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Histoire de la Russie contemporaine (1991-2013). Évolution politique II : l’ère Poutine (2000-2013). 3.4 – Séparatisme et intégrité de l’État
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Histoire de la Russie contemporaine(1991-2013) Évolution politique II : l’ère Poutine (2000-2013)
3.4 – Séparatisme et intégrité de l’État • Ayant écrasé par la force l’opposition parlementaire, le pouvoir présidentiel se retrouve seul face à face avec les frondes régionales : certaines composantes de la fédération menacent de quitter celle-ci. • La principale menace vient du Caucase : la Tchétchénie. • Moins spectaculaires que dans le Caucase, les conflits entre le centre et diverses autres républiques autonomes demeurent néanmoins fréquents tout au long des deux mandats de Eltsine.
Deux exemples : la république de Sakha, en Sibérie, qui impose un régime de visa, et le Tatarstan, sur la Volga, qui refuse de signer l’accord fédératif qui détermine la répartition des pouvoirs entre le centre et ses sujets. • Bref, les prérogatives fédérales sont battues en brèche un peu partout .
3.5 – Les élections présidentielles de 1996 • Lors des élections à la Douma de 1995, les communistes et le LDPR s’imposent à nouveau. • Les diverses difficultés ont rendu Eltsine très impopulaire : avant le scrutin, les sondages placent Ziouganov en tête. • Le premier tour donne cependant une légère avance à Eltsine, mais un second tour est nécessaire. • Appuyé totalement par les médias, les milieux financiers et l’Occident, Eltsine obtient aussi le ralliement de Lebed, ce qui lui assure une victoire au second tour.
3.6 – La fin de l’ère Eltsine • Malgré cette victoire, la confiance envers le président demeure faible : c’est surtout la peur des communistes, instrumentalisées par les médias, qui a permis cette victoire. • Le président, qui souffre de multiples problèmes de santé (et d’alcool) se retrouve otage de ceux qui ont assuré sa réélection : c’est l’âge d’or des oligarques. • La crise de 1998 (défaut de paiement des intérêts sur la dette) accentue les difficultés et conséquemment, la colère à l’endroit de président. • Incapable d’obtenir la confiance de la chambre, dominée par les communistes et le LDPR, Eltsine est contraint de gouverner par décret et de changer régulièrement de premier ministre.
Ainsi, de multiples hommes vont se succéder à ce poste entre juillet 1996 et août 1999, accentuant l’instabilité politique : Tchernomyrdine, Primakov, Kirienko et Stépachine. • En août 1999, les rebelles tchétchènes lancent une offensive contre le Daguestan. Cette crise, consécutive à une série de mystérieux attentats à Moscou, permet au président de nommer premier ministre un homme à poigne, complètement inconnu alors, mais issu des services de sécurité : Vladimir Vladimirovitch Poutine. • La détermination de ce dernier lui attire la sympathie de la population. C’est pourquoi Eltsine, malade et fatigué, décide en décembre 1999 de quitter le pouvoir, Poutine assurant l’intérim jusqu’aux élections présidentielles de 2000.
Évolutionpolitique II : l’ère Poutine (2000-201...) • 1 – Vladimir Vladimirovitch Poutine • 2 – Le système Poutine • 3 – Évolution politique • 4 – Le duumvirat (2008-201…? )
1 - Vladimir Vladimorovitch Poutine • Né à Leningrad, il étudie le droit, obtient son diplôme en 1975, puis s’engage au KGB. • En 1990, il revient à Leningrad. Il devient conseiller d’Anatoli Sobtchak. Il démissionne du KGB en 1991. En mars 1994, il devient premier adjoint au maire. • Sobtchak est défait en juin 1996 et Poutine est alors admis au sein du clan du président, où il est chargé de la gestion du patrimoine du Kremlin. En mars 1997, il devient numéro deux de l’administration présidentielle. • En juillet 1998, il prend la tête du Service fédéral de sécurité (FSB).
En août 1999, après avoir écarté ses ennemis du pouvoir, Boris Eltsine nomme Poutine premier ministre. • Inconnu de la population, Vladimir Poutine est alors crédité de 1% d’intentions de vote à l’élection présidentielle. • Suite à une série d’attentats, Poutine mène une action antiterroriste et conduit une campagne militaire contre la Tchétchénie. Cette action le rend très populaire. • Le 31 décembre 1999, Vladimir Poutine devient président par intérim. • En mars 2000, il est élu président de la fédération de Russie dès le premier tour de scrutin avec 52 % des suffrages.
2 – Le système Poutine 2.1 – Retour des symboles soviétiques • Dès 1990, Eltsine s’est employé à gommer le passé soviétique et à effectuer une sorte de retour aux sources prérévolutionnaires. C’est ainsi que l’hymne national devint une pièce de Glinka, le drapeau russe, celui de la Russie tsariste et l’aigle impérial, les armoiries. • Poutine, issu des forces du KGB, va tenter de fusionner l’héritage de l’empire et celui de l’URSS : le drapeau demeure le même, mais l’hymne national redevient le célèbre hymne soviétique, avec cependant un texte tout nouveau.
2.2 – La « verticale » du pouvoir • Dès 2000, le président s’emploie à centraliser le pays, morcelé pendant dix ans au profit des intérêts régionaux. • Sous Eltsine, les républiques autonomes réclamaient de plus en plus de pouvoir et des tensions séparatistes apparaissaient dans les zones les plus éloignées du centre, qui ne recevaient d’ailleurs plus rien de lui. • Poutine veut mettre un frein à ces tendances. Son action prendra plusieurs formes et plusieurs directions. • D’abord, dès 2000, il divise le territoire en sept super régions et à la tête de chacune d’entre elles, il place un préfet, nommé par ses soins et issu de son entourage proche.
L’objectif est clair : inverser la tendance à la décentralisation et à la dislocation des autorités fédérales. L’administration présidentielle court-circuite ainsi les pouvoirs locaux en faisant dépendre ceux-ci de ses hommes à lui. • Les pouvoirs de ces préfets sont très étendus et ils sont en fait pratiquement plénipotentiaires sur les régions qu’ils gouvernent, assurant l’exécution des directives du centre en représentant le président en périphérie. • Cette politique ne plaît bien sûr pas aux élites régionales et pour éviter toute fronde de leur part, Poutine s’attaque au Conseil de la fédération, chambre haute du parlement fédéral et fief des gouverneurs locaux. • En 1995, afin de se rallier les autorités régionales, Eltsine leur concéda une présence accrue au sein des institutions fédérales, en modifiant le principe de représentation au Conseil de la fédération.
Dès lors, les deux sièges de chacune des régions étaient occupés par les chefs de l’exécutif et du législatif des régions concernées. Cela accentuait le principe fédératif et donnait aux autorités régionales une voix dans le processus législatif fédéral. • Évoquant le danger du cumul des mandats, Poutine réclame des membres du Conseil qu’ils se départissent de leur siège au profit de simples représentants des branches exécutives et législatives. Le Conseil perdit ainsi une grande partie de sa légitimité, ce qui permit au président de le marginaliser. • Les régions perdaient ainsi toute influence sur le centre, mais ce dernier n’influait pas encore suffisamment sur la périphérie. D’où l’introduction d’une loi modifiant le système électif dans les sujets de la fédération.
Auparavant, les élections régionales se déroulaient sur le modèle fédéral. Par cette loi, le chef de l’exécutif régional n’est plus élu au suffrage universel, mais uniquement par les membres du parlement. • De plus, le modèle fédéral de nomination du chef du gouvernement est appliqué aux régions : le président soumet aux parlements régionaux les candidatures, et ces derniers n’ont plus que le droit d’approuver ou de récuser la candidature en question. • La candidature peut-être proposée trois fois. Après deux refus, le président peut, à son choix, proposer la candidature une troisième fois, déléguer unilatéralement un gouverneur provisoire (dont le mandat ne peut excéder six mois), ou encore dissoudre le parlement. • Dès lors, l’ensemble des fonctions exécutives régionales se retrouve entre les mains du président de la fédération…
2.3 – La mise au pas des oligarques • Lorsque Poutine prend les rênes du pays, tous s’attendent à ce que la politique économique suivie par Eltsine se poursuive. • Mais le nouveau président va prendre une autre route. Eltsine était un apparatchik, Poutine, issu du KGB, est un silovik et s’intéresse avant tout à la grandeur de l’État. Dans le contexte du capitalisme russe, cela revient à s’en prendre aux oligarques. • À l’été 2000, lors d’une rencontre informelle où il a convoqué ceux-ci, Poutine indique clairement aux maîtres de l’économie russe que s’ils veulent continuer leurs affaires, ils devront s’éloigner du pouvoir. • La majorité d’entre eux comprend, mais il en est qui ne prennent pas au sérieux le nouveau venu. À tort.
Si au cours de son premier mandat, sa lutte contre les oligarques est plus discrète, c’est surtout au cours de son second mandat que la chasse aux oligarques menée par Poutine sera remarquée en Occident. • Khodorkovski, figure emblématique de la nouvelle Russie, se voit dépouillé de son empire, Ioukos, qui passe sous le contrôle de l’État. Cette affaire a fait grand bruit à l’Ouest, où l’on a accusé Poutine d’utiliser des méthodes soviétiques pour éliminer un concurrent. • Mais le caractère inique du procès ne doit pas faire oublier que Khodorkovski est un malfrat et les Russes se réjouissent de son sort. • Aujourd’hui, des puissants oligarques en place sous Eltsine ne restent plus vraiment que Abramovitch, aussi corrompu et malhonnête que les autres, mais qui ne se mêle pas de politique.
2.4 – Poutine et les « SMI » (mass-médias) • La question des rapports qu’entretient l’État poutinien avec les mass-médias constitue un sujet en soi. Il doit d’autant plus être abordé que c’est l’un des éléments du système les plus déformés dans l’opinion occidentale. • Il convient d’abord de dire que la liberté de la presse est loin d’être totale en Russie aujourd’hui. Beaucoup moins qu’elle ne l’était sous Eltsine, et encore moins qu’elle ne l’était dans les dernières années de l’URSS. La reconsolidation de l’État russe s’est faite entre autres en écrasant les orteils de la liberté d’expression. • Mais il convient de ne pas exagérer et de tenir compte que la liberté de presse est largement limitée dans de nombreux États, y compris en Occident, à cause de la concentration des médias.
En Russie, l’État a toujours eu un rôle économique fondamental. C’est pourquoi les grands groupes étatiques sont des acteurs clés dans le monde médiatique. • À son arrivée au pouvoir, Poutine s’est employé à mettre au pas bon nombre de journaux, chaînes de télé, magazines et autres qui appartenaient à ce qui devait devenir l’opposition. Sous Eltsine, ces médias étaient très proches de l’Administration, et c’est la lutte contre les oligarques qui les a poussé dans l’opposition. • Ainsi, la lutte menée par le nouveau président contre la « famille » devait passer obligatoirement par la prise de contrôle de leur moyen de communication et les Bérézovski, Gousinski et autres, dans la foulée de leur éviction des outils étatiques, ont également été dépouillés de leurs médias.
Gazprom média a alors été constitué afin de récupérer, entre autres, une part importante des outils médiatiques qui appartenaient à la firme Média-Most de Goussinski. • Dans les médias télévisuels, la domination de l’État est très grande et il reste peu de chaînes concurrentes. C’est d’autant plus important que la télévision s’impose comme le principal outil d’influence de l’opinion publique. • Les principales chaînes d’État sont les plus écoutées et les plus influentes : la première et la seconde chaînes sont la propriété directe de l’État russe, de même que la chaîne culturelle. • Par le biais de ses sociétés d’État, l’État contrôle également NTV et TNT, qui appartiennent à Gazprom et qui étaient jadis les chaînes privées les plus écoutées, de même que Russia Today, qui est du ressort de l’agence de presse étatique Ria Novosti.
Pour la presse écrite, le contrôle étatique est beaucoup moins net : si de nombreux titres très lus appartiennent à l’État ou à ses sociétés (Izvestia, Krasnaïa Zvezda), ou que d’autres appartiennent à des groupes privés proches du pouvoir (Nezavisimaïa Gazeta), il reste de nombreuses publications (Kommersant, Novaïa Gazeta) appartenant clairement à des intérêts proches de l’opposition. • Ainsi, contrairement à une idée reçue en Occident, les critiques contre le pouvoir en place sont largement diffusées, sans que l’indépendance de ces médias soit (toujours) remise en question. • Le cas de la Radio Écho de Moscou, chaîne d’opposition (appartenant à Gazprom), est emblématique du fait que le pouvoir russe n’étouffe pas les voix dissidentes, même s’il garde un œil sur ces centres de diffusion de l’opposition.
2.5 – La corruption • Il peut paraître étrange d’inclure un tel élément dans une caractérisation du système politique, mais la corruption est une conséquence si manifeste et si nuisible du système politique russe actuel qu’il est impossible d’en faire l’économie. • La Russie a presque toujours été un État corrompu. Et les Russes le savent depuis longtemps : les premières lois anticorruptions remontent à Ivan IV. • Au moins deux éléments fondamentaux influencent le degré de corruption d’un pays : la présence de l’État dans l’économie et la faiblesse des revenus des employés de l’État. C’est lorsqu’ils sont réunis que le niveau de corruption est le plus élevé.
C’est le cas en Russie, où l’État a toujours été un acteur économique de premier plan, même à l’époque moscovite. L’industrialisation menée au XIXe siècle s’est déroulée sous un grand contrôle étatique. Et c’est bien sûr sans parler de la période soviétique. • Aujourd’hui, l’appareil d’État demeure pléthorique et Poutine croit beaucoup au rôle et à l’importance de l’État, comme ce qu’il a fait de Gazprom le démontre. • D’autre part, les employés de l’État continuent à recevoir de faibles salaires et pour compenser ceux-ci, recourent très fréquemment à du financement informel. • Cela touche presque tous les secteurs : la police, les fonctionnaires, la justice, et même les systèmes de santé et d’éducation, où un « cadeau » à la « bonne personne » peut accroître la vitesse à laquelle vous pourrez recevoir un traitement médical…
Et il faut ajouter que la culture du « bakchich » (la vziatka) est solidement implantée, si bien qu’il y existe des lois fixant le montant du pot-de-vin : jusqu’à 10% du salaire mensuel moyen, c’est un cadeau. Au-delà, c’est un pot-de-vin illégal. En d’autres termes, il y existe des pots-de-vin légaux, encadrés par des lois. • Cela explique en partie la position désastreuse de la Russie dans les classements de Transparency international, basés sur la perception de la corruption : ce qui est qualifié de corruption en Occident est dans une certaine mesure légal en Russie. • Mais il n’en reste pas moins que les « cadeaux » dépassent souvent le seuil légal et que la Russie est aujourd’hui l’un des pays les plus corrompus du monde, comme en témoigne sa 145e position sur 175 pays, dans le classement de Transparency International.
3 – Évolution politique 3.1 – Le premier mandat (2000-2004) • Le premier mandat de Vladimir Poutine connaît des crises majeures qui lui valent de vives critiques, sans que cela n’entame véritablement sa popularité auprès de la population. C’est le cas en octobre 2002, lors de la prise d’otages dans un théâtre de Moscou par un commando tchétchène. • Auparavant, deux catastrophes nationales avaient mis en lumière l’état déplorable de la Russie : le naufrage du sous-marin Koursk et l’incendie de la tour de télédiffusion d’Ostankino.
Ces événements attirent sur Poutine les critiques, qui lui reprochent son manque de transparence et de compassion envers les victimes. • Sur le plan intérieur, la présidence de Vladimir Poutine est marquée par sa « dictature de la loi » visant à s’attaquer à la corruption et aux oligarques. • Et c’est bien davantage les résultats concrets de cette politique qui seront retenus par la population : l’économie se redresse, le niveau de vie de la population augmente et le président recueille les fruits de cette situation. Sa popularité ne fléchit pas. • À l’extérieur, la place de la Russie change au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 et la Russie se rapproche des pays occidentaux. Engagé dans la campagne menée contre le terrorisme, Poutine peut poursuivre sa guerre contre les Tchétchènes.
Les Russes ont mal vécu l’effondrement de l’autorité russe sur la scène internationale de l’époque Eltsine. Ainsi, le contexte international et le style de Poutine, frondeur et autoritaire, ont permis aux Russes de retrouver un peu de leur fierté nationale. • Tout cela fait en sorte que l’opposition a peu de chose à se mettre sous la dent. Tout au long de ce premier mandat, Poutine parvient à rallier la plupart des forces politiques du pays, de sorte qu’il n’y a plus guère que les communistes qui appartiennent à l’opposition. • Le pouvoir de Poutine est consolidé par les élections législatives de décembre 2003, qui voient « Russie unie » obtenir près de la moitié des sièges à la Douma. • À la fin de son mandat, Poutine peut s’enorgueillir d’une cote de popularité de 70 %. Il est réélu en mars 2004 avec près de 72 % des suffrages. • 228 exactement, avec 38 % des suffrages. Les communistes obtiennent 51 sièges (13 % des voix). Appuyé solidement par le Parti du peuple (16 sièges) et relativement par le LDPR de Jirinovski (31 sièges), Poutine dispose d’un parlement docile.
Législatives 2003 • Russie Unie : 228 sièges (38% du vote) • Parti du peuple : 16 sièges (5% du vote) • LDPR : 31 sièges (12% du vote) • KPRF : 51 sièges (13% du vote)
3.2 – Le second mandat (2004-2008) • Au cours de son second mandat, Poutine poursuit le redressement politique et économique du pays. Malgré certains événements dramatiques qui ont marqué son second terme, la popularité du président se maintient à un niveau très élevé tout au long de la période. • L’amélioration des conditions économiques de la population joue bien sûr un rôle très important et le caractère autoritaire du président ne pose généralement pas de problème à la population. • Sur la scène internationale, les discours hargneux de Poutine soulèvent certaines craintes quant à un renouveau des tensions, mais cette attitude frondeuse est bien perçue en Russie et dans certaines régions du monde.
Un thème reviendra constamment dans la presse occidentale au cours de ce second mandat : que fera Poutine en 2008? Poutine lui-même attendra à la fin de 2007 pour dévoiler son jeu. • Les élections du 2 décembre 2007 ont vu la victoire de « Russie unie », le « parti de Poutine », et ont consacré le triomphe de son système de plusieurs façons. • D’abord, par les modifications du système électoral : le passage à une proportionnelle intégrale, qui affaiblit les pouvoirs locaux, de même que l’élévation de la barre de passage à 7 % pour être représenté au sein de la Douma, sont le résultat de sa volonté propre. • Mais surtout, par les résultats de celles-ci: les différents partis propoutine obtiennent plus de 75 % des sièges, réduisant ainsi l’opposition à la seule force du KPRF.
L’équipe au pouvoir peut ainsi présenter une Douma « démocratique », tout en disposant de toute la marge de manœuvre pour pouvoir, le cas échéant, modifier la constitution (la règle des 66 % s’appliquant à toute tentative de ce genre) • La deuxième phase électorale, l’élection présidentielle d’avril 2008, s’est soldée sans surprise par la victoire de Medvedev dès le premier tour, avec 70 % des suffrages exprimés, loin devant les quelques 20 % du KPRF. • Mentionnons que le candidat « de l’Occident », Garry Kasparov, n’a pas pu participer au processus, incapable qu’il fut de réunir les 500 signatures nécessaires... • De sorte que consécutivement à ces deux élections, la ligne politique poutinienne semble plus forte que jamais: Medvedev installé au Kremlin, Poutine à la Douma.
4 – Le duumvirat (2008-201…? ) • Medvedev est né le 14 septembre 1965, à Leningrad, comme Poutine, et tout comme lui, il y fait ses études en droit. • Entre 1990 et 1999, il enseigne le droit à l'Université d'État de Saint-Peterbourg. De plus, entre 1990 et 1995, il est conseiller du Président du Conseil municipal de Leningrad Anatoli Sobtchak, dépendant du Comité des relations extérieures de la Mairie, et donc directement sous la direction de Vladimir Poutine.
Après quelques années dans le privé, il suit Poutine à Moscou et devient en 1999 directeur adjoint de l’administration du gouvernement, puis en décembre 1999, directeur adjoint de l'administration présidentielle, puis premier directeur adjoint de 2000 à 2003. • De juin 2000 au printemps 2008, il siège au conseil de surveillance de Gazprom, qu’il dirige à partir de juin 2002. C'est lui qui est à l'origine du projet NorthStream. • En octobre 2003, il devient chef de l'administration du Kremlin et entre le 14 novembre 2005 et mai 2008, il occupe le poste de vice-premier ministre, affecté à la mise en œuvre des projets nationaux et prioritaires. • Le 10 décembre 2007, Medvedev est désigné candidat à l'élection présidentielle de 2008 par quatre partis, « Russie unie », « Russie juste », le Parti agrarien et « Pouvoir civil », partis de la coalition au pouvoir.
À l’image de son mentor, Medvedev devient président alors qu’il est inconnu de la population, même si depuis l’été 2007, Poutine tend à le mettre à l’avant-scène. • Medvedev est considéré, de façon simpliste, comme issu de l'aile « libérale », par opposition aux « siloviki ». • Pour les commentateurs politiques de l’Ouest, cela est encore plus vrai. Comme dans les beaux jours de la kremlinologie, ceux-ci tentent de trouver, dans chaque geste ou parole de l’un des deux dirigeants, les débuts du commencement d’un schisme. Comme au temps où l’on croyait que Staline était le modéré du politburo… • Ainsi, il suffit que Medvedev critique la corruption pour que les journalistes se convainquent d’une querelle naissante au sommet de l’État... Oubliant rapidement que Poutine ne s’est jamais gêné pour critiquer ladite corruption dans toutes ses adresses à la Douma …
Cela est sans importance, visiblement : on tient absolument à ce qu’il y ait à la tête de l’État deux tendances, incarnées par deux personnages distincts : Medvedev le conciliant, le « mou » et l’occidentaliste, d’une part, et Poutine le radical, le dur et le slavophile de l’autre. Et c’est exactement ce que Poutine désire. • La crise lybienne de mars 2011 donnera encore une fois une illustration de cette « dichotomie » à la tête de l’État. Alors que Medvedev refuse d’appliquer son veto à la résolution du Conseil de sécurité, Poutine condamne celle-ci et reprochera aux Occidentaux leur attitude de « croisés ». Medvedev condamnera cette critique, ce qui donnera l’occasion aux commentateurs de gloser sur le conflit au sommet de l’État russe. • Pourtant, il n’est pas difficile de comprendre que les déclarations de Medvedev sont destinées à l’étranger, et celles de Poutine sont à « consommation interne ».
Il ne fait cependant guère de doute que c’est Poutine qui demeure à la tête de l’État, qui définit les grandes orientations de celui-ci et qui prend les grandes décisions. • Est-ce à dire que Medvedev n’est qu’une marionnette de Poutine? Absolument pas : Medvedev a accompagné Poutine tout au long de son ascension à la tête de l’État. • Il ne fait aucun doute que ces deux hommes ne sont pas seulement des collaborateurs, mais des amis proches, qui se partagent les tâches : à Medvedev les cérémonies, les voyages à l’étranger; à Poutine le reste. • La relation des deux hommes est donc basée sur une collaboration dans laquelle Poutine occupe la place prédominante, sans pour autant écraser son collaborateur. La guerre russo-géorgienne de 2008 a donné un bel exemple de cette entente.
Les élections législatives du 4 décembre 2011 ont réservé quelques surprises : le recul de près de 15 % de Russie Unie, qui témoigne d’une certaine usure du pouvoir, ainsi que la forte mobilisation d’une partie de la population réclamant l’annulation des élections. • Qu’il y ait eu des fraudes est évident mais celles-ci ont été limitées : les organisations indépendantes n’ont recensé « que » 600 bureaux de scrutin sur 96 000 où des irrégularités seraient survenues et tous les sondages avant et après le scrutin donnaient Russie Unie victorieuse, avec des appuis oscillant entre 47 et 52 %. • Cela étant cette mobilisation laisse présager un réveil de la conscience politique de la population. Poutine devra en tenir compte au cours de son 3e mandat, qu’il a obtenu dès le premier tour des élections, le 4 mars 2012, avec environ 63% des votes.
Depuis 2012, l’opposition non systémique a perdu une bonne partie de son souffle. À part Roïzman et Navalny, les élections régionales de 2012 et 2013 n’ont pas apporté de surprises, les candidats de Russie Unie arrivant largement en tête à peu près partout. • Cette opposition manque d’unité et se montre incapable de transcender les clivages idéologiques parmi ses membres, dont le seul point en commun est le rejet du système Poutine. La mise en place d’un forum de l’opposition en 2012 aurait pu donner un front uni, mais ses membres demeurent là aussi très divisés. • Et l’appui à Poutine, bien qu’en baisse depuis 2008, continue à se maintenir à des niveaux élevés. Si des élections avaient eu lieu à en janvier 2014, il aurait été réélu avec plus de 65 %. Le ralentissement économique a pour le moment un impact mineur sur son assise populaire, mais cela pourrait changer.
Un phénomène nouveau est apparu depuis 2012, avec une Douma qui prend plus d’initiatives et un parti Russie Unie à l’avant-garde de ce que les commentateurs occidentaux qualifient d’offensive conservatrice ou de contre-révolution. • Sur certaines questions sensibles, c’est la Douma qui a pris l’initiative de mesures très populaires, Poutine et Medvedev ne faisant qu’entériner des mesures qu’ils n’approuvent pas nécessairement (du moins en ce qui concerne Medvedev). • On commence déjà à interroger Poutine sur un 4e mandat à partir de 2018, mais il entretient le flou. Il est vrai que ce n’est pas pour bientôt et que la conjoncture économique sera déterminante dans sa décision.