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Chapitre 2- Les enjeux démocratiques du partage du savoir scientifique . Pour une ouverture aux citoyens des choix scientifiques et techniques. Plan du chapitre. 1- L’approfondissement de la démocratie 2- La technicisation de la société : la démocratie technique
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Chapitre 2- Les enjeux démocratiques du partage du savoir scientifique Pour une ouverture aux citoyens des choix scientifiques et techniques
Plan du chapitre • 1- L’approfondissement de la démocratie • 2- La technicisation de la société : la démocratie technique • 3- Une expertise ouverte, partagée
1- L’approfondissement de la démocratie • Plusieurs disciplines se sont posée la question des limites actuelles du fonctionnement des sociétés démocratiques (politique, philosophie, communication etc.) • Histoire récente : revendications démocratiques accrues des populations en particulier dans le domaine scientifique et technique • Nouvelle approche de la légitimité des décisions politiques qui passe par le débat public.
1.1- Les travaux des politistes et des philosophes • Les années 1970 : Première formulation de la « démocratie participative », travaux de C. Pateman • Participation comme pédagogie et acculturation au fonctionnement de la démocratie • Constitutive d’une identité citoyenne • Rupture avec une tradition de méfiance et de condescendance vis-à-vis du citoyen • B. Barber : « démocratie forte » : implication des communautés pour une valorisation des pratiques politiques
Tournant délibératif des années 1980 : rupture avec l’appréhension rousseauiste de la légitimité en politique • Habermas et la raison communicationnelle : la source de la légitimité en politique est déplacée de l’individu à la discussion. • L’espace public devient le lieu de la création des normes, des valeurs légitimes. • Le débat et la discussion deviennent les modalités légitimes d’édiction de la loi en régime démocratique : l’argumentation est valorisée au détriment de l’acceptation individuelle • Dépasse l’approche libérale de la discussion comme expression des intérêts particuliers.
Les 3 conditions d’une procédure délibérative • Principe de transparence et de publicité • Liberté de participation • Pas de manifestation d’autorité • Principe d’argumentation • Échange argumentatif pour donner prise à l’accord possible • Principe d’inclusion • Égalité devant la procédure • Pas d’exclusion arbitraire Vers une idéologie du débat public ?
1.2- Les approches sociologiques dans le cadre de la « société du risque » • La pensée de Beck : risque et incertitude croissantes de la science contemporaine • Incertitude peut être radicale (Ex : mise en circulation de médicament) ou potentielle et plausible (ex : téléphones portables) • Sans remettre en cause le système : trouver un accord sur l’incertitude socialement acceptable par tous. • Réintroduit de la « discutabilité » dans les décisions techniques même parfois complexes • « Forum Hybride » de Callon, Lascoumes et Barthes : assemblée de spécialistes et de profanes sur une thématique scientifique et technique
Les forums hybrides : deux avantages • Un accroissement de la connaissance pour les acteurs: • Plus d’acteurs, plus de visions du monde, meilleure maîtrise de la complexité • Mise en relations d’éléments non perçus • Proposition de solutions alternatives à celles imaginées • Un approfondissement de la démocratie : contraint à la collaboration et moins à l’opposition • Un apprentissage à l’échange informé en démocratie • Une élévation générale du niveau de l’information
Forums hybrides : les critiques • Vision irénique de la démocratie technique • Relations de pouvoir sous-estimées • Relations de domination évacuées • Vision trop procédurale • Pour garantir le dialogisme des échanges • Encadrement procédural strict • Est-ce une vraie garantie contre l’inégalité des pouvoirs et des accès au forum ? • Quelle place pour les désaccords au-delà de l’incertitude ? • Risque de réduire tous les désaccords de fond à la non-résolution de l’incertitude.
1.3- Les fondements politiques • Raisons pratiques : le coût de la contestation, les exigences nouvelles des citoyens • Violences et détériorations • Coûts contentieux • Expertises multiples • Exigences d’une meilleure gouvernance : régler les lieux de choix sur les lieux de décision • Rassemblant des acteurs et les niveaux de décision en un même lieu
Formes multiples de la participation • Grande ambiguïté dans les termes : participation, délibération, débat public. • Participation relève des formes pratiques de l’engagement citoyen, il a souvent une dimension pédagogique • La délibération fait référence au processus délibératif qui impose l’échange argumentatif et +/- de consensus ou d’accord • Le débat public relève de procédures institutionnalisées (OPCST, CNDP, Conf de consensus) ou non (débat public spontané)
2- La démocratie technique : définition • Qu’est-ce que la démocratie technique ? • un nouveau partage de l’orientation, de la production et de la discussion des savoirs scientifiques et techniques • Implique un nouveau rapport à l’expertise scientifique et à la place de l’expert dans la société. Les nanotechnologies, enjeu de controverses
2-1. Les 3 modèles de partage du savoir en démocratie : l’instruction publique • Le scientifique détient la connaissance : • Les connaissances scientifiques s’opposent aux savoirs profanes qui reposent sur des croyances à éradiquer. • Grande distinction entre scientifique et profane : maître à élève, le premier n’apprend rien du second • Grande autonomie de la science qui s’établit contre le sens commun : peu de contact avec le monde profane. • État médiateur entre science et citoyen comme leur représentant : indépendance. Les citoyens délèguent à l’Etat le soin d’articuler leur demande aux scientifiques
Le modèle de l’instruction publique (suite) • Une décision politique est considérée comme légitime si: • elle fixe des fins correspondant à la volonté des citoyens (consultation : que veut-on faire ?) • les moyens mobilisés correspondent à un programme faisable (explication : ce que l’on peut faire). • Limites du modèle : • mise en cause de la distinction scientifique /profane • notion de risque mise à mal par celle d’incertitude collective • échec de la politique de formation continue : le débat passe par un contrôle préalable des connaissances • Peu compatible avec les exigences croissantes de démocratie
2-2- Les 3 modèles de partage du savoir en démocratie : le débat public • Nouvelle conception du public : différencié, riche, dépendant du parcours biographique et non plus indifférencié et nivelé par la connaissance. • Complémentarité des savoirs universels et des savoirs locaux. • Savoirs scientifiques : lacunaires, incomplets, abstraits et liés aux conditions de productions expérimentaux (laboratorisation). • Complexité du monde : faire le lien avec des savoirs scientifiques de SHS (économie, sociologie etc.) • Travaux de B. Wynne sur le berger et le nucléaire; travaux sur les médicaments (psychotropes) • Liens entre scientifiques et grands groupes industriels : pb d’objectivité (plantes transgéniques, médicaments etc.)
Le modèle du débat public (suite) • Ouverture au débat public : créer les conditions de l’enrichissement de la science par le débat public. • Le désaccord entre spécialistes est un appel au débat (et non un manque de maturité cf modèle 1) • Procédures visent à élargir le cercle des acteurs discutant des technosciences et de leurs applications • Enquêtes et auditions publiques : écoute des acteurs • Focus groups : délibération et créativité • Comités locaux d’informations (déchets, risques, eaux, transports) : confrontation des savoirs, hypothèses, prévisions et arguments. • Conférences de consensus : recueil de la délibération profane
Le modèle du débat public (suite) • La légitimité de la décision tient à la nature du processus décisionnel suivi : • Plus de transparence : pas de négociations secrètes dans la technosphère • Le débat, la consultation (épandage, déchet nucléaire, nanotechnologies) • Limites : • Qui inclure dans le débat public ? • Qui est le porte parole ?
2-3- Les 3 modèles de partage du savoir en démocratie : la co-production des savoirs • Au-delà de la démarcation scientifique / profane : la co-production du savoir • Rôle important réservé au non-spécialiste : production de la connaissance est articulée à la complexité de la situation locale. • Passe par une coordination entre une production scientifique de laboratoire et une expérience concrète de terrain • Parle de public concerné : ex. assos de malades qui jouent un rôle très actif. • Produisent du savoir par accumulation de cas • Participation directe aux expérimentations thérapeutiques et à l’évaluation des résultats. • Interaction permanente avec les scientifiques : les savoirs sont appropriés, discutés modalisés par un collectif hybride.
Le modèle de la co-production des savoirs (suite) • Apprentissage collectif croisé : repose sur la mobilisation du public concerné • Leader parfois dans la production du savoir • Commanditer des études, des états de l’art • D’autant plus riche que les relations sont constantes • Producteur d’identité pour le public concerné • Meilleur rapport à la science et au savoir : • Plus de séparation science/profane et moins de méfiance • Participe à la construction d’une nouvelle identité au lieu de seulement défendre la sienne (modèle 2) • La légitimité par mobilisation du public : repose sur la capacité des groupes concernés à faire valoir le bien-fondé de leur action (ex. Téléthon vs. Saturnisme) • Viabilité du modèle : concilier la reconnaissance des minorités avec la réalisation d’un bien commun non absorbé par les intérêts particuliers ; établir un public concerné dans certains milieux est parfois problématique
Conclusion provisoire • 3 modèles de démocratie technique, 3 formes de rapports entre scientifiques et citoyens • Les 3 modèles co-existent et sont mobilisés par les populations selon les domaines ( ex : la physique des particules vs pbs environnementaux) • Repose sur l’aptitude des publics à se mobiliser pour s’imposer dans le débat public ou pour intervenir directement dans la production scientifique. • Ceci va de pair avec la redéfinition du rôle de l’expertise dans nos sociétés modernes.
3- L’expertise scientifique dans le débat public • Expertise comme technologie de la normalisation et du contrôle (Foucault). • Dans le cadre de la démocratie technique : multiplication des demandes d’expertise. • Remis en cause par les affaires des années 1990 • Critiqué pour servir de caution aux gouvernements, et éviter la discussion publique (rapport du parlement européen sur la vache folle) • Refonte du système de l’expertise sanitaire en France.
La mise en cause de l’expertise dans les années 1990 • Colloque de 1989 à Arc et Senan « Les experts sont formels ! » organisé par le Ministère de l’Environnement • P. Roqueplo : Expertise est la traduction de l’énoncé dune connaissance « acquise » dans une communauté scientifique apportée en réponse à une question posée dans un objectif décisionnel. • Soit ne répond pas à la question • Soit dépasse son rôle de scientifique Éthique de l’objectivation des préférences des experts : organiser des expertises contradictoires : « parlement du savoir »
La mise en cause de l’expertise (suite) Monde socio-politique, économie • Rip et Callon : expertise comme une activité de recherche de compromis entre ce que l’on sait, ce que veulent les acteurs, et les procédures à suivre pour produire un accord. • Notion de forum hybride Dispositif d’expertise Technosciences Droit • Deux conceptions des rapports entre science et politique. • Deux mondes différents • Hybridation entre les deux car la production de connaissance est distribuée • Conséquences : des modèles alternatifs pour répondre à la crise de l’expertise
Trois modèles alternatifs pour répondre à la mise en cause de l’expertise • Grand débat national dans la presse, les médias, à l’Assemblée Nationale sur le rôle et l’organisation de l’expertise en France • 3 options : • « Science Pure » (international) : séparer de la Politique, préserver la Science et restaurer son autorité. Modèle du NRC en 4 étapes : estimation, évaluation, gestion, communication. • Procéduralisation de l’expertise selon un modèle judiciaire dans un modèle contradictoire • Forum hybride : ne sépare plus la gestion des risques de leur évaluation.
3.2- Organisation de l’expertise sanitaire, environnementale et du travail • Grand mouvement de procéduralisation de l’expertise à partir de la fin des années 1990. • Nombreuses lois sur la sécurité sanitaire • 1998 (INVS, AFSSA, AFSAPS) • 2000 (EFSang), • 2001 (AFSSE, IRSN) • 2004 (AFBiomédecine, HAS, INCancer), • 2002 (Inpes), • 2005 (AFSSET), • 2006 (ASN) • 2007 (EPRUS) , • 2010 (AFSSET et AFSSA deviennent ANSES) • 2012: AFSAPS devient ANSM (suite de l’affaire du Médiator)
Le modèle procédural de l’expertise : principes • 3 grands principes • La transparence (renforcée par la loi de 2011 pour l’ANSM). • Permet une ouverture aux extérieurs des documents produits par les agences (vs le secret antérieur) • L’indépendance • Forte demande sociale (transparence et indépendance) depuis Tchernobyl, la vache folle et le sang contaminé • Le contradictoire : une vraie rupture marque la spécificité du modèle procédural. La fiabilité des connaissances résulte du débat contradictoire et non de la croyance en la production d’une vérité objective
Le modèle procédural : l’organisation de l’expertise • Comités d’experts permanents : ASM (AFSAPS) • Comités d’experts ad hoc répondant ou non à un commanditaire public (groupe sur les radiations du Nord Corentin; comités de l’Académie des Sciences sur les dioxines, sur les OGM) Collégialité pour produire du consensus plus que principe de contradiction (variable selon les agences : ANSES vs ASM) PQ ? Persistance d’une éthique de l’objectivité : une expertise contradictoire nécessite un espace de discussion
Le modèle procédural remis en cause ? • Avantages du modèle : • terrain connu : similarité avec le modèle judiciaire. • Remet en cause le mythe de l’expertise • Offre des solutions pratiques • Mais il montre des limites • Pb de l’information du public : quel place pour un public considéré comme non informé (boite noire) • Les évaluations des risques préalables aux mises sur le marché sont faites par les entreprises : l’expertise se fait sur dossier. • Les scandales continuent (Médiator) malgré l’inflation des dispositifs de contrôle. • Charte de l’ouverture à la société de l’expertise
Les limites du modèle hybride • Une partie de la confrontation a lieu dans l’espace médiatique : • Rapports de domination • Stratégies de groupes et de syndicats • Formatage médiatique des problèmes • Le lien encore trop lâche avec la décision finale • Mauvaise volonté des acteurs, voire méfiance des élus dans les processus.
Conclusion : Est-il légitime de soumettre la connaissance scientifique au débat public ? • Le public pris en otage dans des querelles d’experts : l’exemple de la querelle canadienne : le public doit-il arbitrer ? • La demande de débat veut pousser à la reconnaissance d’un point de vue valable et discutable, quitte à « perdre ». • Déplace le débat du terrain scientifique sur un terrain social : autre forme d’argumentation dans l’espace public. • Pourtant, refuser le débat, c’est faire preuve d’arbitraire !
Opérations de manipulation du débat public par des lobbies qui veulent entretenir une querelle scientifique (EXXON Mobil sur le climat, théories créationnistes etc.) • La science peut-elle être débattue dans le cadre d’un débat public ? • Qu’est-ce qui, dans le champs scientifique peut être discuté par les profanes ? La nécessité de la transparence des choix politiques et l’accessibilité à tous des résultats scientifiques. • Visibilité des bases scientifiques des discussions • Possibilité d’expertise profane • Confiance envers les scientifiques