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Tunisie 13 octobre 2003. Les établissements supérieurs payants, offrant des formations innovantes, diversifiées et de qualité, se multiplient et attirent de nombreux élèves.
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Tunisie 13 octobre 2003 Les établissements supérieurs payants, offrant des formations innovantes, diversifiées et de qualité, se multiplient et attirent de nombreux élèves. Fait marquant de la rentrée universitaire en Tunisie : la multiplication des établissements d'enseignement supérieur privés. Depuis l'adoption en 2000 d'une législation visant à mettre fin à l'anarchie régnant dans le secteur et l'astreignant à des normes de qualité, seize écoles ont obtenu l'agrément de l'État. Quatre d'entre elle ont ouvert leurs portes cette année. Cette intrusion du privé est une aubaine pour le gouvernement. Car, à moins d'investissements importants pour augmenter les capacités d'accueil, les structures publiques ne pourront répondre à la demande : en 2002, le nombre d'étudiants était de 270 000 ; en 2003, ils sont plus de 300 000. Pour 2010, on en prévoit 500 000. Les autorités espèrent donc que, d'ici à trois ans, le privé aura accueillie au moins 30 000 étudiants. D'où la reconnaissance de son rôle par l'État, même si, comme le souligne Sadok Chaabane, ministre de l'Enseignement supérieur, « le privé ne remplacera pas le public, mais consolidera l'effort de la communauté nationale dans le domaine de l'enseignement ». « Désormais, le privé est considéré comme une composante du système universitaire tunisien, déclare Noureddine Doggui, directeur général de l'enseignement supérieur. Cela implique que les diplômes sont reconnus par l'État et internationalement. » Tous les établissements agréés sont placés sous la « tutelle » du ministère de l'Enseignement supérieur, qui est d'ailleurs représenté dans leurs conseils scientifiques pour veiller sur la pertinence des formations, la qualification des enseignants et le sérieux des examens. « La Tunisie a réalisé des avancées importantes en matière de qualité des formations dispensées dans le public ; le privé est appelé à en faire autant, sinon plus », souligne Doggui. Ce suivi, la reconnaissance des diplômes et les financements partiels que la législation accorde aux promoteurs de tels établissements ont permis aux structures privées de réaliser, en deux ans, une belle avancée en matière d'offre de formations, désormais au nombre de cent deux. Elles répondent aux demandes de secteurs en plein essor tels ceux des télécommunications, de l'informatique, de l'urbanisme, de l'architecture et de l'avionique. La gestion ou les ressources humaines n'en sont pas oubliées pour autant.
Certains des seize établissements agréés par l'État peinent toutefois à atteindre une crédibilité à la mesure du « tape-à-l’œil » dont ils font preuve. Ainsi, une école, dans les environs de Tunis, affiche une façade en colonnades identique à celle d'une prestigieuse université américaine ; à y regarder de plus près, il ne s'agit que d'une immense bâche. Une autre propose un Diplôme d'études approfondies (DEA) en droit ; après vérification, il s'est avéré que son obtention se faisait par correspondance auprès d'une institution étrangère. Enfin, certaines racolent en annonçant des rabais sur les frais d'inscription. Mais ces dérapages comptent peu à côté des nombreux établissements sérieux, dirigés par des équipes crédibles, soutenus par des sociétés renommées et ayant des partenariats fructueux avec des universités publiques et étrangères. Parmi ces promoteurs, Boussaïri Bouebdelli est un cas à part : pionnier de l'enseignement privé en Tunisie, il a passé des années à se battre contre la bureaucratie. Cet ingénieur a fondé l'Université libre de Tunis (ULT) en 1992, profitant de la réputation de son école d'enseignement de base qui enregistre, dans les examens d'État, 100 % de réussite. Depuis son homologation en 2000, l'ULT, dont la direction est renforcée par Sadok Belaid, ancien doyen de l'enseignement public, a mis en place 90 formations en droit, en économie et gestion, mais aussi en automatique et en informatique industrielle. Pour atteindre ces compétences, la direction s'est dotée d'une capacité d'accueil de 5 000 étudiants et de laboratoires bien équipés pour l'enseignement technique. Titulaire d'un doctorat obtenu aux États-Unis, ancien professeur à l'école des Hautes Études commerciales (HEC) de Paris et à l'université de Tunis, où il a dirigé l'Institut supérieur de gestion, Mahmoud Triki a lui aussi innové. Depuis les années 1970, il milite en faveur du développement de l'enseignement supérieur privé en Tunisie sur le modèle des États-Unis, où il a aussi dirigé la mission universitaire et scientifique tunisienne. Mais son projet, la South Mediterranean University, n'a vu le jour qu'en décembre 2002. Selon lui, elle est « la première institution à vocation régionale et la première anglophone dans un pays francophone ». Premier cursus instauré, un MBA en management ciblant les hauts cadres en exercice est délivré par la Mediterranean School of Business, un département de l'université. Les enseignants sont recrutés parmi les spécialistes du secteur. Une qualité qui permet aux fondateurs d'être soutenus aussi bien par des chefs d'entreprises tunisiens que par des anciens élèves des universités nord-américaines.
Khaled Triki, lui, n'a rien d'un pionnier. Ingénieur, il se définit comme un « homme de terrain», même s'il a été, jusqu'en 2001, membre du directoire d'une grande banque privée de Tunis. Cofondateur de la Time Université, avec Mohamed Damak, économiste, et Riadh Hanachi, ingénieur et patron de Mash, une société d'ingénierie informatique, il avait pour objectif de former des managers maîtrisant l'informatique et des informaticiens bons gestionnaires. Cette double compétence, très prisée, a valu à Time le soutien de nombreuses entreprises tunisiennes, qui ont investi dans son capital et siégeant au conseil d'administration. Parmi tous ces projets universitaires, l'École supérieure privée d'ingénierie et de technologie (Esprit) est l'un des plus prometteurs. Mohamed Ben Lakhdar, créateur et président, souhaite réaliser dans le privé ce qu'il n'a pas pu totalement accomplir dans le public. Ancien directeur des études à l'École nationale des ingénieurs de Tunis (ENIT), ancien directeur de la mission universitaire de Tunisie en France, il a conduit, de 1990 à 1995, la réforme de l'enseignement supérieur technique. Une expérience qui lui permet de connaître exactement les besoins. Avec une soixantaine de collègues engagés dans le projet, Ben Lakhdar souhaite former des ingénieurs en télécommunications et informatique, « disciplines les plus demandées par les jeunes ». Un créneau judicieusement choisi, puisque l'un des plus grands groupes financiers du pays, Tuninvest, assure le financement du projet, soutenu également par de grandes entreprises des secteurs des formations dispensées. Pour lui, il est important de former « des ingénieurs de production capables de bien communiquer, et non pas des ingénieurs dont la formation donne l'avantage à la théorie ». À un étudiant venu avec son père pour s'inscrire, Ben Lakhdar a donné une définition inattendue de son école : « Si tu es là juste pour étudier, vas à l'université (publique), mais si tu veux apprendre à travailler, inscris-toi ici. » Abdelaziz Barrouhi