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Action humanitaire et changement climatique. « L'action humanitaire à l'heure du changement climatique » : Marie-Claire Daveu Sciences Po, le 16 octobre 2009.
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Action humanitaire et changement climatique « L'action humanitaire à l'heure du changement climatique » : Marie-Claire DaveuSciences Po, le 16 octobre 2009
Les impacts humains du changement climatique1.1. Le changement climatique, un défi humanitaire majeur, un défi critique pour l’action humanitaire • a) Le changement climatique, un défi humanitaire majeur : - Selon le rapport du Forum humanitaire mondial, « Human Impact Report : Climate Change – The Anatomy of a Silent Crisis », mai 2009: Le changement climatique a aujourd’hui un impact sur la vie de 325 millions de personnes. • Ce nombre devrait plus que doubler en vingt ans et représenter 10 % de la population mondiale. • - D’après le rapport d’OXFAM, « Le droit de survivre », (avril 2009), basé sur les données portant sur 6.500 catastrophes climatiques depuis 1980 : • Les crises climatiques devraient affecter plus de 375 millions d’individus chaque année d’ici à 2015, (contre 250 millions aujourd'hui), soit une augmentation de 54 % des victimes. D’où un impact significatif sur le système d'aide humanitaire. Cette estimation ne prend pas en compte les victimes de conflits armés ou de catastrophes naturelles comme les tremblements de terre ou les éruptions volcaniques.
b) Le changement climatique, un défi critique pour l’action humanitaire • des implications considérables sur tout l’éventail des questions de développement humain : la santé, la sécurité alimentaire, la pauvreté, l’accès à l’eau, la cohésion sociale, les migrations et déplacements de populations, etc. Schéma 1. The links from increased emissions to human impact Source: Rapport du Forum humanitaire mondial, mai 2009
1.2. Les impacts sur la sécurité alimentaire • Les problèmes, de plus en plus graves, liés aux pénuries alimentaires constitueront le plus grand défi à relever dans le cadre des opérations humanitaires actuelles selon OCHA. • Les changements climatiques représentent également une variable importante influant sur les possibilités de production. En effet, ceux-ci renforceront les risques de contraintes hydrologiques tout autant que les risques d'inondations, voire d'inondations graves, et entraîneront un déplacement des frontières de production. • D’autres pays, situés par exemple dans le Pacifique, risquent de voir leur subsistance alimentaire menacée par le blanchiment du corail, qui affecte la chaîne alimentaire locale. • Selon les estimations du Forum humanitaire mondial (op. cit), dans 20 ans, en raison du changement climatique : • le nombre de personnes souffrant de la faim pourrait doubler pour atteindre 75 millions ; • la production alimentaire mondiale connaîtrait une réduction de 50 millions de tonnes, entraînant une hausse de 20 % des prix alimentaires ; • dans certaines parties de l’Afrique, le changement climatique pourrait réduire les récoltes de moitié d’ici 2020. De manière plus précise, d’après le rapport d’OXFAM, (op. cit.), avec l'augmentation des températures, l'Afrique subsaharienne perdrait 2 milliards de dollars par an, simplement parce que la viabilité d'une seule culture, le maïs, est en déclin.
1.3. Les impacts sur la santé a) des risques de recrudescence de maladies infectieuses • Avec l’évolution des précipitations, certaines épidémies mortelles (malaria ou fièvre de dengue, notamment) se déclareront dans des régions auparavant considérées comme protégées. L’amenuisement des sources d’eau entraînera une recrudescence du choléra et de la diarrhée, deux causes de décès fréquentes. • Le changement climatique devrait toucher les insectes pathogènes dont la biologie est liée à la pluviométrie et à la température. Ils peuvent être affectés dans leur distribution géographique, leur biologie, leur survie, leur fécondité. Il y a moins d’un siècle, le paludisme prévalait en Corse, en Italie du sud et au Latium, dans les Balkans… • Les changements climatiques risquent de dicter une nouvelle géographie des maladies infectieuses. • Exemple 1. On prévoit, à titre d’exemple, qu’en 2020 la maladie de Lyme aura progressé à 200km au nord de sa limite actuelle au Canada, grâce à une abondance nouvelle en tiques (le vecteur de la maladie) fomentée par un climat adouci dans ces latitudes nordiques. • Exemple 2. Avec le réchauffement climatique, on pourrait également assister à l’escalade des maladies en altitude, là où un froid prohibiteur régnait auparavant. Les zones endémiques pour la malaria semblent par exemple déjà faire leur ascension lente le long des pentes escarpées des montagnes de Madagascar grâce à des températures plus clémentes.
b) des coûts humains et économiques • Selon les estimations du Forum humanitaire mondial (op.cit.), le changement climatique est responsable : - aujourd’hui, de 300 000 décès chaque année (OMS). • en 2030, ce nombre pourrait atteindre un demi million • et de plus de 125 milliards de dollars par an. C’est plus que le PIB des trois quart des pays du monde, et plus que le montant total de l’aide actuelle des pays industrialisés aux pays en développement. • en 2030, ces pertes pourraient avoir presque triplé et représenter 340 milliards de $.
1.4. Les impacts sur la cohésion sociale et la sécurité • a)Des conflits sociaux risquent d’éclater avec la relocalisation de familles, en raison des droits de propriété foncière traditionnels ou en lien avec l’exode des populations vers les bidonvilles des grandes métropoles. • b) Le changement climatique aura une influence notable sur les migrations et les déplacements dus aux sécheresses et aux inondations, génératrices de tensions. • c) Des risques de conflits armés liés à la réduction des ressources naturelles, mais la relation entre le changement climatique et les causes de conflit est complexe : le changement climatique contribue à augmenter les tensions des rapports entre les populations et entre les gouvernements au plan sociopolitique : manque d’eau, insécurité alimentaire, dégradation de la terre…Mais ces problèmes sont aussi causés par une combinaison de facteurs comme la pauvreté, l’inégalité et le manque ou l’absence de gouvernance. • Exemples : Les sécheresses liées aux variabilités climatiques accroissent les vulnérabilités et les conflits dans le Sahel Ouest-Africain. La migration des éleveurs du Nord vers les zones occupées par les agriculteurs a occasionné des conflits. La dégradation des terres engendre un mouvement inverse.
1.5. Les enfants et les femmes davantage vulnérables au changement climatique • D’aprèsle Rapport sur l'action humanitaire de l’UNICEF (janvier 2009), le changement climatique éprouve particulièrement les enfants, les exposant aux maladies et aux déplacements. • L'UNICEF estime que 175 millions d'enfants souffriront des conséquences de catastrophes provoquées par le changement climatique au cours des 10 prochaines années. • Des données montrent de façon convaincante que bon nombre des causes de mortalité des enfants (le paludisme, la diarrhée et la dénutrition) sont très sensibles aux conditions climatiques. • En outre, les femmes et les enfants représentent en moyenne 65 % des personnes qui seront touchées chaque année dans les dix prochaines années à venir par des catastrophes climatiques. • L'UNICEF estime que les enfants doivent, du fait de leur vulnérabilité particulière, occuper une place centrale dans les politiques mondiales, nationales et infranationales ayant trait aux changements climatiques et à la sécurité humaine.
1.6. Une « nouvelle » géographie des « points chauds humanitaires » Cette carte montre les points chauds des risques humanitaires en cas d’inondations, de cyclones et de sécheresse par rapport à la densité de population. Les secteurs en bleu recouverts de rayures représentent les zones à forte densité de population qui sont aussi les points de catastrophes majeures Source : OCHA/CARE, 2008
Cette carte est une superposition des points à haut risque et du changement de densité de la population. La carte de base montre des secteurs où il est prévu que la densité de population augmente (en bleu) et où ces régions coïncident avec de hauts risques climatiques. De tels secteurs pourraient créer des poches de grands risques humanitaires dans l’avenir. Ce sont particulièrement le Sud et le Sud-Est de l’Asie et quelques régions d’Afrique Source : OCHA/CARE, 2008
Cette carte révèle les régions où les points à risque extrême de sécheresse se superposent à des secteurs déjà considérés comme étant des zones à fort risque de conflit. Selon la carte, le changement climatique augmenterait, à l’horizon des 20 à 30 prochaines années, le risque de conflit en Asie du Sud et dans certaines régions d’Afrique orientale et centrale. Source : OCHA/CARE, 2008
2. Les défis à relever pour l’action humanitaire 2.1. Financer des risques accrus d’urgence humanitaire : • Les besoins de financement sont importants : • Pour faire face à ce besoin sans précédent d’aide humanitaire, les dépenses dans ce secteur devront être d’au moins 25 milliards de dollars par an, par rapport aux 14 milliards de dollars alloués en 2006, d’après Oxfam (loc. cit.) • Oxfam estime que nous avons besoin de $ 42 milliards de dollars de plus par an attribués à l'aide humanitaire pour satisfaire les besoins fondamentaux des populations, et $ 50 milliards par an pour aider les pays en développementà s'adapter aux effets du changement climatique. • 2.2. Bâtir un système d’aide humanitaire plus efficient Adopter une nouvelle gouvernance humanitaire face aux changements climatiques. 2.3. Repenser les relations entre l’humanitaire et le militaire ? Le changement climatique et ses impacts humains constitueun facteur d’aggravation de l’instabilité politique locale et géopolitique globale qui accélère et complexifie l’interpénétration entre sécurité humaine, sécurité climatique et sécurité militaire. • Exemple : Une intégration croissante des intérêts militaires et humanitaires aux Etats-Unis (ex : Katrina) versus un modèle français du réseau civilo-militaire, moins institutionnalisé et reposant sur une coopération plus souple.
2.4. Se reposer la question de la responsabilité de protéger • Une situation d’urgence humanitaire, la responsabilité de protéger et de soigner en somme, passe-t-elle par une coopération et un partenariat accrus entre différents acteurs ? • Et si oui, avec quelles conséquences pour l’indépendance des ONG ? La sécurité des acteurs humanitaires est-elle à ce prix ? • Le pragmatisme doit-il gouverner les conduites des acteurs humanitaires en situation de crise, c’est-à-dire consentir à des collaborations par souci d’efficacité ? • Les dispositifs institutionnels civilo-militaires sont-ils, au contraire, pour l’avenir, le gage d’actions humanitaires plus efficaces ? • La nécessité de la coopération logistique et technique entre les acteurs militaires et les ONG humanitaires au moment des catastrophes naturelles rend-elle la référence à l’indépendance humanitaire obsolète, ne serait-ce que par la force des choses et la nécessité de répondre efficacement aux crises sanitaires, le propre de l’action humanitaire ?
2.5. Agir d’avantage en amont sur les changements climatiques • Face à l’ampleur des défis posés par les impacts humains du changement climatique, un nécessaire croisement entre des logiques d’action de court terme en réponse aux situations d’urgences humanitaires causées par le changement climatique et des logiques d’action de moyen/long terme relevant : des mesures d’atténuation et d’adaptation et d’adaptation, tracées dans la feuille de route de Bali ainsi que la mobilisation de technologies et de financements pour la poursuite des objectifs de la CCNUCC (voir infra). - atténuation : impératif de réduire les émissions de GES s’appliquant particulièrement aux pays développés émetteurs et aux pays émergents; moyens : séquestration biologique du CO2 en Mécanismes de Développement Propre et séquestration géologique du CO2 en Maîtrise d’œuvre Conjointe entre Pays du Nord... • adaptation : impératif d’anticiper la raréfaction des ressources en cas de crises extrêmes s’appliquant particulièrement aux pays du Sud, notamment les PMA) les plus vulnérables; moyens : Convention Internationale de lutte contre la Désertification UNCCD, polyculture, banques de semences... et des actions d’aide au développement.
2.6. Nécessité de renforcer les capacités de prévention et les moyens financiers qui y sont alloués • Développer les systèmes d’alerte précoce et d’interventions rapides, importance du numérique ; • Renforcer les capacités d'adaptation des individus et des communautés face aux risques probables ; • Restaurer les systèmes locaux traditionnels de résolution des conflits qui ont fait leur preuve ; • Promouvoir des approches transversales et horizontales par rapport à des modes actuels d’intervention, décloisonner l'action humanitaire et permettre de créer des liens entre les diverses parties prenantes (gouvernements, agences d'aide, monde des affaires, universités). Conclusion Le changement climatique lié au réchauffement de la planète aura pour conséquence de modifier en profondeur l’organisation des actions humanitaires.