320 likes | 393 Views
SOCIOLOGIE DE LA DECISION (4 bis) Décisions, conventions communes et coordination. Christian THUDEROZ Centre des Humanités. 4 idées développées ici……. Pour décider de nos actions en situation de coordination avec Autrui, nous avons besoin de conventions …
E N D
SOCIOLOGIE DE LA DECISION (4 bis)Décisions, conventions communes et coordination Christian THUDEROZ Centre des Humanités
4 idées développées ici…… • Pour décider de nos actions en situation de coordination avec Autrui, nous avons besoin de conventions… • Ce qui règle le problème du passage des décisions individuelles aux décisions collectives.. • Mais cela ne règle pas (toujours) le risque de l’opportunisme des individus… • Et il faut distinguer les décisions prises « par coordination », « par coopération » et par « négociation » ….
1. Les conventions communes... • Partons d’un problème de circulation routière : rouler à gauche ou à droite ? • Si chacun choisit la même solution : utilité de 1 (soit : positive et pour tous)Si chacun choisit une solution différente : utilité de 0 (personne ne gagne) • (voire : de - 1, si l’on compte les frais d'hospitalisation...).
La coordination n'est pas évidente : que va choisir l'autre ?
Observation : Incomplétude de la logique marchande pure… • Multiplicité des équilibres de Nash (il y a deux équilibres possibles, avec une utilité de 1, soit les cases DD, ou GG...) • Et si le choix d'adopter D ou G par A1 dépendait du choix de A2 - ou réciproquement -, comment deviner ou anticiper ce choix ? Sur quelles données contextuelles s'appuyer ?
Comment faire ? • S'appuyer sur la connaissance des réactions de A2 par A1 ? Certes... Mais si aucun des 2 ne se connaissent ? • Est-ce que A1 est certain que A2, anticipant son choix D, ne va pas quand même choisir, au dernier moment, G ? • Ou alors : qu'on leur indique (qu’on leur impose ?) la bonne solution !
Réponse : • Cette « bonne solution » est : • une convention, explicite, écrite, enseignée en école de conduite, et qui impose de rouler (en France) à droite, (en Angleterre) à gauche... • Elle est acceptée par tous les automobilistes et règlent leurs comportements…
2. Jean-Jacques Rousseau et la chasse au cerf… • (cf. Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’inégalité parmi les hommes, 1759) • Deux chasseurs sont à leur poste de guet, pour chasser le cerf. Mais le territoire est giboyeux, et des lièvres peuvent surgir. • Dilemme du chasseur : • capturer un lièvre (et laisser échapper le cerf ?) • Ou attendre le cerf (et laisser échapper des lièvres ?) • Risque : que l’un (ou l’autre) choisisse de capturer un lièvre et déserte son poste de chasse...
Conflit entre deux équilibres de Nash… • (Equilibre de Nash = la meilleure solution simultanément pour les deux joueurs, quand chacun peut maximiser ses gains compte tenu du choix des autres) : C,c et L,l = également rationnels. • Cependant, ce choix C,c est risqué (C,c est optimal si les deux chasseurs respectent ensemble le choix initial de chasser le cerf).
Donc… • Il est plus prudent pour chacun de faire défection (chasser le lièvre). • Ce qu’ils feront tous deux, puisque chacun anticipe le choix de l’autre (qui ressemble au sien...). • Moralité : Le cerf s’en va brouter tranquillement....
Comment réduire cet opportunisme de l’autre ? • = anticiper son comportement et prévoir toutes les issues possibles (« jeu de pure coordination ») (cas du grand magasin) • = coopérer le premier (« Coopère pour que l’autre coopère ! » : « jeu de coopération » - le dilemme du prisonnier) • = négocier avec l’autre ou se faire imposer un choix contraint (« jeu de négociation »)
3. Jeux de coordination, de coopération et de négociation • Soit l’étude des diverses situations où se posent la question de l’accord collectif (au moins deux individus) sur l’adoption d’une règle commune (afin d’engager une action commune)…
a) LES JEUX DE PURE COORDINATION • Cf. Le jeu du « rendez-vous » : un mari et une femme se perdent dans un grand magasin. Comment et où vont-ils se retrouver ? (tiré de David Lewis, 1969, Convention. A Philosophical Study, Harvard University Press)
Deux issues possibles… • … le rayon Spiritueux ou le rayon Légumes. Pas de stratégies dominantes! • Donc, deux équilibres de Nash, également équivalents : peu importe le lieu où ils se retrouvent, pourvu qu’ils se retrouvent... • C’est un problème, dit Lewis, de « pure coordination »…
b) LES JEUX DE COOPERATION • Le « dilemme du prisonnier » (tiré de A.W. Tucker, 1956, repris et généralisé par R. Duncan Luce et Howard Raiffa, Games and Decisions, 1957) • L’histoire est la suivante…
Manquant de preuves pour établir le forfait de deux brigands … • ... un juge machiavélique propose à chacun d’eux le contrat suivant : • s’il avoue sa participation au crime commun, il sera relaxé (0 an) et son complice lourdement condamné (10 ans). • Au cas où les deux complices avoueraient, ils seraient tous deux condamnés, mais bénéficieraient d’une clémence pour aveu (5 ans chacun). • S’ils se taisent tous les deux, ils ne pourraient être condamnés que pour port d’armes (1 an chacun)…
Il n’y a ici qu’un seul équilibre de Nash : les deux complices avouent (5 ans)… • … Mais les deux brigands auraient intérêt à nier ensemble (1 an). • Individuellement, chacun n’a pas intérêt à avouer ou nier si l’autre ne le fait pas (10 ans) : si l’un pense que l’autre va nier, il va devoir avouer pour être libéré. S’il pense au contraire que l’autre va avouer, il doit aussi avouer pour éviter d’être condamné lourdement. Et chacun fait le même raisonnement et avoue... • La stratégie gagnante est donc celle de la coopération...
c) LES JEUX DE NEGOCIATION • « La guerre des sexes » (tiré de Luce et Raiffa, Games and Decisions, 1957) ou… • … un troisième type de jeux : non un jeu de pure coordination (il y a conflit sur l’issue à atteindre) ni de pure coopération (il y a deux équilibres de Nash possibles), mais « de négociation »…. • Comment passer sa soirée en couple ? Tous deux souhaitent sortir ensemble, mais leurs préférences divergent : Monsieur est plutôt attiré par un ballet, Madame par un match de football. Comment décider ?
Ici… • … Il s’agit d’un problème de coordination, avec deux issues possibles - Ff, ou Bb) • Mais il y a conflit entre ces deux équilibres (l’un des deux doit céder, puisque chacun ne veut pas la même chose…). • Il s’agit donc d’un « jeu de négociation »... • Comment résoudre ce problème ?
On peut résoudre cela… • Par une attitude de coopération / reddition (« faisons, chéri(e), ce qu’il te plaît à toi... »), • À l’aide d’un choix externe imposé (« Il n’y a pas de match (ou de ballet) le jeudi soir », ou « Tiens, voilà le voisin qui s’invite! »), • Par un choix différent (« Allons nous promener au clair de lune »).
4. CHOIX INDIVIDUELS ET DÉCISIONS COLLECTIVES • Enoncé du problème : • « Soit une série de décisions sociales possibles, dont l’une doit être choisie. Etant donné le critère de décision associé aux individus dans la société, trouvez une méthode de déterminer laquelle doit être choisie » (Kenneth Arrow) • 5 conditions doivent être remplies pour que cette procédure de choix social soit rationnelle. Il s’agit d’impératifs minimaux, visant à s’assurer que la décision collective est bien déduite des préférences individuelles, selon un mode logique:
Les 5 conditions d’Arrow… • Condition 1 d’universalité : liberté de choix et respect de la pluralité des choix. Tous les profils de préférences sont possibles. • Condition 2 d’évolution : les choix individuels et les décisions collectives évoluent dans le même sens (si X est préféré à Y chez les individus, et si Z est ensuite préféré, alors la décision qui en résulte tient compte de cette évolution)
Condition 3 d’indépendance… • … vis-à-vis des alternatives : la décision collective ne tient pas compte des prétentions « hors de propos » : si partage par deux individus d’un bien A (bière) et d‘un bien B (vin) et que l’un souhaite plus de bière et l’autre plus de vin, si jamais il n’y a un jour que du vin à partager, personne ne peut prétendre obtenir plus de vin que l’autre…
Conditions 4 et 5 de « non imposition »: • l’ordre des préférences n’est pas imposé, soit par « dictature », soit par « convention ou coutume » (aucun choix possible ne peut être rejeté, pour quelques raisons que ce soit).
Ces conditions… • … visent toutes à extraire l’individu de son environnement social et l’affranchir de toute contrainte sociale. • Comment en déduire alors une décision collective ? • Réponse de Arrow :
C’est impossible ! • Pour Arrow, il n’existe pas de procédure sociale (collective) qui respecte ces 5 conditions et permette la formulation d’un choix collectif rationnel. • Autrement dit : les décisions collectives ne peuvent se déduire mécaniquement des choix individuels (sinon l’une ou l’autre de ces 5 conditions ne sont pas respectées). • Or, pourtant, un consensus doit s’opérer. Comment le réaliser ?
Réponse de Kenneth Arrow… • il existe toujours une dimension éthique, ou morale, du jugement individuel. Le conflit apparent entre les prétentions individuelles se dissout dès lors qu’il existe un consensus sur les préférences fondamentales... • D’où provient ce consensus ? L’unanimité provient des règles communes que les individus se sont données et qu’ils se sont engagés à respecter. Il y a consensus sur les fins à poursuivre, sur la vie en société…
« Une part de chaque système… • … de valeur individuel doit être constitué par des normes socio-éthiques, dont l’expression ne peut pas être atteinte par le biais d’un comportement marchand individualiste. Ces normes doivent être suffisamment similaires pour tous les membres de la société » (Arrow).