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Histoire de la Russie contemporaine (1991-2012). Cinquième cours : Société russe contemporaine. Cinquième cours : Société russe contemporaine. 1 – Les grandes caractéristiques de la démographie russe contemporaine 2 – Petite histoire sociale de la Russie contemporaine
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Histoire de la Russie contemporaine(1991-2012) Cinquième cours : Société russe contemporaine
Cinquième cours : Société russe contemporaine • 1 – Les grandes caractéristiques de la démographie russe contemporaine • 2 – Petite histoire sociale de la Russie contemporaine • 3 – Quelques problèmes de la société russe contemporaine • 4 – L’opinion des Russes
1 – Les grandes caractéristiques de la démographie russe contemporaine • La Russie demeure pluriethnique, plurilinguistique et plurireligieuse. Mais il faut remonter loin pour voir la part de la population ethniquement russe constituer un tel pourcentage de la population du pays, avec 80 %. • Six des quelque 160 minorités du territoire ont un pourcentage se situant autour de 1 : Tatars (3,8 %), Ukrainiens (2 %), Bachkirs (1,1 %), Tchouvaches (1,1 %), Tchétchènes (0,9 %), Arméniens (0,8 %). Ces populations sont presque toutes indigènes à la Russie, et non issues de l’immigration comme en Occident.
On trouve 14 groupes ethnolinguistiques en Russie. Les plus importants sont les Indoeuropéens (84 %), les peuples turcs (8,5 %) et les Caucasiens (3,3 %). Mais aussi des peuples finno-ougriens, samoyèdes, etc. • Les religions sont aussi très diverses : christianisme (80 %), Islam (15 %), bouddhisme, judaïsme. • Grâce à la forte mortalité des années 1990, la Russie fait face à un vieillissement de sa population beaucoup moins catastrophique que les États occidentaux. • Avec une nette majorité de sa population âgée de 20 à 60 ans, un renouvellement relatif de sa jeunesse et une espérance de vie limitée, le poids des retraités sur la population active sera au cours des prochaines décennies beaucoup plus facile à supporter qu’ailleurs. • Il y existe en Russie une disproportion homme-femme très importante: 85 hommes pour 100 femmes.
C’est l’une des plus fortes différenciations de la planète. Particulièrement évidente pour les plus vieux (à cause de l’espérance de vie respective des hommes (63 ans) et des femmes (75 ans)), elle existe aussi chez les jeunes. • Le taux de mortalité est plus élevé chez les hommes que chez les femmes, dans toutes les classes d’âge. Chez les jeunes hommes, le suicide, les problèmes de santé liés à l’alcoolisme et la toxicomanie expliquent en bonne partie cette différence. Chez les 40-60, c’est beaucoup l’alcoolisme et ses conséquences qui font la différence. • Pour diverses raisons, dans certaines villes, cette disproportion est évidente. Les villes textiles (Ivanovo, Tver) sont à ce titre très déséquilibrées. • La société russe d’aujourd’hui est très fortement urbaine, avec plus de 75 % de la population vivant dans des villes de 50 000 habitants et plus et cette urbanité se manifeste avant tout dans d’immenses villes.
2 – Petite histoire sociale de la Russie contemporaine 2.1 – La jeunesse • Comme toutes les révolutions, celle de 1991 a vu la jeunesse jouer un rôle très important. Montant dans le train en marche lancé par Eltsine et la génération de leurs parents, les jeunes des années 1990 sont ceux qui se portent le mieux dans le système actuel. • À cette époque, certaines structures de l’État soviétique demeuraient en place et leur jeunesse leur permettait d’endurer des conditions de vie très difficiles. Les étudiants recevaient de temps à autre quelques roubles de l’État pour survivre et s’en accommodaient.
Certains se sont adaptés, d’autres non, mais dans l’ensemble, cette jeunesse a bien vieillie et est aujourd’hui satisfaite de son sort. • On ne peut en dire autant des jeunes aujourd’hui. Les études sont désormais payantes pour la majorité et ces jeunes qui n’ont pas connu les privations des années 80 et 90 vivent beaucoup plus difficilement les difficultés économiques relatives. • Pour des gens qui se nourrissaient pendant des mois de soupe au chou et de pommes de terre bouillies, les récriminations matérialistes de leurs rejetons sont difficiles à comprendre et à accepter. • La jeunesse d’aujourd’hui vit dans une société qui a pour une bonne part perdu ses repères, même si elle est aujourd’hui en reconstruction. En font foi d’ailleurs les statistiques sur le suicide, l’alcoolisme ou la toxicomanie.
Très matérialiste, cette génération met l’argent au-dessus de tout et est prête à tout pour l’obtenir. Devant le regard incrédule de ses parents. • Il ne faut cependant pas croire qu’il en sera toujours ainsi. La culture russe est ancienne et prend ses racines dans une histoire millénaire, de sorte que certains traits de la mentalité russe (spiritualisme, collectivisme, etc.) que l’on ne voit guère chez les jeunes gens d’aujourd’hui peuvent très bien refaire surface dans un certain temps, une fois que l’ivresse du capitalisme se sera dissipée.
2.2 – Les 30-60 ans • Les gens d’âge mûr sont ceux dont les comportements ont été les plus divers depuis l’effondrement de l’URSS. Les plus jeunes de cette catégorie ont participé aux événements qui ont entraîné la dislocation de l’URSS, mais les plus vieux ont eu tendance à rester en retrait. • Cette différenciation s’est maintenue, résultat des capacités d’adaptation : les plus jeunes parvenant à évoluer, alors que les plus vieux furent soumis aux mêmes difficultés que leurs parents. Ce sont les personnes âgées d’aujourd’hui ;elles vivent difficilement. • La génération qui forme aujourd’hui l’âge mûr constitue sans nul doute la principale assise du pouvoir. Il s’agit des jeunes des années 1990, qui ont fait preuve d’une grande résilience.
Ayant vécu leur jeunesse entre deux monde, ils ont dû s’adapter et la plupart d’entre eux y sont parvenus. • Mais ils se sont éloignés de certaines conceptions sociales auparavant répandues dans la société soviétique et les notions de compassion et d’entraide ont grandement reculé ; ils sont devenus très individualistes. • Il s’agit donc pour l’essentiel d’une génération de transition, qui combine certains réflexes de la société soviétique avec les priorités du capitalisme, éléments qui bien souvent se contredisent. Leurs enfants sont d’ailleurs le résultat de ces contradictions.
2.3 - Le troisième âge • Ce sont les grands perdants de la transition. Malgré une légère amélioration de leurs conditions de vie, les personnes âgées sont encore souvent aujourd’hui dans une situation économique et affective difficile. • Au moment de l’effondrement de l’URSS, ces gens vont connaître des moments difficiles. Leurs maigres pensions ne seront très souvent pas versées par l’État et ils devront souvent vendre le peu qu’ils possèdent. Nombreux sont alors ceux qui doivent recourir à la mendicité, chose inexistante en URSS. • Il y a aussi les problèmes d’adaptation, car le monde que ces personnes ont connu disparaît d’un coup et les idéaux auxquels elles avaient crus sont alors traînés dans la boue.
Même si le cynisme avait depuis longtemps remplacé l’enthousiasme révolutionnaire, de voir et d’entendre dans les médias que leur vie n’avait servit à rien, car TOUTE l’histoire de l’Union soviétique était à jeter aux poubelles, ne contribuait pas à leur bien-être. • D’où l’appui très fort au parti communiste, qui tient autant au souvenir d’une époque où le minimum était assuré qu’au refus d’admettre d’avoir vécu en vain. • Les « nouveaux » vieux s’en sortent un peu mieux car certains ont pu s’adapter et ont eu le temps de se préparer une retraite un peu plus confortable. • Beaucoup vivent dans leur datchas et louent leurs appartements en ville, ce qui leur permet de vivre un peu mieux. • Mais nombreux sont ceux qui ne s’adapteront jamais à un univers économique capitaliste et matérialiste.
3 – Quelques problèmes de la société russe contemporaine 3.1 – La crise démographique • Les données démographiques sont contradictoires quant à savoir si la crise démographique a pris fin. • En 1991, la Russie comptait près de 150 millions d’habitants et au moins jusqu’en 2009, cette population a grandement diminué. Nous ne savons pas avec certitude si cette tendance s’est inversée depuis 2 ans. • Un recensement a eu lieu à l’automne 2010, mais ses résultats ne sont pas exempts de doute : la méfiance des Russes rendent les données peu fiables.
Il faut se rabattre sur le nombre de naissances et de décès. En 2009, ces informations nous apprennent que pour la première fois depuis 1995, la population russe a augmenté en 2009, même si le nombre de morts dépassait légèrement celui des naissances. • Car la Russie est une terre d’immigration (en moyenne 250 000 arrivants chaque année). Avec la baisse marquée de l’émigration des dernières années, le bilan migratoire contribue à la stabilisation démographique. • Les données gouvernementales évoquent pour 2013 une population de 143,5 millions d’habitants. Il s’agit de la 5e année de croissance consécutive et première année d’accroissement naturel de la population depuis 1991, ce qui permet d’affirmer que la crise démographique en Russie est terminée. • On assiste à une sorte de mini baby-boom en Russie depuis cinq ans.
À 1,71 enfant par femme en 2012, l’indice de fécondité est inférieur au minimum (2,1), mais puisqu’il était de 1,15 en 1999, on doit constater une augmentation significative. • La hausse récente des naissances est loin d’être uniforme sur le territoire, avec un indice de fécondité atteignant 3,4 en Tchétchénie, 2,7 à Touva et supérieur à 2,1 dans 5 autres sujets de la fédération. • Comme ces zones sont surtout celles où se trouvent les plus importantes minorités nationales, la population de la Russie devrait voir une diminution de la majorité et un accroissement des différentes minorités.
3.2 – L’alcoolisme et la toxicomanie • La consommation d’alcool est l’un des traits culturels les plus anciens des Russes. • Et cette passion ne se dément pas. Les Russes sont encore de gros consommateurs d’alcool. Mais il ne faut pas sombrer dans la caricature et croire que tous les Russes boivent beaucoup. • La consommation d’alcool par habitant en Russie est inférieure à celle de la République tchèque, de la France et même de l’Allemagne. • La consommation excessive d’alcool est le fait d’une petite minorité de la population : 25 % de la population ne consomme jamais d’alcool et 35 % seulement quelques fois par année.
Seulement 20 % de la population peut être considérée comme des consommateurs fréquents. Seuls 2 % de la population boit chaque jour. • Ces données doivent cependant être mises en contexte. Si les femmes boivent très peu, les hommes sont des consommateurs beaucoup plus importants. Et ceux qui boivent le font en grande quantité. • Ce n’est pas la consommation festive qui pose problème, mais celle, quotidienne, d’une partie de la population. On ne badine d’ailleurs pas avec ce problème en Russie, où par exemple l’intolérance à l’alcool au volant est totale. • Les nouvelles générations boivent généralement moins que les plus vieilles, mais elles s’adonnent beaucoup plus à la consommation de drogues. • En URSS la toxicomanie était exceptionnelle, elle est devenue nettement plus fréquente depuis 20 ans.
Et il s’agit souvent de drogues dures. La marijuana et le haschisch ont bien sûr connu une hausse, mais c’est l’héroïne et les autres drogues injectables qui constituent le plus grand danger: la Russie consommerait plus de 20 % de l’héroïne de la planète. • Une nouvelle drogue a fait son apparition depuis quelques années et fait des ravages, particulièrement chez les jeunes. • Il s’agit d’un assez peu sympathique mélange d’héroïne, de codéine, d’essence et de diluant à peinture : 3 fois moins chère que l’héroïne, pour un effet 10 fois plus puissant. • On estime que le consommateur du krokodil a une espérance de vie d’environ 3 ans après sa première dose. Le nom de cette drogue lui vient de l’apparence que prend la peau après quelques doses.
3.3 – L’avortement • La RSFSR fut le premier pays du monde, dès 1920, à légaliser l’avortement. Mais par la suite, les politiques soviétiques sur cette question ont fluctué. Sans revenir à une interdiction formelle, Staline rendit l’accès à l’avortement beaucoup plus difficile. • Dans les années 1960, l’avortement fut à nouveau rendu plus accessible. Au point où la pratique contribua considérablement à affaiblir le taux de reproduction de la population. Dans un contexte où les méthodes de contraception étaient peu disponibles, l’avortement devint une façon de contrôler les naissances. • L’avortement est considéré comme normal et un pourcentage très élevé de femmes subira un avortement dans sa vie.
Statistiquement, le nombre d’avortements par femme s’établit à 3 ou 4, contre 0,6 en Europe occidentale. • La Russie détient le record mondial des interruptions de grossesse, loin devant ses proches compétiteurs en Europe, comme la Roumanie. • En 2008, on a compté au pays 1,2 million d’avortements pour 1,7 million de naissances. C’est dire que plus du tiers des grossesses se termine par un avortement. • De plus, la diminution de la qualité des services dans le système de santé a entraîné depuis 20 ans une augmentation des conséquences sur la santé • Le nombre d’avortements tend à diminuer depuis quelques années, mais cette statistique explique en partie le fléchissement de la population depuis 20 ans.
Depuis quelques années, les pouvoirs ont adopté diverses mesures : durcissement des critères d’accès, stimulation de la natalité, campagnes d’information • Ces mesures sont d’une efficacité relative, tant la population est habituée à recourir à l’IVG. Et le gouvernement ne veut pas trop augmenter la difficulté d’accès, car cela risquerait de se traduire par une augmentation des IVG illégales. • La meilleure façon de faire reculer l’avortement c’est de favoriser la natalité. Plusieurs mesures ont été adoptées en ce sens depuis 2006, dont les primes à la naissance. • Mais c’est dans l’amélioration des conditions de vie qu’il convient de chercher la solution. La diminution des avortements de 1,6 million à 1,2 million entre 2004 et 2008 tend à démontrer la validité de cette interprétation selon laquelle les familles ne veulent pas d’enfant car elles n’en ont pas les moyens.
3.4 – Le suicide • Le suicide constitue une autre des causes de l’effondrement démographique du pays. • En données générales, on compte en Russie un suicide pour 3700 habitants, soit un taux deux fois plus élevé qu’en France, qui est elle-même dans le peloton de tête. • Ce taux est inégalement réparti dans les différentes populations en fonction de l’âge et du sexe. Si le taux de suicide est presque partout supérieur chez les hommes que chez les femmes dans une proportion de 1 pour 3, en Russie, cette proportion est de 1 pour 5. • Mais la courbe des suicides est en net fléchissement depuis le sommet atteint en 1994, avec un suicide par 2300 habitants et la baisse est notable depuis le début des années 2000.
L’amélioration des conditions de vie est sans doute ici le principal facteur explicatif, et si la tendance observée de ce point de vue depuis 10 ans devait se maintenir, le taux de suicide devrait continuer à baisser. • Sauf pour les jeunes, malheureusement, puisqu’on observe depuis 10 ans une hausse marquée du suicide chez les 15-19 ans, multiplié par 3 depuis 10 ans. • La répartition des suicides au pays va aussi dans le sens d’une corrélation entre pauvreté et suicide, mais celle-ci est loin d’être absolue et visiblement d’autres facteurs entrent en ligne de compte. • Le Caucase et les régions musulmanes de la Volga ont des taux de suicide significativement inférieurs, ce qui semble mettre en évidence l’importance d’un facteur religieux, ou au moins culturel.
3.5 – Autres problèmes et indicateurs sociaux • Le comportement à risque de la jeunesse masculine est illustré par une statistique effrayante : chaque année, 40 000 personnes meurent sur les routes du pays et cette classe d’âge représente plus de 50 % des décès. • Il faut ajouter à cela près de 200 000 blessés, qui contribuent à faire en sorte que la Russie compte près de 10 millions d’invalides et de handicapés. • Chaque année, plus de 20 000 personnes perdent la vie dans environ 300 000 incendies. Il s’agit d’un des pires bilans de la planète. • Mais les prisons sont en assez bon état (…) pour recevoir le deuxième plus important contingent de prisonniers de la planète par habitant, derrière les États-Unis.
Les prisons sont surpeuplées et en mauvais état, d’autant que les camps de travaux, qui existaient en URSS, sont aujourd’hui presque disparus, ce qui est déplorable, car les conditions de vie y étaient nettement supérieures. Le taux de prévalence du VIH est très élevé dans la population carcérale. • La société russe contemporaine est beaucoup plus violente que l’ancienne société soviétique. Selon les données du ministère des Affaires intérieures de Russie, environ 150 000 personnes par année décèdent des suites d’un acte criminel.
4 – L’opinion des Russes 4.1 – Les Russes et le système politique • Les Russes sont très méfiants envers les institutions politiques. Le régime soviétique a contribué à cette situation, mais il faut remonter plus loin pour comprendre l’origine de cette méfiance. En fait, la seule chose que les Russes ont de tout temps demandé à leur gouvernement, c’est de ne pas les empêcher de vivre. • Ce schisme explique le cynisme ambiant. Et si Poutine est autant soutenu, c’est surtout qu’il est vu comme le moins pire du lot. Si l’option « contre tous » revenait sur les bulletins de vote, elle obtiendrait un bon résultat.
À la question « Approuvez-vous dans l’ensemble l’action politique du président Vladimir Poutine », la très grande majorité des Russes (60 %) répondent oui. Même chose, ou presque, en ce qui concerne Dmitri Medvedev, 55 % des répondants affirmant approuver l’action du premier ministre. • Mais la population exprime un grand cynisme face aux institutions politiques . À la question de savoir si les élections à la Douma de 2011 ont été honnêtes, 30 % des répondants affirment que oui, alors que 55 % croit que non. Il s’agit du moins bon résultat depuis 2003. • 55 % des répondants croient que les hommes au pouvoir en Russie sont préoccupés par leurs intérêts, 12 % soutiennent qu’ils sont honnêtes, mais trop faibles pour gouverner, 12 % qu’ils sont honnêtes, mais incompétent, alors que seuls 12 % croient que les dirigeants sont à la fois honnêtes et compétents…
La population se méfie du pluralisme, au point où elle préfèrerait presque s’en passer. • 23 % de la population soutiennent que la Russie fonctionnerait mieux s’il n’y avait qu’un seul parti. Ce chiffre est cependant en baisse depuis 10 ans, alors qu’en 2001, plus d’un électeur sur trois était favorable à un parti unique. • En 2011, 27 % de la population est contre l’existence d’une opposition politique organisée et considère que le pays fonctionnerait mieux sans elle. C’est 10 % de plus qu’il y a 6 ans!
4.2 – Les Russes et les mass-médias • Les politiciens ne sont pas les seuls à susciter la méfiance de la population : seuls 5 % des Russes font confiance aux journalistes. • À quoi attribuer cette perception très négative? Probablement aux souvenirs de l’époque soviétique, où la presse était totalement contrôlée par le parti. • On pourrait supposer que c’est parce que la population croit que le pouvoir contrôle les médias, mais les sondages ne vont pas dans ce sens: 51 % des répondants considèrent que la presse est suffisamment libre, alors que seuls 25 % soutiennent l’inverse. • Quant à savoir si du point de vue de la population, le pouvoir politique lutte contre la presse, le quart à peine des répondants le croit, alors que pour près de 60 %, l’État ne menace aucunement la liberté de presse.
Seuls 29 % des répondants croit en l’objectivité des médias. Pour plus de la moitié de la population, ils ne renferment que de la propagande. • Mais la propagande de qui? Les avis sont partagés. Seuls 24 % de la population veulent croire les médias indépendants, alors que 27 % les supposent contrôlés par le pouvoir politique, 18 % par les grandes entreprises, et 21 % par les deux. • Comme en ce qui concerne le pouvoir politique, un mot semble aujourd’hui bien caractériser l’opinion que les Russes ont de leurs médias : le cynisme.
4.3 – Les Russes et le monde des affaires • Si les Russes se montrent très cynique envers leurs dirigeants politiques, cela ne se traduit pas par un fort appui au monde des affaires, qui demeure source de méfiance. • À la question de savoir si les privatisations des années 1990 devraient être revues, seuls 8 % de la population s’opposent à toute révision, alors que 78 % sont favorables à une révision totale (22 %), partielle, pour les secteurs stratégiques (36 %), ou partielle pour les entreprises moins efficaces que jadis (20 %). • 5 % des répondants considèrent que l’État s’implique trop économiquement, 23 % qu’il s’implique suffisamment et 61 % pas assez.
50 % de la population considère que les grandes entreprises du pays devraient appartenir à l’État, 41 % croit que les entreprises les plus importantes devraient appartenir à l’État, alors que seulement 3 % croit que les entreprises devraient appartenir à des intérêts privés. • La population fait davantage confiance à l’État (en qui elle a très peu confiance) qu’au privé. Un quart des répondants considère qu’au cours des 10 dernières années, le monde des affaires s’est montré encore moins socialement responsable qu’auparavant. • Une nuance doit être apportée, car si la population se méfie des grands capitaux, les petites et moyennes entreprises obtiennent de meilleurs résultats. • Il reste que 23 % des Russes demeurent persuadés que même les petites entreprises sont socialement et économiquement nocives… Le capitalisme d’État a donc encore de beaux jours devant lui en Russie.
4.4 – Les Russes et leur existence • Depuis l’arrivée au pouvoir de Poutine, le niveau de vie des Russes s’est beaucoup amélioré. Mais l’argent ne fait pas nécessairement le bonheur. Alors, ces Russes mieux argentés qu’il y a 10, se considèrent-ils heureux? • C’est l’une des questions les plus intéressantes que pose l’institut Levada à la population depuis 20 ans : « Dans quelle mesure la vie que vous menez maintenant vous satisfait-elle? » • Le tournant dans l’évolution de l’opinion se situe autour de 2000, alors que la première variante de réponse s’est mise à monter de façon régulière, en même temps que la troisième variante s’est infléchie. Quant à la variante intermédiaire, elle est à peu près stable (en hausse légère) depuis 1993.
Ainsi, la venue au pouvoir de Poutine a coïncidé avec un changement de la perception qu’ont les Russes de leur vie. • Grâce à un sondage qui soulevait la question de savoir ce qu’il manque aux Russes pour être heureux, on peut déduire des informations quant aux causes de cette embellie. • Pour 47 % des hommes et 40 % des femmes, disposer de plus d’argent les rendrait plus heureux. Ainsi, une forte proportion de Russes associe bonheur et argent et en ce sens, on peut croire que l’amélioration observée par le centre Levada depuis 2000 est en grande partie attribuable à l’amélioration de la situation économique. • Ce n’est pas le seul facteur qui définit le bonheur pour les Russes. Pour près du quart des répondants, la stabilité et la confiance en l’avenir sont des données fondamentales.
Encore une fois, l’arrivée au pouvoir de Poutine, qui a assurément accru cette stabilité et cette confiance, peut expliquer l’amélioration de l’indice • Parmi les autres facteurs qui influent sur le bonheur tel que défini par les Russes, on doit aussi mentionner les relations interpersonnelles : amour, amitié, communication avec les proches. • Près de 10 % des Russes affirment tout avoir pour être heureux et 20 % de plus affirment être heureux, même si certaines choses leur manquent. • Il ne s’agit pas ici de prétendre que les Russes adorent Poutine, puisque seuls 35 % des Russes désirent le voir se représenter aux élections. • Mais le bien-être des Russes s’étant amélioré au cours de la décennie, la domination de Poutine du domaine politique pourrait se poursuivre longtemps encore.