E N D
1. Marcel ProustLa mémoire des mots 8. Les Guermantes et la noblesse
2. La famille
3. La marquise de Villeparisis née Madeleine de Bouillon
Basin de Guermantes: Viparisi
monsieur Thirion – Villeparisis
de sa naissance nobleà la bourgeoisiefaussement anoblie
une créature légendaire
madame Sazerat
une vieille dame en compagniede M. Norpois, à Venise
4. Mme de Villeparisis Mais Mme de Villeparisis, c’était en premières noces la duchesse d’Havré, belle comme un ange, méchante comme un démon, qui a rendu fou mon père, l’a ruiné et abandonné aussitôt après. Eh bien ! elle a beau avoir agi avec lui comme la dernière des filles, avoir été cause que j’ai dû, moi et les miens, vivre petitement à Combray, maintenant que mon père est mort, ma consolation c’est qu’il ait aimé la plus belle femme de son époque, et comme je ne l’ai jamais vue, malgré tout ce sera une douceur…
la tradition des grands aquarellistes de l’Ancien régime
5. Des fleurs rares Mme de Villeparisis, coiffée d’un bonnet de dentelles noires de l’ancien temps (qu’elle conservait avec le même instinct avisé de la couleur locale ou historique qu’un hôtelier breton qui, si parisienne que soit devenue sa clientèle, croit plus habile de faire garder à ses servantes la coiffe et les grandes manches), était assise à un petit bureau, où devant elle, à côté de ses pinceaux, de sa palette et d’une aquarelle de fleurs commencée, il y avait dans des verres, dans des soucoupes, dans des tasses, des roses mousseuses, des zinnias, des cheveux de Vénus, qu’à cause de l’affluence à ce moment-là des visites elle s’était arrêtée de peindre et qui avaient l’air d’achalander le comptoir d’une fleuriste dans quelque estampe du XVIIIe siècle.
6. Une classe disparue sa discrétion, modestieet affabilité
une séparation desdifférentes couches sociales
[…] ma grand’mère était alléedemander un service à une damequ’elle avait connue auSacré-Cœur (et avec laquelle,à cause de notre conceptiondes castes, elle n’avait pas voulu rester en relations, malgré une sympathie réciproque), la marquise de Villeparisis, de la célèbre famille de Bouillon […]
7. La prosodie particulière ce que l’on professe en société et ce que l’on pense dans son intimité
C’est qu’en effet dans ces moments-là elle n’était pas naturelle, elle se souvenait de son éducation, des façons aristocratiques avec lesquelles une grande dame doit montrer à des bourgeois qu’elle est heureuse de se trouver avec eux, qu’elle est sans morgue. Et le seul manque de véritable politesse qu’il y eût en elle était dans l’excès de ses politesses ; car on y reconnaissait ce pli professionnel d’une dame du faubourg Saint-Germain […]
un roturier = un homme de naissance non aristocratique
8. La morgue Il y avait certes chez les Guermantes, à l’encontre des trois quarts des milieux mondains, du goût, un goût raffiné même, mais aussi du snobisme, d’où possibilité d’une interruption momentanée dans l’exercice du goût.
Bloch mis à la porte:
[…] elle se contenta d’abaisser les paupières et de fermer à demi les yeux. […] La marquise fit le léger mouvement de lèvres d’une mourante qui voudrait ouvrir la bouche, mais dont le regard ne reconnaît plus. Puis elle se tourna, débordante d’une vie retrouvée, vers le marquis d’Argencourt tandis que Bloch s’éloignait, persuadé qu’elle était « ramollie ».
9. Le baron de Charlus l’abyssale arrogance héraldique
un misérable pique-assiette bourgeois
L’oncle de Saint-Loup ne m’honora non seulement pas d’une parole, mais même d’un regard. S’il dévisageait les inconnus (et pendant cette courte promenade il lança deux ou trois fois son terrible et profond regard en coup de sonde sur des gens insignifiants et de la plus modeste extraction qui passaient), en revanche, il ne regardait à aucun moment, si j’en jugeais par moi, les personnes qu’il connaissait, – comme un policier en mission secrète mais qui tient ses amis en dehors de sa surveillance professionnelle.
10. Le Génie des Guermantes leur esprit particulier
un esprit de coterie
les Courvoisier
[…] Mme de Guermantes, qui recevait poliment leur salut depuis dix ans chez la princesse de Parme, ne leur avait jamais laissé passer son seuil, estimant qu’il en est d’un salon au sens social du mot comme au sens matériel où il suffit de meubles qu’on ne trouve pas jolis, mais qu’on laisse comme remplissage et preuve de richesse, pour le rendre affreux.
11. Un esprit DOC Prosper Mérimée (1803-70)
Henri Meilhac (1831-97) et Ludovic Halévy (1834-1908)
la conversation de salon
les ripostes promptes et originales
L’esprit des Guermantes – entité aussi inexistante que la quadrature du cercle, selon la duchesse, qui se jugeait la seule Guermantes à le posséder – était une réputation comme les rillettes de Tours ou les biscuits de Reims.
Swann était trop fin pour ne pas voir que Mme de Guermantes cherchait en ce moment à « faire de l’esprit Guermantes » et sans grands frais, car elle ne faisait que resservir sous une forme moins parfaite d’anciens mots d’elle.
12. Nicolas Faret (~1596-1646) l’ouvrage de référence
l’éloquence divertissante
la politesse exquise
la réserve prudente
la discrétion généreuse
une nonchalance élégante
13. Un gentilhomme avenant éviter l’effronterie
Il est donc tres-important en toutes les parties de l’entretien d’estre tousiours modeste & respectueux, soit aux gestes exterieurs, soit aux paroles ; […]
Ce n’est pas tout que d’auoir du merite, il le faut sçauoir debiter & le faire valoir.
14. Un cercle exclusif les soirées de chez Mme de Guermantes
12 convives – les apôtres de la Sainte-Chapelle
Hélas ! ces sites pittoresques, ces accidents naturels, ces curiosités locales, ces ouvrages d’art du faubourg Saint-Germain, il ne me serait sans doute jamais donné de poser mes pieds parmi eux.
15. La famille Guermantes authentique, mais éteinte depuis le 18e siècle
département Seine-et-Marne, à 30 km de Paris
Jules Hardouin-Mansart
Proust: à 10 lieues de Combray
16. Un autre village la géographie locale – les rapports de forces
[…] il m’avait appris que le château ne s’appelait Guermantes que depuis le XVIIe siècle où sa famille l’avait acquis. Elle avait résidé jusque-là dans le voisinage, et son titre ne venait pas de cette région. Le village de Guermantes avait reçu son nom du château après lequel il avait été construit, et pour qu’il n’en détruisît pas les perspectives, une servitude restée en vigueur réglait le tracé des rues et limitait la hauteur des maisons.
17. La duchesse Oriane le mariage de Mlle Percepied dans l’église de Combray
[…] une dame blonde avec un grand nez, des yeux bleus et perçants, une cravate bouffante en soie mauve, lisse, neuve et brillante, et un petit bouton au coin du nez.
Geneviève de Brabant
« C’est cela, ce n’est que cela, Mme de Guermantes ! », disait la mine attentive et étonnée avec laquelle je contemplais cette image qui naturellement n’avait aucun rapport avec celles qui, sous le même nom de Mme de Guermantes, étaient apparues tant de fois dans mes songes, puisque, elle, elle n’avait pas été comme les autres arbitrairement formée par moi, mais qu’elle m’avait sauté aux yeux pour la première fois, il y a un moment seulement, dans l’église ; […]
18. Une femme idéale Son cou et ses épaules sortaient d’un flot neigeux de mousseline sur lequel venait battre un éventail en plumes de cagne, mais ensuite la robe, dont le corsage avait pour seul ornement d’innombrables paillettes soit de métal, en baguettes et en grains, soit de brillants, moulait son corps avec une précision toute britannique.
19. Une reine de société une cousine noble et Swann:
Mais… tu dois bien savoir que c’est vrai, répondit la princesse des Laumes, puisque tu l’as invité cinquante fois et qu’il n’est jamais venu.
un militaire aux ambitions politiques:
[…] c’est le seul arrondissement où le pauvre général n’a jamais échoué.
les dîners de sa tante:
Le poussin est déjà dans l’œuf. […] Ce n’est pas une omelette, c’est un poulailler, mais au moins ce n’est pas indiqué sur le menu.
20. Une petite déformation linguistique à la manière des paysans
Mais voyons, elle est venue réciter, avec un bouquet de lis dans la main et d’autres lis « su » sa robe. (Mme de Guermantes mettait, comme Mme de Villeparisis, de l’affectation à prononcer certains mots d’une façon très paysanne, quoiqu’elle ne roulât nullement les r comme faisait sa tante.)
21. Basin de Guermantes héritier des ducs de Montesquiou
[…] M. de Guermantes, superbe et olympien, était lourdement assis. On aurait dit que la notion omniprésente en tous ses membres de ses grandes richesses, comme si elles avaient été fondues au creuset en un seul lingot humain, donnait une densité extraordinaire à cet homme qui valait si cher.
22. Un monstre la mode ? la femme mondaine
l’argent + les ancêtres ? l’homme du monde
ses maîtresses:
Elles se ressemblaient toutes un peu ; car le duc avait le goût des femmes grandes, à la fois majestueuses et désinvoltes, d’un genre intermédiaire entre la Vénus de Milo et la Victoire de Samothrace ; souvent blondes rarement brunes, quelquefois rousses, comme la plus récente, laquelle était à ce dîner, cette vicomtesse d’Arpajon qu’il avait tant aimée qu’il la força longtemps à lui envoyer jusqu’à dix télégrammes par jour (ce qui agaçait un peu la duchesse), […]
le dernier amant d’Odette
23. Robert de Saint-Loup-en-Braye le marquis, un jeune militaire
les idées libérales et les amours orageuses
[…] je vis, grand, mince, le cou dégagé, la tête haute et fièrement portée, passer un jeune homme aux yeux pénétrants et dont la peau était aussi blonde et les cheveux aussi dorés que s’ils avaient absorbé tous les rayons du soleil. Vêtu d’une étoffe souple et blanchâtre comme je n’aurais jamais cru qu’un homme eût osé en porter, et dont la minceur n’évoquait pas moins que le frais de la salle à manger, la chaleur et le beau temps du dehors, il marchait vite. Ses yeux, de l’un desquels tombait à tout moment un monocle, étaient de la couleur de la mer.
24. Une amitié indestructible une arrogance insensible
extrêmement réservé
un jeune homme prévenant
les choses de l’esprit
la littérature et l’art
25. Un défaut de langue Saint-Loup employait à tout propos ce mot de « faire » pour « avoir l’air », parce que la langue parlée, comme la langue écrite, éprouve de temps en temps le besoin de ces altérations du sens des mots, de ces raffinements d’expression. Et de même que souvent les journalistes ignorent de quelle école littéraire proviennent les « élégances » dont ils usent, de même le vocabulaire, la diction même de Saint-Loup étaient faits de l’imitation de trois esthètes différents dont il ne connaissait aucun, mais dont ces modes de langage lui avaient été indirectement inculqués.
Rachel, sa maîtresse émancipée
26. Dénaturé par l’éducation faire briller son ami Marcel
protéger sa délicatesse physique
le respect dû à ses talents littéraires
J’avais déjà remarqué à Balbec que, à côté de cette sincérité naïve de son visage dont la peau laissait voir par transparence le brusque afflux de certaines émotions, son corps avait été admirablement dressé par l’éducation à un certain nombre de dissimulations de bienséance et que, comme un parfait comédien, il pouvait dans sa vie de régiment, dans sa vie mondaine, jouer l’un après l’autre des rôles différents.
27. Contre les préjugés de sa caste les injustices de la société
le camp des dreyfusards
Gilberte, la fille d’un Juif et d’une cocotte
la mère de Marcel: Oh ! c’est inouï, me dit ma mère. Écoute, on ne s’étonne plus de rien à mon âge, mais je t’assure qu’il n’y a rien de plus inattendu que la nouvelle que m’annonce cette lettre.
transformé par son mariage
28. La comtesse de Marsantes la personnification de la caste
nationaliste farouche
hypocrite accomplie
Mme de Marsantes suivait les cours de Brunetière. Elle enthousiasmait le faubourg Saint-Germain et, par sa vie de sainte, l’édifiait aussi. Mais la connexité morphologique du joli nez et du regard pénétrant m’incitait pourtant à classer Mme de Marsantes dans la même famille intellectuelle et morale que son frère le duc.
29. La reine de Naples Marie-Sophie-Amélie duchesse en Bavière (1841-1925)
sœur de l’impératrice d’Autriche Elisabeth
François II, roi de Naples
détrôné en 1861 par l’unification de l’Italie
la défense de la forteresse de Gaeta
une fleur blanche – symbole de toutes les vertus nobles
Vous n’avez pas l’air bien, mon cher cousin, dit-elle à M. de Charlus. Appuyez-vous sur mon bras. Soyez sûr qu’il vous soutiendra toujours. Il est assez solide pour cela. […] Vous savez qu’autrefois à Gaète il a déjà tenu en respect la canaille. Il saura vous servir de rempart.