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Travail avec Sébastien,

Travail avec Sébastien, . un mauvais lecteur de 12 ans. Intervention menée par Anne Moinet. en 2006. Présentation de Sébastien. 12 ans . Scolarité primaire sans trop de difficulté sauf en français. Difficulté au moment d’apprendre à lire (aide d’une logopède).

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Presentation Transcript


  1. Travail avec Sébastien, un mauvais lecteur de 12 ans. Intervention menée par Anne Moinet en 2006

  2. Présentation de Sébastien • 12 ans • Scolarité primaire sans trop de difficulté sauf en français Difficulté au moment d’apprendre à lire (aide d’une logopède) • Termine sa 1ère année de secondaire a échoué dans presque toutes les matières  doit recommencer son année  le vit mal et veut comprendre • Est très performant dans les jeux vidéo de stratégie

  3. Après un premier entretien avec Sébastien, il ressort ceci : Travail scolaire En classe • Il est attentif et a l’impression de comprendre • Pour comprendre, il traduit d’abord les informations en images mentales visuelles concrètes, puis il se fait des commentaires verbaux de compréhension; mais il y a des trous ! Et quand quelque chose ne lui paraît pas clair, il n’ose pas poser de question. • En math, il aime les applications, mais n’arrive pas à retenir la théorie parce qu’il ne comprend pas à quoi cela lui sert. • Il dit ne pas aimer les surprises ! Et il trouve qu’il y en a beaucoup à l ’école, notamment dans les questions qu’on pose (il ne les anticipe jamais). Il a l’impression qu’on lui demande de deviner beaucoup de choses ou de réfléchir.

  4. Après un premier entretien avec Sébastien, il ressort ceci : A la maison • Il a beaucoup de mal à se mettre au travail • Il refait les exercices et a l’impression de comprendre ce qu’il fait, mais il ne mémorise pas la théorie et quand il le fait, c’est sans compréhension :il retient du mot à mot, sans lien , sans anticiper une réutilisation. • Il n’a pas de réel projet de sens d’apprentissage à l’école . Il cherche seulement à avoir des notes correctes. • Il a perdu toute confiance en lui.

  5. Après un premier entretien avec Sébastien, il ressort ceci : Domaines de réussite Quand il joue à un nouveau jeu vidéo, il veut relever des défis et devenir de plus en plus expert (projet de sens de recordman) Pour gagner, il mémorise en images visuelles (concrètes et avec des codes) tous les outils utiles ( = gestes d’attention et de mémorisation). Il analyse très vite les situations problématiques et il le fait en mots qu’il se parle dans sa tête (geste de compréhension). Pour cela il s’appuie sur des acquis stockés à partir de jeux précédents (geste de réflexion). Quand il cherche la stratégie à appliquer, il adore en envisager plusieurs et choisir délibérément la démarche la plus improbable, la plus risquée (geste d’imagination, prise de risque). S’il perd, ce n’est pas grave : il analyse ses erreurs afin de progresser ultérieurement.

  6. Après un premier entretien avec Sébastien, il ressort ceci : En comparant cette stratégie avec celle qu’il utilise en math, nous observons que En math, il veut : Dans les jeux vidéo : - bien appliquer - retenir par cœur des formules sans lien avec la théorie - et récolter des notes correctes. • - Il s’implique et anticipe • Il comprend et analyse • Il risque des hypothèses neuves • Il utilise pleinement les ressources de son monde évocatif Il n’a aucun véritable projet de sens Il est véritablement en quête de sens

  7. Après un premier entretien avec Sébastien, il ressort ceci : Constat Sébastien s’introspecte avec une relative facilité et semble intéressé par cette découverte de soi. Il donne l’impression d’un enfant qui n’a pas trouvé à satisfaire son besoin d’explication et qui n’utilise pas ses moyens cognitifs dans le cadre scolaire.

  8. Après un premier entretien avec Sébastien, il ressort ceci : Prospective • En fin de séance, Sébastien a pris conscience qu’il aurait intérêt • à chercher du sens en étudiant • à faire des liens • à articuler théorie et pratique • à mémoriser en vue de la réflexion • à risquer des hypothèses. Je propose qu’il essaie déjà d’y penser en classe et à la maison. La seconde séance sera consacrée à la lecture où Sébastien a des difficultés. De ce fait, il n’aime pas lire.

  9. Quelques jours plus tard : Il dit en arrivant : « En classe, je pense à faire comme pour un jeu vidéo : je cherche le chemin et j’essaie de deviner les dangers que je dois éviter ». La deuxième séance consacrée à la lecture peut commencer

  10. Lecture d’un texte et observation d’une image. SENEGAL Marché aux poissons près de Dakar Extraits de Yann Arhtus-Bertrand, La Terre racontée aux enfants, p. 52 - 53.

  11. L’image Marché aux poissons près de Dakar

  12. 1. Lecture de l’image Consigne (donnée avant l’examen de l’image) : repère dans quel pays cela se passe, puis observe l’image de manière à la comprendre (où se trouve-t-on? Qui est là? Que font les gens? Aide-toi du titre). • Sébastien sait que le thème du texte est un marché aux poissons et situe Dakar en Afrique occidentale • Il remarque les tas de poissons et les barques. • Il pose une seule question: « Que sont les objets ronds sur les tas de poissons? » Je lui suggère de chercher la réponse dans le texte.

  13. Marché aux poissons près de Dakar Le texte Les ombres sont longues, c’est le matin. A bord de leurs pirogues effilées, en bois de baobab ou de fromager, les pêcheurs ont, pendant la nuit, lancé leurs lignes, traîné leurs filets. De nombreux thons, sardines et merlus sont capturés. Au retour de la pêche, tandis que certains pagayaient vigoureusement, d’autres triaient lespoissons par espèces et par tailles. Afin de poser son avant sur le sable – ce que son fond plat lui permet -, la pirogue a pris son élan. Les hommes l’ont ensuite tirée à proximité du marché sur les rouleaux de bois disposés sur le sable. Le déchargement des pirogues se fait au moyen de couffins, profonds paniers de vannerie. Certains d’entre eux ont été retournés sur les tas de poissons, afin de les protéger du soleil. La marchandise est posée à même le sable fin. Déjà, les premiers clients arrivent. Ils comparent, soupèsent, évaluent, marchandent…avec un vif plaisir, et de l’amitié.

  14. 2. Lecture du texte Consignes (données avant la lecture) : lire le texte silencieusement pour le comprendre et pouvoir redire ce qu’il a compris (sans le texte). + Mise en projet de pouvoir expliquer ce qu’il a fait dans sa tête pour y arriver. Analyse de la lecture du texte par Sébastien • Lecture à un rythme moyen. • Aucune question • Il se déclare prêt et cache le texte Pour revoir l’image, cliquez sur «image »

  15. 3.Bilan de la 1ère lecture «Les ombres sont longues. Des pêcheurs vendent du poisson (des thons et des sardines et du fromage). Ils trient ce poisson selon les espèces, la taille et le poids. » Sébastien a compris ceci : Comparons au texte : Les ombres sont longues, c’est le matin. A bord de leurs pirogues effilées, en bois de baobab ou de fromager, les pêcheurs ont, pendant la nuit, lancé leurs lignes, traîné leurs filets. De nombreux thons, sardines et merlus sont capturés. Au retour de la pêche, tandis que certains pagayaient vigoureusement, d’autres triaient lespoissons par espèces et par tailles. Afin de poser son avant sur le sable – ce que son fond plat lui permet -, la pirogue a pris son élan. Les hommes l’ont ensuite tirée à proximité du marché sur les rouleaux de bois disposés sur le sable. Le déchargement des pirogues se fait au moyen de couffins, profonds paniers de vannerie. Certains d’entre eux ont été retournés sur les tas de poissons, afin de les protéger du soleil. La marchandise est posée à même le sable fin. Déjà, les premiers clients arrivent. Ils comparent, soupèsent, évaluent, marchandent…avec un vif plaisir, et de l’amitié.

  16. Premières observations : • Traitement incomplet (il prend en compte le début du texte seulement) • La compréhension est partielle, voire erronée • Il n’y a pas de liens logiques • Il redit des phrases à l’identique ou sélectionne des noms

  17. 4.Dialogue pédagogique • Son projet: • sur le plan affectif : négatif ( représentation de la lecture = difficultés – ennuis) • sur le plan cognitif : • le but: = oraliser et mémoriser (aucun projet de donner du sens) • les moyens : répéter mentalement les mots à l’identique (pas de traduction, • pas de compréhension) • Le processus de « lecture »: • Oralisation mentale du début (puis fatigue) sans • recherche de sens • Aucun retour à des acquis • Aucun retour au texte pour vérifier la compréhension Processus d’élaboration inexistants

  18. 5.Relecture de la première phrase Les ombres sont longues, c’est le matin. • Obstacles : • lien implicite de cause à effet entre les deux propositions (seul indice: la virgule) • nécessité d’activer un processus d’inférenceentre le texte et des connaissances extérieures sur les ombres (que Sébastien possède) Processus d’intégra-tion • Propositions pédagogiques • invitation à retrouver mentalement des imagesconcrètesconnues contenant des ombres allongées • chercher l’explication de cet allongement • Prise de conscience • Les acquis sont là, mais pas de projet de relier le texte à ces acquis (geste de réflexion au service de la compréhension) Processus d’élaboration

  19. 6.Relecture de la deuxième séquence A bord de leurs pirogues effilées, en bois de baobab oude fromager, les pêcheurs ont, pendant la nuit, lancé leurs lignes, traîné leurs filets. De nombreux thons,sardines et merlus sont capturés. • Obstacles • mots inconnus (pirogue, fromager) – aucune question – pas d’appui sur le contexte ni sur les structures syntaxiques (coordination) • pas de traitement du connecteur de temps (déroutant, parce qu’on vient de parler du matin : flash back) Processus d’intégration

  20. Propositions pédagogiques • pour trouver le sens du mot « pirogue », demande d’évoquer concrètement la scène en mouvement et de préciser l’image • pour trouver le sens de « fromager » (le mot « baobab » étant connu), recherche de phrases de la langue orale courante comportant un « ou » alternatif. Ex : Mets-tu de la confiture ou du chocolat sur ton pain ? • prise en compte du connecteur de temps : changement de lumière dans l’image mentale de Sébastien. Il avait dans sa tête une image diurne éclatante de lumière et maintenant, elle s’obscurcit. Il ne peut pas encore faire le lien avec la 1ère phrase. Prise de conscience Nécessité de prendre en compte les « petits » mots et les connecteurs de temps

  21. 7. Relecture de la troisième séquence • Avant la relecture : mise en projet de • traduire la scène en images mentales concrètes et animées • se demander quand cela se passe par rapport à la séquence précédente Au retour de la pêche, /tandis que / certains/pagayaient / vigoureusement,d’autres triaient les poissons par espèces et par tailles. Bilan de cette relecture (texte caché) « Les pêcheurs trient le poisson. » • Analyse • Tout le début du texte a été négligé (connecteurs de temps) • Les pronoms « certains »/   « d’autres » n’ont pas été pris en compte (référence). • + terme inconnu « pagayer », pas de question. Processus d’intégration incomplets

  22. 8. Deuxième relecture de la troisième séquence • Avant la relecture : mise en projet de • chercher les connecteurs de temps. • se demander,à partir de ses images mentales, comment les pêcheurs font avancer le bateau • Après la relecture (texte caché) • Le mot « pagayer » est élucidé et les mouvements des pêcheurs sont visibles dans les images mentales de Sébastien. • Il me dit : « Les pêcheurs rament et trient le poisson ». Les pronoms distributifs ne sont pas pris en compte.

  23. Propositions pédagogiques • Imaginer visuellement les actions des pêcheurs : impossibilité de pagayer et de trier en même temps. Il peut voir deux groupes distincts. • Recherche d’autres phrases utilisant les mêmes pronoms : ils produisent le même effet mental. Ex : Certains prennent le train, d’autres leur voiture pour se rendre au travail. • Demande d’enchaîner en un petit film la 2ème et la 3ème séquence.

  24. 9. Relecture de la quatrième séquence Afin de poser son avant sur le sable–ce que/ sonfond platluipermet - , la pirogue a pris son élan. Bilan de la relecture (texte caché) « La pirogue arrive à toute vitesse sur la plage qui est toute plate et dure. » • Analyse de la compréhension • Sébastien voit arriver la pirogue à toute vitesse: il a bien « traduit » le mot « élan » en fonction de son espace mental • Gros problèmes de référence ( ce que, son, lui). La difficulté est augmentée par le fait que l’antécédent de « son » et de « lui » se trouve placé dans la suite de la phrase (référence cataphorique). • Les tirets ne sont pas interprétés comme parenthèses

  25. Propositions pédagogiques • Travail comparatif en images mentales concrètes : arrivée sur la plage d’un canot muni d’une quille et d’une pirogue à fond plat. Travail soutenu par un retour à la photo. Hypothèses de sens expliquant que certaines barques soient plus loin sur la plage (attente, travail d’élaboration) • Proposition d’enchaîner le film des séquences 2 à 4. Cette fois, cela se révèle aisé.

  26. 10. Relecture de la 5ème séquence • Les hommes l’ont ensuite tirée à proximité du marché sur les rouleaux de bois disposés sur le sable. • Bilan de la relecture (texte caché) • Sébastien peut me dire que les pêcheurs ont fait rouler les barques sur des morceaux de bois. Il m’explique la technique en la mimant, à partir des images en mouvement qu’il a dans sa tête. • Il demande à revoir l’image pour repérer les rondins (validation de ses hypothèses). • Il est visiblement dans le plaisir du sens. • Il enchaîne spontanément cette séquence aux précédentes. Prise de conscience Moment décisif : il vient de vivre « l’eurêka jubilatoire » propre au jaillissement du sens et il commence à croire que la lecture peut lui être accessible, s’il se donne un projet véritable de compréhension.

  27. 11. Relecture de la sixième séquence Le déchargement des pirogues se fait au moyen de couffins, profonds paniers de vannerie. Certains d’entre eux ont été retournés sur les tas de poissons, afin de les protéger du soleil. La marchandise est posée à même le sable fin. • Bilan de la relecture (texte caché) • Sébastien a compris que les pêcheurs déchargeaient le poisson sur le sable. • Il bute sur le mot « couffin », mais cette fois il demande sa signification. Quand je lui indique que le texte fournit la réponse, il ne peut pas la trouver.

  28. Analyse de l’obstacle • l’apposition « profonds paniers de vannerie » est un procédé grammatical de substitution nominale (référence). Lesvirgules ne sont pas ressenties comme des indices. • Propositions pédagogiques • Proposition d’imaginer le passage de la pirogue à la plage : comment transportent-ils le poisson? Retour à la photo et à la question posée tout au début. • Recherche de phrases contenant des appositions.

  29. 12. Relecture de la 7ème séquence Déjà, les premiers clients arrivent. Ils comparent, soupèsent, évaluent, marchandent…avec un vif plaisir, et de l’amitié. La compréhension est immédiate • Cohérence globale du texte (texte caché) • Sébastien, invité à reprendre tout le contenu du texte dans l’ordre chronologique, traite séparément la 1ère séquence et les suivantes : il n’a pas perçu le flash back (problème de macro structure). Proposition pédagogique Resituer chaque étape sur une ligne du temps (spatialiser le temps). A partir de ce moment-là il peut répondre à toute les questions : le texte est compris. pêche retour arrivée déchargement marché matin nuit aube

  30. Bilan de Sébastien à propos des stratégies de lecture à mettre en place (bilan métacognitif) • Se donner un projet de donner du sens, c’est-à-dire de traduire les mots dutexte en images animées de la réalité et, dans un deuxième tempsen commentaires verbaux (comme pour les jeux video). • Lire le texte petit passage par petit passage. Quitter le texte des yeux, se demander ce qu’il veut dire, retourner vérifier. • Faire des hypothèses sur ce que pourrait raconter la suite du texte. • Demander, chercher, deviner le sens des mots inconnus.

  31. Prendre en compte les indicateurs de lieu et de temps. • Repérer les petits mots qui permettent d’établir les liens entre les mots ou entre les phrases. • Repérer les signes de ponctuation qui pourraient être des indices de la structure grammaticale. • En fin de lecture, récapituler mentalement le sens de tout le texte pour s’assurer que tout se tient.

  32. Et la suite? • Le travail sur la lecture et sur la grammaire française s’est poursuivi pendant 4 mois à raison d’une séance par semaine. Les progrès ont été rapides et Sébastien a retrouvé la confiance en lui • Il a réussi sa première année secondaire « bis » sans échecs, avec plus de 70% des points. • Il a réussi sa 2ème année sans aucun échec, même si le français reste la matière pour laquelle il éprouve le plus de difficultés. • L’estime de soi est bien présente. L’effort de réussite est constant.

  33. L’image Marché aux poissons près de Dakar

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