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La conscience et ses formes

La conscience et ses formes. Magistère de philosophie contemporaine Atelier d'introduction à la philosophie de l'esprit. Consciences. Conscience morale: bonne et mauvaise conscience Conscience sociale: conscience de classe, conscience féministe, etc. Conscience psychologique:

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La conscience et ses formes

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  1. La conscience et ses formes Magistère de philosophie contemporaine Atelier d'introduction à la philosophie de l'esprit

  2. Consciences • Conscience morale: bonne et mauvaise conscience • Conscience sociale: conscience de classe, conscience féministe, etc. • Conscience psychologique: • Être conscient/inconscient • Avoir conscience de quelque chose • Conscience primaire: perceptions, émotions • Conscience réflexive • Conscience de soi • Conscience cognitive et conscience phénoménale

  3. Quelques distinctions utiles • Etat de conscience: Cette notion renvoie à l'usage que l'on fait du mot conscient lorsque l'on dit d'un organisme qu'il est conscient. (creature-consciousness) • Un organisme peut être dit conscient en un sens intransitif s'il est en état d'éveil et réceptif aux stimulations externes ( endormi, évanoui, dans le coma, …) • Un organisme peut-être dite transitivement conscients'il est conscient de quelque chose qu'il perçoit ou conçoit. • Etat conscient: On peut aussi dire d'un étatmental qu'il est conscient (state-consciousness) et distinguer des pensées, croyances ou désirs conscients ou inconscients. On peut se demander s'il existe des sensations ou perceptions inconscientes. • Si un état mental est conscient, il est intransitivement conscient.

  4. La conscience comme marque du mental • Dans la tradition philosophique classique, esprit et conscience sont le plus souvent considérés comme coextensifs: • "Pour ce qui est de la question de savoir s'il ne peut y avoir rien dans notre esprit, en tant qu'il est une chose qui pense, dont lui-même n'ait une actuelle connaissance, il me semble qu'elle est fort aisée à résoudre, parce que nous voyons fort bien qu'il n'y a rien en lui, lorsqu'on le considère de la sorte, qui ne soit une pensée, ou qui ne dépende entièrement de la pensée: autrement, cela n'appartiendrait pas à l'esprit, en tant qu'il est une chose qui pense; et il ne peut y avoir en nous aucune pensée, de laquelle, dans le même moment qu'elle est en nous, nous n'ayons une actuelle connaissance." (Descartes, Quatrièmes réponses) • "The idea of thinking in the absence of consciousness is as unintelligible as the idea of a body which is extended without having parts". (Locke, Essai, l. II, ch. 1) • Thèse de la transparence de l'esprit à la conscience: la conscience est la marque du mental.

  5. L'intentionnalité comme marque du mental • "Tout phénomène psychique est caractérisé par ce que les Scolastiques du Moyen-Age ont appelé l' 'inexistence intentionnelle' (ou encore mentale) d'un objet, et ce que nous pourrions encore appeler, bien qu'avec des expressions quelque peu équivoques, la relation à un contenu, l'orientation vers un objet (sans qu'il faille entendre par là une réalité), ou l'objectivité immanente. Tout phénomène psychique contient en lui-même quelque chose comme objet bien que chacun le contienne à sa façon. Dans la représentation c'est quelque chose qui est représenté, dans le jugement quelque chose qui est admis ou rejeté, dans l'amour quelque quelque chose qui est aimé,dans la haine quelque chose qui est haï, dans le désir quelque chose qui est désiré, et ainsi de suite." (Brentano, La psychologie d'un point de vue empirique, p. 102) • Toute conscience est conscience de quelque chose: conscience et intentionnalité sont coextensives.

  6. La séparabilité entre conscience et intentionnalité • Dans les sciences cognitives, la conscience n'est pas supposée constitutive de la pensée: "It used to be universally taken for granted that the problem of consciousness and the problem of intentionality are intrinsically linked […]. Freud changed all that. He made it seem plausible that explaining behavior might require the postulation of intentional but unconscious states. Over the last century, and most especially in Chomskian linguistics and in cognitive psychology, Freud's idea appears to have been amply vindicated. (Fodor)

  7. Inconscient freudien/ Inconscient cognitif • L'inconscient freudien au sens strict consiste en désirs et pensées qui cherchent sans cesse à se manifester mais sont rendus inaccessibles à la conscience par l'action constante de mécanismes de refoulement. L'inconscient freudien n'est pas en principe inaccessible à la conscience (méthodes psychanalytiques de levée du refoulement) • L'inconscient cognitif est une conséquence de la manière dont notre système perceptivo-cognitif est constitué (niveaux subpersonnels, modularité) et nous est en principe inaccessible. Il s'agit d'un inconscient structurel et non dynamique (au sens d'une dynamique des pulsions).

  8. Quel(s) critère(s) pour le mental? • Beaucoup de chercheurs en sciences cognitives considèrent aujourd'hui que conscience et pensée représentationnelle ne sont pas coextensives et que les deux problèmes peuvent être abordés séparément. (Exception: Searle et principe de connexion)

  9. Quel(s) critère(s) pour le mental? • En conséquence, de nombreux philosophes et chercheurs en sciences cognitives ont abordé le problème de la pensée et de l'intentionnalité indépendamment de celui de la conscience et ont tenté d'élaborer une théorie naturaliste de la pensée. • Ont notamment été élaborés des modèles fondés sur l'idée de l'esprit comme système de traitement de l'information (approches fonctionnalistes, modèles computationnels en psychologie cognitive, etc.) • C'est le relatif succès de cette approche dans l'explication de la mémoire, l'apprentissage, la résolution de problèmes, les attitudes propositionnelles, etc. qui a remis en lumière le problème de la conscience. La conscience apparaissait comme le phénomène qui résistait à une approche dans le cadre du paradigme du traitement de l'information (paradigme cognitiviste)

  10. La conscience comme accès et la conscience phénoménale (Block) • La conscience comme accès: un état est A-conscient si, en vertu du fait que nous nous trouvons dans cet état, une représentation de son contenu est (1) inférentiellement disponible, autrement dit, peut être mobilisée comme prémisse dans le raisonnement, (2) disponible pour le contrôle rationnel de l'action et (3) disponible pour le contrôle rationnel de la parole. Ces trois conditions sont suffisantes mais ne sont pas toutes nécessaires. • La conscience phénoménale: un état P-conscient est un état dont nous avons une expérience subjective. L'ensemble des propriétés qualitatives ou qualia que nous éprouvons alors constitue l'effet que cela fait d'être dans cet état.

  11. Problèmes faciles et problèmes difficiles • En général, la notion de conscience comme accès n'est pas jugée particulièrement problématique, c'est la notion de conscience phénoménale (et la notion apparentée de qualia) qui pose problème pour une conception naturaliste de l'esprit. • La notion de conscience d'accès est une notion essentiellement fonctionnelle. • Approche fonctionnelle de l'esprit: • L'esprit comme base causale et explicative du comportement. • Un état est mental s'il joue un rôle d'un certain type dans la production causale ou l'explication du comportement. • Une notion causale de conscience: une notion qui met l'accent sur le rôle causal et explicatif particulier joué par les états conscients par opposition aux états non-conscients. (rôle dans le raisonnement, rapport verbal, guidage de l'action, …)

  12. La conscience comme espace de travail global (Bernard Baars) • Rôle de la conscience: rendre certains événements ou certaines informations accessibles à un grand nombre de processeurs et sources de connaissance dans le cerveau et ainsi en coordonner l'activité.

  13. Opérateurs contextuels en coulisses Metteur en scène Contrôleur attentionnel Contextes locaux Acteurs en compétition pour l'accès à la conscience Sens externes Sens internes Idées Expérience consciente Faisceau attentionnel éclairant la scène de la mémoire de travail Frange L'auditoire inconscient Systèmes mnésiques Lexique, réseaux sémantiques, mémoire déclarative, mémoire autobiographique, croyances, connaissances sur le monde, etc. Processus interprétatifs Reconnaissance des objets, des visages, de la parole. Analyse syntaxique, spatiale, inférences sociales Automatismes Mémoire procédurale, lecture, contrôle de l'action, automatismes de la parole et de la pensée, etc. Systèmes motivationnels: l'événement conscient est-il pertinent pour mes buts? Réponses émotionnelles, préparation à l'action, résolution de conflits entre buts, etc.

  14. La conscience phénoménale • La conscience phénoménale: la conscience caractérisée non par sa (ou ses) fonction(s) mais par la manière dont elle est vécue subjectivement, par l'effet que cela fait d'avoir une expérience consciente, par la qualité subjective de nos expériences conscientes. • Exemples: • Expériences sensorielles: visuelles, auditives, tactiles, olfactives, gustatives, de chaud et de froid. • Expériences corporelles: douleurs, démangeaisons, chatouillements, sensations de faim, de soif, plaisir sexuel, etc. • Imagerie mentale • Pensées conscientes occurrentes • Émotions • Sens de soi

  15. La subjectivité de la conscience phénoménale • La subjectivité comme asymétrie épistémique • Rien que nous connaissions plus intimement que la manière dont le monde (y compris nous-même) nous apparaît. • Mode de connaissance privilégié de nos pensées, sentiments et sensations • De l'intérieur, le fait que nous soyons conscients paraît indéniable: le fait même que nous nous posions la question manifeste que nous sommes conscients. Pas de distinction entre paraître et être pour la conscience phénoménale. •  l'accès que nous avons aux états mentaux d'autrui ou qu'autrui a à nos propres états mentaux • => perspective en 1ère personne  en 3ème personne

  16. La subjectivité de la conscience phénoménale • La subjectivité comme inscription dans une perspective spatio-temporelle • Dans nos expériences perceptives, dans leurs différentes modalités, le monde nous apparaît toujours dans une certaine relation spatiale à nous-même: • nous voyons la chaise devant nous, à notre droite ou à notre gauche • Nous entendons un bruit comme venant de telle ou telle direction, etc. • Nos expériences perceptives spatiales font intervenir un cadre de référence égocentrique: la localisation spatiale des objets, sons, odeurs, etc. est déterminée par rapport à nous.

  17. La subjectivité de la conscience phénoménale • La subjectivité comme mode spécifique d'apparaître • La manière dont les choses nous apparaissent dans l'expérience. • Rapport avec l'idée de mode de présentation ou mode de donation: • Deux modes de présentation du même objet via deux de ses propriétés: • L'unique cube sur cette diapositive • L'unique figure verte sur cette diapositive • En outre au niveau de l'expérience: chacune de ces propriétés a la propriété de m'apparaître d'une certaine manière. • Les propriétés phénoménales ou qualitatives (les qualia) sont-elles vraiment distinctes des propriétés représentationnelles?

  18. En quoi la conscience phénoménale est-elle problématique? • En général, la notion de conscience comme accès n'est pas jugée particulièrement problématique, c'est la notion de conscience phénoménale (et la notion apparentée de qualia) qui pose problème pour une conception naturaliste de l'esprit. • Une théorie matérialiste de l'esprit peut-elle rendre compte de l'existence de la conscience phénoménale et des qualia? • Problèmes pour la théorie de l'identité psycho-cérébrale: • L'argument du fossé explicatif (Searle, Kripke, Nagel) • L'argument de la connaissance (Jackson) • Problèmes pour le fonctionnalisme: • L'argument du spectre inversé

  19. L'argument du fossé explicatif • Nous appréhendons l'effet que cela fait d'être dans des états phénoménaux par l'introspection. Nos connaissances sur le cerveau sont encore très incomplètes, mais quelque quantité d'informations nouvelles que nous découvrions sur la structure physique des neurones, les transformations chimiques qui se produisent quand ils sont activés, etc., nous ne pourrons jamais expliquer pourquoi ces processus et changements physico-chimiques produisent telles ou telles sensations subjectives ou pourquoi elles produisent des sensations subjectives plutôt que rien (zombies). C'est ce qu'on appelle le fossé explicatif. • Asymétrie entre identités physiques et identités psychophysiques: • eau = H2O • Quale de rouge = pattern d'activation spécifique dans V4

  20. L'argument du fossé explicatif • Asymétrie entre identités physiques et identités psychophysiques: • eau = H2O • quale de rouge = pattern d'activation spécifique dans V4 • L'identité (1) a valeur explicative: les diverses propriétés macroscopiques de l'eau (point d'ébullition, capilarité, etc) peuvent être expliquées par (dérivées de) les propriétés microscopiques des atomes d'oxygène et d'hydrogène, de leurs liens électrostatiques de la forme 3D d'une molécule de H2O, etc. • En revanche, l'identité (2) paraît arbitraire, on ne voit pas pourquoi tel pattern d'activation cérébral plutôt que tel autre devrait produire ce quale.

  21. L'argument du fossé explicatif • Concevabilité: • eau = H2O Etant donné l'explication chimique de la nature de l'eau, il semble impossible de concevoir que l'eau ne bouille pas à 100° C au niveau de la mer. • quale de rouge = pattern d'activation spécifique dans V4 Etant donné une explication physique de cet aspect de la conscience phénoménale, il semble toujours possible de concevoir une créature qui possède ces propriétés physiques mais pas la propriété phénoménale.

  22. Fossé épistémique ou ontologique? • Le fossé est à la fois épistémique et ontologique • Concevabilité (= possibilité épistémique) => possibilité métaphysique • Si une situation est concevable, elle est possible. • S'il est concevable que l'identité (2) ne soit pas toujours vérifiée, alors il est possible qu'elle ne le soit pas (il existe des mondes possibles où elle ne l'est pas). Par conséquent, il n'y a pas de relation nécessaire entre propriétés physiques et propriétés phénoménales et donc pas de réduction explicative et pas de réduction ontologique. • Le fossé est seulement épistémique • La concevabilité n'implique pas nécessairement la possibilité métaphysique. • Nous opérons avec deux types de concepts très différents: les concepts phénoménaux et les concepts physiques. • Le fait qu'il soit concevable que l'identité (2) ne soit pas toujours vérifiée montre que ces concepts sont irréductibles les uns aux autres mais non qu'ils ne font pas référence aux mêmes phénomènes.

  23. Qualia et fonctionnalisme • Appliquée aux qualia, la thèse fonctionnaliste est la thèse selon laquelle le caractère phénoménal de tel type particulier d'expérience n'est rien d'autre que la propriété qu'elle a de jouer un certain rôle causal ou téléofonctionnel dans la médiation entre certaines entrées sensorielles et certaines sorties motrices. • Selon cette conception, les qualia sont susceptibles de réalisations physiques multiples. Des états internes physiquement très différents peuvent néanmoins avoir les mêmes propriétés qualitatives. Ce qui importe c'est le rôle fonctionnel, non la réalisation physique. 25

  24. L'argument du spectre inversé • Il n'y a rien de contradictoire à imaginer un être, Tictac, dont les expériences de couleurs sont systématiquement inversées par rapport à celles des autres. Ainsi, quand Tictac voit un objet rouge, il a la même expérience qu'un humain normal qui voit du vert. Ni lui ni personne n'est conscient de cette bizarrerie. Il a appris les noms de couleurs de manière habituelle et applique les mots de la même manière que les autres. Il dit que les tomates sont rouges, l'herbe est verte, etc. En outre, son comportement non-linguistique ne se distingue en rien de celui des autres. • L'expérience de Tictac est phénoménalement très différente de la nôtre, mais fonctionnellement ne s'en distingue pas. Elle est produite par les mêmes stimuli, donne lieu aux mêmes croyances et aux mêmes comportements verbaux et non-verbaux. • Conclusion : la qualité phénoménale de son expérience n'est pas fixée par son rôle fonctionnel. 26

  25. Intuitions et théories • Trois intuitions centrales: • L'expérience consciente est riche et réelle. On ne peut négliger l'aspect phénoménal de la conscience. • L'expérience consciente est liée à notre être physique. • La conscience a une efficacité causale. • Quatre écoles de pensée: • Théorie de l'identité (état conscient = état cérébral): problème avec (1): fossé explicatif • Fonctionnalisme (état conscient = état occupant un certain rôle fonctionnel): problème avec (1): spectre inversé • Dualisme (état conscient est irréductible a état physique): problème avec (3) • Eliminativisme: rejeter (1) pour ne garder que (2) et (3). La notion traditionnelle de conscience phénoménale est incohérente et périmée. Elle doit laisser la place à des concepts scientifiques.

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