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Un aménagement conflictuel, le projet d’aéroport Notre-Dame-des-Landes Cécile RIALLAND-JUIN Géographe Université d’Angers – LETG-Angers LEESA UMR-CNRS 6554 Mardi 29 Avril 2014 .
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Un aménagement conflictuel,le projet d’aéroport Notre-Dame-des-LandesCécile RIALLAND-JUINGéographeUniversité d’Angers – LETG-Angers LEESA UMR-CNRS 6554 Mardi 29 Avril 2014
Préambule : un séminaire qui fait suite à un corpus documentaire réalisé avec Jean Renard sur le site de Géoconfluences de L’ENS de Lyon.
Divers travaux sur les conflits d’usage des espaces périurbains nantais • RIALLAND-JUIN C., RENARD J. (2013) Le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes : les rebonds d’un aménagement conflictuel, corpus documentaire en ligne Géoconfluences, Direction Générale de l’Enseignement Scolaire et l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, février 2013. • RIALLAND-JUIN C., (2010) Les parcelles à vocation de loisirs : enjeux et perspectives face au foncier agricole des espaces périurbains.Colloque Paysages périurbains, des héritages à une gestion différenciée des territoires, Communication au colloque UMR CITERES de Tours – ENSNP Blois – 14-15 septembre 2011 - Blois. • RIALLAND-JUIN C., (2010) Analyse critique d’un outil pour la protection agricole et environnementale dans l’agglomération nantaise lié au projet d’aéroport Notre-Dame-des-Landes : « le PPEANP», communication au colloque British-FRENCH Rural Geography Symposium - University of Essex, Colchester, Essex - Farming for a SustainableCountryside, 12-15 July 2010. • RIALLAND-JUIN C., CARON A., (2004) contribution Programme Recherche Environnement, Vie, Sociétés, 2004, Modalités d’émergence et procédures de résolution des conflits d’usage autour de l’espace et des ressources naturelles. Analyse dans les espaces ruraux. Sous la direction de TORRE A. INRA, INA PG et KIRAT, CNRS IRIS – CREDEP Paris Dauphine. • RIALLAND-JUIN C., (2004) Les conflits d’usages aux limites de la ville, Conflits et Territoires, Presses Universitaires François Rabelais, 13 pages. • RIALLAND-JUIN C., (2002), De la campagne à la ville, conflits autour des hors-sols agricoles en Loire-Atlantique, Cahiers Nantais N° 58, pp. 13-22.
L’objet du conflit : un transfert d’aéroport du site de l’aéroport actuel Nantes Atlantique sur le site de Notre Dame des Landes, appelé à devenir l’Aéroport du Grand Ouest.
L’aéroport actuel de Nantes Atlantique, un aéroport régional dynamique mais jugé, par les porteurs du projet, trop contraint par l’urbanisation et l’environnement (proximité de Nantes et du Lac de Grand Lieu).
Un transfert guidé par une logique d’aménagement du territoire : doter le Grand Ouest d’un aéroport international
Un projet de plateforme aéroportuaire qui aborde une phase opérationnelle depuis le décret de DUP en 2008
Les premiers travaux et une radicalisation du conflit à l’automne 2012 « Opération César » 16 Octobre 2012 visant à évacuer les occupations illégales de la ZAD. 17 novembre 2012 : une des premières manifestations d’envergure nationale rassemblant des citoyens, agriculteurs des associations, des partis politiques (dont EELV et FDG) et un collectif de pilotes de ligne. Beaucoup viennent des quatre coins de France.
Le conflit investit le champ du politique dans le calendrier électoral Grève de la faim de trois opposants avant les élections présidentielles de Avril 2012 (de gauche à droite Marcel Thébault, exploitant agricole dans la ZAD menacé d’expulsion, Michel Tarin , exploitant retraité dans la ZAD ADECA-ACIPA, Françoise Verchère, Co-présidente CéDPA*- ACIPA , élue PS puis PG du CG 44 sur le canton de Rezé, maire de Bouguenais 1993-2007. ADECA : Association Défense Exploitants Contre Aéroport (crée en 1970 au départ du projet) ACIPA : Association Citoyenne Intercommunale des Populations Concernées par l’Aéroport) créée en 2000 lors de la relance du projet sous le gouvernement Jospin. CEDPA : Collectif Elus Doutant de la Pertinence du projet d’Aéroport. Municipales 2014
1- L’épaisseur historique du conflit Un projet ambitieux né dans les années 1960 de la politique des métropoles d’équilibre et des Trente Glorieuses. 1966 : la DATAR, l’OREAM et la CCI préconisent la création d’un nouveau site aéroportuaire d’envergure internationale pour remplacer celui de Château Bougon (implanté depuis l’entre deux guerre) jugé de trop petite taille pour assurer le développement de la métropole Nantes – Saint-Nazaire. En 1966 Chambre de Commerce et d'Industrie de Nantes publie le texte suivant : « La Basse-Loire constitue un site maritime remarquable pour l'implantation d'un grand complexe industriel largement tourné vers l'extérieur, se développant autour d'une grande usine sidérurgique ou pétrochimique. Il sera un moteur puissant du développement économique de l'Ouest et renforcera la position industrielle de la France sur la zone atlantique qui sera la " Ruhr " du XXIe siècle ». En mai 1970, le journal Ouest-France publie un entretien avec le sénateur gaulliste Michel CHAUTY (futur maire de Nantes entre 1983 et 1989), de retour des Etats-Unis, où il a enquêté, à la tête d'une commission sénatoriale, sur les transports aériens. Il déclare que le projet n'est pas suffisamment ambitieux, qu'il faudrait disposer de 7 000 hectares et générer ainsi 40 000 emplois. Il ajoute que l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes pourrait être « le Rotterdam aérien de l'Europe par la création d'un aéroport international de fret ». 11 janvier 1974 arrêté de création de la ZAD (Zone Aménagement Différé) sur 1200 ha. Le Conseil Général 44 achètent les terres aux propriétaires pour les relouer aux agriculteurs avec des baux précaires. Première résistance des agriculteurs face à un projet qui s’impose à eux. 1972 : Association. Défense Exploitants Agricoles Contre l’Aéroport (ADECA), le mouvement est alors lié à une tradition syndicale forte en Loire-Atlantique (Jeunesse Agricole Catholique et Paysans – Travailleurs) . : médiatisation du conflit opposant agriculteurs et les élus du moment avec la parution de « Dégage, on aménage ! »
1980 – 2000 : crise, mise en sommeil du projet et périurbanisation des campagnes nantaises. • 1973 et 1979 : crises pétrolières • 1989 : arrivée du TGV à Nantes • Périurbanisation nantaise.
2000 – 2008 : relance, déclaration d’utilité publique du projet et amplification du conflit. • : candidature du projet aéroportuaire pour le site pour le 3ème aéroport parisien. 2000 : gouvernement Jospin relance le projet (inscription au schéma de services collectifs de transports). A partir de 2003 le projet est justifié par le besoin d’un aéroport d’envergure international pour le Grand Ouest. 2003 : Débat public organisé par les porteurs de projet (acteurs économiques régionaux, grands élus PS et UMP). 2006 : Enquête publique. 2008 Déclaration d’Utilité Publique validée . Pas de remise en cause par le Grenelle de l’environnement car seulement transfert. A partir de cette déclaration d’utilité publique le conflit s’amplifie. On passe du conflit social des années 1970 qui implique surtout des agriculteurs à un conflit territorial avec une mobilisation citoyenne de plus en plus large.
2- acteurs en présence LES OPPOSANTS : Un collectif soutenu par une quarantaine d’associations (dont des fédérations ou des réseaux sociaux ), d’élus et mouvements politiques. .Citoyens (dont l’ACIPA l’Association Citoyenne Intercommunale des Populations Concernées par l’Aéroport) .Agriculture (dont ADECA, COPAIN (Collectif des Organisations Professionnelles Agricoles Indignées par le projet d’Aéroport) 44,85,49,53, et autres départements , Confédération Paysanne) . Elus (dont CéDPA Collectif élus doutant de la pertinence du projet d’Aéroport, CCEG) . Aérien (Collectif des pilotes qui doutent de la pertinence d’un nouvel aéroport). . Environnement (dont Réseau Action Climat France, Réseau Nature France, Bretagne Vivante) . Politiques (EELV, FDG, MODEM, DLR, FN et élus dissidents PS) . Altermondialistes (dont squatters de la Zone A Défendre) . Bretons. PORTEURS DU PROJET : Les Collectivités : Syndicat Mixte Aéroportuaire (Ce dernier fait suite au syndicat Mixte d’Etudes du Projet d’aéroport de NDDL. Et représente les collectivités qui financent le projet d’aéroport dans le cadre d’un PPP entre le groupe Vinci et la région des PDL, la Région Bretagne, le Conseil Général 44, la CARENE et Cap Atlantique). • L’administration dont la Préfecture De Région, SGAR, DGAC. Les acteurs socio-économiques (dont la CCI 44, AGO –Vinci, MEDEF des Pays de la Loire, CESR Région Pays de La Loire). L’association citoyenne « Des ailes pour l’Ouest » (ex-ACIPRAN).
Arguments des antagonistes • PORTEURS DU PROJET : • Désenclaver le Grand Ouest en le dotant d’un aéroport d’envergure internationale. • Transférer un équipement trop contraint par l’urbanisation et l’environnement (proximité du lac de Grand Lieu, de la Loire et des populations impactées par le bruit. Un aéroport en voie de saturation au regard de sa croissance de trafic de passagers. • Le développement économique et de l’emploi régional impulsé par l’infrastructure. • Un projet légal et exemplaire sur le plan environnemental. • Un développement des transports aériens à l’échelle mondiale lié aux transports des pays émergents notamment de l’Asie. LES OPPOSANTS : Dans une perspective de transition énergétique ou de décroissance, un non sens du développement du transport aérien. Au premier rang national des Grands Projets Inutiles Imposés. L’artificialisation d’espaces agricoles, de zones humides en tête de bassin versants, destruction du bocage et d’espèces menacées et protégées à l’échelle européenne. La disparition d’emplois dans la filière agricole, transfert d’emplois du sud au nord Loire avec migrations alternantes amplifiées. Optimiser l’existant avec l’aménagement de Nantes-Atlantique et le report de trafic sur d’autres sites aéroportuaires ou modes de transports. Des aéroports avec des trafics bien supérieurs disposent d’équipements équivalents à Nantes Atlantique. Contestation des méthodes d’études employées sur le plan économique, social et environnemental (saturation, coûts, impact environnemental , emplois…). Un coût du projet sous estimé car les désertes routières et ferroviaires à la charge des collectivités. Contestation du Partenariat Privé Public (PPP) avec le groupe Vinci qui engage des fonds publics qui pourraient être mobilisés à d’autres priorités dans un contexte de pénurie. (santé, éducation, etc…).
Matérialisation du conflit depuis 2008 PORTEURS DU PROJET : Sites internet, publications, documentaires, du Syndicat Mixte d’Etudes de l’AGO, Site du Groupe AGO-Vinci ; Sites des « Ailes pour L’ouest » (Ex ACIPRAN). • 2003 : une commission consultative organise des réunions publiques durant six mois. • 2006 : enquêtes publiques 18 octobre au 30 novembre. • 10 février 2008 décret DUP signé. Le Grenelle 2 de l’environnement ne remet pas en cause le projet car il n’y pas création mais uniquement transfert d’une plateforme aéroportuaire. Suite aux mouvements de contestations de l’automne 2012, le gouvernement met en place trois commissions consultatives. Leurs conclusions sont remises en avril 2013 : . Commission d’expertises scientifiques pour compensation des zones humides . Cette dernière a invalidé les méthodes de compensation d’AGO. .Commission agricole pour l’impact sur les terres et les revenus agricoles. Résultat : maintien des aides PAC sur la ZAD et volonté de protection des terres agricoles. • . Commission du Dialogue avec plusieurs opposants (CEDPA, Collectif des pilotes, associations environnementales nationales, EELV, NEXUS , …).Le PEB et le réaménagement de l’aéroport actuel sont examinés par les porteurs du projet et restent en faveur du transfert. Recours juridiques pour expropriations et expulsions des occupations illégales de la ZAD (exploitants agricoles), répondre aux contestations de la DUP 2008 et au droit européen sur les questions environnementales et financières. LES OPPOSANTS : Mobilisation citoyenne autour du collectif ACIPA comprenant une quarantaine d’associations ou mouvements politiques. Manifestations d’envergure nationale : 17 novembre 2012 sur NDDL après opération César pour expulser les squats de la ZAD renommée « Zone à Défendre. » 11 mai 2013 : chaîne humaine de 25 km /ZAD. 22 février 2014 : manifestation à Nantes dont plus 500 tracteurs présents. Autres manifestations : Plan Action Climat, grève de la faim d’opposants (avant présidentielles) pour contester les expulsions d’agriculteurs. Rando-Tracto-Vélo de NDDL à Paris, Citoyens – Vigilants, occupation des fermes de la Zone à défendre par des agriculteurs et des altermondialistes . Recours juridiques contre DUP 2008, expulsions d’agriculteurs, recours auprès de la Commission Européenne sur le volet environnemental et financier. Contre expertises commanditées par le CéDPA à des bureaux études indépendants : CE Delf pour études économiques des coûts et bénéfice s pour les collectivités et AdecsAirinfra pour le PEB de Nantes Atlantique . Avis sur l’optimisation de Nantes-Atlantique. Ces études démontrent une sous estimation des coûts du projet et une nette possibilité d’amélioration de l’existant dont celle d’un moindre PEB . Médiatisation : • Sites internet consacrés spécifiquement au collectif d’opposants dont celui de l’ACIPA et de la ZAD (Zone à Défendre). • Publications de l’ACIPA et autres associations. • Films –documentaires (dont « Le Tarmac est dans le pré » de Thibault Férié – Fr 3 Pays de la Loire) • Bibliographie (dont thèse de géographie (Carrard D. 2009 , Rennes).
Synthèse des champs du conflit 1- La mobilisation citoyenne Opposants (manifestations, réseaux sociaux, médiatisation, contre expertises d’études …) Porteurs du projet (débats publics, commissions de dialogues, réseaux économiques, arguments adaptés aux contextes économiques, environnementaux et sociaux). 2- Le juridique Opposants (agriculteurs qui contestent les expropriations, les élus contre la DUP de 2008, pour le respect du droit européen : directive cadre eau, Natura 2000, aides publiques (44 % du budget)accordées à AGO qui portent atteinte au droit européen de la concurrence. Porteurs du projet (respect des procédures d’aménagement et du droit, appliquer les décisions de justice). 3- Le Politique Opposants (inscrire le dossier dans le calendrier électoral, positionnement des candidats à toutes les échelles) Porteurs de projets (positionnements, stratégies électorales).
Conclusion Un conflit d’aménagement singulier par son épaisseur temporelle, ses jeux d'échelles imbriquées et la nature des acteurs impliqués. C’est une étude de cas qui éclaire sur les rapports entre aménagement et développement du territoire. Ce conflit d’aménagement montre le « glissement progressif de la conflictualité dans notre société du champ du social vers celui du territorial » (Philippe SUBRA, Géopolitique de l'aménagement du territoire, 2007) Ici deux visions de société s’affrontent, l’une née des Trente glorieuses et l’autre des Trente piteuses. Pour les premiers, adeptes d’une croissance, il faut faire plus pour faire mieux. Pour les opposants, on peut faire mieux avec l’existant et ménager le territoire plutôt que l’aménager. Le conflit autour du projet de l’aéroport illustre cette dualité des visions et explique en partie l’ampleur de la mobilisation.