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EMERGENCE ET EVOLUTION DE GECEKONDU EN TURQUIE. La ville informelle.
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EMERGENCE ET EVOLUTION DE GECEKONDU EN TURQUIE
La ville informelle • « ... La grande réponse des pauvres a été la production de cet habitat précaire qui a proliféré un peu partout dans les années 1950-1970, avec, en complément, un habitat de trottoir et une occupation des taudis. On observe d’abord l’universalité de la baraque, dans sa précarité, avec ses planches, ses tôles, ses vieux pneumatiques, ses cartons... et son exiguïté pour loger des familles entières. Tantôt elles s’entassent sans ordre apparent, avec un minimum d’espace de circulation, de ruelles et d’impasses; tantôt elles s’alignent au long des rues mieux tracées, lorsque l’invasion a été “planifiée”. Elles occupent toujours des terrains qui appartiennent à d’autres ». • Michel Rochefort, Le défi urbain dans les pays du Sud, L’Harmattan, 2000, p 75
La ville informelle • Les quartiers de gecekondu qui englobent désormais plus d’un quart de la population urbaine turque ont vécu un processus d’intégration urbaine en vue de leur évolution physique et de leur légalisation que nous pouvons résumer en trois étapes : 1)l’émergence des habitations construites illégalement, • 2) la consolidation de ces zones illégales par la croissance horizontale et la création des quartiers informels, • 3) …et enfin la croissance verticale par l’émergence des immeubles à plusieurs étages comme figures matérielles de leur intégration urbaine
3 périodes, 3 perceptions dominantes sur les habitants des quartiers informels • 1) Lesannées de 1950-1960: l’émergencedesquartiersinformels dans letissuurbain, leshabitantsconsidéréscommedes “paysans dans la ville”, l’influenceduparadigme “évolutionniste” dans lesrecherches. • 2) La décennie de 1970: Ledéveloppementhorizontaledesquartiersinformel, leshabitants “exploités”, “désavantageux”, l’influenceduparadigme de “dépendance” dans lesrecherches. • 3) 1990 -: La verticalisation, leshabitantscomme “classesdangeureses”, ségrégationsociale et urbaine…
gecekondu • …un terme turc utilisé pour la première fois juste après la II. Guerre Mondiale, exactement en 1947, où il apparaît dans la presse stambouliote et au sein de la “Grande Assemblée Nationale de Turquie” pour désigner les bâtiments précaires construits illégalement. Littéralement, gecekondu signifie le bâtiment construit le soir. • Voir Jean-François Pérouse, « Les tribulations du terme de gecekondu (1947-2004) : une lente perte de substance. European Journal of Turkish Studies, Thematic Issu No 1 – Gecekondu, URL : http://www.ejts.org/document117.html
Les pionniers • Les premiers gecekondu se sont installés sur des terres proches des centres industriels des villes, en grande partie dans des endroits géographiquement désavantageux comme des pentes difficiles d’accès et des lits de rivières, sous formes de baraques précaires. • Avec le temps, ces baraques ont formé des quartiers entourant la périphérie des villes sous forme de couches qui se succèdent et marquées par l’insuffisance des infrastructures et des services.
la définition proposée en 1953 par Fehmi Yavuz constitue un utile point de départ : "Les gecekondu sont des bâtiments édifiés précipitamment, la plupart du temps dépourvus des conditions de confort les plus élémentaires, et qui contreviennent aux lois sur la construction, sans tenir compte des droits du propriétaire du terrain où ils s'installent". • Dans cette perspective, l’illégalité est même double : elle porte à la fois sur le sol (approprié) et sur le mode de construction. • Déjà en 1948 dans les grandes villes de la Turquie il y avait 25.000 à 30.000 gecekondu. Ce nombre a pu atteindre près d’un quart de millions dans les dix ans qui ont suivi et consolider sa place dans l’espace urbain des métropoles.
LES GECEKONDU ET LA POPULATION DES GECEKONDU EN TURQUIE • Période nombre de gecekondu pop. des gecekondu % de la pop. urbaine • 1955 50.000 250.000 4.7 • 1960 240.000 1.200.000 16.4 • 1965 430.000 2.150.000 22.9 • 1970 600.000 3.000.000 23.1 • 1980 1.150.000 5.750.000 26.1 • 1990 1750.000 8.750.000 33.9 • 1995 2.000.000 10.000.000 35.0 • 2002 2.200.000 11.000.000 27.0 • Source : Ruşen Keleş, Kentleşme Politikası, Ankara : Imge Yay., 7e édition, p. 557
Le taux de “la population urbaine” en Turquie 24 % en 1950 71 % en 2007
L’étalement spatial de la ville Croissance urbaine historique d’Istanbul depuis l’époque byzantine..
La grande transformation des années 50 : L’exode rurale
DÉVELOPPEMENT DES GECEKONDU APRÈS LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE • L’impact de l’exode rural • Migration interne vers les centres urbains Istanbul Ansiklopedisi, Dünden Bugüne, Ferhunde Özbay, “Göç” (Migration), Istanbul, 1997, p. 406.
Exoderuraleexodeverslesmétropoles • Sans entrer dans les détails sur l’impact du Plan Marshall en Turquie, nous allons insister sur ses retombées dans le secteur agricole : avec la mécanisation du secteur agricole entre 1951 et 1953 due à l’entrée de dizaines de milliers de tracteurs en Turquie, environ un million de fermiers ont du quitter leur village. Ainsi pendant le processus de modernisation du secteur agricole, 20% à 25% des petits paysans sont devenus des ouvriers agricoles ou ont émigrés vers les villes.
... et le problème de logement Gecekondu : “construit en une nuit”
Définition du gecekondu) Une définition de type juridique “Une forme d’auto-construction illégale (sans autorisation) sur des terrains possédés ou non par les constructeurs” Une définition de type morphologique “Un habitat au départ sommaire, et précaire, initialement bas, privé d’équipements de base, mais intrinsèquement évolutif”
Gecekondu, un logement évolutif et flexible Drawing of gecekondu, Courtesy of Architect, Aga Khan Award of Architecture, 1980
L’approche de modernisation • Gecekondu considéré comme un problème éphémère ... ... par une perspective basée sur un modèle unilinéaire et eurocentric. • gecekondu: une institution intermédiaire, une solution tampon
Mais… • Par contre… Certaines recherches de terrain dans les quartiers de gecekondu toujours dans la décennie 60 attiraient déjà l’attention sur la nécessité d’accepter les gecekondu comme des composants inhérents aux métropoles. • A propos, Charles W.M. Hart insiste sur l’enracinement des gecekondu dans le paysage urbain et sur la nécessité d’admettre ces constructions comme une solution des Turcs au problème de logement de la classe laborieuse, tout en insistant sur le fait que c’est un type de construction bon marché, et que ni l’Etat ni le secteur privé n’a coopéré dans l’élaboration d’habitats destinés aux classes populaires. Il fallait ainsi légaliser ces zones qui englobaient déjà plus de 100.000 habitants en 1968 et les planifier sur le modèle de ce qui a été fait à Zeytinburnu. Charles W.M. Hart, Zeytiburnu Gecekondu Bölgesi, Istanbul : Istanbul Ticaret Odası yayınları, 1969, pp.100-101
Les lois d’amnistie • Une certaine tolérance dans les années 50 et 60 • Les lois d’amnistie des années 80 • La première amnistie remonte à 1948 • La systématisation des amnisties dans les années 80 • Mars 1983, la loi no. 2805 • Mars 1984, la loi no. 2981 • Juin 1986, la loi no. 3290 • Mai 1987, la loi no. 3366
Amnisties de gecekondu Instruments principaux des politiques clientèlistes depuis les années 50. “Clientèlisme / Patronnage” : titre de propriété pour constituer une fidèle clientèle politique.
Les premiers apartkondu • A partir des enquêtes de Charles W.M. Hart, nous savons qu’il existait des constructions à deux-trois étages dans la deuxième moitié des années 1960 sur certaines zones de gecekondu semi-légalisées ou légalisées étant ainsi les pionnières des apartkondu des années 1980. Ce phénomène qui induit la déruralisation, l’intégration physique des zones de gecekondu dans l’espace urbain, doit attendre les décennies suivantes pour sortir de l’exception et devenir la règle.
apartkondu • “L’apartkondu, immeuble non réglementaire dans ses modalités de construction, mais édifié sur un terrain appartenant au constructeur, témoigne d'une tendance à la densification immédiate du bâti illégal de bas de gamme. Le mode de construction dominant, actuel, est en effet devenu l'auto-construction d'un immeuble -avec recours éventuel à un contremaître (kalfa) pour certaines opérations délicates nécessitant un savoir-faire technique spécial- sur un terrain légalement acquis et avec permis de construction délivré par les autorités compétentes. • Donc "auto-construction" ne signifie pas obligatoirement illégalité”. • Jean-François Pérouse, « Les tribulations du terme de gecekondu (1947-2004) : une lente perte de substance. Pour une clarification terminologique », in European Journal of TurkishStudies, Thematic Issu No 1 – Gecekondu, URL : http://www.ejts.org/document117.html
Le processus d’évolution des gecekondu classiques en apartkondu continue encore, comme cette photo prise le mai 2003 par moi-même au Gazi le démontre : les gecekondu anciens en avant et les nouveaux apartkondu, signes de la période de commercialisation, en arrière.
La verticalisation des “gecekondu” Gaziosmanpaşa (ancien Taşlıtarla) dans les années 1950 et 1990
L’évolution des caracteristiques de gecekondu La première génération de gecekondu La deuxième génération (commodification des logements depuis les années 80)
L’image des habitants de gecekondu (1950-1960): le paysan dans la ville? • L’imaginaire populaire ou académique les réduisait à des paysans dans la ville provoquant un certain exotisme, ou à des marginaux qui devaient être assimilés. Cette nouvelle « société » montrait une fragilité pareille à leurs habitations qui restaient encore en grande partie précaires et non légalisées. Le problème des gecekondu était considéré comme éphémère pouvant se résoudre par l’assimilation de ces nouveaux immigrés, dans l’intention de faire de ces paysans des citoyens urbains à part entière.
Habitant de gecekondu • Ainsi, un nouvel acteur urbain, le gecekondulu (habitant du gecekondu) a émergé dans le paysage urbain. Ce nouvel acteur social suscite l’intérêt de la société urbaine qui le voit comme un « étranger » dans la ville. Nous pensons que durant cette période, comme il serait expliqué ci-dessous, le statut du gecekondulu était plutôt celui d’un « étranger » à découvrir qu’un acteur marginalisé, car c’était une période de quête de l’identité pour les gecekondulu et de découverte pour les autres. • Pour la structuration de la figure de « l’Autre » stigmatisé, il faudra attendre l’enracinement de ce nouvel acteur dans la ville jusqu’à devenir un « danger » pour le mode de vie de la classe moyenne urbaine. Car, jusqu’aux années 1970, les zones de gecekondu restaient minoritaires dans le tissu urbain. En 1960, les habitants des gecekondu ne formaient que 18% de la population urbaine.
Gecekondu dans la culturepopulaire • Les gecekondu ont très vite trouvé leur place dans la culture populaire. Ils sont devenus des décors et parfois même des sujets dans la littérature, le théâtre et surtout le cinéma et la musique. Déjà en 1959 les gecekondu apparaissent dans le cinéma turc comme décor de l’histoire du film. Le premier film mentionnant le nom de gecekondu, GecekonduPeşinde [En quête de (construire) le gecekondu], a été projeté en 1969. • En revanche, le premier film « typique des gecekondu » fut Keşanlı Ali Destanı datant de 1964 qui n’était que l’adaptation d’une comédie musicale devenue un classique très populaire dans l’histoire du théâtre turc. La pièce et le film qui en est adapté racontent l’histoire d’un « mec dur », son amour pour une jeune habitante d’un quartier de gecekondu et sa carrière de maire de quartier qu’il a acquis par la force. L’auteur essayait de former une critique sociale à travers l’histoire d’un habitant d’un nouveau quartier de gecekondu. Les principaux sujets traités étaient la corruption, le clientélisme, la difficile intégration des nouveaux citadins à la ville, la différenciation culturelle et économique…
Discoursacadémique: phénomèneconjoncturel • Quant au discours académique, le gecekondu était perçu par les sociologues turcs comme « un phénomène conjoncturel » apparu pendant le processus de transition de la société traditionnelle à la société moderne et qui allait disparaître par l’intégration des immigrés d’origine paysanne au mode de vie citadin. En restant sur ce niveau d’analyse, un chercheur décrivait les familles des gecekondu en ces termes : « … La « famille du gecekondu » décrit une famille ‘malheureuse’ issue d’une condition sociale d’une période définie et qui va disparaître avec le temps, ayant des caractéristiques authentiques, et si l’on considère la longue histoire sociale, a une vie très courte… ». • Les chercheurs comparaient les familles de gecekondu aux familles citadines idéalisées et évaluaient leur fréquentation des cinémas, des théâtres, des concerts… Ils décrivaient un idéal-type d’habitant de gecekondu (gecekondulu) homogène, resté au « purgatoire » entre l’urbain et le rural et qui devrait être intégré à l’urbain. L’habitant de gecekondu est décrit comme un caractère caricatural, un « autre » arriérée, emmenant avec lui des « goûts ruraux » à la ville. Parler aussi d’un certain exotisme dans cet imaginaire comme cela est courant pour les régions rurales ne sera pas très exagéré. • .
cinéma • Dans le film et la pièce de théâtre où l’histoire se déroule dans un tel quartier de Sinekli (nom turc faisant référence aux problèmes de moustiques) nous observons tous les clichés de gecekondu des ouvriers, des femmes de ménages, des petits commerçants, des types rusés faisant le commerce des parcelles, des politiciens corrompus, des bourgeois qui font travailler chez eux des habitants des gecekondu comme servants, différents types de paysans ou provinciales de tous les coins d’Anatolie et des Balkans mais aussi les problèmes de ces quartiers comme les problèmes d’infrastructures, de pauvreté et la peur de la démolition des bâtiments. • Alors que nous faisions notre enquête de terrain en 2002 dans le quartier de Gazi nous avons observé, dans le Centre Social du quartier, certains adolescents qui répétaient cette pièce pour la jouer en public.
Lesannées de 1970:Leshabitantsdes gecekondu commedes “désavantageux” • La population des gecekondu est devenue importante quantitativement et qualitativement durant cette décennie. En 1960 les habitants des gecekondu formaient 18% de la population urbaine avec une population de 1,5 millions, tandis qu’en 1980 ce chiffre va en augmentant jusqu’à atteindre la moitié de la population urbaine avec plus de 6,5 millions d’habitants. • Ainsi, par la force des choses, les interprétations envisageant une population marginale sont rendues impossibles. L’autre changement se situe dans le glissement d’une population docile et/ou qui se satisfaisait de chercher une solution pour leurs problèmes au sein d’un système clientéliste vers une population qui devient de plus en plus revendicative.
Les “exploités”, les “désavantageux” • La société des gecekondu était aussi fonctionnelle dans le système économique. Les années 1960-70 représentent un régime de substitution d’importation en Turquie basé sur une économie nationale elle-même fondée sur un marché intérieur protégé contre la concurrence externe grâce à des tarifs douaniers élevés. Ce système dépendait de l’exode rural pour la production et la consommation. Les migrants vers la ville jouaient un rôle primordial: « …en tant qu’ouvriers à bas prix, ils ont diminué les coûts et ont augmenté les marges de profit ; en tant qu’ouvriers mobiles pouvant circuler au sein d’un secteur et d’un secteur à l’autre, ils ont assuré [non seulement] l’offre des biens et des services par des méthodes ingénieuses et intensives de main-d’œuvre, [mais aussi] par l’établissement de moyens de distribution souples et bon marché ; … et en tant que clients, ils ont soutenu un marché domestique sans cesse grandissant et ayant une importance vitale dans le modèle intraverti de substitution d’importation orienté vers la production pour le marché interne ».
Les immigrés “conscients” • En vue d’acquérir ses droits, cette société devenait revendicative. Selon une recherche menée au début des années 1970 dans un quartier de gecekondu à Ankara, les habitants réclamaient plusieurs services tel un parc d’enfants, des dispensaires et abhorrait être traité de « citoyens de seconde classe ». • Le fait d’habiter des gecekondu, c’est-à-dire dans des habitations illégales (du moins pendant leurs constructions) mal équipées en système d’infrastructures et précaires par rapport aux constructions légales des classes moyennes, ne causait pas un manque d’estime de soi chez la plupart des habitants de ces quartiers. Sur quoi nous pouvons conclure à une autolégitimation chez les habitants et même une légitimation de leur situation dans la société que nous allons tenter de traiter ci-dessous à partir des recherches menées dans les années 1970. • Emre Kongar, «Altındağ’da kentle bütünleşme », Amme İdaresi Dergisi, N°6, pp.109-133.
image positive dans les recherches • A ce propos, une enquête de terrain menée dans trois quartiers de gecekondu entre 1968 et 1974 nous révèle quelques données ; 75% des habitants de ces trois quartiers situés sur les collines du Bosphore ont déclaré n’avoir aucune honte d’habiter dans des gecekondu, que cela signifiait plutôt une amélioration de leur vie et qu’ils souhaitaient être acceptés tels qu’ils étaient ; % 25 d’entre eux liaient leur sentiment au fait d’être humiliés par les anciens citadins et les autres à leurs échecs dans la vie, à la pauvreté et à leur manque de civilité. Aussi, ont-ils mis beaucoup d’espérance en la réussite de leurs enfants et ne considéraient en rien leur situation socioéconomique comme un obstacle. Voir Kemal Karpat, Türkiye’de Toplumsal Dönüşüm, pp. 237-240.
İmagespositives dans lesrecherches • Les habitants des gecekondu formaient une population politisée selon les recherches académiques effectuées pendant cette période. D’après K. Karpat, ce fait est à chercher essentiellement du côté de la conscience des besoins personnels et de groupe chez les habitants des gecekondu. Il analyse ces besoins en trois catégories : des besoins matériels immédiats issus de la condition du terrain tels les services d’infrastructures, des besoins liés au métier de l’habitant tels l’éducation dont il a besoin pour apprendre un métier, l’éducation de leurs enfants, et des besoins liés à l’ascension sociale et à l’intégration de l’immigré… • Kemal Karpat, op.cit., 289-290.
La base “matériel” de bon image • une des causes qui expliquerait la faiblesse du discours anti-gecekondu par rapport aux décennies ultérieures serait le consensus implicite entre différents groupes urbains qui a pu fonctionner jusqu’aux années 1980. • Le système d’urbanisation d’avant 1980 était basé sur l’accord des classes sociales sur la redistribution des rentes urbaines. L’essentiel du système se résume par le financement de la redistribution à la société des rentes générées par le développement urbain en vitesse. Le gecekondu a offert des logements faciles d’accès et les urbains défavorisés ont pu s’adapter à la ville à travers leurs réseaux de solidarités.
Théorie de dépendance • La perception du phénomène de gecekondu et l’image de l’habitant du gecekondu ont bien changé dès le début des années 1970 chez les chercheurs en sciences sociales, qui se sont inspirés de la « Théorie de Dépendance ». Ainsi, le fait du gecekondu est perçu comme le produit établi de l’urbanisation des pays qui se trouvaient en périphérie du système capitaliste. • Désormais, ‘l’autre’ non intégré est devenu l’autre exploité/désavantagé. Le phénomène du gecekondu a été assimilé au contexte de la problématique de la non-intégration telle qu’elle s’est formée dans les années 1960, mais, c’est la structure économique non égalitaire basée sur l’exploitation du système capitaliste qui en est devenue, à la place de la culture traditionnelle rurale, la cause.
“Les beaux quartiers” • Dans le discours des années 1970, le gecekondu était un espace d’entre aide, de solidarité et de proximité « chaude », opposées à l’anonymat et à l’individualisme des quartiers de classes moyennes formés de bâtiments en béton à plusieurs étages (apartman). A ce propos, il est très probable de trouver une forte ressemblance de l’image des gecekondu turcs avec les quartiers populaires de la France. Le terme de « quartier » désigne en France actuelle, depuis quelques décennies, des populations et territoires en difficulté tandis que la notion de quartier populaire émergeait comme figure spécifique et positive au cours des années 1950-60. Henri Coing dans « Rénovation urbaine et changement social » définit le quartier comme « une communauté auto-suffisante », « un village ». Il s’agit d’une culture qui s’inscrit dans le contexte social et le spatial. • Marie-Hélène Bacqué, Yves Sintomer, « Peut-on encore de quartiers populaires ? », in Espaces et Sociétés, no : 108-109, 2002/1-2, p. 30. • Henri Coing, Rénovation urbaine et changement social, Paris : Les éditions ouvrières, 1966.
Habitants de gecekondu: un groupe intégré • La population des gecekondu a été admise par ces recherches comme un groupe qui a intégré les valeurs urbaines, surtout par leurs attentes dans l’avenir. Elle était loin de former un groupe marginal par son espérance en une ascension sociale pour ses enfants et pour elle-même. La source de son attitude optimiste envers l’avenir serait cette attente liée à l’industrialisation et au développement du pays. • La différence entre les quartiers de classe moyenne formés d’immeubles à plusieurs étages [en turc apartman] et les quartiers de gecekondu ont été analysé. Pour certains chercheurs turcs, la vie dans les immeubles des quartiers de classes moyennes représentait l’aliénation tandis que les gecekondu, espaces de solidarité, représentaient la chaleur humaine. Ainsi, le discours académique reproduisait le discours politique.
Dicours populaire: cinéma • Pour le discours de la culture populaire l’exemple des films du « cinéma de famille » des années 1970 nous révèlent des pistes très riches. Les films populaires des années 1970 décrivent une image positive des quartiers périphériques. Les gecekondu par opposition aux quartiers chics des métropoles étaient des espaces de chaleur humaine, de bon voisinage et de solidarité au point que les caractères riches de ces films aimaient vivre dans ces endroits, affirmant que dans leur milieu les gens savaient vivre de petits bonheurs. • Le cinéma est une bonne piste pour analyser la société turque surtout dans la décennie 1970, et déjà en 1966 le pays occupait le 4e rang dans le monde après le Japon, l’Inde et Hong Kong avec 229 films produits. Avec 3000 salles recensées en 1960, il s’agit d’un secteur important dont l’influence sur des dizaines de millions de personnes surtout entre 1965-75 est incontestable, pas seulement avec les dits aile filmleri « films de familles », mais aussi avec des films qualifiés de toplumcu-gerçekçi[réalisme social]. • Voir pour plus de détails, S. Büker, « Film AteşliBirÖpüşmeyleBitmiyor », in D. Kandiyoti et A. Saktanber (eds), op.cit., p.169.
Cinéma • Imitant les clichés hollywoodiens, ces films se basent sur la dichotomie caractères bons et caractères mauvais ; les mauvais habitent généralement en dehors du quartier ou ce sont des caractères “opportunistes” issus du quartier tels les types qui commencent à s’enrichir ou maires de quartier. Dans plusieurs exemples, les habitants des gecekondu résistent pour garder leurs maisons auto-construites contre le propriétaire du terrain spéculateur qui essaie de les exploiter, ou les agents de la police municipale, ou n’arrivent simplement pas à les empêcher et voient la démolition de leurs foyers. D’autres fois, le gouvernement déclare une amnistie avant les élections. Mais dans la plupart des cas, vers la fin du film, un « héros » trouve une solution et sauve les habitants… • Depuis le début de la décennie 1960, les caractères des migrants en quête d’une vie meilleure apparaissent dans les films turcs classés entre le réalisme social et le populisme. Dans les films de réalisme social, la pauvreté figure comme un problème social à résoudre et les pauvres ne sont pas dévalorisés. Après 1980, il ne s’agit plus de voir le drame des pauvres mais de rire de leur pauvreté.
La Société de VaroŞ : l’Autre Turquie ? • La Turquie a vécu des changements macroéconomiques qui ont impliqué à la fois la structure économique et sociale du pays, par la mise en oeuvre du modèle qui privilégie l’exportation, par l’adoption de l’économie de libre marché et la privatisation suivant les politiques néolibérales. • Cette transformation a provoqué la régression de l’Etat Providence et l’écart des revenus entre les groupes aisés et pauvres, d’où a émergé une relative exclusion des pauvres urbains et le renfermement des riches dans des cités privées.
Varoş: l’”Autre Ville”, “la ville des marginaux, des criminels” • Ainsi, depuis 1980, la réalité et l’image des gecekondu ont subi des transformations décisives. La question du gecekondu s’est complexifiée et rendue plus difficile dans les métropoles turques actuelles où les faits comme la ségrégation urbaine, l’exclusion sociale, la nouvelle pauvreté urbaine et sa stigmatisation dans les médias, le processus de ghettoïsation, les violences urbaines, l’émergence d’une jeunesse en crise d’identité dans les quartiers populaires, devraient être pris en compte.