaires sont de nature extrêmement habituelles • L’ancrage dans la routine suscite des biais de statu quo • Le statu quoenferme, rendant le changement coûteux et difficile • Même quand l’informationchange, suggérant par exemple des effets dommageables de nos habitudes, nous avons du mal à changer. • L’attention n’est pas spontanément capturée par les informations ayant vocation à pousser au changement.
2. Valeur du tempsSelf Contrôle « Le goût c’est tout de suite, la santé c’est plus tard… » Dans les modèles de choix rationnels : • Le rapport au temps est conséquentiel (prise en compte de toutes les conséquences à venir d’un choix). • Cas des modèle de « capital santé », qui est géré sur le long terme. Préférence pour l’immédiat, ‘impulsivité’ : • Valeur élevée (saillance) d’un attribut immédiat face à un attribut futur : manque de self contrôle (Laibson, David) Nos préférences ne sont pas cohérentes dans le temps Gull and Pesendorfer, 2004 • Actualisation hyperbolique, Strotz (1955) • Myopie face à cette incohérence. (Procrastination) Strotz • Incohérence plus forte chez les obèses ? Schraff(2009) Questions • La valeur du futur est-elle la même qu’ailleurs (finance) dans le domaine de la santé et de la nutrition ? • Politique : susciter des mécanismes d’engagement (O’Donoghue, Rabin, 2004). Accroître les coûts immédiats.
3. La raison et l’émotion • Le consommateur utilise des processus différents pour traiter son désir (une pizza) ou ce qu’il devrait vouloir (une salade).Processus Rationnel et émotionnel. (Epstein, 1993) • (1) Système émotionnel : empirique, évaluation rapide fondée sur l’affect • (2) Système rationnel : processus cognitif, procède à une évaluation délibérée basée sur une pensée rationnelle. • La disponibilité du temps, la simultanéité de décisions déterminent quel processus l’emporte sur l’autre (plus que la volonté). • Quand un consommateur a une tâche (même simple) à accomplir durant un choix alimentaire, le choix sembleplus hédonique. Shiv and Fedorikhin (1999)
3. La raison et l’émotion : La faim : facteur viscéral • Des facteurs physiologiques pèse sur la prévalence du système émotionnel et sur la stabilité des préférences. Loewenstein (2004) • Des facteurs viscéraux résultant de processus physiologiques – la faim – produisent des changements dans nos préférences. • A court terme, nos décisions changent plus rapidement que nos goûts. • Etats d’excitations pendant lesquels nous surestimons des envies irrésistibles. • En tant que consommateur, nous avons du mal à prédire l’utilité de la consommation d’une unité d’un bien (Loewenstein, O’Donoghue, Rabin, 2003).
4. Point de référence • La théorie des prospectives – Prospect Theoryou PT de Kahneman and Tversky (1979) –. Utilisée dans des contextes non risqués, Thaler (1980) • Deux éléments à retenir en alimentation : • Nous évaluons les résultats en relation à un point de référence. • Ce qui est mieux que ce référentiel est un gain, ce qui est moins bien est une perte. • Notre « utilité marginale » serait plus élevée pour une perte que pour un gain (proportion de 2 à 1). • Ce point de référence ne dépend pas que des habitudes: il dépend aussi de l’offre • L’étiquetage est porteur de points de référence. • Cas des portions, des étiquetages à vert et rouge autour d’un ‘neutre » • Sauces dans les hamburger ‘standard’ : leur absence perçue comme une perte. • Tversky et Kahneman (1991) ont étendu l’approche à la consommation multidimensionnelle. • Les arbitrages contenant des caractéristiques négatives réclament de fortes compensations de caractéristiques positives.
4. Point de référence et offre par défaut • Une politique simple pourrait s’appuyer sur la mise en place d’une offre par défaut • Quand les choix sont passifs (cantine) le choix par défauts devient le point de référence. • Ce choix par défaut peut avoir des effets puissants : assurancepar exemple. • Cas des écoles • Mise en place d’un choix par défaut de légumes à la cantine (sauf si un enfant demande explicitement). • Résultat: demande additionnelle de légumes … consommation additionnelle de 1%... gaspillage de +40%. • Les bonnes solutions sont délicates à concevoir…
5. Complexité et limites cognitives • 300.000 références commerciales. • 200 décisions alimentaires quotidiennes. • Nutriment – Aliment – Repas – Régime • Pour chaque produit, nous attribuons de la valeurs à de multiples attributs : Goût, prix, sécurité, naturalité, facilité d’usage, tradition, origine, équité, design emballages, marques, impacts environnementaux, et nutrition … • Des compromis sont nécessaires.
Conclusion • Les comportements individuels alimentaires ne sont pas (toujours) rationnels. Il convient de tenir compte de ces irrationalités, qui ont des propriétés de stabilité et que l’on peut donc anticiper. • L’étiquetagenutritionnel aura peu d’effet sur les comportements si son utilisation supposeun changement important dans les procédures de décision habituelles : rapide et peu consciente. • Un étiquetage cohérent avec les processus de décision des consommateurs pourrait modifier les comportements sans que le consommateur ne s’en rende compte, avec une moindrerésistance de sa part, mais des enjeux éthiques liés. • Une limite : la littérature connaît de mieux en mieux les comportements individuels de court terme, mais peu les comportements collectifs et les changements de long terme (changements dans les préférences). • Comprendre les interfaces entre les entreprises et les consommateurs.
Labels nutritionnels : quelques benchmarks Trois logos de référence • RNJ (GDA EU) • Par nutriment : % pour 100g (ou portion) d’un régime de référence. • Keyholes (SK) • Produit ‘Vert’ si parmi les meilleurs de sa catégorie. • Base indice agrégé. • Feu tricolore (Traffic light UK) • Bons, moyens mauvais • Par nutriment (UK)