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LA MONNAIE. Il est particulièrement difficile de situer avec précision l'invention de la monnaie. Celle-ci s'est imposée progressivement, par convention, en se transformant avec l'évolution des relations humaines.
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Il est particulièrement difficile de situer avec précision l'invention de la monnaie. Celle-ci s'est imposée progressivement, par convention, en se transformant avec l'évolution des relations humaines. L’usage de la monnaie renvoie à la fois aux difficultés du troc, à la division du travail et à la vente du surplus (évoquée dans la Richesse des Nations d’Adam Smith, 1776) et au développement des échanges économiques. Mais la monnaie est également indissociable des relations sociales et des traditions (les usages, les rites…). De nombreuses pièces ont ainsi été frappées afin de satisfaire l’Ego de certaines cités et de leurs souverains. Si l’histoire de la monnaie de la monnaie est généralement associée à ses fonctions (intermédiaire des échanges, unité de compte, réserve des valeurs), on parle de conception fonctionnelle de la monnaie, certains économistes et philosophes ont cherché à définir la nature même de la monnaie, on parle ainsi de conception essentialiste. Les débats sur le caractère endogène ou exogène de la monnaie; la neutralité ou l’activité de la monnaie; les formes de la monnaie (monnaie marchandise, monnaie métallique [espèces], et monnaie fiduciaire) permettent de rendre compte de l’histoire d’un fait économique.
I. LA CONCEPTION FONCTIONNELLE DE LA MONNAIE A. Intermédiaire des échanges B. Unité de compte C. Réserve des valeurs II. LA CONCEPTION ESSENTIALISTE DE LA MONNAIE III. LES FORMES DE LA MONNAIE A. La monnaie marchandise B. La monnaie métallique (espèces ) C. La monnaie fiduciaire
I. LA CONCEPTION FONCTIONNELLE DE LA MONNAIE L’usage de la monnaie est associée à trois fonctions : A. Intermédiaire des échanges Dans les sociétés primitives, les échanges se réalisaient sous la forme d’un troc, un bien étant cédé contre un autre bien. Cette économie non monétaire présentait cependant une série d’inconvénients qui en limitaient son usage : - Tout agent devait trouver non seulement quelqu’un qui soit prêt à lui vendre les biens qu’il recherche mais aussi qui accepte en échange les biens dont l’agent dispose. L’échange devenait particulièrement exceptionnel. - Il était relativement difficile de déterminer la valeur d’une marchandise par rapport à toutes les autres. La difficulté de l’échange augmentait lorsque les marchés et les biens étaient nombreux. - Enfin les coûts de transaction (recherche des lieux et termes de l’échange, recherche des clients, perte de temps, coûts de stockage, coûts de recherche d’information...) d’un tel échange pouvaient être très importants.
Le recours à un moyen de paiement unique et accepté par tous, la monnaie, est donc devenu une nécessité pour pallier les inconvénients du troc. L’intervention de la monnaie permet d’assurer les échanges et de séparer chaque transaction en deux parties : une vente et un achat. Ainsi dans une économie monétaire, celui qui détient un bien et souhaite le vendre, va pouvoir céder ce bien contre une certaine quantité de monnaie qui en constitue le prix. La monnaie élimine les coûts de transaction car elle permet d’éviter ceux afférents à la recherche d’un partenaire, à l’attente, au transport. Plus généralement, avec la fonction d’intermédiaire des échanges, la monnaie peut être définie comme un moyen de règlement : - indéterminé (c’est à dire qui permet d’acquérir n’importe quel bien ou service, et de régler n’importe quelle dette), - général (elle est admise par tout le monde et en toutes circonstances, dans un espace déterminé, généralement national ou communautaire), - immédiat (le simple transfert de cet instrument de paiement entraîne l’extinction de la dette).
B. Réserve des valeurs Dès que la monnaie est un moyen d’échange, il est possible de la conserver pour réaliser un achat à une période ultérieure. La monnaie donne ainsi la possibilité de transférer du pouvoir d’achat d’une période à l’autre. Elle sert donc de réserve de pouvoir d’achat. On peut alors introduire la nécessité de détenir une encaisse monétaire et donc une véritable demande de monnaie, ce qui implique que les agents économiques ont un comportement spécifique par rapport à la monnaie qui pourtant n’a aucune utilité et n’est donc pas l’objet d’un besoin. Les encaisses monétaires sont constituées par les agents pour diverses raisons : - Pour faire face au décalage qui existe entre le moment où les agents effectuent leurs dépenses (étalées dans le mois pour le ménage) et le moment où ils perçoivent leurs revenus (en fois de mois pour les salariés). - Pour constituer une réserve de monnaie pour des dépenses imprévues ou pour saisir toute opportunité (placements financiers, acquisition de biens....). A travers la fonction de réserve de valeur, la monnaie est considérée comme un actif de patrimoine et devient une forme que peut prendre la richesse. Les agents économiques peuvent en effet détenir leur patrimoine sous forme d’actifs réels (immeubles, terrains…or), d’actifs financiers (obligations, actions), d’actifs liquides (billets et dépôts à vue) ou quasi-liquides (dépôts à terme, bons du Trésor).
C. La monnaie, unité de mesure des valeurs (unité de compte) Le Troc ne permettait de déterminer la valeur d’une marchandise que par rapport à celle avec laquelle elle avait été échangée. Avec la monnaie, qui constitue un étalon de mesure des valeurs, on ramène les multiples évaluations de chaque bien en termes de tous les autres à une seule évaluation, par rapport uniquement à l’unité de compte. La monnaie est ainsi une unité de mesure commune grâce à laquelle, les prix individuels des différents biens et les transactions sont évaluées dans un langage chiffré commun à tous les membres de la communauté. Le nombre de prix à calculer a ainsi diminué.
II. LA CONCEPTION ESSENTIALISTE DE LA MONNAIE Il s’agit ici de définir la nature de la monnaie, qui n’est pas conçue comme un bien économique. • Karl Marx (1818-1883) considère que la monnaie est inhérente aux rapports marchands. Dans une économie de marché, le travail fait l’objet d’un usage privé et la monnaie assure la socialisation des travaux publics. La monnaie est ainsi un rapport social. • Les auteurs de l’Ecole historique allemande ont développé une approche étatique de la monnaie. Cette dernière reposerait sur le pouvoir souverain de l’Etat, elle aurait un caractère fondamentalement politique. • Le courant institutionnaliste (Ecole de la Régulation, courant des Conventions), Michel Aglietta et André Orléan ont présenté une théorie de la violence de la monnaie. La société serait née lorsque le groupe a su dévier la violence mimétique sur un tiers (bouc émissaire, échange, monnaie). L’échange et la monnaie se seraient ainsi substituer au rapt et à la prédation (Rachline, 1993).
III. LES FORMES DE LA MONNAIE La monnaie, en tant que fait économique, repose sur la distinction entre monnaie marchandise, monnaie en espèces et monnaie fiduciaire. A. La monnaie marchandise tout début de l’utilisation de la monnaie, les gens étaient méfiants et n’acceptaient pas un objet qui représentait une valeur mais n’avait pas de valeur en soi. Un objet utilisé comme monnaie, devait avoir une valeur intrinsèque, c’est-à-dire une valeur due à son utilité inhérente. Divers objets ont ainsi été utilisés comme monnaie, on parle ainsi de monnaie marchandise. Des objets symboliques furent ainsi employés : les « monnaies haches » de la fin de l’âge de bronze (découvertes en Bretagne) ; les outils en Chine, notamment les pelles à manche creux (dynastie des Zhous, 580 – 576 AV JC); le sel pour payer les légionnaires romains (origine du mot salaire); les anneaux d’esclave (les manilles) et les coquillages (les cauris) en Afrique.
Hache Hache Pelle chinoise Coquillages Anneaux d’esclave
La monnaie marchandise la plus connue fût cependant la monnaie métallique. Si les métaux tels que le cuivre, le fer, le bronze ont constituées les premières monnaies, ce sont les métaux précieux (or et argent), en raison de leurs qualités particulières, qui se sont progressivement imposés comme instruments monétaires. Quatre qualités essentielles de l’or et l’argent peuvent être présentées : - leur inaltérabilité (l’or et l’argent peuvent être stockés sans inconvénients) - leur divisibilité (il est possible d’obtenir des éléments de dimension voulue, la valeur de ceux-ci étant proportionnelle à leur poids). - leur malléabilité (les métaux précieux peuvent recevoir l’empreinte d’un symbole monétaire) - leur simplicité (une valeur importante pour un faible volume) Les métaux précieux ont subi de nombreuses modifications dans leur utilisation comme monnaie, ce qui a permis de favoriser considérablement les transactions. A Babylone et en Egypte, l’or et l’argent circulent sous forme de lingots sans poids ni forme déterminés : il faut donc mesurer le poids du métal et sa pureté lors de chaque paiement. On parle de monnaie pesée.
B. La monnaie en espèces - Vers 800 A.V J.C, les lingots prennent un poids et une forme déterminés donnant naissance aux pièces métalliques. On parle de monnaie comptée. L'invention des premières pièces métalliques en Occident fut l'œuvre des Grecs d'Asie Mineure au VIIe siècle avant Jésus-Christ. Ces pièces eurent tout d’abord pour but de satisfaire l’ego des cités (effigie de la chouette pour Athènes) et de leurs dirigeants. Il en va ainsi des pièces en électrum (alliage d'or et d'argent charrié par le fleuve Pactole [d’où l’expression « toucher le pactole ») frappées à Sardes par le roi Alyattès, qui régna sur la Lydie entre 610 et 560 avant JC. Ses pièces portaient son emblème, une ou plusieurs têtes de lion. Elles pouvaient s'échanger localement comme de quelconques bijoux. De leur côté, les Chinois adoptèrent des pièces de métal (espèces) mais, fidèles à leur passé, ils donnèrent à leurs pièces la forme d’outils. C’est ainsi qu’est née, en Chine, la monnaie-pelle : il s’agit d’une monnaie qui ressemblait à une petite pelle.
Les premières pièces métalliques qui furent frappées, au Vème siècle avant Jésus-Christ, sur le territoire français, semblent l'avoir été dans la région de Marseille, très tôt colonisée par les grecs.
- Durant l’Antiquité, les pièces sont frappées par les autorités qui garantissent ainsi la valeur des pièces, c’est à dire le titre et le poids du métal qu’elles contiennent. On parle de monnaie frappée. Dès lors que leur valeur, autrement dit leur poids en métal précieux, était garantie par un roi ou une association de marchands, ces pièces pouvaient être échangées contre des marchandises beaucoup plus pondéreuses (bétail, céréales,...). La monnaie devint outil d'échange et l'échange monétaire se substitua peu à peu au troc traditionnel (marchandise contre marchandise). Parmi les monnaies grecques qui influencèrent les frappes monétaires anciennes, une mention particulière doit être faite des pièces macédoniennes dont la diffusion accompagna, à la fin du IVème siècle avant Jésus-Christ, les succès des rois de Macédoine (Philippe II et Alexandre le Grand). Les conquêtes d’Alexandre le Grand, entre 334 et 324 avant J.-C. étendirent le champ d’utilisation et d’acceptation des pièces grecques. L’acceptation des pièces grecques dans d’autres pays que la Grèce reflète l’expansion de l’activité économique à cette époque. Le commerce international se développait et les commerçants des différents pays devaient pouvoir régler leurs comptes. La civilisation grecque constitua la puissance commerciale et monétaire dominante. Stratère d’or de Philippe II de Macédoine
Dès lors, les nations dominantes sur le plan militaire furent également dominantes sur le plan économique. Ainsi, avec l’essor de l’empire romain, les pièces romaines vinrent remplacer les pièces grecques comme monnaie d’échange entre les nations. L’importance de la force et des activités militaires dans la société romaine fût très vite retranscrit en matière monétaire. Comme les Romains fabricaient leurs armes avec du bronze, les premières pièces romaines furent généralement coulées dans ce métal. - C’est en 269 avant JC, qu’entra en activité le premier atelier monétaire. Les Romains installèrent leur atelier de frappe des sesterces sur le Capitole, à proximité du temps de la déesse Junon, protectrice du foyer et pour cette raison surnommée «Moneta» (en d’autres temps, les oies du temple avaient prévenu les Romains d’une attaque des gaulois, ce qui avait valu à la déesse Junon le qualificatif d’avertisseuse, du latin monere, conseiller). De là découle l'appellation donnée aux pièces, dont nous avons fait monnaie (money en anglais, moneda en castillan,...). Les romains finirent par battre une pièce d’argent — qu’ils appelèrent denier — qui valait dix pièces de bronze et représentait le salaire d’une journée de travail pour un ouvrier spécialisé. Par la suite, Auguste réorganisa le système monétaire romain sur le principe du trimétallisme. L'aureus pesait environ 8g d'or, sa parité avec le denier d'argent était fixée à 1/25, le denier lui-même équivalait à 4 sesterces de bronze.
Avec le développement de l'Empire, le système monétaire romain s'impose largement. Monnaies d'échange, les pièces deviennent aussi des instruments de propagande à la gloire de l'empereur (denier de César). Les pièces représentèrent rapidement le statut d’une société, particulièrement dans les civilisations anciennes. Avec le déclin de l’empire romain, on utilisa de moins en moins d’argent dans les pièces d’argent, ce qui reflète bien la chute de leur pouvoir économique. Les pièces finirent par être fabriquées en cuivre et plaquées argent. Finalement, vers la fin de l’empire, ellles furent entièrement en bronze.
L'instabilité politique et la décadence de l'Empire s'accompagnent d'une dégradation de la monnaie. Pour enrayer ce mouvement, Constantin Ier, en même temps qu'il tente de réorganiser l'Empire au début du IVème siècle après Jésus-Christ, met en circulation une nouvelle pièce d'or conçue pour durer et servir de référence : le solidus. Après la dislocation de l'Empire romain, l'usage de cette monnaie se perpétue encore longtemps à Byzance. En Occident, même si sa circulation se réduit plus rapidement, il continue à jouer un rôle d'unité de compte. Francisé en "sol" ou "sou", le terme a traversé les siècles jusqu'à nous. Solidus de Constantin
- Au moyen âge, en 781, Charlemagne, faute d'approvisionnement suffisant en or, met en circulation une nouvelle monnaie de référence, le denier d'argent (de 1,36g à 1,80g d'argent). Un nouvel étalon apparaît, la livre équivaut à 240 deniers. Le nouveau système monétaire prend ainsi la forme suivante : 1 livre = 20 sous de 12 deniers = 240 deniers Denier de Charlemagne Par la suite, les souverains tenteront de prendre le monopole de la frappe de la monnaie. Sous le règne de Charles le Chauve (840-877) apparaît la formule latine Gratia dei rex (roi par la grâce de Dieu) qui perdurera jusqu'au XVIIIème siècle. Le métal est transformé en instruments monétaires, des pièces frappées dans des organismes spécialisés (Hôtels des Monnaies), représentant un pouvoir politique (le Prince), qui achètent le métal à prix fixe et arbitrairement déterminé, dit prix légal. A cette occasion, la quantité de métal contenue dans la pièce est pesée et certifiée par l’apposition d’une marque officielle.
- Après l'éclatement de l'Empire carolingien, les autorités religieuses et politiques se partagent le pouvoir et créent leurs propres monnaies. Après chaque conquête, Philippe Auguste (1180-1223) impose le denier tournois frappé à son nom comme seule monnaie. Le développement du commerce entraîne une concurrence des monnaies étrangères (florin de Florence, Ducat de Venise). Afin d’enrayer cette situation, Saint Louis (1226- 1270) fait frapper le « gros tournois », pièce d’argent qui fût la première matérialisation du sous dans l’histoire monétaire française. L’ECU est également créé, d’une valeur de 10 sous-tournois. - C'est sous le règne de Charles VI, en 1389, que fut instauré un système de marquage des pièces pour mieux contrôler les ateliers monétaires répartis dans le royaume. Ce système dit "du point secret" permet d'identifier l'atelier d'où provient une monnaie. Chaque atelier doit ainsi placer un point ou un annelet sous une lettre de la légende de chaque pièce fabriquée. - Le milieu du XVème siècle voit naître en Italie l'art de la médaille. Rapidement, des pièces sont frappées à l'effigie de leur émetteur. Elles sont appelées "testons" (de testa, tête). Louis XII est le premier roi de France (1498 – 1515) dont le portrait apparaît sur des pièces de monnaie, d'abord dans les cités italiennes nouvellement conquises puis en France.
Durant la période de la Renaissance (1443 – 1558), l’amélioration des techniques de fabrication (frappe au balancier inventée par l’orfèvre allemand Marx Schwab, en 1550) permet au roi de mettre son portrait sur les pièces. En France, Henri II (1547-1559) imposera cette nouvelle technique. Huit à douze hommes se relaient tous les quarts d'heure pour manœuvrer les bras entraînant la vis qui frappe les médailles. Avec la frappe au balancier, il devient possible de fabriquer en une minute, une trentaine de pièces homogènes et de qualité. Un tel progrès se heurte toutefois à l'opposition des ouvriers monnayeurs dont la seule richesse réside dans le savoir-faire manuel indispensable pour la frappe au marteau. L'usage du balancier reste donc initialement limité. Il faudra attendre Louis XIV (1643 – 1715) pour voir imposer, sous la pression du graveur général, Jean Warin, cette technique de fabrication dans l'ensemble des ateliers monétaires du royaume. Cette représentation du portrait du roi sur les monnaies traduit à sa manière l'évolution politique vers la monarchie absolue. Ce mouvement conduira à désigner les pièces par le nom du monarque.
- C'est sous le règne de Louis XIII, en 1640, que naît le louis d'or. Cette pièce émise initialement pour une valeur de 10 livres tournois, va devenir pour longtemps la monnaie française de référence. Si la qualité artistique des pièces ne se dément pas, la valeur de la monnaie ne connaît pas la même stabilité et le règne de Louis XIV (1643 – 1715) sera marqué par diverses mutations monétaires appelées réformations. Les pièces retirées de la circulation sont refrappées pour être réémises à un cours majoré. C'est à l'occasion de telles manipulations monétaires qu'apparaissent en France les premières formes de monnaie papier : les billets de monnaie. - La première monnaie internationale des temps modernes nous vient de Vienne. En 1750, pour renouer avec le succès du Reichsthaler de l'empereur Ferdinand 1er (1559), l'impératrice Marie Thérèse de Habsbourg fait frapper un thaler en or à son effigie . L'or vient des Monts Métallifères de Bohême. Le Maria Theresien Thaler va très vite devenir une monnaie internationale très prisée dans les colonies espagnoles et anglaises d'Amérique, et jusqu'en Afrique orientale. Après la mort de la souveraine, en 1780, elle continuera d'être frappée avec la date de 1780 (rappelons que le mot dollar est une déformation du mot thaler, la monnaie de Marie-Thérèse de Habsbourg ayant été la première utilisée par les planteurs d'Amérique du nord).
- Les XVII et XVIII siècles seront marqués par l’instauration de systèmes monétaires métalliques, reposant sur le bimétallisme, or et argent. Ces systèmes cherchent à organiser le moyen de garantir la stabilité des monnaies métalliques face à l’arbitraire politique en imposant une règle concernant la définition et l’usage de la monnaie nationale, notamment par une relation fixe entre l’unité monétaire et une quantité de métal précieux ainsi que la mise en oeuvre de la frappe par un organisme spécialisé. En France, un tel système repose sur le franc germinal, introduit en mars 1803. Les francs sont des pièces d’argent et d’or qui circulent pour les paiements et qui ont un pouvoir libératoire illimité (tout débiteur peut s’acquitter d’une dette au moyen de pièces d’or et d’argent, ce qui lui confère cours légal). Ce système s’inspire des principes libéraux comme la libre frappe des monnaies (quiconque possède le métal peut l’apporter à l’Hôtel des Monnaies pour le faire diviser, possibilité d’échanger des pièces contre des lingots) toutefois seule la loi peut modifier le rapport officiel entre les deux métaux (le franc était alors défini selon un rapport légal entre l’or et l’argent soit 1g d’or égal 15,5 g d’argent).
Vers la seconde moitié du XIXème siècle, le système du bimétallisme évoluera vers le monométallisme du fait des rapports entre le métal monnaie et le métal marchandise. En effet, les pièces du métal le plus apprécié sur le marché furent l’objet de spéculation (le cours des métaux précieux fût largement influencé par la découverte des mines d’or et d’argent) et de thésaurisation grâce aux possibilités de transformation. Ainsi si l’argent se déprécie par rapport à l’or sur le marché, ce dernier sera thésaurisé. On assiste alors à une rivalité entre les deux métaux marqué par le triomphe du monométallisme-or. Il est instauré en Grande Bretagne dès le début du 19ème siècle, puis en Allemagne et aux Etats Unis, et en France en 1876. Ce phénomène est plus connu sous le nom de Loi de Gresham : «Lorsque deux monnaies circulent dans un pays, la mauvaise a tendance à chasser la bonne ». Comment expliquer ce phénomène ? Considérons un agent qui reçoit deux pièces d’or sensées avoir la même valeur monétaire. La première est composée d’or pur alors que la seconde est composée de 50% d’or pur et de 50% d’argent. Chaque pièce possède officiellement le même pouvoir d’achat. Cependant, la seconde a moins de valeur que la première et cela est parfaitement connu. Si ces deux monnaies circulent en même temps, les agents économiques vont garder la monnaie composée entièrement d’or pur et utiliser l’autre pour le règlement de leurs transactions.
- A la veille de la première guerre mondiale, règne le système monétaire international dit de l’étalon-or sous l’égide de l’Angleterre, c’est à dire réglementé par la politique monétaire et les interventions de la Banque d’Angleterre. Toutes les monnaies sont alors définies en un poids d’or et les taux de change entre elles sont donc des rapports de quantités physiques d’or. Malgré quelques expériences, la première guerre mondiale est marquée par l’abandon des mécanismes de l’étalon-or. Cette suspension s’explique principalement par le développement d’autres formes de monnaie et de crédit lié aux nécessités des dépenses de guerre et de l’impossibilité de satisfaire aux exigences de convertibilité en métal de ces instruments. Certains pays comme la Grande-Bretagne (1925), la France, ont tenté de rétablir l’ancien système. On instaure en France, dès 1928, l’étalon lingot d’or. Le franc est convertible à nouveau en or, mais seulement en lingots d’un poids minimum de douze kilogrammes et non plus en pièces, afin d’économiser l’or. La crise de 1929 et ses suites contraindront l’ensemble des pays à abandonner toute convertibilité en or même en lingots. L’or ne jouera plus aucun rôle dans les paiements et toute référence à lui aura définitivement disparu au niveau international lorsque le dollar, seule monnaie encore définie en or, en sera détaché en 1971 avec la fin des Accords de Bretton Hoods.
3. La monnaie fiduciaire La monnaie papier est acceptée en vertu de la confiance de son émetteur (d’où sa dénomination de monnaie fiduciaire). On dit également que c’est un instrument monétaire qui a une faible valeur intrinsèque en comparaison de sa valeur faciale. La mise au point de cet instrument monétaire s’est révélée relativement longue. Trois grandes étapes ont marqué l’évolution du billet de banque : Dans l’Antiquité, puis au Moyen Age, les particuliers déposent de l’or et de l’argent auprès de banquiers et reçoivent en contrepartie des billets représentatifs de ces dépôts. Le Billet est alors un certificat représentatif d’un dépôt de métal précieux. Utilisé pour effectuer des règlements, le billet ne constitue pas pour autant une véritable monnaie. C’est au Québec qu'apparaît, en 1685, la première forme française de monnaie de papier. Les espèces tardant à arriver de France, l'intendant Jacques de Meulles décide de remettre aux ayants droit des promesses de paiement manuscrites. Des cartes à jouer servent de support à ces effets dont l'usage se généralise
L’expérience s'avérera suffisamment positive pour que les émissions de monnaie de carte se poursuivent à des intervalles plus au moins réguliers. Mais la surabondance de cette monnaie conduira à sa dépréciation. En 1717, une déclaration du roi fixe le taux de reprise de ces monnaies à la moitié de la valeur de la monnaie métallique de France. L'histoire de la monnaie de carte du Canada se poursuivra encore quelques temps. Devant la pénurie chronique de numéraire, le roi de France permettra une nouvelle émission de monnaie de carte en 1729. A partir de cette date, les autorités procéderont à des émissions de cartes jusqu'à la chute de la Nouvelle-France en 1760.
Il faut attendre le XVIIème siècle pour que le banquier suédois Palmstruck procède à une réelle création du billet de banque. En émettant un nombre de billets supérieur au nombre de dépôts de métal précieux, Palmstruck fait des billets une véritable monnaie s’ajoutant à la monnaie métallique. La circulation de cette nouvelle forme de monnaie repose avant tout sur la certitude de pouvoir convertir à tout moment les billets en métal. On parle alors de billet de banque convertible. En France, Louis XIV recourt aux manipulations monétaires pour trouver une réponse aux besoins financiers de la Couronne. Dans un contexte de crise économique et sociale et alors qu'éclate la guerre de Succession d'Espagne, une nouvelle réformation est décidée en septembre 1701. Afin de laisser le temps de fabriquer les espèces nouvelles, on délivre des reçus aux porteurs. C'est l'origine des billets de monoye qui portaient intérêt et pouvaient être acceptés pour argent comptant avant de pouvoir être remboursés en numéraire. Ces billets constituèrent la première expérience de "papier-monnaie" en France. Ils circulèrent pendant une dizaine d'années, sans doute moins en réponse à une demande de la part du public, qu'en raison de dépenses publiques toujours accrues qui conduisirent à suspendre les remboursements et à procéder au renouvellement des billets à échéance. Il fallut attendre 1711 pour voir supprimer les billets de monnaie. Ceux qui étaient encore en circulation furent transformés en rentes ou, à partir de 1715, en "billets de l'Estat".
A la mort de Louis XIV, la situation économique et financière du royaume n'était guère brillante. La volonté de stabilisation est néanmoins affirmée par un arrêt de 1715 qui ordonne que le prix des espèces et matières d’or et d’argent demeure fixé pour toujours, à savoir les Louis d’Or à 14 livres. Dans le même temps , un écossais, John Law propose la création d'une banque qui émettra du papier-monnaie contre de l'or et prêtera à l'Etat le métal récolté. La solution séduit le Régent qui autorise en 1716 l'ouverture de la Banque générale qui deviendra Banque Royale en 1718. L'opération démarre bien, mais la banque est fragile puisque, ayant prêté son or à l'Etat, elle est dans l'incapacité de faire face à d'éventuelles demandes de reconversion de ses billets. Pour poursuivre ses activités, Law met en place un système ingénieux. En 1717, il fonde la Compagnie d'Occident qui obtient le monopole du commerce avec la Louisiane. En 1719, il y réunit d'autres sociétés de commerce pour créer la Compagnie perpétuelle des Indes. Les actions de sa compagnie peuvent être souscrites par apports de rentes sur l'Etat ou par paiement comptant et la banque accepte de prêter des billets à cette fin. L'opération est bien menée et les spéculateurs s'y laissent prendre. Le cours des actions de la Compagnie s'envole. La cadence d'émission des billets s'accélère. Mais la réalité des mines d'or du Mississipi et plus généralement la solidité de l'entreprise sont bientôt mises en doute. La spéculation se retourne. Law qui a réuni la Banque à la Compagnie et est devenu, au début de l'année 1720, contrôleur général des Finances a beau faire, en mai 1720 l'expérience prend fin. C'est la banqueroute. Les détenteurs de billets et d'actions sont ruinés. Law s'enfuit. Seule subsiste, grâce au pouvoir royal, la Compagnie des Indes ; réorganisée en 1722, elle ne disparaîtra qu'en 1769.
A la liquidation du système Law (1726), une stabilité durable du Louis (plus léger) fût retrouvée (en 1716, le cours du louis était égal à 30 livres, en 1718, à 36 livres). La valeur, fixée à 24 livres, allait se maintenir jusqu'en 1785. Dans les années 1770, face au manque de numéraire, des courtiers émettent des mandats pour répondre aux attentes des producteurs et des marchands. Pour éviter de s'en remettre à des initiatives locales qui se révèlent parfois dangereuses, Turgot, alors contrôleur général des finances, préside à la création de la Caisse d'Escompte en 1776. Ce nouvel établissement, qui ne porte pas le titre de banque pour éviter de rappeler le souvenir funeste de la Banque royale de Law), a initialement pour missions d'escompter des effets de commerce, de recevoir des dépôts et de faire le commerce de l'or et de l'argent. La Caisse reçoit rapidement l'autorisation d'émettre des billets en contrepartie d'opérations de réescompte. Elle se voit bientôt obligée de réserver à l'Etat l'essentiel de ses concours. Les billets se mettent à proliférer et, à plusieurs reprises, leur convertibilité doit être suspendue. Lorsque la Révolution survient, des promesses d'assignats circulent sur des billets de la Caisse d'Escompte avant que ceux-ci ne soient effectivement échangés contre des assignats en août 1790 (la Caisse disparaît en 1793).
L'origine des assignats remonte au mois de décembre 1789 lorsque fut créée la Caisse de l'extraordinaire. Celle-ci devait recevoir le produit de la vente des biens confisqués au clergé. Les assignats n'étaient que de simples avances sur la vente des biens nationaux. Ces assignats portaient intérêt.Les choses vont cependant évoluer rapidement. En septembre 1790, les assignats cessent de porter intérêt et sont reçus comme espèces sonnantes dans toutes les caisses publiques et particulières.
Le montant des émissions s'élève dans un mouvement qui s'accélère jusqu'en 1796 (560 millions de livres en janvier 1791 à 34 500 millions en février 1796) ;. Face à cette prolifération de papier-monnaie, le gage des domaines nationaux auquel on continue à faire référence devient illusoire et la valeur des assignats s'effondre (de 1791 à 1796, la valeur de 100 livres assignats chute de 96,74 à 0,50).
Le 19 février 1796, le Directoire décide d'arrêter les émissions et de détruire solennellement la planche à billets, place Vendôme. L'assignat est remplacé par un nouveau papier-monnaie, le mandat territorial. La dépréciation de cette nouvelle monnaie est si rapide qu'une seule coupure est imprimée et le 17 mai, on revient à la monnaie métallique. Ce retour a la monnaie métallique s’appuie sur le Franc. La loi sur l'Instruction publique du 7 avril 1795 (18 germinal an III) avait déjà introduit l'appellation franc pour désigner l'unité monétaire officielle. Ce texte qui fixe la nomenclature définitive des nouvelles mesures républicaines (le mètre, l'are, le stère, le litre, le gramme), précise que "l'unité des monnaies prendra le nom de Franc pour remplacer celui de Livre usité jusqu'aujourd'hui". La loi du 15 août 1795 (28 thermidor an III) a précisé les caractéristiques des nouvelles pièces d'argent. La figure d'Hercule apparaît sur la pièce de 5 francs, elle symbolise la réunion de l'Egalité et la Liberté avec la légende «Union et Force».
Il faut attendre le Consulat et l'année 1803 pour assister à une refonte générale des monnaies, mettant fin à la coexistence des pièces anciennes et nouvelles, à l'exception des monnaies de cuivre. La loi du 27 mars 1803 (7 germinal an XI) marque l’avènement du franc Germinal et reprend la définition révolutionnaire de l’unité monétaire : le franc correspond à 5 grammes d'argent au titre de neuf dixièmes de métal pur, soit un poids de 4,5 grammes, ce qui permet de retrouver un poids pratiquement égal à celui donné à la livre depuis 1726 (4,50516 grammes). La loi décide également la frappe de pièces d'argent (un quart de franc, un demi-franc, trois-quarts de franc, un franc, deux francs et cinq francs) et d'or (20 francs et 40 francs). La pièce de 1 franc portera l'effigie du Premier Consul, Napoléon Bonaparte. En définissant la monnaie par un poids fixe de métal, on réalise la fusion entre monnaie de compte et monnaie réelle. Le rôle de l'Etat devient de pure certification. La loi de germinal confirme la définition du franc en argent, mais l'or n'en est pas totalement absent. Les caractéristiques données aux pièces d'or permettent de faire ressortir la valeur du franc à 290,32 milligrammes d'or fin. Cela établit un rapport fixe de 15,5 entre l'or et l'argent, ce qui correspond au rapport fixé lors de la refonte de 1785. La double référence à l'or et à l'argent fonde de fait un système bimétalliste dont le fonctionnement provoquera certaines difficultés.
A côté de la monnaie, est élaboré un système bancaire. Il aura fallu attendre la fin de la période révolutionnaire pour qu’apparaissent en France, des banques d'émission développant leurs activités indépendamment de l'Etat (le système Law était encore dans toutes les têtes). Ce furent notamment la Caisse de Comptes Courants (1796), la Caisse d'Escompte du Commerce (1796), le Comptoir Commercial (1800). La création de la Banque de France, le 18 janvier 1800, marque une nouvelle étape dans l'histoire monétaire du pays. Le Premier Consul Napoléon Bonaparte souhaite que cette nouvelle banque, chargée d'émettre des billets, soit dans la main du gouvernement tout en bénéficiant d’une certaine autonomie. Il marque ainsi son intérêt pour cette institution en s'inscrivant le premier sur la liste des actionnaires. Au début, le champ d'action de la Banque est limité à Paris et des établissements concurrents subsistent. Dès 1803, la situation évolue et la Banque reçoit le privilège exclusif d'émission à Paris. En 1806, une crise des finances publiques et certaines restrictions au remboursement des billets, dues à une diminution de l'encaisse de la Banque, conduisent à une nouvelle réforme qui confère une plus grande autorité au gouvernement sur la direction de l'institut d'émission. Les statuts fondamentaux de 1808, qui vont régir la banque jusqu'en 1936, donnent corps à cette évolution. Ils décident aussi la création de succursales, appelées comptoirs d'escompte dans certaines villes de province
La création des premiers billets au nom de la Banque de France, intervient le 21 juin 1800 (2 messidor an VIII) : un billet de 1000 francs sera mis en circulation; un billet de 500 francs circulera un an et demi après. Quatre nouveaux billets seront émis, en 1806, 1807, 1817 et 1829. Notons que tous les billets de cette période portent des valeurs faciales élevées (500 et 1000 francs) à une époque où le salaire moyen d'un ouvrier est de moins de deux francs par jour)
Le privilège d'émission accordé à la Banque de France en 1803 et prorogé en 1806 fut progressivement étendu aux villes où elle avait installé des comptoirs d'escompte. Il fut généralisé à l'ensemble du pays dès 1848 (la province comptait 15 comptoirs, 160 en 1900 et 259 en 1928). Jusqu'à cette date, la Banque de France devait être en mesure d'assurer le remboursement à vue, en espèces métalliques, de ses billets qui pouvaient ne pas être acceptés en paiement. Les troubles de 1848 conduisirent à l'institution du "cours forcé" qui dispensait la Banque de l'obligation de remboursement de ses billets. On institua aussi le "cours légal", c'est-à-dire l'obligation pour les particuliers et les caisses publiques d'accepter les billets en paiement. Ces deux dispositions furent supprimées en 1850 puis remises en vigueur en 1870. Depuis cette date le cours légal n'a plus été remis en cause. Le cours forcé fut abandonné ou rétabli au gré de l'évolution de la situation financière du pays. L'évolution de la place du billet dans les moyens de paiement se traduit au cours du XIXème siècle par une diminution de leur valeur faciale. Cette évolution permît de pallier la pénurie de numéraire due aux conséquences de la guerre de 1870 et à la spéculation sur les monnaies métalliques (déboires du bimétallisme).
La seconde moitié du XIXème siècle se révéla funeste au système bimétalliste. Les premières difficultés résultent d'une dépréciation de l'or sur le marché à la suite de l'entrée en production des gisements aurifères californiens et australiens. L'argent métal vaut plus sur le marché mondial que l'argent monnayé des pays bimétallistes. Thésaurisé, ou fondu pour être exporté, le numéraire argent se raréfie dans la circulation. Après quelques tentatives de réponse en ordre dispersé, la France, l'Italie, la Belgique et la Suisse créent, en 1865, l'Union latine, première forme d'union monétaire entre des pays européens. Au terme de l'accord, les pièces d'or et les pièces d'argent de 5 francs restent inchangées ; les autres pièces d'argent sont transformées en monnaies divisionnaires, avec un titre réduit (835 millièmes au lieu de 900) et un pouvoir libératoire limité).
Napoléon III souhaitant étendre l'union, proposa la tenue d'une conférence, en marge de l'Exposition universelle de 1867, pour "réaliser l'unification monétaire internationale". La conférence a lieu mais n'est suivie d'aucun résultat concret. Seule, la Grèce rejoint l'Union latine en 1868. A partir des années 1870, les attaques spéculatives auxquelles est confronté le système bimétalliste s'inversent. La production d'argent est en pleine expansion et la valeur du métal diminue. Avec une quantité de ce métal payée 16 francs, on peut faire frapper quatre pièces de 5 francs et les échanger contre une pièce d'or de 20 francs. Les pays de l'Union latine sont envahis de pièces d'argent dévaluées et voient fondre leur encaisse or. Même si l'on continue à définir officiellement les monnaies en or et en argent, le bimétallisme devient de plus en plus boiteux. La frappe libre de l'argent est supprimée en France en 1876 et dans l'ensemble de l'Union latine en 1878. La Banque de France réduit progressivement ses réserves en argent au profit de l'or. Le monométallisme or s'impose peu à peu et, même s'il faut attendre 1928 pour voir l'abrogation officielle du bimétallisme, la monnaie de référence de la Belle Epoque n'est plus la pièce de 5 francs en argent mais le napoléon de 20 francs en or, encore appelé louis.
Les progrès de l'économie et les concessions libérales qui se développèrent durant la dernière décennie du second Empire furent accompagnés par la formation des bases de la banque moderne et l'année 1865 vit la reconnaissance légale du chèque bancaire. Dans le même temps, le principe du monopole d'émission des billets par la Banque de France se trouva confirmé par l'échec d'une tentative pour conserver à la Banque de Savoie son privilège d'émission après le rattachement de la Savoie à la France en 1860. L'avènement de la IIIème République n'entraîne pas de perturbations monétaires majeures en France. Sur le plan interne, l'usage du billet de banque se développe avec l'apparition de coupures de faibles valeurs faciales : un billet de 25 francs est mis en circulation en novembre 1870, rapidement remplacé par un billet de 20 francs en janvier 1871 et suivi par une coupure de 5 francs en 1872. Sur la scène internationale où l'Angleterre joue un rôle prépondérant, l'or constitue plus que jamais l'étalon de référence. Le passage du XIXème au XXème siècle fût surtout marqué par le développement de la monnaie scripturale. Les avoirs en comptes bancaires, qui correspondaient à quelque 10 % de la monnaie en circulation au milieu du XIXème siècle en représenteront plus de 40 % à la veille de la première guerre mondiale
Le XXème siècle est marqué par la déclaration de la guerre en août 1914. Cette déclaration ne prend pas totalement au dépourvu les autorités monétaires françaises. Dès le début des années 1910, la Banque de France s'est préparée à l'éventualité d'un conflit. Dans un contexte international où l'or occupe une place dominante, elle s'est efforcée d'accroître le montant de son encaisse or qui atteint 4,1 milliards de francs à la veille de la guerre. Des conventions ont en outre été passées avec le gouvernement, qui prévoient la suspension de la convertibilité des billets et un relèvement du plafond d'émission en relation avec un relèvement des avances au gouvernement. Mais on n'avait pas prévu que la guerre durerait quatre ans. La facture extérieure s'envole. On fait largement appel à l'emprunt pour financer les dépenses de guerre. Pour enrayer l'érosion des réserves en or qui menace d'atteindre la crédibilité du franc, une "campagne de l'or " est lancée. Elle permettra de compenser les ventes de métal précieux.
Ces actions permettent d'éviter une érosion des réserves d'or de la France et un effondrement de la valeur extérieure du franc. Mais le prix à payer pour un endettement particulièrement élevé sera lourd après la guerre. Si la guerre affecte lourdement les finances du pays, elle se traduit aussi dans l'usage quotidien des monnaies. Une nouvelle gamme de billets est mise en circulation qui exalte les thèmes patriotiques. Par ailleurs, la raréfaction des espèces métalliques pour les paiements de faible montant provoque l'apparition de monnaies de nécessité aux formes les plus diverses. Monnaie en carton, 1917 Billet de 5 francs de la femme à casques, 1917
Sous certains aspects, la monnaie française semble avoir relativement bien traversé la Grande Guerre. Entre 1914 et 1918, le franc a perdu moins de 5% de sa valeur vis-à-vis du dollar et de la livre sterling; les réserves or de la Banque de France se sont accrues d'un milliard de francs. Mais les apparences sont trompeuses. Une forte hausse de prix a érodé le pouvoir d'achat de la monnaie et le pays n'a jamais été aussi lourdement endetté. Dès 1919, la solidarité financière qui s'était établie entre les alliés cesse et il devient clair que la France ne bénéficiera d'aucune remise sur ses dettes de guerre. Les attaques contre le franc se multiplient. Dans la tourmente, l‘Union Latine est officiellement dissoute le 31 décembre 1926. Même la Banque de France est atteinte, accusée d'avoir triché dans l'établissement de ses bilans pour masquer le dépassement du plafond légal de la circulation monétaire. La sortie de crise passera par l’'arrivée au ministère des Finances de l'ancien Président du Conseil, Raymond Poincaré. Un vif débat opposait alors les revalorisateurs, qui voulaient un retour au franc d'avant-guerre, aux stabilisateurs, qui jugeaint un tel retour dangereux pour l'économie. Après 18 mois de bataille interne, la stabilisation l'emporte. Le 25 juin 1928, le franc Poincaré est officiellement défini à 65,5 milligrammes d'or au titre de 900 millièmes. Comparé au franc germinal, la dévaluation approche les 80%. Conséquence de cette réforme, on procède au retrait des monnaies d'or et d'argent.
Avec le franc Poincaré, la situation monétaire et économique de la France est redressée (réévaluation de l’encaisse or de la Banque de France, étalement de la dette vis-à-vis des Etats-Unis, finances publiques excédentaires, compétitivité de la France grâce à la dévaluation), mais pas pour longtemps. La crise de 1929 et son célèbre Jeudi noir d’octobre, vont frapper de plein fouet l’économie mondiale. Les pays, les uns après les autres, laissent leurs monnaies se déprécier. En 1933, le dollar décroche par rapport à l’or. La France, attachée au bloc or, voit sa monnaie devenir surévaluée et se coupe des reprises économiques de 1933 et 1936. Le franc Poincaré entre progressivement dans la tourmente. Le 1er octobre 1936, le franc fluctuer entre 43 et 49 milligrammes d'or, soit une dévaluation de 25 à 34%. Fin juin 1937, un décret-loi supprime la référence à l'or. Le 4 mai 1938, une nouvelle référence est donnée par rapport à la livre sterling, elle-même décrochée de l'or. Six mois plus tard, une définition or est redonnée à 27,5 milligrammes. La chute se poursuit et le franc ne vaut plus que 23,34 milligrammes d'or au titre de 900 millièmes (soit 21 mg d'or fin) en février 1940 Pour beaucoup, les années trente sont associées aux pièces percées. Ces monnaies de faibles valeurs faciales (5, 10 et 25 centimes) initialement frappées en nickel, étaient fabriquées dans un alliage de cuivre et nickel; puis en maillechort (alliage de cuivre, zinc et nickel) à partir de 1938.
La dévaluation de 1938 et le plan d'accompagnement mis en place sous l'égide du Ministre de Finances, Paul Reynaud, ont permis d'amorcer un redressement de la situation économique et financière de la France lorsque survient la guerre en septembre 1939. La recherche de moyens financiers pour armer le pays devient alors la priorité. La valeur du franc chute à nouveau au début de 1940. La Banque de France organise, avec le concours de la marine nationale, l'évacuation outre mer de son stock d'or. Avec la défaite militaire, la France se voit imposer un véritable diktat monétaire. Le franc devient une monnaie satellite du mark : il lui est lié par une parité fixe de 20 francs pour un Reichsmark, taux hautement avantageux pour l'occupant puisqu'on estime qu'un taux raisonnable aurait été de 11 ou 12 francs pour un mark. Grâce à un tel taux de change, mais aussi à d'autres dispositions, les Allemands organisent avec méthode et efficacité la ponction sur l'économie française. De son côté, la politique des finances publiques laisse croître fortement la dette (multipliée par environ 3,5 entre 1940 et 1944) dont une partie non négligeable est constituée en avances de la Banque de France. De nouvelles pièces de 50 centimes, 1 franc et 2 francs font leur apparition. La francisque de l'Etat français y est gravée dans l'aluminium et la nouvelle devise Travail, Famille, Patrie remplace la devise républicaine Liberté, Egalité, Fraternité.
En outre, et pour la première fois depuis la chute du Second Empire, une monnaie est frappée à l'effigie du chef de l'Etat (le Maréchal Pétain). Il s'agit d'une pièce de 5 francs en alliage de cuivre et nickel, qui ne circulera jamais.
A la libération, on assiste à une profusion de monnaies apportées par les alliés. Ces monnaies sont libellées en francs mais leur impression est américaine. C’est ainsi qu’une pièce de 2 francs, fabriquée aux Etats-Unis, à l'atelier de Philadelphie, est mise en circulation à l'arrivée des troupes américaines sur le territoire français. Le 4 juin 1945, il est décidé de retirer de la circulation l'ensemble des billets d'une valeur supérieure ou égale à 50 francs. En contrepartie, les déposants, (qui ont douze jours pour procéder au changement) se voient remettre des coupures de réserve de 300 francs et de 5000 francs .
Sur le plan international, la fin de la seconde guerre mondiale voit la mise en place des accords de Bretton Woods qui définissent les nouvelles règles du système monétaire international. Un régime de parités fixes, ajustables de façon exceptionnelle, avec des marges de fluctuation limitées à plus ou moins 1 % est institué. Ces parités sont définies par rapport à l'or ou à une monnaie convertible en or. Pour le franc, cette nouvelle parité est fixée à 7,46 milligrammes d'or fin.Dans les faits, le nouveau système concrétise la primauté du dollar américain. Le lendemain de la seconde guerre mondiale est caractérisé par un dérapage de l'inflation. Cette situation a des causes multiples : pléthore de monnaie face à une insuffisance de l'offre, déficits budgétaires massifs justifiés par la volonté de reconstruction et de réarmement, forte pression salariale... De 1944 à 1948, le franc perd près de 80 % de son pouvoir d'achat à l'intérieur du pays. La dépréciation de la valeur externe de la monnaie est inévitable. Entre 1944 et 1949, la valeur du dollar est multipliée par 7. Les dévaluations se succèdent et, en septembre 1949, le franc ne vaut plus que 2,54 milligrammes d'or fin. Signe de cette dégradation du pouvoir d'achat de la monnaie, la montée des valeurs faciales (billet de 1000 F et 10 000 F) sur les coupures émises par la Banque de France durant les années 1950