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Fatigue et déconditionnement à l’effort : prévenir et traiter par la rééducation. Professeur Claude Hamonet, Médecin-rééducateur, Hôtel-Dieu de Paris.
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Fatigue et déconditionnement à l’effort : prévenir et traiter par la rééducation Professeur Claude Hamonet, Médecin-rééducateur, Hôtel-Dieu de Paris
« La plus sûre façon de tuer un Homme c’est de l’empêcher de travailler, c’est de le payer à ne rien faire »Félix Leclerc, poète de « la Belle province »
Mal - adaptation à l’effort Physique et situations de handicap • La fatigue est une cause fréquente de consultation et de mal-être au travail. • Tous les fatigués ne se ressemblent pas : il faut distinguer la fatigue physique et la lassitude qui est comportementale. • Dans les deux cas le handicap est identique : une difficulté à faire face,en quantité ou en durée, aux besoins d’une dépense énergétique accrue dans une situation donnée.
LE HANDICAP Modifications du corps Limitations fonctionnelles Subjectivité Obstacles dans les situations de la vie
CORPS PERSONNE CAPACITÉS SUBJECTIVITÉ SITUATIONS DE LA VIE
L’Homme, l’âge, l’effort et la fatigue • 40 ans : on ne peut, sans entraînement, rattraper un bus en courant. • 50 ans : 50% de la population de Saint Cyr-sur le Rhône (« étude microsituationnelle » de Pierre Minaire, Inserm, Inrets) pour monter dans un autobus. • L’arthrose de la colonne vertébrale à 50 ans est banale et ne fait pas mal. • 70 ans :on est toujours jeune ! • 80 ans : la fatigue permanente cette mauvaise compagne apparaît • 90 ans : le poids des ans, du temps et…
Vieillissement au travail et handicap • Le fait d’avoir des lésions corporelles préexistantes ( Paralysies post-poliomyélite, paraplégie, amputation des membres inférieurs, séquelles de cérébro lésions néo-natales ou IMC…) favorise le processus de maladaptation ou de désadaptation physique précoce au travail. Ceci implique une surveillance particulière par le médecin du travail et une possibilité d’accéder à la retraite plus précocement. • Il en est de même pour les personnes avec handicap mental (d’origine génétique ou traumatisés cérébraux).
Des préjugés et dogmes qui nous coûtent cher sur le plan de la santé au travail Le dogme du repos dans certaines affections, notamment cardiaques ou rhumatismales, a longtemps prévalu et reste encore prégnant dans l'esprit de bien des médecins et aussi des malades sur des bases plutôt culturelles que scientifiques. Selon Halar et Bell, c'est à un chirurgien anglais : J. Hilton, (1882) que l'on doit la promotion du repos au lit en tant qu'approche thérapeutique de base dans le traitement des maladies humaines. Il faut dire que le fameux "gardez le lit" a eu du succès et a la vie dure. Il a même pris l’allure d’une sorte de «thérapeutique» avec la notion de convalescence, confondant, fatigabilité et adaptation à l’effort, repos et réadaptation.
Et pourtant les anglais ne sont pas tous comme çà • Un autre Anglais publiait en 1740 "Gymnastique médicale ou à chacun son propre médecin. Traitement, par le mouvement, de la tuberculose, l'hydropisie, l'hypochondrie". • En 1947, Sir Ludwig Guttmann créait et inaugurait, à Stoke-Mandeville près de Londres, les premiers jeux olympiques pour personnes handicapées
Les dos, les cœurs et l’effort, les freins médicaux iatrogènes Interdits de tennis. • N. 43 ans, professeur de mathématiques a une passion : le tennis. Après deux pontages et un réentraînement « poussé » dans le service, il reprend son travail à un « poste » adapté (décision de la commission médicale) : téléenseignement à domicile. Ses temps de loisir lui permettent de reprendre avec succès son sport favori et de se « classer » . • Il n'y a pas si longtemps,une de mes amies, rhumatologue, était accusée de « faute grave », publiquement, lors d'un «staff » hospitalier, par son patron, parce qu'elle proposait à son patient lombalgique de faire du tennis.
Les anciens nous avaient pourtant bien montré la voie à suivre • Les effets bienfaisants de l'activité physique sont très largement connus dans l'histoire de notre médecine, d'Hippocrate à Wetterwald (« Manuel pratique de kinésithérapie », 1912), en passant par Tissot (« la gymnastique médicale et chirurgicale, ou essai sur l’utilité du mouvement ou des différents exercices du corps et du repos dans la cure des maladies », 1781) Ling (1804), et Bourneville avec Séguin («Hygiène et traitement moral des idiots») (1847). • Ces principes ont contribué à fonder la Médecine Physique et de réadaptation contemporaine.
De la peur de l’effort au déconditionnement social et à l’exclusion La plupart des médecins aujourd'hui redoutent de conseiller une rééducation à l'effort chez un «cardiaque» ou un «dosalgique» et sont restrictifs (obligation de précaution ?) dans leurs prescriptions et conseils, même par rapport à l'activité quotidienne. Ou bien, ils donnent des conseils d'activité modérée dont on sait qu'elle est inefficace pour redonner à la personne désadaptée une fonction de tolérance à l'effort compatible avec une bonne qualité de vie. Le résultat est néfaste et se solde par des arrêts de travail prolongés avec exclusion, parfois définitive du milieu du travail et par un « déconditionnement social ».
Naissance de la rééducation moderne à l’effort • Le réentraînement, (ou mieux la rééducation à l'effort), fait partie, depuis longtemps, des programmes de rééducation des paraplégiques et des accidentés du travail (SNCF, Renault). • L'utilisation d'un programme particulier de rééducation par l'effort est une donnée assez nouvelle qui a été induite principalement par l'introduction de la lutte contre la désadaptation à l'effort dans le traitement des coronaropathies par les médecins -rééducateurs : Goepfert & Pierquin (Nancy), Chignon & Hamonet (Créteil) et les cardiologues : Broustet (Bordeaux). • Ceci est à l'origine, depuis une trentaine d'années, de travaux et d'expériences cliniques qui permettent, aujourd'hui, de dégager une méthodologie simple et efficace, largement diffusée dans de multiples indications.
Bases physiologiques ILes différentes formes d'exercices et d'activités humaines selon J.C. Chignon & F. Jan. Selon la topographie : -Exercices "locaux" sollicitant un seul groupe musculaire (se soulever sur la pointe des pieds", "tirer des bras en arrière") -Exercices "régionaux" sollicitant plusieurs groupes musculaires (la marche, le vélo, le tapis roulant, par exemple). -Exercices "généralisés" mettant en jeu la quasi-totalité des groupes musculaires (course, natation). ll faut savoir que chacun de ces exercices a des effets métaboliques sur l’ensemble du système endocrinien, cardio-vasculaire et musculaire. Ils sont d’autant plus importants que les masses musculaires mises en jeu sont volumineuses. Le vélo, à cet égard, est particulièrement intéressant.
Bases physiologiques II Selon le coût énergétique : Il est possible pour chacune de nos activités de fixer leur coût énergétique en tenant compte de la consommation d'oxygène (Le VO 2 Max) au repos. L'expression en est le MET (Metabolic Equivalent) ou quantité d'oxygène par unité de poids au repos (3,5 ml d'O2 par kilogramme de poids et par minute). La comparaison de la valeur de repos avec la valeur à l'effort permet d'évaluer l'activité par le coefficient de multiplication (doublement, triplement ou plus).
Bases physiologiques II • Le jogging (8km à l'heure) est évalué à 7 MET, • La bicyclette (20 km à l'heure) à 7- 8,5 MET, • Repasser à 3 MET, • Tondre le gazon à 4-6 MET, • Monter lentement un escalier à 5-6 MET. On peut ainsi mesurer la puissance énergéti-que de nos activités quotidiennes, de loisirs et de travail. C'est là un instrument précieux pour l'adaptation et la réadaptation.
Bases physiologiques II Tables de conversion des actes courants de la vie en MET, J.C. Chignon et F. Jan : • *Moins de trois MET : manger, se laver, s'habiller, faire la cuisine, laver la vaisselle (sans machine), • *Trois à quatre MET : repasser, balayer, faire un lit, avoir un rapport sexuel, • *Trois à cinq MET : faire les courses, passer l'aspirateur, faire du jardinage (sarcler, biner) • *Cinq à six MET : Peindre un plafond, monter lentement un escalier, tailler des haies, porter 15 à 20 kilos.
Bases physiologiques III • Selon le type d'effort et le mode de sollicitation des chaînes biologiques énergétiques : • Exercices "de vitesse", d'intensité maximale et de durée très brève (moins de10 secondes), • Exercices "de résistance", d'intensité submaximale, de durée comprise entre 10 secondes et 2 minutes, • Exercices "d'endurance", d'intensité plus modérée, supérieure à 3 minutes, et pouvant se prolonger plusieurs heures. • En rééducation, ce sont le deuxième et le troisième type d'exercices qui sont les plus utilisés. Les efforts brefs et intensifs ayant un effet défatigant rapide par leur action sur l'ensemble des masses musculaires, les efforts moins intenses et plus prolongés ayant plutôt un effet vasculaire périphérique.
Modalités pratiques et moyens I Les moyens spécifiques. • Le principal est le cycle ergométrique. Il permet de réaliser des efforts diversifiés, faciles à doser, avec un encombrement moindre. Il est facile de surveiller les paramètres cardiovasculaires. Il est possible d'organiser des séances de groupe dans un minimum d'espace. Il peut être utilisé, au domicile, en autorééducation. Il est cependant difficilement utilisable par certaines personnes handicapées. • Il peut alors être remplacé par des ergocycles à bras, des machines à ramer.
Modalités pratiques et moyens I Les moyens spécifiques • Le tapis de marche avec vitesse et pente variable est une autre méthode souvent utilisée pour une rééducation individuelle à l'effort et, pour certaines indications, comme la rééducation des artéritiques ou des amputés des membres inférieurs. Une part de proprioceptivité est alors introduite, de fait, dans le programme.
Modalités pratiques et moyens II Les moyens non spécifiques • Les activités quotidiennes, comme la mar-che, le jardinage, le bricolage, le footing, la natation et peuvent être intégrés plus facilement dans l'organisation de vie du sujet. On peut ainsi, en utilisant les tables de conversions des actes quotidiens en MET, mesurer l'activité énergétique d'une personne et lui apporter le complément jugé indispensable. L'idéal est de confier cela à un ergothérapeute. • Le mouvement « imaginé »
La réalisation de la rééducation à l'effort et par l'effort,aspects pratiques I • Toute séance d'entraînement à l'effort doit être précédée d'une phase d'échauffement • L’effort doit être suffisamment intense et être longtemps et souvent répété mais en laissant des temps de repos suffisants entre deux séances. Ce temps est nécessaire pour permettre une reconstitution physiologique et tissulaire et éviter la «phase réfractaire» pendant laquelle les tissus ne se remanient pas, si un nouvel effort survient. En pratique, un jour de repos entre deux séances est souhaitable.
La réalisation de la rééducation à l'effort et par l'effort,aspects pratiques II • La durée des séances est de 30 minutes environ (échauffement compris), moins si ce sont des exercices intenses qui sont choisis. • Le contrôle de la réaction physiologique à l'effort ne nécessite pas une installation instrumentale complexe. Un contrôle électrocardiographique (surtout du rythme) intermittent est nécessaire, en début de rééducation, chez certains patients. Il n'est pas indispensable en dehors de ces cas particuliers. Par contre, chez les patients cardiaques récents, on doit disposer de moyens de diagnostic et de traitement d’urgence à proximité.
La réalisation de la rééducation à l'effort et par l'effort,aspects pratiques III • Le meilleur contrôleur reste le médecin qui doit assurer lui-même ces séances chez les patients cardiaques et non pas les confier à des paramédicaux. • C'est à ce prix qu'en trente années de rééducation ambulatoire à l'effort des coronariens, nous n'avons eu aucun accident au cours d’une rééducation, dans le Service de Médecine Physique et de réadaptation du CHU Henri Mondor.
La réalisation de la rééducation à l'effort et par l'effort,aspects pratiques IV • Dans tous les cas, le meilleur instrument de contrôle est le patient lui-même. Ce sont ses propres sensations d'intolérance à l'effort qu'il faut éduquer. • La plus importante est l'essoufflement : ne plus pouvoir parler durant l'effort est un excellent signe d'anoxie. La pratique en groupe est de ce point de vue très utile car, à l'occasion des échanges verbaux entre les participants, on remarque très vite celui qui a atteint sa limite de tolérance à l'effort. • D'autres sensations sont utiles et significatives : la lassitude, l'oppression respiratoire, la gêne musculaire plus ou moins diffuse. • Ce sont ces mêmes sensations qui permettront, ultérieurement au patient de s'adapter aux activités quotidiennes et de contrôler son autorééducation.
La réalisation de la rééducation à l'effort et par l'effort,aspects pratiques V • Les prises de la pression artérielle et du pouls sont des paramètres faciles à mesurer (y compris en autocontrôle) et nécessaires. • La mesure du pouls doit être "instantanée" avec des pulsemètres. Son temps de retour aux chiffres de base normale après l'effort est une indication très utile de tolérance ou d'intolérance. Le fait d'utiliser des bêta-bloquants modifie, bien entendu, cette donnée.
La réalisation de la rééducation à l'effort et par l'effort,aspects pratiques VI • Modalités de réalisation : • - Le conseil médical, simple, avec orientations des activités physiques et quotidiennes, selon les aptitudes et l'indication. • - La réalisation dans une structure Médicalisée de réadaptation. • - La rééducation dans un cabinet de kinésithérapie avec un programme précis à l’exception des cardiaques. • Le nombre de séances est lié à l'indication et aux facteurs individuels : 15 à 20 séances dirigées sont habituellement souhaitables. • ll est souhaitable de répéter ces séances, par courtes séries, longtemps car les progrès sont étalés sur plusieurs années et cela permet de les maintenir.
Contre-indications • Absolues : elles sont pratiquement inexistantes (HTA instable, grande insuffisance cardiaque qui peut aussi bénéficier d’une rééducation appropriée d’une prise en charge spécifique. • Relatives : elles sont liées à des atteintes associées (arthrose du genou par ex.) qui peuvent être contournées et bénéficier d’une prise en charge rééducative spécifique.
Indications Prévention et traitement du syndrome d'immobilisation. • Les effets de l'alitement sont rapides sur les muscles (chute de la force musculaire de 30 % en 15 jours) et le système cardio-vasculaire aboutissant à un véritable "déconditionnement circulatoire" • En un mois de décubitus, 500 mml supplémentaires de sang stagnent dans les membres inférieurs. • Le risque d'hypotension orthostatique est important, après plusieurs jours d'alitement, surtout chez les personnes les plus âgées. Les possibilités d'augmentation du débit cardiaque à l'effort diminuent de 27 % en 3 semaines. • Le meilleur traitement est évidemment la prévention par le lever précoce : une heure de verticalisation debout et trois heures de verticalisation assise permettent de prévenir les effets les plus importants de l'alitement. • Les levers seront prudents et progressifs utilisant au besoin, dans les formes les plus exposées à l'hypotension orthostatique des bandes élastiques. La surveillance du pouls et de la pression artérielle est une impérieuse obligation. Secondairement, un programme de réadaptation pourra être mis en place, si l'état de l'alité le nécessite.
Indications *Le mal de dos...Non seulement, il ne faut plus interdire aux personnes souffrant du dos les activités physiques. Il faut, au contraire, les encourager com-me cela se fait dans les écoles du dos et les prog-rammes de réentraînements intensifs à l'effort tels que ceux des "back-centers" américains. *Il n'y a pas de "désadaptation énergétique" à proprement parler dans ce cas, contrairement à ce que l'on pouvait imaginer, mais un "déconditionnement à l'effort"(Boulay & Hamonet)
Indications • Les coronaropathies. • Les insuffisants respiratoires • Les affections rhumatologiques • Les personnes avec un syndrome neurologique(hémiplégie, paraplégie, cérébrolésés; • Les personnes avec des douleurs (mal de dos et autres) • La pathologie vasculaire. Les artéritiques et les hypertendus; • Les personnes âgées ou vieillissantes
Conclusions • La rééducation à l'effort et par l'effort est, sans aucun doute, une avancée considérable en Médecine physique et de réadaptation. Elle est en train de bousculer bien des habitudes qui s'appuyaient sur des préceptes, qui trouvaient leur origine, davantage dans des préjugés culturels que dans les observations médicales. • Ce type de rééducation symbolise bien la particularité de la démarche de la réadaptation médicale et sociale : l'objectif n'est pas le diagnostic et le traitement de la lésion mais la récupération fonctionnelle et la qualité de vie avec participation sociale.
"Parce que noussommes malades on nous retire notre liberté" (Jack London,"l'île des lépreux")
Jean Paul SARTRE, Réflexions sur la question juive • Pour nous, l’homme se définit avant tout comme un être « en situation ». Cela signifie qu’il forme un tout synthétique avec sa situation biologique, économique, politique, culturelle, etc. On ne peut le distinguer d’elle car elle le forme et décide de ses possibilités, mais, inversement, c’est lui qui lui donne son sens en se choisissant dans et par elle.