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LA TRANSCENDANCE DE L’IMAGINAIRE DANS LES POEMES D’EMINESCU : INTRADUISIBILTE OU REVELATION ?. Ana GUŢU docteur, maître de conférences. L’imaginaire – précisions définitoires. L’imaginaire , donc, constitue à la fois la source et le fleuve des raisonnements idylliques du grand poète.
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LA TRANSCENDANCE DE L’IMAGINAIRE DANS LES POEMES D’EMINESCU : INTRADUISIBILTE OU REVELATION ? Ana GUŢU docteur, maître de conférences
L’imaginaire – précisions définitoires • L’imaginaire, donc, constitue à la fois la source et le fleuve des raisonnements idylliques du grand poète. • De point de vue philosophique l’image c’est « la conscience d’un objet absent ou inexistant » (Didier, 1995 : 129) • la conscience imageante reçoit son objet comme un pur néant ; • l’image est spontanée, elle ne dépend pas de la volonté de la conscience imageante
L’image selon Georges Mounin • , «L’image est un terme générique assez vague utilisé depuis le XIX-e siècle pour désigner surtout les tropes fondés sur le rapport d’analogie (comparaison, métaphore, personnification, etc), mais aussi les autres tropes, certaines figures et de nombreuses anomalies sémantiques…L’image est envisagée comme un moyen de connaissance ou d’expression de soi, non comme un ornement esthétique. » (Mounin, 1999 : 168).
Le poème et la philosophie • Jacques Derrida considère que « la poésie est au cœur de la philosophie » (Derrida, 1990 : 337). Selon lui, tout poème est un philosophème. • Nous définissons le philosophème comme « une vérité socio-humaine, non-altérable dans l’espace et dans le temps » (Gutu, 2005 : 100 ).
Eminescu • Les poèmes lyriques d’Eminescu dans leur intégralité peuvent être considérés comme des philosophèmes existentiels, mais les réalités qu’ils évoquent sont imaginaires, dépourvues de toute substance tellurique, ne serait-ce que du coté des paysages, édénisés, cette fois-ci, à l’aide des images rhétoriques.
Eminescu • Essayons de définir les images – états de consciences qui constituent le fond imaginaire d’obédience philosophique dans la lyrique d’Eminescu. • L’identification de ces images est étroitement liée au tissu symbolique de texte romantique éminescien, une autre carcasse fondamentale qui appuie l’imaginaire lyrique-érotique.
Le repérage des symboles • va faciliter la tache de notre modeste recherche – élaborer un schéma-formule de la traduction de l’imaginaire chez Eminescu. • le marbre – symbole de la froideur, de la mort ; • le blanc – symbole de la pureté, de la virginité ; • le chant – symbole du bonheur, de la félicité, du soulagement ;
Le repérage des symboles • le bois – symbole de la solitude, du refuge ; • la neige – symbole de la pureté ; • le tilleul – symbole de l’amour, de la beauté ; • le lac, la source – symboles de la fascination, de l’attente de l’amour ; • le Lucifer – symbole du poète de génie, inaccessible aux humains (Guţu, 2002: 136).
Parler de la traduction poétique • «c’est tailler un diamant à multiples facettes …Tout comme la taille d’un diamant, la traduction est, elle aussi, une tâche fort ardue, qui, sans corrompre la matière, doit également faire ressortir les multiples facettes qui brillent selon la lumière qui les frappe» (Clas, 2005 : 49).
L’intradusibilité n’est pas un pseudo-phénomène • a) le traducteur n’a pas suffisamment de connaissances linguistiques; • b) le traducteur n’est pas un «lecteur modèle ayant une compétence encyclopédique spécifique» (Eco, 2004: 68) et le contenu du texte original lui échappe à la compréhension ; c) le style du texte original est hypersophistiqué, cachant derrière les figures de pensées un contenu codé.
L’intradusibilité n’est pas un pseudo-phénomène • « l’intradusibilité n’est pas seulement l’impossibilité de transporter l’art ou le langage pur de l’original » (Mihalache, 2002: 363); «Il y a un résidu d’intradusibilité dont aucun traducteur, bon ou mauvais, ne pourra triompher. Pire, il ne s’agit pas d’une frange d’intradusibilité qui resterait secondaire ou minoritaire : c’est l’essentiel, pour un poète, qui ne pourra pas être traduit …l’objection préjudicielle voit son champ d’application se restreindre…La question « La traduction est-elle possible ? » fait place à la question « Peut-on traduire la poésie ? » » (Ladmiral, 1994-2002 : 96).
L’inédite poésie lyrique d’Eminescu • Mais les moments d’heureuses rencontres étaient très rares, voilà pourquoi la tonalité édénique de l’absolu devient une aspiration « imaginée » par le poète. Cette aspiration perpétuelle a fait naître des poèmes d’une beauté idyllique, où l’anxiété de la rencontre détermine l’échafaudage des scènes imaginaires exceptionnelles, dont la location, pourtant, est la nature par excellence.
Le désir • l’auteur invite sa bien aimée au rendez-vous, dans le bois, au sein de la végétation exubérante, à côté des sources et des arbres en fleurs : Viens dans le bois à la source/Frissonnant sur le gravier,/Où les tendres herbes se cachent/Sous les branches sur elles ployées.
Le désir • Lerefuge • la sacralisation du féminin • l’union entre l’homme et la femme • lesommeil • la mort • le tilleul
Notre expérience très subjective, psychanalytique, soutenue en «lecteur modèle» • la « couleur » du poème - lumineuse • La musique du poème - allegro romantique • Le « goût » du poème - une douceur fondante • Le «touché » du poème - suave, soyeux • Le sentiment dominant - l’exaltation, le bonheur
Les fois où, mon aimée… • la couleur prédominante du poème -grise-noire • La musique du poème - lugubre, presque funèbre • Le goût du poème - amer • Le touché du poème - froid, humide • Le sentiment dominant du poème - tristesse profonde
Expérience • Compte tenu de « l’univocité irréductible de chaque poème » dans la traduction, comme l’affirme Efim Etkind (cité d’après Paissy Cristov, 2005 : 73), pour mener à une bonne fin notre modeste expérience, nous avons établi conventionnellement les états de conscience à la base desquels nous avons élaboré le questionnaire. Ce questionnaire a été adressé aux natifs des langues des poèmes éminesciens : le roumain, la langue originale, le français et le russe, les langues de traduction.
analyse nano-traductologique • - repérage des éléments communs, présents dans les poèmes, celui original et ceux traduits. • Nous avons emprunté le terme venant du latin « nano » - très petit, qui en physique désigne la milliardième partie d’une unité de mesure. • Les réflexions analytiques de nos exemples n’atteindront pas ces dimensions, mais l’idée comme telle nous a semblé originale, d’autant plus que l’application des éléments mathématiques dans des études philologiques n’est pas une nouveauté en soi. • Nous allons donc, suivre en quelle mesure les images, les sentiments du poème original ont transgressé dans les autres deux langues : français et russe. • Nous présenterons ci bas les tableaux pour que le lecteur puisse comparer les résultats lui-même et percevoir sa propre expérience exégétique.
analyse nano-traductologique • L’analyse nano-traductologique (avec tri sémique et éléments mathématiques) dénote que la couverture complète entre le poème original et ceux traduits en français et en russe est de 40%. Donc, l’élément chiffré devrait nous pousser à affirmer que les images du poème original n’ont pas transcendé dans les variantes traduites. Mais si nous procédons à la perception verticale, en ligne du corpus lexématique, nous nous rendrons compte, suite à l’analyse sémique, que les images, toutes frontières confondues, ont été rendues avec succès par les traducteurs (y compris la forme, alias la rime, la mélodie du poème original roumain).
Le poème « Le désir »: • lecteur modèle roumain - Le vert et le jaune ; amour tendre, la forêt frémissante, la belle qui dort ; le tilleul frissonnant ; le rêve romantique ; le désir ; la douleur d’aimer ; la nostalgie ; le rêve d’antan ; l’impatience ; doux-amer ; Masnet ; le tapis moelleux de mousse ;
Le poème « Le désir »: • lecteur modèle français: blanc doux ; amour ; intimité ; nature ; chute sereine ; communion ; désir, passion, angoisse ; - lit (au sein de la nature) ; apaisement ; doux sucré ; quator à cordes : soie ;
Le poème « Le désir »: • lecteur modèle russe : jaune-transparent ; impatience ; hommes rêveurs ; pelouse tranquille, femme tendre, nature automnale ; tristesse, compassion, impatience; homme solitaire ; sentiment qu’elle ne viendra pas, regret ; légèrement amer ; minore ; charnel.
conclusion • l’exercice de l’imaginaire poétique est une expérience personnelle, profondément marquée par le niveau de formation du lecteur. Dans le cas de la traduction poétique classique (comme c’est le cas des poèmes d’Eminescu, le romantique des romantiques), sans effets d’appropriations, de défiguration du contenu original, en dépit des intériorisations largement personnalisées, l’imaginaire transcende quasiment intact du texte poétique original dans les textes poétiques de traduction, avec des déviations nano-sémiques qui n’influencent pas l’intégralité du message poétique.
conclusion • Cette transcendance s’avère être une véritable révélation, tout en dissipant le concept d’intraduisibilité : l’imaginaire poétique éminescien est traduisible aussi bien vers les langues romanes (français) que vers les langues slaves (russe). Les poète romantique roumain a créé une poésie pérenne qui est capable de traverser aussi bien les siècles (le temps) que les frontières linguistiques.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES • Chalupt R. Chronique: La musique. In: Les Écrits nouveaux, tome IX, no 6, juin 1922, pp. 75-77< http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Camille_Saint-Saens, consulté le 07.09.2006 • Clas A. Traduire, c’est tailler un diamant à multiples facettes! In: Pour dissiper le flou. Traduction – Traductologie. Réflexion plurielle. Collection „Sources-Cibles”. Ecole de Traducteurs et d’Interprètes de Beyrouth, Université Saint-Joseph, 2005, pp.49-54. • Cristov P. Le vers couronne l’oeuvre. In: Atelier de traduction, No3, 2005, Université de Suceava „Stefan cel Mare”, pp. 71-79. • Derrida J. Théologie de la traduction. In: Du droit à la philosophie. Gallilée, 1990. • Didier J. Dictionnaire de la philosophie. Paris, Larousse, 1995, 304 p.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES • Eco U. Lector in fabula. Traduction en français de l’italien par Myriem Bouzaher. Imprimé à Barcelone, Espagne, 2004, 316 p. • Eminescu M. Dorinţa. Echivalenţe eminesciene în limbile engleză, franceză, germană, rusă şi spaniolă. Bucureşti, Editura Albatros, 1976. 180 p. • Gutu A. Filosofemele antitetice – expresie a dualităţii mondovizionale în operele lui Voltaire. In: Analele ştiinţifice, seria Filologie, ULIM, 2005, pp.96-102. • Guţu A., Guţu I. Simbolul cromatic în textul poetic şi funcţiile sale textuale. In: analele ştiinţifice ULIM, seria Filologie, Chişinău, 2003, pp.7-24.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES • Guţu I. Semnul estetic şi dimensiuena nivelurilor sale de interpretare. Chişinău, USM, 2002, 197 p. • Ladmiral J.-R. Traduire: théorèmes pour la traduction. Paris, Gallimard, 1994 – 2002, 284 p. • Mihalache I. Les modèles traductifs dans «La traduction et le „champ des Ecritures” » de julien Green. In: Meta, XLVII, 3, 2002, pp.359-369. • Mounin G. Dictionnaire de la linguistique. Paris, Quadrige-Puf, 1999, 346 p.