300 likes | 448 Views
Violette Nozière : un procès exceptionnel. L’affaire Violette Nozière. Les faits L’instruction Le procès Après le procès Les débats autour de l’affaire. LES FAITS.
E N D
L’affaire Violette Nozière Les faits L’instruction Le procès Après le procès Les débats autour de l’affaire
LES FAITS • Rue de Madagascar à Paris, le 21 août 1933, Violette NOZIÈRE rentre du bal : « À une heure du matin, Violette rentre du bal. Elle frappe à la porte du voisin de palier : « Venez vite, ça sent le gaz, j’ai peur. Il a dû arriver quelque chose à mes parents ». Le voisin, M. Mayeul, ferme les robinets de gaz, il entre dans la chambre : « Mme Nozière gît sur le lit ensanglanté. Sur le lit de Violette, gît son père inanimé » (Police magazine, 3 sept.1933 « empoisonneuse »). • La police arrive. Mme Nozière respire encore, son mari est mort. Au début, les policiers pensent à un suicide. Mais devant l’absence d’émotion de Violette, ils restent dubitatifs. • Le lendemain, à l’hôpital, Mme Nozière dit au commissaire GUEUDET qu’elle ne se souvient de rien, sinon d’avoir avalé des sachets de poudre blanche donnés par le médecin qui soignait leur fille (« celui de Violette était marqué d’une croix au crayon » dit-elle).
Visite du commissaire et de l’avocat à l’hôpital Arrestation Arrivée de la mère à l’hôpital
L’ARRESTATION Le commissaire convoque Violette pour le lendemain cinq heures. Elle ne vient pas. Un mandat d’arrêt est délivré par le parquet de la Seine. Le brigadier GRIPOIS enquête auprès de ses amis du quartier latin. Elle leur a paru normale, même gaie. On l’a vue chez un coiffeur, une manucure… Elle « drague » un jeune homme : André de Pinguet, à qui elle donne un nom d’emprunt ; mais il la reconnaît : « Vous ressemblez étonnamment à cette criminelle qu’on recherche » Elle lui parle d’un héritage qu’elle doit faire (165.000 francs à sa majorité). « Ça sera la bonne vie » lui dit-elle. Doutant de plus en plus, Pinguet la dénonce. Au prochain rendez-vous, près de la Tour Eiffel, la police est là. Elle a 18 ans.
Elle naît le 11 janvier 1915 à Neuvy Sur Loire. Son père, Jean-Baptiste Nozière, est mécanicien au P .L.M. (Chemins de fer Paris-Lyon-Méditerranée). Son enfance est heureuse et sans histoire. Jean-Baptiste et Germaine (sa mère) sont des ouvriers aisés, qui, aux dires des proches, entourent leur fille d’affection. À la fin de la guerre, ils s’installent à Paris, au 9 rue de Madagascar, dans le 12èmearrondissement. « Ils donnaient l’apparence d’une famille unie et heureuse » dit le concierge de l’immeuble ; Violette grandit dans un petit deux pièces-cuisine. Son histoire
Une bonne élève sans histoire • Bonne élève à l’école primaire, elle passe brillamment le certificat d’études. • Les parents sont fiers et disposés à la pousser vers des études supérieures. • Une scolarité qui se détériore • A partir de 13 ans ses résultats se détériorent : Violette cache ses absences à ses parents, qui les apprennent par le lycée. On évoque sa mauvaise conduite. Elle a des aventures sans lendemain, tant et si bien que ses parents vont accéder à sa demande de changer d’établissement. • Elle est inscrite au lycée Fénelon, au Quartier latin, où elle découvre une vie qui la change de l’appartement et de la médiocrité de la rue de Madagascar. • Elle rencontre des étudiants, des photographes pour revues pornographiques…. Elle pose nue. Elle passe son temps dans les cafés du quartier latin : Palais du café, les Quat’z Arts … • Elle devient mythomane • Se sentant mal à l’aise dans son milieu familial, elle s’invente une vie bourgeoise où le père est ingénieur et où la mère travaille chez le célèbre couturier Paquin. • La double vie s’installe.
Violette Nozière avoue le crime Le 28 août 1933, Violette est emmenée au quai des orfèvres dans les locaux de la Brigade Criminelle. Là, en présence du juge Edmond LANOIRE, elle avoue. « C’est moi qui ai fait avaler à mes parents du Soménal, j’en avais acheté trois tubes… » Les charges retenues contre elle Le parricide avec préméditation La tentative de meurtre contre sa mère
Les avocats C’est au dépôt que Violette Nozière fait connaissance avec ses deux avocats, Maître Henry GERAUD et Maître de VESINNE – LARUE.
L’INSTRUCTION est menée par Edmond Lanoir Le 31 août elle est envoyée à la prison de la Petite Roquette. Le 1er septembre a lieu la confrontation avec sa mère. Elle est accompagnée par l’inspecteur GRIPOIS.La scène est déchirante Violette : « Pardon, pardon, pardon maman ! » Sa mère : « Je te pardonnerai quand tu seras morte. Tue-toi, tue-toi ! » (Magazine DRAMES – sept.1933 – « la vérité sur le crime de Violette Nozière »)
Un crime passionnel Pour Violette, Jean Dabin, pour qui elle vole ses parents, n’est pas une aventure, mais une histoire d’amour. Elle lui offre une bague volée à son père, elle lui donne de l’argent et, lorsqu’il part en vacances le 17 août, elle se sent perdue. Peut-être est-ce de ce moment que date la décision de tuer ses parents, pour continuer à aider Jean Dabin en leur dérobant leur argent.
La prison préventive « Ainsi donc je suis en prison, moi l’être libre, ardent et fantasque qui aime tant le grand jour, la gaieté, les camarades du quartier latin, ceux qu’on appelait autour de moi : les gigolos de Violette… » « Il me manque des cigarettes, du rimmel, du rouge et des cocktails. »
L’inceste Violette parle enfin de son père : « Il a abusé de moi lorsque j’avais 12 ans. Depuis, il était terriblement jaloux de mes fréquentations masculines. Il m’a dit qu’il me tuerait si je parlais de la chose à ma mère. »
LE PROCES Le procès s’ouvre dans un contexte dramatique (l’assassinat à Marseille du roi Alexandre de Yougoslavie). Mais la foule se presse, dense, près du palais de justice. Violette pleure, se cache le visage, et s’évanouit de nombreuses fois. Le 13 octobre : 2ème journée. Les jurés se plaignent de ce que l’accusée cache son visage.
Les arguments de l’accusation La préméditation « Ca me trottait dans la tête depuis deux ans, cette idée de les tuer tous les deux… Je me suis enfin décidée. Je n’ai pas eu de complice…le poison ? Cherchez-en la formule si vous vous voulez » (Police magazine – septembre 1933). Le journal ajoute : « Quel châtiment mérite Violette Nozière ? « La prison ? L’asile ? Répétons-le : on ne sait trop. » Les premières tentatives Une première tentative d’empoisonnement, au mois de mars 1933, avait échoué Les vols La mythomanie ( elle ment à ses parents, elle accuse son père d’inceste) Sa vie dissolue Son insensibilité
La peine demandée L’avocat général Gaudel : « Je vous demanderai de prononcer contre cette fille la peine capitale. » Il parle de l’insensibilité écœurante de Violette. Il demande de ne pas la considérer comme une héroïne et de déchirer le masque de « justicière » de roman dont Violette s’était parée, mais de la voir telle qu’elle est : « menteuse, orgueilleuse, perverse, inventive, criminelle… »; et donc de n’avoir aucune pitié.
Le principal argument de la plaidoirie Maître de Vésinne-Larue indique aussitôt qu’il va plaider l’inceste. Il pense que les jurés atténueront la responsabilité de Violette. Maître Vincey : « Violette Nozière n’a pas reçu dans sa famille l’éducation qu’elle aurait dû avoir. » « Une criminelle de 18 ans ! Une enfant pitoyable ! Accordez à la jeunesse, l’espoir. Je demande pour Violette Nozière le droit de vie. » « Soixante témoins ont défilé à cette barre et nous ne savons rien. M.Nozière a-t-il voulu oui ou non abuser de sa fille…? Je ne peux dire que cela soit avec certitude. » Dans les journaux (« L’ami du peuple » et « Le progrès »), 13 octobre 1934 : « Qu’en pensez-vous, lamentables amis, de la condamner, faux étudiants qui faisiez la fête avec l’argent de cette femme? Qu’en pensez-vous, vous les parents, qui négligez de surveiller l’enfance des êtres auxquels vous avez donné la vie? »
Comment l’inceste est-il compris par la société à l’époque ? Le juge d’instruction : « Les témoignages ont pour unique source Violette Nozière, toujours Violette Nozière et personne d’autre. Tout ce qu’elle a raconté concernant son père, il n’y a qu’elle qui le dise, et c’est là le grand point d’interrogation de cette affaire. Allons-nous considérer comme certaines des accusations qui ne sont portées que par une criminelle qui a tué son père et tenté de tuer sa mère ?». Il pense que Violette finira par dire « la vérité ». Journal La France, Le 15 sept. 1933 La sœur et le beau-frère de M. Nozière : ils ne rapportent rien d’intéressant, sinon que personne ne peut prouver les accusations de Violette contre son père et que personne ne peut les nier. Madame Nozière : pendant le procès, elle tente de faire revenir sa fille sur ses accusations d’inceste : « Violette, je ne peux pas oublier que tu es mon enfant. Mais ce que tu as dit sur ton malheureux père est faux et abominable, dis que ce n’est pas vrai. » Après la plaidoirie de Maître Boitel, elle demande : « Pitié pour mon enfant, pitié pour ma fille ! » Un témoin nommé Ronflard :« Elle m’a dit que son père couchait avec elle, elle l’a dit à tout le monde au Quartier Latin ; et je trouve très curieux que personne ne soit venu à la barre dire ce qu’il savait. »
Le jugement Le président du tribunal, Peyre, énonce la sentence : Violette est condamnée à la peine de mort.« La parricide sera conduite à l’échafaud, pieds nus, en chemise, voile noir recouvrant la tête. » Violette déclare: « J’ai dit la vérité, c’est honteux, vous n’avez pas été pitoyables ! » Elle est prise d’une crise de nerfs, et les gardes l’emmènent tandis qu’elle se débat.
Mais la peine de mort ne peut pas être appliquée car les femmes ne sont plus exécutées en France (à quelques exceptions près )
L ’APRÈS PROCÈS • La grâce et l’incarcération • Le 25 décembre 1934 Violette Nozière est graciée par le président de la République Albert Lebrun • Le jour de Noël elle quitte la prison de la Petite Roquette ( prison des condamnées à mort) pour la prison de Fresnes. Et, en janvier 1935, elle part pour la centrale d’Haguenau en Alsace. • En 1940, devant l’avancée des troupes allemandes, elle est transférée à Rennes. Violette en détention • Elle devient peu à peu une prisonnière exemplaire, entourée par le directeur et les sœurs de Béthanie. Appréciée de tous, elle pense à prendre le voile… Mais … Son destin ne sera pas le couvent : elle rencontre l’amour en la personne du fils du greffier-comptable de la prison : Pierre Garnier!
De la condamnation à la réhabilitation Le 6 août 1942, le maréchal Pétain accorde à Violette une remise de peine : celle-ci est ramenée à 12 ans de réclusion. Elle est libérée le 29 août 1945, et le Général de Gaulle annule la peine de vingt ans d’interdiction de séjour. Enfin, le 18 mars 1963, la cour de Rouen prononce la réhabilitation. « Tout est effacé ! Il n’y a plus de Violette Nozière ! Aux yeux du monde de la justice, elle n’existe plus. Nous avons gagné notre guerre de 30 ans. » exulte Maître de Vésinne-Larue, son fidèle avocat. C’est une mesure exceptionnelle sur le plan judiciaire. Violette déclare : « Cette réhabilitation, j’y tenais pour mes enfants. Pour moi, ça m’était bien égal. Ma vie est finie. Je suis heureuse que ma mère, à qui j’ai tout dit, ait enfin compris la vérité. Elle sait que j’étais innocente - malgré ce que j’avais fait - et m’a pardonnée. »
La vie après la prison Au mois de décembre 1945, elle épouse Pierre Garnier à Neuvy sur Loire en présence de sa mère. Elle reprend goût à la vie, se réconcilie avec sa mère et a cinq enfants auxquels elle ne parla jamais de son passé. Pierre et Violette gèrent des restaurants en région parisienne, puis en Normandie. Un nouveau drame survient dans la famille. En juillet 1960, Pierre a un accident de voiture dans les environs de Rouen (Seine-Maritime). Il décède des suites de cet accident, le 30 juin 1961.
Violette élève donc seule ses enfants et continue de veiller sur sa mère, Germaine Nozière, qui demeurait avec eux. Elle ne profita pas longtemps de sa réhabilitation : atteinte d’un cancer des os, elle meurt, le 26 novembre 1966 à Rouen. Sa mère, Germaine Nozière, entourée de ses petits-enfants, décède deux ans plus tard, le 5 septembre 1968, à l’âge de 80 ans.
LES DEBATS AUTOUR DE L’AFFAIRE NOZIERE Un argument en faveur de l’abolition de la peine de mort Violette Nozière s’est rachetée après sa condamnation : sa vie a été exemplaire ce qui montre que l’on peut évoluer et s’amender. La peine de mort a été abolie en France en 1981 par François Mitterrand et Robert Badinter alors Garde des Sceaux. L’abolition a été inscrite dans la constitution en 2007, sous la présidence de Jacques Chirac.
Les Intellectuels des années 30 et l’affaire NOZIERE Les surréalistesprirent la défense de Violette Nozière dans un ouvrage collectif, Violette Nozières (sic), publié en décembre 1933 avec notamment des poèmes et dessins d’André Breton, René Char, Paul Eluard, Salvador Dali, Max Ernst, René Magritte. Les « anarchistes » comme les « surréalistes » trouvent dans cette affaire l’occasion de fustiger cette société bourgeoise qui vit dans le conformisme et l’étroitesse d’esprit. Violette incarne la révolte : pour eux, elle est une victime.
La question de l’inceste pour les intellectuels • Céline dira aussi que l’exiguïté des logements citadins favorise la fornication et l’inceste. • En novembre 1933, on trouve dans une revue : « L’inceste est un mot dont on s’effraie, c’est une pratique courante, j’admire les cheminots qui ne croient pas Nozière capable d’avoir troussé sa fille parce qu’il était un bon mécanicien. » • Robert Brasillach qui, dans « notre avant-guerre » écrit à propos de Violette Nozière : • « …. Les détails douteux et sales de sa vie navrante, la grise atmosphère de débauche où alternaient les cocktails, la drogue et le café crème, l’argent et la misère…un atroce monde sans Dieu. » • Les intellectuels dénoncent aussi le jury composé uniquement d’hommes et pour qui le sujet de l’inceste est un sujet tabou dans cette société où le « mâle » est roi • Le 17 octobre 1934, l’écrivain Marcel Aymé écrit dans « Marianne » : • « En condamnant Violette Nozière sans vouloir parler d’inceste le tribunal s’est montré fidèle à l’une de ses plus chères traditions. Il a voulu affirmer le droit du père à disposer absolument de ses enfants, tout compris : droit de vie et de mort, et droit de cuissage aussi. »
Violette rêvait de bains de lait, De belles robes De pain frais De belles robes De sang pur Un jour il n’y aura plus de père Dans les jardins de la jeunesse (…) Violette a rêvé de défaire A défait L’affreux nœud de serpents des liens du sang. Paul Eluard
D’Autres débats, d’autres affaires au XXe siècle, autour des femmes et de leur liberté à disposer de leur corps Les lois sur les libertés La question de l’avortement Le procès de Bobigny en 1972 et une figure à connaître Maître Gisèle Halimi La loi Veil en 1975