Les bases neuronales de la conscience visuelle : une approche neurologique Lionel Naccache

1. Les bases neuronales de la conscience visuelle : une approche neurologique Lionel Naccache Reims, lundi 12 Janvier 2004

2. Siège de la conscience phénoménale visuelle

3. Ungerleider & Mishkin Une approche clinique guidée par la neuropsychologie visuelle du patient cérébro-lésé. Illustration d’un modèle neuroscientifique de la conscience.

4. « Je ne vois rien » La « vision aveugle » ou blindsight (Weiskrantz) Pourtant, en situation de choix forcé, le patient G.Y. discrimine les émotions faciales. De Gelder et al. Neuroreport 1999

5. Alors que l’ « aire fusiforme des visages» (FFA), alimentée par V1 n’est pas activée. colliculus supérieur amygdale Découverte d’une voie sous-corticale dont l’activation est corrélée aux performances de G.Y. Morris et al., Brain 2002

6. 167 ms 167 ms 33 ms 33 ms Cette voie, résiduelle chez GY, existe également chez l’homme sain Les sujets ne perçoivent consciemment qu’un visage émotionellement neutre (présentation «subliminale»)… Whalen et al. J. of Neuroscience 1998

7. 167 ms 33 ms 33 ms > Mais la valence émotionnelle du premier visage inconsciemment perçu est traitée par l’amygdale

8. Quelques conséquences : Compatible avec une conception Jacksonienne d’intégration verticale & hiérarchique (second principe des Croonian Lectures) : «le traitement conscient est cortical ; le traitement inconscient est sous-cortical ». La vision consciente semble nécessairement associée à des traitements (thalamo)-corticaux. La vision inconsciente semble assurée par des voies sous-corticales.

9. ? ? ? ? Toutes les régions du cortex visuel appartiennent-t-elles à cet espace neural conscient ?

10. X X Patiente D.F., 34 ans anoxie cérébrale Lésions bilatérales de la voie ventrale épargnant le cortex visuel primaire et la voie dorsale : Agnosie visuelle aperceptive typique

11. Goodale, Milner & al. Nature 1991

12. Dissociations dorso-ventrales chez le sujet sain, ou les neurosciences des illusions visuelles : Illusion d’Ebbinghaus Titchener Pince pouce-index non affectée par l’illusion Aglioti et al., Current Biology 1995

13. Il existe un « pilote automatique » inconscient de la main dans la voie visuelle dorsale X Pisella et al., Nature Neuroscience 2000

14. Essais « Go » non perturbés + + Essais « Go » perturbés T1 T2 + +

15. Correction très rapide chez les contrôles, beaucoup plus lente chez I.G.

16. Essais « Stop » non perturbés X + + Essais « Stop » perturbés T1 T2 X + +

17. Les contrôles ne peuvent réprimer une correction motrice rapide non conforme aux instructions. Cette correction est absente chez I.G.

18. Quelques conséquences : La vision consciente semble associée à des traitements corticaux de la voie visuelle ventrale. Les traitements visuo-moteurs sous-tendus par la voie visuelle dorsale semblent inconscients. (relecture de l’ataxie optique)

19. A. David Milner : « we have two (largely) separate visual systems. One of them is dedicated to the rapid and accurate guidance of our movements…, and yet it lies outside the realm of our conscious visual awareness. The other seems to provide our perceptual phenomenology,… » Trends in Cognitive Science, 1998 « Our visual awareness is generated as a result of activity within the ventral stream. » Neuropsychologia, 1995

20. D G 3D Les activations de la «voie ventrale» s’accompagnent elles nécessairement d’une perception consciente ? Le paradigme idéal: la négligence spatiale unilatérale => Déficits de la conscience phénoménale visuelle => Lésion pariétale droite => Intégrité possible de la voie ventrale droite

21. + + L’extinction visuelle Rees et al., Brain 2000 Les stimuli non perçus consciemment sont néanmoins traités par la voie visuelle ventrale !

22. Activation inconsciente de la voie ventrale chez l’homme sain : la perception subliminale des mots Dehaene, Naccache, Cohen et al., Nature Neuroscience 2001

23. Aire de la forme visuelle des mots mots visibles mots masqués 0.3 0.2 0.1 % variation du signal 0.0 -5 0 5 10 15 temps (s) -0.1 6.3 échelle t (14 ddl) 20.8 2.26 échelle t (14 ddl) 3.33 mots visibles mots masqués valeur p p value 10-5 3.10-12 0.02 0.0025 z = 29 z = 5 z = -17 z = 29 z = -17 z = 45 Mais ils sont traités par la voie visuelle ventrale

24. Synthèse : • *Il n’existe pas « un centre unique» de la conscience. • * Certains processeurs, corticaux («pilote automatique • pariétal ») ou pas (ex : réseau colliculo-amygdalien) • ne participent jamais au contenu conscient. • *Certains processeurs corticaux (ex : aire fusiforme • des mots) participent parfois au contenu conscient. • *Lorsque nous sommes conscients de l’activité d’un • processeurs, celle-ci est : • amplifiée (intensité & durée) • accompagnée d’activations fronto-pariétales • la résultante d’une allocation attentionnelle

25. Un cadre théorique : Le modèle de l’espace de travail global Distinction entre 2 espaces anatomiques La modularité de l’esprit Un ensemble de processeurs qui traitent l’information automatiquement & inconsciemment. La non modularité de l’esprit Un vaste ensemble de neurones dôtés d’une connectivité à longue distance permet d’interconnecter et de coordonner de multiples aires cérébrales spécialisées.

26. Un mécanisme d’accès à la conscience : L’accès d’une information à la conscience requiert la mobilisation dynamique temporaire d’un processeur dans une boucle active et auto-entretenue par un mécanisme d’amplification attentionnel descendant (« top-down »). Anatomique de l’espace de travail global : Rôle prépondérant des cortex préfrontal, cingulaire & pariétal inférieur. Epaisseur des couches II & III qui logent les neurones pyramidaux à longue distance cortico-corticale.

27. Un espace neural à géométrie variable

28. Les conditions d’accès à la conscience : Une information explicitement codée par le système nerveux (pas les pondérations synaptiques…). L’existence de connexions anatomiques bidirectionnelles entre un processeur et l’espace de travail global (« blindsight »). Un système d’amplification attentionnelle efficient (négligence, attention divisée). Un temps minimal est nécessaire (masquage, voie dorsale).

29. Esquisse d’un modèle neuroscientifique • de la conscience : • A réviser, corriger & spécifier • 2) Soumis à l’épreuve de la clinique & • de l’expérimentation • 3) Qui permet néanmoins de poser des questions • théoriques & philosophiques

30. Deux suppléments éventuels : • Cortex cingulaire antérieur et effort conscient • Dissociation entre contrôle attentionnel • & effort conscient

31. Recent news from the « Global Workspace » model : One key prediction is related to the Anterior Cingulate Cortex : In many models, ACC is involved in « conflict monitoring &/or resolution », but according to the GW hypothesis, it should be involved exclusively in monitoring conscious conflicts, not unconscious ones.

32. Masked priming provides allows to compare conscious vs unconscious response conflicts with minimal modifications : 9 9 200 ms 200 ms time HgKLeM HgKLeM 71 ms 71 ms SIX SIX 43 ms 43 ms GMavBE 71 ms larger than 5 larger than 5 smaller than 5 smaller than 5 Masked trial Unmasked trial Dehaene, Artiges, Naccache & al. PNAS 2003 in press

33. A 2X2 design with a triple interaction prediction : group x masking x congruity ControlsSchizophrenics (normal ACC) (impaired ACC) Masked Priming Unmasked Priming ACC not involved comparable to controls ACC not involved ACC involved but impaired  Large differences with controls ACC involved

34. Controls>Patients In a slow event-related fMRI paradigm, we could indeed observe the «hypofrontality» (including hypo-ACC)reported in shizophrenia. Controls Patients

36. Controls x=-12 y=32 Controls>Patients x=-12 y=28 Control subjects Visible primes Masked primes Time (s) Schizophrenic patients Visible primes Masked primes Analysis focused on ACC :

37. Retour à la conscience visuelle :

39. Pince pouce-index peu affectée par l’illusion de Muller-Lyer A B B est plus long que A! Daprati et Gentilucci, Neuropsychologia 1997

40. Les mots masqués ne sont pas consciemment perçus

41. Symbolic representation of the hierarchy of connections between brain processors. Higher levels of this hierarchy are assumed to be widely interconnected by long-distance interconnections, thus forming a global neuronal workspace. An amplified state of workspace activity, bringing together several peripheral processors in a coherent brain-scale activation pattern, can coexist with the automatic activation of multiple local chains of processors outside the workspace.

42. Conséquences empiriques et Prédictions Conséquences empiriques et Prédictions 1. Contraintes structurelles sur le contenu de la conscience 1. Contraintes structurelles sur le contenu de la conscience • • L’information doit être représentée de façon active par le taux L’information doit être représentée de façon active par le taux de de décharge d’une ou plusieurs assemblées de neurones. décharge d’une ou plusieurs assemblées de neurones. • • Des connexions bidirectionnelles doivent lier ces assemblées av Des connexions bidirectionnelles doivent lier ces assemblées av ec ec les neurones de l’espace de travail, pour qu’une boucle les neurones de l’espace de travail, pour qu’une boucle d’amplification soutenue puisse s’établir. d’amplification soutenue puisse s’établir. 2. Contraintes dynamiques 2. Contraintes dynamiques • • L’accès d’une information à la conscience requiert la mobilisat L’accès d’une information à la conscience requiert la mobilisat ion ion dynamique temporaire d’un processeur dans une boucle active et dynamique temporaire d’un processeur dans une boucle active et auto auto - - entretenue. Un temps minimum est nécessaire pour que cette entretenue. Un temps minimum est nécessaire pour que cette boucle s’établisse. boucle s’établisse. Cognition, Cognition, Dehaene & Dehaene & Naccache Naccache , , 2001 2001

44. Un cadre théorique: Le modèle de l’espace de travail global Un cadre théorique: Le modèle de l’espace de travail global 1. La modularité de l’esprit 1. La modularité de l’esprit • • Une tâche cognitive, qui requiert une série d’opérations mental Une tâche cognitive, qui requiert une série d’opérations mental es, es, ne peut se dérouler inconsciemment que si elle repose sur un jeu ne peut se dérouler inconsciemment que si elle repose sur un jeu de de “modules cérébraux” connectés de façon appropriée. “modules cérébraux” connectés de façon appropriée. 2. La non 2. La non - - modularité apparente du traitement conscient modularité apparente du traitement conscient • • Un vaste ensemble de neurones Un vaste ensemble de neurones dôtés dôtés d’une connectivité à longue d’une connectivité à longue distance permet d’interconnecter et de coordonner de multiples distance permet d’interconnecter et de coordonner de multiples aires cérébrales spécialisées aires cérébrales spécialisées 3. L’amplification 3. L’amplification attentionnelle attentionnelle et la mobilisation dynamique et la mobilisation dynamique • • L’attention descendante (“top L’attention descendante (“top - - down”) est le mécanisme qui permet down”) est le mécanisme qui permet de mobiliser temporairement des modules cérébraux pour les rendr de mobiliser temporairement des modules cérébraux pour les rendr e e accessibles à l’espace de travail global. accessibles à l’espace de travail global. Cognition, Cognition, Dehaene & Dehaene & Naccache Naccache , , 2001 2001