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Quelques repères sur les débuts de l’analyse de l’activité en ergonomie. Jacques Leplat EPHE CRTD. Remarques préliminaires. Beaucoup de textes sur ce thème, mais pas toujours d’un accès facile. Textes sur le thème lui-même ou à propos des historiques de la psychologie ergonomique.
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Quelques repères sur les débuts de l’analyse de l’activité en ergonomie Jacques Leplat EPHE CRTD
Remarques préliminaires • Beaucoup de textes sur ce thème, mais pas toujours d’un accès facile. • Textes sur le thème lui-même ou à propos des historiques de la psychologie ergonomique. • Recours à quelques documents caractéristiques et à mon implication dans certains de ces débuts. • Mais il ne s’agira que de jalons
I- Analyse de l’activité et analyse du travail • Quels rapports entre les deux? • Le travail n’est pas synonyme d’activité, mais peut se caractériser par une certaine forme d’activité. . Le travail, notion polysémique: activité pour le psychologue, qualification pour le sociologue, emploi pour l’économiste…. • L’analyse du travail, irréductible à la seule psychologie.
« N’importe quelle tâche concrètement observée dans les ateliers, les bureaux, les chantiers, l’agriculture moderne, se présente sous cinq aspects ou attributs principaux: technique, physiologique, psychologique, sociologique, économique. » (Friedman,1961) • Mais, en psychologie ergonomique, l’analyse de l’activité peut être amenée à prendre en compte les dimensions mentionnées par Friedman : c’est le cas lorsqu’elle est située. • On s’intéressera à l’analyse de l’activité telle qu’elle est conçue en psychologie ergonomique
II - Les débuts de l’analyse de l’activité en situation de travail en France • On mentionnera ici deux courants principaux qu’on identifiera par les noms auxquels ils sont attachés: • M. Lahy et S. Pacaud • Ombredane et Faverge
II, 1- Les recherches de Lahy et Pacaud • Recherches amorcées en 1910 par Lahy sur les dactylographes et poursuivies par l’un et l’autre dans des situations très diverses: mécaniciens et chauffeurs de locomotive, agents de gare, téléphonistes, aiguilleurs, radiotélégraphistes. • Ces recherches sont marquées par une phase d’analyse de la situation sur le terrain dans laquelle l’analyste doit être étroitement impliqué.
« Le psychologue ne doit donc pas se contenter de la description du travail. Il doit apprendre lui-même le métier. La phase d’apprentissage, d’assimilation, d’automatisation des techniques professionnelles servira de base à toute analyse psychologique du travail » (Pacaud, 1955, p. 163). • Quatre méthodes sont mises en valeur pour ces analyses: - L’analyse des gestes professionnels; - L’analyse des opérations complexes par l’élaboration de schémas provisoires; - L’auto-observation et l’introspection critique; - L’étude psychologique et statistique comparative des fautes professionnelles imputables aux travailleurs qualifiés bons et qualifiés moins bons au point de vue professionnel. (Pacaud, 1955, p. 163-4).
"L'analyse du travail est la chose la plus longue et la plus difficile, car c'est elle qui pose avec précision le problème scientifique. Prétendre pouvoir résoudre un problème de cet ordre sans analyse préalable du travail reviendrait à prescrire des médicaments à un malade sans l'avoir examiné ou encore à vouloir perfectionner une machine sans connaître ni sa construction, ni son fonctionnement. (...) Celui qui s'engage dans une étude de cette sorte sans savoir où il va ne trouvera rien que par hasard, ce qui est la négation même de la méthode scientifique." (Lahy et Pacaud, 1948, p.2).
II, 2. L’analyse du travail d’Ombredane et Faverge (1955) Une distinction capitale va être introduite dans l’analyse du travail, « celle du Quoi et celle du Comment. Qu’est-ce qu’il y a à faire et comment les travailleurs que l’on considère le font-ils? D’une part, la perspective des exigences de la tâche et d’autre part, les attitudes et séquences opérationnelles par lesquelles les individus observés répondent réellement à ces exigences » (1955, p.2).
On traduira ultérieurement ainsi ces distinctions Il y a entre les éléments du schéma des relations de co-détermination qui font que les flèches qui figurent devraient être doublées de flèches de sens contraire. D’où le caractère dynamique du système. Une autre distinction importante introduite par les auteurs et celle de tâche prescrite / tâche effective.
Ombredane souligne les difficultés et écueils du passage des exigences de la tâche à l’exécution de celle-ci (p. 4). La finalité théorique ou pratique de l’analyse du travail. Faverge (1955) assigne 4 objectifs pratiques majeurs à l’analyse du travail: • Sélection, orientation et promotion professio… • Formation professionnelle • Qualification du travail • Aménagement du travail
En 1972, dans le traité de Psychologie appliquée de Reuchlin (tome 3), Faverge revient sur l’analyse du travail dans un long chapitre. Il propose de « distinguer quatre approches dans l’analyse du travail: • L’analyse du travail en termes d’activités gestuelles, d’information, de régulation, de processus de pensée. « Pour tout travail, les 4 analyses peuvent être faites et se complètent mutuellement, mais elles sont d’importance inégale suivant la nature du travail et les objectifs de l’étude » (p.9).
Dans les deux perspectives de recherche mentionnées, le souci est exprimé de donner un cadre théorique aux études entreprises ainsi que de bonnes bases méthodologiques. Chez L. et P., théorie des aptitudes. Chez O. et F., la théorie de l’information associée au langage des communications. Rôle majeur donné aux conditions perceptives de l’activité, en particulier aux signaux comme moments préparatoires et anticipateurs de l’activité.
III - L’analyse de l’activité hors de France III,1 - Les précurseurs américains. Un livre pionnier: Chapanis, A., Garner, W.R. & Morgan, C.T. (1949) Appliedexperimentalpsychology. New York : J. Wiley. (434 p.) Des synonymes de ce titre pour les auteurs: engineering psychology, human engineering, biomechanics, psychologicalproblems in equipment design, psychotechnology. L’AEP vise à associer deux points de vue: fondamental et appliqué. Un exemple d’étude typique: la lisibilité des cadrans du tableau de signalisation des pilotes d’avions.
Autres exemples: aménagement d’ensembles de cadrans, de documents d’aide, choix du mode de présentation de l’information, numérique ou imagée, etc. Ce livre avait beaucoup inspiré le livre de psychologie ergonomique (le mot d’ergonomie n’existait pas encore!) « L’adaptation de la machine à l’homme » de Faverge, Leplat et Guiguet publié en 1958 aux PUF. (avec un chapitre sur le diagnostic). On trouvera recensés aussi beaucoup de travaux américains de cette époque dans une revue de questions de l’Année psychologique de 1953.
III, 2 – Les travaux conduits à l’unité de recherches psychologiques appliquées du « MedicalResearch Council» de Cambridge (G.B.). Les psychologues de cette unité ont mené des recherches sur la mémoire, les méthodes de formation, la fatigue, la conception de dispositifs techniques, recherches articulées avec des situations de terrain. Ils ont joué un rôle important dans le développement des études ergonomiques. Influence en France. - Quelques noms et thèmes comme repères
Bartlett, 1922, le créateur de l’unité (mémoire) • Mackworth, 1952, (vigilance) • Broadbent , 1958, (perception et communication, charge de travail, écoute sélective) • Baddeley, 1974 (mémoire) • Conrad : surveillance, contrôle, filatures, télécommunications • Poulton: Lisibilité des documents, tâches de poursuite, travail de nuit • Colquhoun: vigilance, variations circadiennes de l’efficience
Bainbridge : contrôle des processus dynamiques • Brown : Vigilance, conduite automobile
III, 3 – Recherches conduites initialement par Annett et son groupe (G.B.) Point de départ: un article avec Duncan (1967) sur l’analyse de la tâche et la conception de la formation. Dans la présentation de leur article, les A. considèrent que leur démarche s’inscrit dans la perspective des recherches de Chapanis (1959, Craik (1947),Fitts, (1951) et Flanagan (1954). Ces travaux n’étaient pas ignorés de Faverge et de son groupe, comme on peut le voir dans les bibliographies de leurs travaux.
La méthode d’Annett fut très vite formalisée sous le nom de HierarchicalTaskAnalysis(HTA), décrite et exploitée ultérieurement dans deux ouvrages, Annett et Stanton (2000) et Shepherd (2001). Spécifiquement exploitée par J. Patrick (1992) pour la formation. Regret que ces livres soient si peu connus et exploités en France. Shepherd a discuté l’ambigüité de la notion de tâche et apporté des remarques utiles pour une bonne interprétation de cette notion dans ses rapports avec celle d’activité.
« One maydistinguishbetweencognitive taskelements, representing the problemswithwhichoperators or users are required to cope, and cognitive skills, concernedwith operating upon information gainedfrom the environment in order to guide subsequentphysical actions. There maybe no single mapping of cognitive taskelements onto cognitive skills, yetitis essential thattaskelements must beidentifiedbeforeskillscanbeexamined » (Shepherd, 2000, p. 18). « Thus, HTA isjustified as a generaltaskanalysisstrategyratherthan as a method for modellingbehavior » (p. 23).
III,4. Les recherches en Russie Le développement des recherches sur l’analyse de l’activité est bien présenté dans le livre de Nosulenko et Rabardel (2007). Entrée dans le vocabulaire psychologique par Basov (1931) qui en souligne le caractère social. La notion d’activité devait être ensuite largement exploitée par des psychologues bien connus: Leontiev, Vygotski, Rubinstein, Ochanine. Dans un livre de 1959 (réédition en français en 1976), Leontiev proposait
Une structure du développement de l’activité à trois niveaux: • l’activité définie par son motif • l’action définie par son but • Les opérations comme moyens de réalisation de l’action • Le caractère dynamique des relations entre ces trois notions. P. ex. la transformation des actions en opérations dans l’acquisition des habitudes. • Exploitation du modèle dans beaucoup de recherches françaises (ex.Savoyant)
Conclusion . Que peut apporter une meilleure connaissance des premières analyses de l’activité (a.a.)? • Meilleure connaissance et appréciation des caractéristiques et possibilités de l’a.a. • Pallier d’éventuelles lacunes dans les connaissances théoriques et méthodologiques relatives à l’a.a. • Eviter d’éventuelles dérives des pratiques d’a.a.: types de dérives en psychotechnique et en ergonomie.
Bibliographie pour « Éléments d’histoire » • Annett, J. & Duncan, K.D. (1967). Taskanalysis and training design. OccupationalPsychology, 41, 211-221. • Annett, J. & Stanton, N.A. (Eds.). (2000). Taskanalysis. London : Taylor & Francis. • Chapanis, A. Garner, W.R. & Morgan, C.T. (1949) Appliedexperimentalpsychology. New York : J. Wiley. • Clot, Y. (Ed.) (1996). Les histoires de la psychologie du travail. Toulouse : Octares. • Faverge, J.-M. (1972). L’analyse du travail. In M. Reuchlin (Ed.) Traité de Psychologie appliquée, tome 3 (pp. 5-60). Paris : PUF. • Faverge, J.-M., Leplat, J. & Guiguet, B. (1958). L’adaptation de la machine à l’homme. Paris : PUF. Coll. Le Psychologue. • Lahy, J.-M. (1930). Etude graphique de la frappe du dactylographe. Revue de la science du travail . 2, 2 , 171-173. • Lahy, J.-M. (1948). Analyse psychologique du travail des mécaniciens et des chauffeurs de locomotive. Paris: Publications du Travail Humain, P.U.F.
Leplat, J. (1953). Travaux récents de « technologie humaine » (Human Engineering). L’Année Psychologique, 53, 2, 517-537. Leplat, J. (1963). Les liaisons sensori-motrices. In P. Fraisse et J. Piaget (Eds.). Traité de Psychologie expérimentale, t.II. pp.113-159. Paris : PUF, • Leplat, J. (1993). L’analyse psychologique du travail : quelques jalons historiques. Le Travail Humain, 56, 2-3. 115-131. • Montmollin, M de (Ed.).(1997). Vocabulaire de l’ergonomie (2° ed.). Toulouse : Octares. • Ombredane, A., & Faverge, J.-M. (1955). L'analyse du travail. Paris: PUF. • Pacaud, S. (1955). Méthode normative et méthode expérimentale en psychologie du travail. Journal de Psychologie normale et pathologique. 52, 1, 156-167. • Pacaud, S. (1971). Le diagnostic du potentiel individuel. In M. Reuchlin (Ed.), Traité de Psychologie Appliquée, tome 4 (pp. 1-66). Paris : PUF. • Patrick, J. (1992). Training. Research and practice. London : AcademicPress. • Shepherd, A. (2001). HierarchicalTaskAnalysis. London : Taylor & Francis.