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Un bacille pas si inoffensif…. Mathilde Pugès Interne 5 e semestre Service du Pr Pellegrin, G2. Un homme de 69 ans. ATCD : Février 2011 : Carcinome urothélial papillaire de bas grade (pT1a)
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Un bacille pas si inoffensif… Mathilde Pugès Interne 5e semestre Service du Pr Pellegrin, G2
Un homme de 69 ans • ATCD : • Février 2011 : Carcinome urothélial papillaire de bas grade (pT1a) • résection endoscopique puis BCG-thérapie (6 instillations d’avril à mai 2011 suivies de 3 instillations d’entretien) • Mai 2013 : récidive de la lésion vésicale sous forme de 2 polypes (face latérale gauche et méat urétéral droit) • Résection endoscopique puis BCG-thérapie
Les instillations se passent bien… jusqu’à la 3e : Le soir même : hématurie macroscopique, fièvre à 39°C, puis apparition d’une pollakiurie et d’une AEG 4 jours après : hospitalisation en Urologie ECBU et hémocultures – Antibiothérapie probabiliste par Oflocet + 2 jours de Solupred : 60 mg et retour à domicile… Persistance de la fièvre à 39°C avec sueurs nocturnes et frissons, apparition d’une toux sèche et d’une dyspnée Hospitalisation en maladies infectieuses
Biologie : • Cytolyse (ALAT 3N, ASAT 2N) et cholestase modérée • Pas de cytopénies • ECBU : pas de leucocyturie • CRP 80 mg/L
Hémocultures et ECBU stériles 3 hémocultures BK en cours Recherche de BK dans les urines 3 jours de suite 3 tubages gastriques : examen direct négatif Aspiration sous fibroscopie + LBA : 77 % macrophages, 19 % lymphocytes bactériologie classique = flore respiratoire, BK direct - ; mycologie - biopsies bronchiques normales Quantiferon négatif Exploration de l’auto-immunité : sans anomalie CD4 : 839/mm3 soit 46 % des Ly totaux Bilan étiologique
BCGite généralisée probable Début d’un traitement probabiliste par bithérapie anti-tuberculeuse sans corticothérapie : Rifampicine Isoniazide Amélioration clinique et biologique : Apyrexie au bout de 3 semaines, amélioration de l’état respiratoire et de l’état général Stabilité des lésions pulmonaires sur le scanner à 2 semaines
2 BAAR sur les urines : mycobactéries du complexe tuberculosis… Après 1 mois de culture…
Le BCG depuis les années 1900… • Fin 19e siècle : Institut Pasteur de Lille, Albert Calmette et Camille Guérin, vétérinaire • 1908 : pour rendre émulsifiable une culture glycérinée de souche de TB, ajout de bile de bœuf • Perte de leur virulence • Culture de l'agent de la tuberculose bovine, Mycobacterium bovis, sur des tranches de pommes de terre immergées dans de la bile de bœuf stérile • 1912 : après 96 mises en culture successives, ils parviennent à modifier la souche initiale qui devient inoffensive sur les bovins (il reste pathogène pour le cheval) : bilié Calmette-Guérin (BCG). • 1913 : test sur de jeunes bovins et des singes • 1921 : première vaccination humaine d’un nouveau-né d’une mère morte de la tuberculose
Historique de la BCGthérapie dans le cancer de vessie • 1929 : effet antitumoral du BCG, Pearl • Moins de néoplasies chez les patients tuberculeux, séries nécropsiques • 1966 : réactions d’hypersensibilité au niveau vésical • 1974 : efficacité du BCG sur des hépatocarcinomes de cobaye • 1975 : bonne tolérance chez le chien • Première utilisation chez l’homme en 1976, AMM en France depuis 1996
Physiopathologie de l’action anti-tumorale du BCG • Adhésion du BCG à l’urothélium puis soit : Internalisation par endocytose • Activation de l'immunité innée et phagocytose par les CPA ( cellules dendritiques et macrophages) • Effet cytotoxique par • Synthèse de NO • Présentation de peptides issus de la dégradation du BCG via le CMH de classe II aux CD4; synthèse de cytokines pro-inflammatoires (Il1, IL2, IL6, IL8, INF gamma, TNF alpha induisant une réponse Th1) Augmentation des taux urinaires de GM-CSF, TNF, IFN, IL-6, IL-2, IL-5, et d’ IL-12 Activation de T CD8 cytotoxiques, macrophages et cellules NK utiles dans la lutte anti tumorale • Si réponse Th2 avec augmentation de l’IL 10 urinaire, diminution de l’efficacité de la BCG thérapie • Les biopsies vésicales post-instillation montrent une augmentation de l’expression du HLA-DR sur les cellules tumorales et une infiltration de la tumeur par des lymphocytes, essentiellement T-helpers et par des macrophages • Réaction inflammatoire granulomateuse T induite : 6 mois après la fin des instillations, granulomes sans nécrose caséeuse sur les biopsies vésicales chez la majorité des patients BCG response prediction with cytokine gene variants and bladder cancer: where we are?, Ahirwar, J Cancer Res Clin Oncol (2011) 137:1729–1738
Physiopathologie de la BCGite généralisée • 3 mécanismes physiopathologiques : • Infectieux : dissémination hématogène du BCG • Facteurs favorisants : brèche muqueuse, traumatisme récent (pas d’instillation dans les 2 semaines après la résection trans-uréthrale), cathétérisme traumatique, infection urinaire • Contre indications : immunodépression, VIH, traitement immunosuppresseur, hémopathie, grossesse, allaitement, hématurie macroscopique • Immuno-allergique : réaction d’hypersensibilité de type IV • Auto-immun : réactions croisées entre des antigènes du BCG et des « protéines du soi », notamment au niveau articulaire, mimétisme moléculaire
Traitement du cancer de vessie • Indications : Tumeurs de vessie non infiltrantes du muscle de risque élevé, en adjuvant de la chirurgie : Ta haut grade, T1 haut grade (grade 3) ou T1 récidivante et carcinome in situ • Au minimum 15 jours ( 4 à 6 semaines) après la biopsie ou la résection trans-urétrale et en l’absence de toute hématurie macroscopique. • Traitement d'induction : - une instillation intravésicale par semaine pendant 6 semaines ; - une fenêtre thérapeutique de 6 semaines ; - et en l’absence de tumeur persistante, une nouvelle instillation intravésicale par semaine pendant 3 semaines. • Traitement d'entretien : en fonction de la tolérance - une instillation par semaine pendant 1 à 3 semaines, administrée 6 mois après le début du traitement - puis tous les 6 mois jusqu'à 36 mois.
Epidémiologie • 10 668 nouveau cas de cancers vésicaux par an dont environ 70 % était des TVNIM au moment du diagnostic • 75 000 à 80 000 doses de BCG vendues au cours des cinq dernières années; seuls 17 EI déclarés en 2008, 21 en 2009, 17 en 2010 et 18 en 2011 Lamm DL. Efficacy and safety of Bacille Calmette-Guérin immunotherapy in superficial bladder cancer. Clin Infect Dis 2000 31 Suppl 3:S86-90.
Tableaux cliniques • Formes disséminées, septicémiques : AEG fébrile, avec +/-cytopénies et atteintes d’organe, parfois multiples • Atteintes urologiques, néphrologiques, rhumatologiques, hépatologiques, ophtalmologiques, artérielles • Diagnostic : • Cytopénies : BOM = granulomes épithélioïdes et gigantocellulaire les + souvent sans nécrose caséeuse, myéloculture • Atteintes d’organes : biopsie et mise en culture, +/- PCR • IGRA inutiles car les peptides utilisés ne sont pas présents chez M.bovis Disseminated Infection After Bacille Calmette-Guérin Instillation for Treatment of bladder Carcinoma, Viallard JF, Clinical Infectious Diseases 1999;29:451–2 Disseminated Mycobacterium bovis after intravesical bacillus calmette-guerin treatments for bladder cancer, Elkabani M., Cancer control 2000
La classification ! Diagnostic et prise en charge des événements indésirables survenant au décours des instillations endovésicales de BCG pour le traitement des tumeurs de vessie n’infiltrant pas le muscle (TVNIM) : revue du comité de cancérologie de l’Association française d’urologie, Progrès en urologie (2012) 22, 989—998
Formes pulmonaires • Survenue qq jours à qq mois après les instillations • BK crachats, tubages, biopsies trans-bronchiques • Miliaires à micro et/ou macronodules Pulmonary complications of intravesicular BCG immunotherapy Thorax October 2012 Vol 67 No 10 Tuberculosis complications after BCG Treatment for Urinary Bladder Cancer, Naudžiūnas Medicina (Kaunas) 2012;48(11):563-5 Palayew M., Disseminated infection after intravesical BCG immunotherapy,Chest 1993
Formes hépatiques • Une trentaine de cas décrits, • Hépatomégalie fébrile, parfois douloureuse • Cholestase parfois ictérique, cytolyse • Diagnostic à la biopsie hépatique : granulomes +/- BAAR (seulement 2 cas publiés, 1 au Zielh, 1 à l’auramine), • si culture – et éosinophiles à l’histologie = hypersensibilité, corticothérapie seule ? • souvent atteinte disséminée : intérêt des autres prélèvements • Homme de 75 ans, cytolyse de découverte fortuite : culture des urines + après 11 jours d’incubation, biopsie hépatique 25 jours, hémocultures après 27 jours [1] Management of hepatic granulomatous tuberculosis complicating intravesical BCG for superficial bladder cancer [1] Hepatitis in disseminated BCG infection, Göttke and al, Can J gastroentérol, 2000
Anévrismes artériels • 13 cas décrits d’anévrismes uniques, 7 multiples, 2 cas de fistule aorto-duodénale • Prélèvements per-op de la paroi aortique : granulomes et cultures + Coscas, Multiple mycotic aneurysms due to Mycobacterium bovis after intravesical bacillus Calmette-Guérin therapy, Journal of vascular surgery, 2009 Harding and lawlor, Ruptured mycotic abdominal aortic aneurysm secondary to Mycobacterium bovis after intravesical treatment with bacillus Calmette-Guérin, Journal of vascular surgery July 2007 Gao et al, Granulomatous hepatitis, choroiditis and aortoduodenal fistula complicating intravesical Bacillus Calmette-Guérin therapy: Case report,. BMC Infectious Diseases 2011, 11:260
Atteinte rhumatologique : arthrites réactionnelles • 40 cas décrits dans la littérature, 62% des patients HLA B27+ • Polyarthrite fébrile surtout, plus rarement monoarthrite • Chevilles, genoux et poignets • Association à une conjonctivite dans 15 cas et à une uvéite dans 3 cas • Apparition surtout après la 4e instillation Acute arthritis secondary to intravesical Bacillus Calmette-Guérin for bladder cancer, O.A.Raheem, Actas Urol Esp. 2012;36(8):461---466
Atteinte rhumatologique : arthrites réactionnelles • Syndrome inflammatoire biologique et liquide articulaire inflammatoire mais aseptique (aucune culture BK +) • Traitement : AINS et/ou corticoïdes et/ou antituberculeux : • efficacité comparable • uniquement l’effet de l’arrêt du BCG ? • Si inefficacité ou arthrite chronique : immunosuppresseurs (MTX, cyclophosphamide) • Hypothèse physiopathologique : mimétisme moléculaire entre un antigène du BCG présenté par le CMH II aux TCD4 et des protéines du cartilage
Atteintes urologiques • Réactions non infectieuses, fréquentes : cystite aseptique, dysurie (80%), hématurie (40%), fièvre peu élevée (30%) • résolution spontanée dans les 48h, mais la réaction inflammatoire locale induite en cas de cystite peut favoriser la dissémination hématogène • Balanoposthite • 11 cas décrits dans la littérature, 2 avec des BAAR à l’Ed, 2 avec des cultures + • Nodules érythémateux indurés douloureux du gland, ulcérations • Orchi-épididymite +- abcès • Prostatite granulomateuse : BCG = première cause, très fréquent mais seules 1 % symptomatiques
Atteintes rénales • Néphropathie tubulo-interstitielle [1] Fièvre et douleurs en fosse lombaire (rein unique : cancer de l’uretère), IRA (créat 190 puis 277), pyurie aseptique, CRP 95 • PBR : néphropathie tubulo interstitielle chronique avec qq éosinophiles et 2 granulomes non nécrosants, BAAR - • Glomérulonéphrite extra-membraneuse [2]: Syndrome néphrotique après la 6e instillation, PBR +, doute sur un syndrome paranéoplasique Kennedy SE, Acute granulomatous tubulointerstitial nephritis caused by intravesical BCG, Nephrol Dial Transplant (2006) 21: 1427–1429 [1] Singh, Nephrotic Syndrome as a Complication of Intravesical BCG, Renal Failure, 29:227–229, 2007 [2]
Atteintes ophtalmologiques • Uvéite, épisclérite, périphlébites rétininennes, choriorétinite, endopthalmie… • Homme de 80 ans : panuvéite granulomateuse avec granulomes de la choroide, culture du prélèvement de vitré + à M.bovis Gerbrandy, Mycobacterium Bovis Endophthalmitis from BCG Immunotherapy for Bladder, Cancer Ocular Immunology and Inflammation, 16:95–97, 2008
Traitement curatif • Arrêt de la BCG-thérapie • Schéma thérapeutique : non consensuel • Isoniazide (5 mg/kg par jour ; dose maximale 300 mg/j) + rifampicine (10 mg/kg par jour ; dose maximale 600 mg/j) + éthambutol (20 mg/kg par jour ; dose maximale 2 g/j) • Trithérapie (isoniazide, rifampicine et éthambutol) 3 mois puis bithérapie (isoniazide et rifampicine) 6 mois. • Corticothérapie si réaction systémique ou immuno allergique, uniquement basée sur des case reports (absence d’étude contrôlée) • miliaire pulmonaire, septicémie, polyarthrite, conjonctivite • durée brève : 10 à 15 jours (posologie : 0,5 à 1 mg/kg) • utilité de la décroissance progressive sinon risque de rechute ?
Traitement préventif • Ofloxacine : • Supériorité de l’ofloxacine administrée 6 heures et 10 à 12 heures après la première miction suivant l’instillation par rapport au placebo, dans la prévention des EI de classe II et III (baisse de 18,5%) The Effect of Ofloxacin on Bacillus Calmette-Guerin Induced Toxicity in Patients with superficial Bladder Cancer: Results of a Randomized, Prospective, Double-Blind, Placebo Controlled, Multicenter Study; Colombel et al, The journal of urology, 2006 • Réduction de dose de BCG : • Diminution de la fréquence des EI locorégionaux les plus fréquents (dysurie, pollakiurie, hématurie et fièvre) mais aucune réduction de l’incidence des EI généraux sévères objectivée • Durée de l’instillation : • Diminution de la dysurie chez les patients exposés 30 minutes au BCG par rapport à ceux exposés pendant deux heures
Selon l’HAS : prise en charge des complications • Ils doivent être évoqués devant une fièvre > 38,5°C, un syndrome grippal, des douleurs musculaires, une asthénie, une arthralgie, des signes allergiques et un rash cutané. • La persistance d’une fièvre > 38,5°C, au-delà de 48 heures (ou > 39,5°C au-delà de 12 heures) nécessite un traitement par ofloxacine, avec avis spécialisé sans délai et une prise en charge par l’équipe d’urologie référente et un infectiologue éventuellement. • Une hospitalisation pourra être nécessaire. Dans les cas les plus graves, peut survenir un collapsus vasculaire, une détresse respiratoire aiguë, une CIVD, une hépatite ou une septicémie nécessitant une hospitalisation en urgence, une trithérapie antituberculeuse et des corticoïdes intraveineux
Sensibilité du BCG aux antituberculeux • La sensibilité varie avec les souches de BCG • Résistance naturelle de M.bovis au pyrazinamide : mutations du gène pncA, codant pour l’enzyme pyrazinamidase/nicotinamidase qui transforme le PZA, prodrogue en molécule active, l’acide pyrazinoïque • Sensible aux autres antituberculeux (isoniazide, rifampicine et éthambutol), à l’ofloxacine et à la ciprofloxacine • Récemment, des cas de faible niveau de résistance à l’isoniazide ont été rapportés avec nécessité d’adjoindre une fluoroquinolone à la thérapie antituberculeuse Susceptibility of Mycobacterium bovis BCG Vaccine Strains to Antituberculous Antibiotics, Ritz and al, ANTIMICROBIAL AGENTS AND CHEMOTHERAPY, Jan. 2009, p. 316–318