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La détention des demandeurs d’asile et autres non- citoyens au Canada

La détention des demandeurs d’asile et autres non- citoyens au Canada. Janet Cleveland, Ph.D. Chaire de recherche en droit international des migrations de l’Université de Montréal et Centre universitaire de santé de McGill Bénévole à Action Réfugiés Montréal.

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La détention des demandeurs d’asile et autres non- citoyens au Canada

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  1. La détention des demandeursd’asile et autres non-citoyens au Canada Janet Cleveland, Ph.D. Chaire de recherche en droit international des migrations de l’Université de Montréal et Centre universitaire de santé de McGill Bénévole à Action Réfugiés Montréal

  2. Pourquoi la détention? • Un des moyens utilisés par l’État pour exercer un contrôle sur les personnes qui entrent au pays • En pratique: un moyen de dissuasion   • Notion que l’ ‘étranger’ a moins de droits que le citoyen • Tension entre deux prémisses : • Chaque État a le droit de déterminer à quelles conditions les étrangers entreront au pays, et  • Obligation d’accueillir toute personne dont la vie serait en danger si elle était renvoyée dans son pays (demandeur d’asile)

  3. Qui estdétenu? • Certains demandeurs d’asile • Des non-citoyens soumis à une ordonnance de renvoi parce que: • Leur demande de statut de réfugié a été rejetée et leurs recours sont épuisés • La personne est entrée ou a vécu au Canada de façon irrégulière • La personne a commis des actes criminels sérieux ou multiples

  4. Motifs de détention de demandeurs d’asile • Identité: doutes de l’agentsurl’authenticitéou la suffisance des papiersd’identité • Pourtant: la Convention de Genève ditqu’unréfugié ne peutêtresanctionnéparcequ’ilestentré au pays de façonirrégulière, avec de faux documents, etc. • Personnepossiblement inadmissible (ex., pour faussesdéclarations) et qui risque de ne pas se présenter à une audience sur son admissibilitéourenvoi • Personnepossiblement inadmissible pour des motifs de sécurité, de criminalité grave, etc. (rare) Donc: surtout des motifs administratifs

  5. Exemples de demandeurs d’asile détenus • Journaliste de la RDC – fuit le Congo après avoir été battu et torturé pour ses reportages critiques du régime • Voyage avec un faux passeport • Ne demande pas immédiatement le statut de réfugié • Porterait le même nom qu’un fraudeur en France • Femme âgée, peu instruite, qui prétend fuir le régime vénézuélien • Ne parle pas espagnol • Faux documents et une histoire (très peu crédible) achetés d’un passeur au gros prix (toutes ses économies)

  6. Nombre et durée des détentions en 2005-2006 Canada • Plus de 12,000 personnes détenues en rapport avec l’immigration • 3 centres de détention spécialisés + prisons provinciales au besoin • Près de la moitié détenue 48h ou moins Québec • Centre de Prévention de l’Immigration (CPI), Laval: environ 1700 détenus • Durée moyenne: 17 jours • Si la moitié reste 48h, l’autre moitié est détenue en moyenne 32 jours • Environ 200 transférés à la prison provinciale de Rivière-des-Prairies (surtout pour criminalité, parfois pour problèmes de santé mentale) Toronto • 5600 personnes détenues au Toronto Immigration Holding Centre - Durée moyenne: 28 jours • Prisons provinciales: 2500 personnes • Souvent par manque de place au TIHC • Souvent en contact avec des criminels, ce qui contrevient aux Régles minima pour le traitement des détenus - Durée moyenne: 123 jours

  7. Population au CPI de Laval • Proportion de demandeurs d’asile? • Pas de chiffres officiels • Estimé : 50 à 60% des personnes détenues • 75-85% hommes, 15-25% “femmes et enfants” • Motif le plus souvent invoqué: doutes sur l’identité • Pays d’origine: pays africains surreprésentés (attribué à la facilité d’y obtenir de faux documents et la difficulté d’en vérifier l’authenticité)

  8. Procédure de révision de détention • Audience devant un commissaire de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) après 48h, 7 jours, et ensuite aux 30 jours • Mais: pouvoir d’intervention limité du commissaire • Par ex., si l’identité est l’enjeu • Il suffit que l’ASFC démontre qu’elle “fait des efforts valables pour établir l’identité de l’étranger » • Le détenu doit démontrer qu’il coopère en fournissant à l’ASFC les renseignements pertinents pour établir son identité, mais même s’il coopère il restera généralement incarcéré tant que son identité n’est pas établie à la satisfaction de l’ASFC

  9. Conditions – CPI Laval Une prison • Entourée d’un mur surmonté de barbelé • Portes vérouillées avec un système de contrôle centralisé • Gardiens de prison • Caméras de surveillance partout • Déplacements seulement escorté par un gardien • Horaire rigide (réveil, repas, coucher, etc.) • Détenus menottés aux mains et pieds lors des déplacements à l’extérieur du CPI (pour aller à une audience ou à l’hôpital) • Détenus généralement désignés par leur numéro de chambre • Pour les visiteurs: Obligation d’obtenir une attestation de sécurité (‘security clearance’) pour y entrer, sauf à la salle des visites pendant les heures de visite • Obligation de passer à la fouille électronique (comme à l’aéroport) • Avocats ont accès pour rencontrer leurs clients (salles d’entrevue)

  10. Conditions – CPI Laval (suite) • Une unité pour hommes, autre unité pour femmes et enfants • Unité hommes • Dortoirs de 20 à 40 personnes + salles communes • Activités: TV, ping-pong, hockey sur table, cartes, quelques jeux de société et livres • Unité femmes et enfants • Dortoirs de 4 à 8 personnes + salle commune • Activités: TV, quelques jeux de société et livres, petite salle d’exercice avec musique • Possibilité de recevoir des visites (2h l’après-midi, 2 h le soir) • Site éloigné du centre-ville (bureaux d’avocats) – peu d’avocats s’y rendent

  11. Services au CPI • Une infirmière sur place quotidiennement • Un médecin deux fois par semaine pour examens de dépistage (maladies contagieuses) et pour voir cas référés par l’infirmière • Face aux nombreux problèmes d’anxiété, d’insomnie, de dépression, etc., le médecin ne peut que prescrire des médicaments – pas de ressources pour l’écoute active ou le soutien • Poste de travailleuse sociale vacant depuis février 2006 • Si besoin de services médicaux qui ne peuvent être fournis sur place – transfert à l’hôpital en menottes • Les personnes détenues sont très réticents à aller à l’hôpital – sentiment intense de honte, l’impression d’être vu comme un dangereux criminel • Pas d’interprètes (plusieurs détenus parlent ni français, ni anglais) • Action Réfugiés Montréal essaie de répondre aux besoins non-comblés, mais avec très peu de moyens

  12. Effets sur la santé mentale et l’image de soi • Réactions: choc, angoisse, sentiment d’humiliation, sentiment d’injustice, sentiment d’impuissance et apathie • Écroulement de l’image du Canada comme pays défenseur des droits de la personne • Injustice d’être traité comme un criminel alors que la très grande majorité n’ont commis aucun acte criminel et ne sont pas dangereux • De nombreux demandeurs d’asile ont subi de la violence, ont souvent des symptômes post-traumatiques • Stress lié à la privation de liberté, l’incertitude, la durée indéterminée de la détention, le peu de pouvoir face à une machine bureaucratique, le manque d’intimité (dortoir), etc.

  13. Manque de soutien adéquat face à des personnes vulnérables: Exemple Cas d’une demandeur d’asile originaire d’un pays africain qui a accouché pendant sa détention - Elle demande à son avocate de l’accompagner pendant l’accouchement – important pour elle d’être soutenue par au moins une femme amie - La direction du CPI refuse d’accorder l’autorisation à l’avocate d’être présente lors de l’accouchement – La femme accouche seule, accompagnée seulement du personnel de l’hôpital et d’un garde de prison (féminin) – Son avocate “l’accompagne” au téléphone cellulaire

  14. Revendications Revendications à long terme • Personne ne devrait être détenue à moins qu’il n’y ait des motifs sérieux de croire qu’elle représente une menace • Les demandeurs d’asile ne devraient pas être détenus sauf dans des circonstances très exceptionnelles, et jamais en raison de l’insuffisance des papiers d’identité Revendications à plus court terme • Utiliser davantage des alternatives à la détention, surtout pour les personnes vulnérables (par ex., libération sous cautionnement, ressources communautaires) mais sans normaliser ce ‘moindre mal’ • Améliorer les conditions de détention, par ex: éliminer les menottes, engager une travailleuse sociale, organiser plus d’activités, etc. • S’assurer que les personnes détenues pour des motifs d’immigration ne côtoient pas des personnes condamnées pour des actes criminels Etc....

  15. Certificats de sécurité • Loi de l’immigration permet d’arrêter un non-citoyen vivant au Canada en vertu d’un ‘certificat de sécurité’ émis par deux ministres sur la foi d’allégations du SCRS que la personne est une menace pour la sécurité nationale – mais aucune accusation formelle • Actuellement: Adil Charkaoui (de Montréal) et 4 autres hommes sont soumis à des certificats • Certificat largement basé sur des renseignements secrets que ni l’individu, ni son avocat n’ont le droit de connaître • Donc: impossible de les réfuter • Menacés de renvoi dans le pays d’origine en dépit du risque grave de torture ou d’exécution (admis par le gouvernement et les tribunaux) • Détenus pour des périodes indéterminées allant jusqu’à 7 ans ou libérés sous des conditions extrêmement sévères • ‘Preuves’ secrètes: surtout du ouï-dire, notamment des résumés de rapports provenant de services de renseignements étrangers (par ex., la Syrie, l’Égypte) et basés sur des allégations d’informateurs ou sur des déclarations faites sous la torture

  16. Certificats de sécurité (suite) • Anciennes dispositions déclarées inconstitutionnelles par la Cour suprême en 2007 parce que contraires à la Charte canadienne des droits de la personne • Mais: le gouvernement a remplacé l’ancien régime par un régime sensiblement identique et a ré-émis les certificats de sécurité contre les mêmes personnes • Seuls éléments nouveaux: • La présence d’un avocat spécial qui peut examiner la preuve secrète du gouvernement et contre-interroger ses témoins, mais ne peut pas communiquer avec la personne visée par le certificat ou son avocat • La prohibition de l’utilisation de preuves obtenues par la torture (amendement ajouté par les partis d’opposition) • Revendications: • Abolir le régime de certificats de sécurité • Que les non-citoyens aient le droit à un procès basé sur le droit criminel au même titre que les citoyens Pour plus de renseignements: www.adilinfo.org

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