870 likes | 1.14k Views
L’esprit et le corps . Charles Lebrun, tête d’homme vue de dessus. Introduction: objets simplement matériels organisme et phénomènes biologiques - phénomènes mentaux. Qu’est-ce qu’un phénomène mental ?. Souvenir de Claude Lévi-strauss. L’amour d’Othello et sa jalousie.
E N D
L’esprit et le corps Charles Lebrun, tête d’homme vue de dessus
Introduction: • objets simplement matériels • organisme et phénomènes biologiques • - phénomènes mentaux
Qu’est-ce qu’un phénomène mental ? Souvenir de Claude Lévi-strauss
De manière générale, l’esprit serait en quelque sorte l’entité qui se manifeste dans les phénomènes que l’on considère comme mentaux (rationnels, émotionnels, etc.). • Problème 1 : l’esprit est-il distinct du corps ? • S’il l’est, de quelle manière l’est-il ? • Enjeux : • - connaissance de soi • - responsabilité • Immortalité
D’autre part comment connaît-on les phénomènes mentaux ? Il semble que nous ne pouvons pas observer directement les états mentaux chez autrui.
Par contre nous pourrions les « observer » en nous-mêmes, par la conscience que nous avons de nos propres émotions, souvenirs, etc. → Pbl 2 : connaît-on les phénomènes mentaux directement (par la conscience de soi) ou indirectement (en observant autrui) ?
I- Le dualisme de l’âme et du corps Être dualiste (duo : deux) : penser qu’il existe une différence radicale entre phénomènes mentaux et physiques.
1- le dualisme des substances Descartes : il y a différence de propriétés parce qu’il y a différence de réalité : la personne humaine est un composé de deux sortes de réalité ou substances. Deux types de substances selon Descartes : les esprits et les corps. L’esprit est donc indépendant du corps et inversement.
Conséquence: mortalité du corps / immortalité de l’âme. Rque : ≠ croyance chrétienne : résurrection des corps. Foi ≠ Raison.
Les capacités de l’esprit selon Descartes La « Pensée » ou la conscience : toute activité mentale, quelle qu’elle soit
Les différentes capacités mentales selon Descartes Raisonner, calculer, concevoir Penser par images mentales (souvenirs, anticipations, imagination) Perceptions sensorielles (visuelles, etc.), sensation de plaisir/peine, émotions (en rapport avec le corps) Désirs, intentions (« pensées » motrices) « La raison » « L’imagination » « les sens » « La volonté »
Quelles sont les raisons (≠ foi) en faveur de la thèse du dualisme des substances ?
2-un argument antique : la nécessité d’une substance permanente malgré les changements de la personne. Prémisse 1- Le corps de la personne peut changer complètement. - la quasi-totalité du corps est renouvelée périodiquement - nous pouvons concevoir que la totalité du corps soit renouvelée Prémisse 2- pourtant, nous concevons qu’il puisse s’agir du même sujet Le sujetsemble responsable de ses actions passées … Conclusion : l’âme existe. - il existe un principe permanent dans la personne (P2), principe différent du corps (P1) - on appelle âme ou esprit cette substance immatérielle. Donc l’âme existe. 2000 1965
3- l’argument principal de Descartes : Les Méditations Métaphysiques : recherche de vérité absolue. Méthode : doute hyperbolique. Critère de vérité : capacité d’une proposition à résister à tout doute possible.
Mais peut-on vraiment douter de tout ? « Cogito ergo sum » « Je pense, donc je suis » On peut développer ainsi : P1- si je doute (de tout), alors je pense (quelque chose) P2- mais pour penser, il faut qu’il existe un sujet pensant) Conclusion- J’existe, moi, un sujet pensant.
ATTENTION : le cogito n’est valide que s’il est formulé à la première personne (je), et non à la troisième (Il, Descartes)
Pourquoi la connaissance de l’existence de mon esprit (moi) est-elle absolument certaine alors que celle de toutes autre choses ne l’est pas ?
Cette conscience est capacité de penser à des objets hors de « moi ».
Mais la conscience de ces objets n’en est pas une connaissance : • je ne le pense généralement pas tel qu’il est • d’ailleurs il n’existe peut-être pas (doute hyperbolique)
En revanche, je ne peux pas douter de l’existence de moi-même, le sujet que je suis.
Par la conscience de soi, l’esprit se perçoit lui-même comme une entité douée de pensée, une « chose pensante » La conscience de soi fournit un accès immédiat de l’esprit à lui-même, et n’offre donc aucune place pour le doute.
• Conscience de soi = connaissance directe et certaine (nécessaire : ne peut pas être fausse) • Conscience de mon corps = connaissance indirecte et hypothétique (contingente : peut être fausse) Conclusion: j’ai un corps, je ne suis pas ce corps, et cet esprit que je suis en est bien distinct.
4- le problème de l’interaction Pbl: -Perception de l’environnement et sensations (ex: douleur) reposent apparemment sur l’action du corps sur l’esprit - Les actions intentionnelles (ex : marcher) reposent apparemment sur l’action de l’esprit sur le corps.
Descartes : interaction causale entre l’un et l’autre. Tel changement de propriété de la « substance étendue » (le corps) peut causer un changement d’état de la « substance pensante » (l’esprit), et inversement.
• lieu supposé de l’interaction : une partie du cerveau : la « glande pinéale » (épiphyse). Les deux substances y seraient « unies » : union de l’âme et du corps. Dessin de Descartes
Via la ‘glande pinéale’, … les actes de l’esprit (intentions) stimulent le système nerveux et commandent ainsi des mouvements corporels … des mouvements corporels (ex: stimulation de la rétine) et les influx nerveux qu’ils produisent dans l’âme des pensées.
5- Objections : ● comment une substance immatérielle peut-elle agir sur une substance matérielle ? si un ‘esprit’ fait se déplacer un verre, alors cet agent est un agent physique… « je suis certain, maintenant, certain comme de l'alternance des jours et des nuits, qu'il existe près de moi un être invisible, qui se nourrit de lait et d'eau, qui peut toucher aux choses, les prendre et les changer de place, doué par conséquent d'une nature matérielle, bien qu'imperceptible pour nos sens, et qui habite comme moi, sous mon toit... » Maupassant, Le Horla Courbet, Le désespéré
• plus profondément, L’esprit ou l’âme entendue comme substance immatérielle est par principe inobservable par des méthodes expérimentales publiques, partageables par tous (critique positiviste) Ce concept n’est-il donc pas douteux ?
II- Le matérialisme : l’esprit se réduit à la matière 1- la thèse Matérialisme : il n’existe qu’un seul genre de choses : les choses matérielles, les corps physiques. Pas d’esprit immatériel (à distinguer du sens moral du mot) « Le cerveau sécrète la pensée comme le foie sécrète la bile. » Pierre Cabanis (médecin)
• La pensée, l’activité mentale = l’activité cérébrale. Le sujet, c’est l’organisme ou son centre nerveux : le cerveau. • On a l’impression que pensée et cerveau sont différents. Mais la conscience de soi n’est pas un gage de vérité (pas plus que la conscience d’objet). → Le sujet… serait un « objet » comme un autre. La science du cerveau vient au secours de notre ignorance.
2- quelques arguments : 3 types de faits argumentent pour une identité esprit/cerveau : a- l’étude de pathologie mentale. Ex :Broca et l’aphasie
b- observation de corrélations entre tel processus neuronal et tel état mental . • Corrélation ‘classique’. cf. La Mettrie si ce qui pense en mon cerveau n’est pas une partie de ce viscère, et conséquemment de tout le corps, pourquoi lorsque tranquille dans mon lit je forme le plan d’un ouvrage, ou que je poursuis un raisonnement abstrait, pourquoi mon sang s’échauffe-t-il ? pourquoi la fièvre de mon esprit passe-t-elle dans mes veines ? La Mettrie, L’homme-machine (1747)
• observations de corrélations plus étroites ex des fibres nerveuses C • action sur les transmissions neuronales par le biais d’agents chimiques
c- techniques de l’imagerie cérébrale par Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) L'électro-encéphalographie
3- l’identité pure et simple esprit/cerveau : « éliminer » l’esprit. Argument de J.J.C. Smart (1966) Si l’éclair se produit systématiquement en corrélation avec des décharges électriques produites dans l’atmosphère, c’est qu’ils sont strictement identiques Si un phénomène 1 se produit systématiquement en corrélation avec un phénomène 2, Alors les deux sont identiques. = Une certaine activité neuronale (les cellules nerveuses qui composent le cerveau) L’amour qu’éprouve une personne envers une autre personne
Justification par le principe du « rasoir d’Occam » : • ne pas multiplier les entités sans nécessité • ce qui peut être fait avec moins d’hypothèses ne doit pas être fait avec plus. • En métaphysique et en sciences • il faut être économe.
Mais puisque toutes les facultés de l’âme dépendent tellement de la propre organisation du cerveau et de tout le corps qu’elles ne sont visiblement que cette organisation même, voilà une machine bien éclairée ! (…) Des roues, quelques ressorts de plus que dans les animaux les plus parfaits, le cerveau proportionnellement plus proche du cœur, et recevant aussi plus de sang, la même raison donnée ; que sais-je enfin ? des causes inconnues produiraient toujours cette conscience délicate, si facile à blesser, ces remords qui ne sont pas plus étrangers à la matière que la pensée, et en un mot toute la différence qu’on suppose ici. L’organisation suffirait-elle donc à tout ? oui, encore une fois ; puisque la pensée se développe visiblement avec les organes, pourquoi la matière dont ils sont faits ne serait-elle pas aussi susceptible de remords, quand une fois elle a acquis avec le temps la faculté de sentir ? L’âme n’est donc qu’un vain terme dont on n’a point d’idée, et dont un bon esprit ne doit se servir que pour nommer la partie qui pense en nous. Posé le moindre principe de mouvement, les corps animés auront tout ce qu’il leur faut pour se mouvoir, sentir, penser, se repentir, et se conduire, en un mot, dans le physique et dans le moral qui en dépend. [...] En effet, si ce qui pense en mon cerveau n’est pas une partie de ce viscère, et conséquemment de tout le corps, pourquoi lorsque tranquille dans mon lit je forme le plan d’un ouvrage, ou que je poursuis un raisonnement abstrait, pourquoi mon sang s’échauffe-t-il ? pourquoi la fièvre de mon esprit passe-t-elle dans mes veines ? Demandez-le aux hommes d’imagination, aux grands poètes, à ceux qu’un sentiment bien rendu ravit, qu’un goût exquis, que les charmes de la Nature, de la vérité, ou de la vertu transportent ! Julien Offray de La Mettrie, L’Homme machine (1747)
4- objections : • • contre l’identification un état mental = un état cérébral : • - la localisation cérébrales des fonctions mentales n’est pas précise et peut varier • - l’éthologue attribue des états mentaux à des animaux qui ont un tout autre • système nerveux (ex : le poulpe) • • élimine certaines propriétés des états mentaux • - la dimension subjective de nombres d’entre eux • - la dimension sociales de nombres d’entre eux
→ Il faut trouver une position synthétique entre dualisme et matérialisme
III – l’esprit n’est pas une substance (matérielle ou immatérielle), c’est une capacité attachée à certains animaux. A- La capacité d’être conscient. 2 caractéristiques de la conscience
1- certains animaux (dont l’homme) • sont doués de conscience sensible • Thomas Nagel • la saveur du chocolat • « whatisitlike to be a bat » • ex de l’echo-localisation. • → Les impressions sensorielles et émotionnelles ne sont accessibles qu’au Sujet qui en fait • l’expérience subjective. • La conscience sensible est un « espace » absolument privé, inaccessible à autrui. • → Intériorité mentale ≠ intériorité physique
• tous les états mentaux sont-ils conscients en ce sens ? c’est douteux admirer la couleur du coucher de soleil → perception consciente du rouge s’arrêter au feu rouge→ réaction automatique. Descartes : il n’y a pas de perception mentale : seul le corps agit. ≠ sciences cognitives : il y a une perception non consciente. La conscience survient lors de certaines perceptions. cf. -Joëlle Proust in http://www.dailymotion.com/video/xgewdw_les-sciences-de-l-esprit-2_tech -David Chalmers, l’Esprit conscient, I,2 → il faut dire : nombres d’états mentaux peuvent être conscients.
2- la conscience intentionnelle • l’intention et l’action Pierre se trompe de route. il va à Plovdiv il essaie d’aller à Varna On peut dire : il y a ce qu’il fait physiquement : point de vue physique il y a ce qu’il a l’intention de faire : point de vue mental Objection matérialiste : ici il y a deux faits physiques, deux actions qui mobilisent le cerveau dans des aires différentes. Réponse : avoir l’intention de faire quelque chose, c’est viser un fait qui, précisément, n’existe pas, ni dans l’environnement, ni dans le cerveau.
• L’esprit conscient se « rapporte » à des faits, objets, personnes, mentaux, qui ne sont pas seulement leur expression physique (cérébrale), qui sont bien en-dehors de la tête. Husserl nomme ce pouvoir de l’esprit l’intentionalité
• ce pouvoir de l’esprit n’est évidemment pas un pouvoir magique de se mettre en relation physiquement avec ses objets de pensées La « relation » mentale se distingue de la relation physique : Paul se souvient de Marie → elle n’est pas là ≠ Paul est assis à côté de Marie → elle est là → penser à quelqu’un est une relation qui - peut exclure la présence de l’autre (souvenir) l’existence de l’autre (imagination créatrice) - en tout cas n’affecte pas par elle-même son objet Paul aime secrètement Marie → rien ne se passe en Marie ≠ Paul embrasse Marie → quelque chose se passe chez Marie (elle est embrassée)
« Tout phénomène psychique contient en lui-même quelque chose comme un objet bien que chacun le contienne à sa façon . Dans la représentation c’est quelque chose qui est représenté, dans le jugement quelque chose qui est admis ou rejeté, dans l’amour quelque chose qui est aimé, dans la haine quelque chose qui est haï, dans le désir quelque chose qui est désiré, et ainsi de suite. » Brentano, Psychologie d’un point de vue empirique Brentano est le maître de Husserl