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Histoire de la France révolutionnaire. Sixième cours : La Restauration (1804-1830). 3.3 – Liberté d’expression
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Histoire de la France révolutionnaire Sixième cours : La Restauration (1804-1830)
3.3 – Liberté d’expression • La liberté d’expression fait partie des principaux gains obtenus par la bourgeoisie libérale dans sa lutte contre la monarchie, mais les pressions politiques et le contexte tendu des années qui suivent le renversement de la monarchie ont mis à mal cette liberté. • L’évolution des pressions sur la presse et l’opinion suit l’évolution politique. En 1790, les courants monarchistes, sans être ouvertement brimés, préfèrent garder un profil bas, et le mouvement s’accentue au fur et à mesure de l’établissement de la Terreur. • Même si, la liberté de presse n’a pas été suspendue en 1793-1794, la « censure de l’échafaud » suffit à faire taire les courants antiterroristes. À l’Ouest ou dans les villes « fédéralistes », on constate le phénomène inverse, alors que les jacobins préfèrent se faire discrets.
Paris avait plus de moyens pour contraindre l’opposition. Après les procès contre les cordeliers, l’arme économique est utilisée par le gouvernement, qui limite les subventions de l’État aux journaux favorables au gouvernement, qui sont alors plus diffusés et plus lus. • Après thermidor, des voix à droite et à gauche s’élèvent pour que soient mises en place les conditions d’une réelle liberté d’expression. Sans attendre les décisions de la Convention, une grande liberté d’opinion apparaît à nouveau. • Cela ne durera pas très longtemps, car la montée d’un courant antijacobin et revanchard entraîne une pression sur la presse de gauche : en 1795, c’est au tour des jacobins de se cacher et de faire profil bas. • La chose est encore plus évidente si on tient compte d’autres phénomènes, comme les attaques physiques ou encore les pièces de théâtre dans lesquelles on fustige les anciens dirigeants.
Et les positions des uns et des autres n’ont de cesse de se télescoper en fonction des purges politiques et des luttes institutionnelles : en 1795, de nombreux jacobins sont réhabilités et se joignent au Club du Panthéon, qui est fermé l’année suivante lorsqu’une nouvelle purge s’abat sur la mouvance radicale. • Tous les mouvements d’opinion sont pris dans ce cycle tolérance-purge-tolérance, déterminé par le contexte. • Bonaparte rétablit l’ordre et la cohérence, à défaut de la liberté d’expression. Dès sa première année à la tête de l’État, il interdit la publication d’une centaine de journaux. La presse, instrumentalisée, doit simplement soutenir le pouvoir et taire ses critiques. • On retrouve une politique semblable dans le domaine artistique, Napoléon comprenant l’utilité d’un art de propagande pour asseoir son pouvoir. Sa relation étroite avec le peintre David en constitue une remarquable illustration.
3.4 – Religion et mentalités • Malgré la déchristianisation, le catholicisme demeure la religion de la majorité. Ainsi, 1795 est marqué par un renouveau religieux : réouverture des églises, reprise du culte réfractaire. • Mais les catholiques sont divisés, entre le nouveau clergé, qui souffre du développement d’un courant réactionnaire et l’Église des réfractaires qui voit sa position renforcée par le retour des prêtres émigrés. • Après Fructidor, on assiste à une reprise de la persécution religieuse qui provoque un désarroi chez les catholiques, d'autant que la destruction de l'État pontifical en 1798 par Napoléon et la mort de Pie VI en 1799 semblent annoncer la disparition du catholicisme. • Mais le Consulat et le rétablissement d’un régime absolutiste porte en lui le retour du catholicisme.
Dès décembre 1799, la liberté de culte est garantie et le clergé réfractaire est invité à rentrer en France, Bonaparte souhaitant mettre un terme à la division du clergé français, d’où les négociations avec le pape. • Ces négociations aboutirent à la signature d’un concordat entre la France et Rome : le culte réfractaire pouvait de nouveau être célébré en France et il fut décidé qu’évêques et prêtres des deux camps démissionneraient pour faire place à un nouveau clergé. • L’Église abandonnait ses prétentions sur les biens confisqués pendant Révolution, les prêtres demeuraient des salariés de l’État, devaient prêter serment de fidélité au gouvernement et dire une prière pour la république à la fin de chaque messe. Les évêques étaient nommés par Paris, mais ils recevaient l’investiture de Rome. • Le Concordat ne faisait pas du catholicisme la religion officielle. La laïcité de l’État demeurait une conquête de la révolution.
Des articles furent promulgués par Bonaparte en 1802 et 1808, afin de réglementer le culte protestant et israélite. • Les institutions ont changé au cours de la période 1789-1804, mais qu’en est-il de l’opinion de la population envers la monarchie et la république? • Un fort courant monarchiste demeure vivace en France, d’autant qu’il se trouve confondu avec le catholicisme. • La grande erreur des émigrés est d’avoir cru que le pays souhaitait un retour à l’ordre ancien, conspué par la population, y compris par une majorité de monarchistes, qui souhaitaient une monarchie constitutionnelle. Louis XVIII refusant une telle solution, la monarchie était à ce moment condamné. • D’autant que si l’idée républicaine était inexistante en France en 1789, les quelques années de la république ont fait en sorte qu’une majorité de la population en 1795 se reconnaît dans le régime républicain.
Mais de quelle république s’agit-il? Le souvenir des années 1793-1794 est certainement une donnée incontournable. On désire une république modérée qui puisse garantir la liberté et à la propriété, bref une république bourgeoise libertaire. • C’est l’opinion de la majorité, mais il existe une opposition de gauche : anarchistes, jacobins, et babouvistes, nostalgiques de l'an II, pour qui tout n'était pas mauvais dans le gouvernement révolutionnaire. • C’est à schisme que tente de répondre le Consulat, qui cherche à créer un consensus national. L’abrogation de la loi des otages et l’amnistie accordée aux émigrés et aux proscrits en 1802 s’inscrivent dans cette logique de réconciliation nationale. • Rien n’illustre mieux cette volonté que la suppression des fêtes du 21 janvier, du 31 mai et du 27 juillet. La seule fête qui reste célébrée est le 14 juillet, jour de la prise de la Bastille.
4 – Politique étrangère 4.1 – La fin de la première coalition • 1794 voit les armées françaises remporter de grandes victoires et étendre leur domination sur des zones importantes, surtout au nord. • Après la conquête de la Belgique, les Français s’attaquent aux Provinces-Unies. Amsterdam tombe en janvier 1795. Une fois la flotte hollandaise entre leurs mains, les Français occupent tout le territoire dès février. • En mai, Français et Néerlandais signent le traité de La Haye : les Provinces-Unies abandonnent la Flandre hollandaise, Maëstricht et Venlo. Puis les Néerlandais proclament la république batave, république sœur, abandonnant de fait la première coalition.
Octobre 1795 : la Belgique est rattachée à la France. Cette expansion territoriale marque la transformation d’une guerre défensive en guerre de conquête. • À l’est, à l’automne 1794, les armées françaises franchissent le Rhin, s’emparant de la rive gauche et de Mayence. Au printemps, le roi de Prusse, fait la paix par le traité de Bâle : la France conserve les territoires à l’ouest du Rhin, ceux à l’est sont rendus à la Prusse. • De sorte qu’en 1795, les armées françaises ont imposé la paix à de nombreux membres de la 1ère coalition, d’autant qu’au sud, un traité de paix met fin à l’engagement contre l’Espagne en juillet. • La guerre se poursuit contre l’Autriche, l’Angleterre, le royaume de Piémont-Sardaigne et plusieurs territoires italiens. • Le dernier grand conflit de cette 1ère coalition va s’étirer jusqu’en 1797 et porte le nom de guerres d’Italie, territoire complexe politiquement.
L’Autriche avait offert la paix à l’été 1795, mais les conditions autrichiennes ayant étant jugées insuffisantes, les Français l’avaient rejetée. L’Autriche attaqua l’Armée du Rhin, bloquant l’avance de celle-ci. • Au sud-est, l’Armée d’Italie lança une offensive contre les Autrichiens et les Piémontais, qui fut couronnée de succès par la bataillede Loano en novembre 1795, qui ouvrit aux Français les portes de l’Italie. • Un armistice fut signé le 21 décembre, mais le processus de paix se heurta au refus des Autrichiens de reconnaître à la France ses gains territoriaux sur le Rhin et la guerre se poursuivit. • Le 5 mars 1796, Bonaparte fut nommé commandant en chef de l’armée d’Italie. • L’armée d’Italie était en piteux état : affectée par les désertions et mal équipée, elle ne comptait plus que 30 000 hommes. D’où la nécessité de frapper vite et fort les Piémontais.
À Montenotte, Millesimo et Dego, les forces françaises culbutèrent les Piémontais, les isolants des armées autrichiennes (50 000 hommes), contraignant le roi de Piémont à la paix le 28 avril. Confirmé en mai 1797, le traité permettait à la France d’annexer Nice et la Savoie. • Le génie de Bonaparte commence à se manifester. Perdant peu d’hommes et capturant l’artillerie de l’ennemi, l’Armée d’Italie se consolide. • L’Autriche s’est repliée sur le Pô et Napoléon se lance à sa poursuite. Après sa victoire aupont de Lodi(10 mai 1796), il s’empare de la Lombardie, entrant dans la cité de Milan quelques jours après l’affrontement. • Puis en mai et juin, Bonaparte contraint Parme, Modène et Naples à la paix, les obligeant à verser d’importantes réparations à la France, tout en pillant le territoire. • Les Autrichiens lancèrent une contre-offensive à la fin juillet 1796 et Bonaparte remporta deux autres victoires à Lonato et Castiglione, lui permettant de dominer le Pô.
Pendant que l’Armée du Rhin essuyait plusieurs défaites, à l’automne, Bonaparte remonta en territoire autrichien et s’empara de Trente, avant d’assiéger Mantou, d’où les troupes autrichiennes s’enfuirent en direction d’Arcole, où naquit la légende de Bonaparte. • Après un long siège et une autre défaite à Rivoli, Mantou céda en février 1797 et Pie VI accepta de signer la paix, abandonnant Bologne, Ferrare et la Romagne, tout en s’engageant à fermer les ports aux navires anglais et à verser une indemnité de 31 millions à la France. • Arrivée à trente lieues de Vienne en avril 1797, l’Armée française contraignit l’Autriche à la paix et le traitéde Campo-Formio mit un terme à la guerre. • L’Autriche reconnaissait l’indépendance de la république cisalpine et de la république ligurienne(Milan et Gênes), qui devinrent des républiques sœurs, garantissait la libre circulation des navires français sur le Rhin, reconnaissait les possessions françaises sur le Rhin et aux Pays-Bas.
Elle cédait à la France les îles Ioniennes et libérait le général La Fayette. En contrepartie, l’Autriche recevait Venise, l’Istrie et la Dalmatie. • Napoléon négocia lui-même ce traité, par-dessus la tête du gouvernement, et s’il fut accueilli en héros par la population, le Directoire regarda d’un mauvais œil cet ambitieux général qui signait des traités sans recevoir son aval.
4.2 – L’expédition d’Égypte et la seconde coalition (1798-1802) • L’Angleterre restait seule en guerre contre la France et à partir de septembre 1798, se rapprocha de l’Autriche, de la Russie, de la Turquie, de la Suède et de quelques principautés allemandes. C’est ainsi que se forma la seconde coalition. • En février 1798, Bonaparte soumit son projet d’invasion de l’Égypte au Directoire, lequel approuva l’idée autant pour ses avantages politiques que militaires. L’expédition revêtait aussi des intérêts scientifiques et culturels. • L’armée française débarqua d’abord à Malte le 11 juin et s’empara de La Valette, d’où les chevaliers de l’ordre furent chassés et où Napoléon laissa en garnison 3 000 hommes, avant de reprendre la mer.
Après s’être emparé d’Alexandrie, Bonaparte partit en direction du Caire, où il dut lutter contre une armée supérieure en nombre qu’il parvint à vaincre facilement. • Il entre au Caire le 24 juillet 1798 et décide la création de l’Institut français du Caire. Napoléon se présente comme le défenseur de l’Islam, tout en modernisant les structures administratives de la région qu’il contrôle sur le modèle français. • Les choses se gâtèrent après la bataille d’Aboukir du 2 août 1798, qui vit la flotte française être presque totalement détruite, ce qui laissait les forces de Napoléon sans ravitaillement ni renfort, le contraignant à enrôler des soldats dans la population locale. • Cette mesure, et la mise en place d’un impôt foncier provoquèrent la révolte des habitants du Caire. • Ragaillardies par la victoire anglaise d’Aboukir, les puissances européennes redeviennent menaçantes et les populations s’agitent au Piémont et en Belgique.
La menace française incite l’Empire ottoman à se rapprocher des Anglais avec lesquels il signe un traité en décembre 1798, auquel se joint la Russie. • Bonaparte, après avoir maté la révolte cairote, marche vers Suez, incitant les forces syriennes à attaquer l’Égypte et élargissant le conflit au territoire syrien. • Les forces locales ne sont pas de taille et les Français s’imposent facilement. Gaza tombe le 24 février 1799, puis Jaffa le 6 mars, après un long siège. Puis vint le tour de Nazareth, Jaffet, et Tyr, avant que le siège soit mis devant Saint-Jean-D’acre. • Ces victoires, faciles, épuisent une armée en manque de ravitaillement qui ne put s’emparer de la ville, d’autant que la peste se déclara parmi les français. Napoléon fut donc contraint de se replier vers Le Caire. • En Europe, la guerre reprenait et La France partait à l’offensive sur le Rhin pour devancer l’attaque ennemie.
En Hollande les Français parviennent à contenir les Russes, mais l’armée d’Italie est vaincue par les troupes austro-russes et abandonne Milan, la plaine du Pô et le Piémont. Pour compliquer le tout, le Vendée entre à nouveau en insurrection. • Après une contre-offensive des ottomans à Alexandrie, Napoléon se porte à l’offensive en juillet 1799 pour dégager ses hommes, à la tête d’une armée affaiblie, mais parvient à s’imposer dans cette deuxième bataille d’Aboukir, qui donneun répit aux Français. • À la fin d’août 1799, Bonaparte apprit la situation en Europe et décida de rentrer en France, laissant une garnison sur place. • Il est accueilli en sauveur et devient premier consul. La situation étant critique, il tente de faire la paix avec l’Angleterre et l’Autriche, qui exigent le rétablissement des Bourbons comme préalable.
Profitant de la mésentente entre Russes et Autrichiens, il fait la paix avec Paul et contre-attaque. Traversant les Alpes en mai, il s’empare de plusieurs villes au nord-ouest de l’Italie, dont Milan le 2 juin 1800, alors que Gênes est capturée par l’Autriche. • C’est ce même mois de juin que Bonaparte remporta une de ses grandes victoires, à Marengo, contre les Autrichiens, qui s‘étaient portés à l’offensive contre lui. D’abord commencée sous de mauvais auspices, avec une situation peu confortable et une légère infériorité numérique, l’arrivée de 10 000 hommes en renfort permit aux Français de sauver la situation. • Le même jour, en Égypte, le général Kleber, que Napoléon avait laissé en garnison, est assassiné. Son successeur parvint à tenir quelques mois, mais en juin 1801, il dut s’avouer vaincu et se soumettre aux Anglais, mettant un point final à l’aventure égyptienne.
Après Marengo, Napoléon reprend tous les territoires perdus en 1799, à l’exception de Mantoue, et rentre à Paris, d’autres généraux poursuivant la conquête. • En décembre 1800, Moreau inflige une grave défaite aux Autrichiens à Hohenlinden, contraignant ainsi ces derniers à négocier. • Le 9 février 1801 est signé le traitéde Lunéville, qui confirme les dispositions du traité deCampo-Formio de 1797 et obliger l’Autriche à céder la Toscane et à reconnaître la république helvétique. • La Toscane fut rétrocédée à l’Espagne par le traité d’Aranjuez, en échange du duché de Parme, de la rive Ouest du Mississippi et de l’île d’Elbe. • Les Anglais sont isolés, d’autant que le sultan ottoman fait la paix avec la France. L’Angleterre étant disposée à négocier, Napoléon entame des pourparlers conduisant à la signature de la paix d’Amiens en mars 1802.
L’Angleterre restituait le Cap de Bonne-Espérance aux Hollandais, confirmait les droits de pêche des Français à Terre neuve et rendait son indépendance à Malte, tombé aux mains des Anglais en 1800. • La France devait évacuer Naples et Rome, rendre l’Égypte à l’Empire ottoman et dédommager Guillaume V d’Orange-Nassau, renversé lors de la proclamation de la république batave. • Ayant maintenant les mains libres, Bonaparte envoie une armée reprendre Saint-Domingue en révolte. Arrivés le 1er février 1802, les Français rencontrèrent de graves difficultés, malgré la capture de François Dominique Toussaint, le chef des insurgés de Saint-Domingue. • Décimée par la maladie, l’armée française ne put empêcher Saint-Domingue de déclarer son indépendance le 1er juillet 1804, sous le nom d’Haïti.
Sixième cours : 1 – Le couronnement 2 – L’empire 3 – Bref bilan de l’œuvre napoléonienne 4 – La Restauration 5 – Économie et société 6 – Politique étrangère
1 – Le couronnement • Au printemps 1804, le Sénat « offrit » le titre d’empereur à Bonaparte, entraînant une modification à la constitution, qui rend la dignité impériale héréditaire, pour un fils naturel. Les amendements seront approuvés par référendum. • Une noblesse d’Empireest constituée et les meilleurs généraux de Bonaparte sont élevés à la dignité de maréchal. • Le choix du titre n’est pas aléatoire, la dignité d’empereur étant supérieure à celle de roi. Ce n’est pas la principale raison, le titre de roi appartenant à une époque révolue et sans doute que l’idée de monarchie n’est pas très populaire à ce moment.
Malgré ces nuances, la création de l’empire constitue la restauration d’un pouvoir absolutiste, aboutissement logique de Thermidor en direction de la consolidation d’un élitisme, bourgeois qui se distingue de moins en moins de l’élitisme aristocratique de l’ancien régime. • Ce désir d’établir une continuité au-delà de la révolution est illustrée par la symbolique de l’empire : aigle impérial abeilles dorées et sacre par le pape. • Ce sacre, qui eut lieu le 2 décembre 1804 dans la cathédrale de Notre Dame de Paris, illustre le double héritage – impérial et républicain – sur lequel s’appuie Bonaparte. • Car si l’idée du sacre relève de l’ancien régime, le fait que Napoléon se couronne lui-même est républicain : Bonaparte ne devient pas empereur par la grâce divine et le privilège de sa naissance et doit ce titre à ses seuls mérites, reconnus par la nation française.
2.1 – L’expansion (1804-1809) • Il est douteux que Napoléon ait en 1804 le désir de recréer un empire, le sacre visant à accroître sa légitimité et à consolider son pouvoir et de sa descendance. À ce moment, la France a atteint ses « frontières naturelles » et consolidé son influence. • Les circonstances et le refus de l’Angleterre d’admettre sa défaite donneront naissance à la nécessité de reconstruire un empire. De sorte que celle-ci n’apparait qu’à la suite de Trafalgar et d’Austerlitz. • Avant même le sacre, l'Angleterre reprit la guerre devant la menace d'une hégémonie française. La paix d'Amiens, à laquelle l’isolement avait contraint l’Angleterre, témoigne de la poursuite par Napoléon de la politique des républiques sœurs.
Cette extension de l'influence française était dangereuse pour le Royaume-Uni aussi pace qu’elle allait de pair avec la signature de traités de commerce avec divers États et les prétentions coloniales de la France. • Le conflit se ralluma autour de Malte, mais comme la France ne pouvait pas gagner sur mer et que le Royaume-Uni ne le pouvait pas sur terre, les belligérants durent adapter leur stratégie : Napoléon prépara un projet de débarquement, alors que l’or anglais devait permettre la constitution d’une 3e coalition. • Napoléon ne pouvait envahir l'Angleterre que s’il parvenait à contrôler la Manche, mais, les forces navales anglaises détruisirent la flotte française à Trafalgar le 21 octobre. Quand l’empereur apprit la création d’une coalition contre lui, il se porta sur le Rhin. • La Grande Armée surpris les forces autrichiennes dans Ulm le 29 octobre 1805, avant de poursuivre sa route vers Vienne, dont elle s’empare sans résistance.
La Prusse rejoignit la coalition et Napoléon se porta contre les forces autrichiennes et russes, avant que celles de la Prusse ne puissent les rejoindre ,et remporta le 2 décembre sa grande victoire d’Austerlitz. • Victoire que brisa la 3e coalition : les Russes s’enfuirent en Pologne et l’Autriche signa la paix de Presbourg, perdant la Vénétie, la Dalmatie et l'Istrie, moins Trieste. • Le trône de Naples était occupé par Joseph et celui de Hollande par Louis, donnant à la politique impériale une certaine réalité. La confédération du Rhin fut créée, (Bavière et Wurtenberg), sur les ruines du Saint-Empire, dont la mort fut proclamée le 1er août 1806. L’empire français s’étendait désormais sur l’Allemagne et l’Italie. • Après une tentative de négociations, le Royaume-Uni suscita une 4e coalition anti-française, avec la Russie et la Prusse, qui somma Napoléon d'évacuer l'Allemagne, mais avant qu’elle ait pu réunir ses forces, elles furent anéanties à Iéna et Auerstaedt.
Le territoire prussien fut conquis et le 27 octobre, Napoléon entrait à Berlin et imposait un lourd tribut. • L’armée russe affronta Napoléon à Eylau en février 1807, dans une bataille indécise qui obligea Napoléon à marquer une pause jusqu’au printemps. • Il s’employa à dresser contre la Russie l’Empire ottoman et la Perse et une fois le beau temps revenu, il écrasa à Friedland les forces russes, obligeant Alexandre 1er à la paix. Napoléon avait détruit toute opposition et proposa à la Russie une alliance, qui se concrétisa à Tilsitt. • La Prusse perdit ses territoires à l'ouest de l'Elbe, qui formèrent le royaume de Westphalie donné à Jérôme Bonaparte et la Pologne prussienne constitua le grand-duché de Varsovie. • La Russie abandonnait les îles ioniennes à la France et promettait de s'allier à la France contre l'Angleterre si cette dernière refusait la médiation russe. Napoléon se à promis pour sa part sa médiation avec les Turcs.
Cette alliance temporaire donnait à Napoléon le temps de vaincre l’Angleterre économiquement, la perspective d’une victoire militaire étant exclue. • Pour soutenir les coalitions anti-françaises, l’Angleterre avait dépenser des sommes énormes et ses finances étaient en mauvais état, ce qui donna naissance à l’idée d’un blocus continental qui, en frappant les exportations de l'Angleterre, allait obliger celle-ci à négocier. • L’Angleterre avait pris l’initiative d’une guerre économique en décrétant le blocus des côtes françaises en 1806. De son côté, ne pouvant contrôler les mers, la France devait fermer le continent aux Anglais. • Pour être efficace, ce blocus devait être total, d’où la nécessité de poursuivre toujours plus loin vers l’est les guerres afin de contraindre l’Europe à se plier à cette politique. La boulimie territoriale de la France n’était pas le résultat de la mégalomanie napoléonienne, mais la seule possibilité d’imposer la paix à l’Angleterre.
En Italie, la contrebande obligea Bonaparte à occuper les territoires, dont ceux relevant de la papauté. En Poméranie suédoise, des troupes s’installent en 1807 pour contrôler les côtes. Il en fut de même pour le Portugal, allié britannique, occupé à partir de 1807. • Le commerce britannique diminua considérablement, d’autant qu’un conflit avec les États-Unis éclata à ce moment. Durant les six premiers mois de 1808, les exportations anglaises diminuèrent de moitié. • Mais la désastreuse politique de Napoléon en Espagne sauva l’Angleterre. Pour des raisons très disputées, la France s’impliqua dans la crise espagnole, qui opposait le roi Charles IV à son fils Ferdinand VII, obligeant le premier à céder la couronne à Joseph Bonaparte. • Cette annexion provoqua la colère des Madrilènes, dont la violente répression entraîna le soulèvement d’une partie de l’Espagne, menée par la noblesse et le clergé, mais utilisant les masses paysannes.
La bourgeoisie espagnole appuyait Joseph, mais la défaite de l’armée française le 22 juillet porta un rude coup à l’aura d’invincibilité des Français, au moment où les Britanniques s’emparaient du Portugal. • Ces événements poussèrent les colonies espagnoles d’Amérique à rejeter Joseph et à ouvrir leurs territoires aux Anglais et dès 1809, la crise économique en Angleterre reculait. • La situation obligea l’empereur à s’impliquer en Espagne, alors que l’Autriche menaçait. Bonaparte comptait sur Alexandre pour la surveiller, mais il se déroba, suscitant la colère de Napoléon, qui s’empressa en Espagne pour consolider la couronne de son frère et poursuivre les Anglais. • Peut-être serait-il parvenu à les détruire, n’eût été le soulèvement des Allemands et Autrichien, qui donna naissance à la 5e coalition : le nationalisme français avait provoqué l’apparition des nationalismes d’Europe.
Après avoir rétabli l’ordre impérial sur les territoires allemands, Bonaparte triompha des Autrichiens à Wagram le 6 juillet 1809 et leur imposa des conditions très dures : ils perdaient l’Istrie, la Carinthie, la Carniole et Trieste, réunies pour créer les Provinces illyriennes placées sous l'autorité d'un gouverneur français, pendant que le sud de la Galice était donné à la Russie et le nord au grand-duché de Varsovie. • Cette victoire difficile témoigne d’un affaiblissement de la position de Napoléon, alors que l’opinion française commence à montrer des signes de mécontentement, particulièrement après l’annexion de Rome en mai 1809. Le temps semble alors venu de marquer une pause.
2.2 – La Paix napoléonienne • La répudiation de Joséphine et le mariage avec Marie-Louise d’Autriche en avril 1810 illustrent la volonté de Napoléon de calmer le jeu. Il devenait ainsi le neveu par alliance de Louis XVI, ce qui pouvait lui permettre de rallier l'ancienne noblesse française. • La domination de Napoléon de l’Europe en 1810 est impressionnante : Belgique, Hollande, villes de la Hanse, Brême et Hambourg, rive gauche du Rhin, Italie du Nord, Rome et Provinces Illyriennes. • L’empereur est en outre médiateur de la Confédération helvétique et protecteur de celle du Rhin et a pour vassaux le roi d'Espagne et celui de Naples. • Le maréchal Bernadotte règne en Suède et le Danemark est un allié fidèle. Plus de la moitié de l'Europe est alors placée sous l'autorité de l'empereur.
Que serait-il advenu de l’Empire si l’Angleterre avait été vaincue ? À en juger par les efforts d’unification qu’il fit sur l’ensemble du continent, on peut croire que Bonaparte avait en tête le maintien de cette union européenne sous domination française. • En Italie du Nord, dans le royaume de Naples et en Belgique, les restes du système féodal furent balayés, mais la pauvreté de la paysannerie du sud de l’Italie limita cette abolition. • En Allemagne du sud, le régime féodal résista à la pénétration du droit français, alors que dans le grand-duché de Varsovie, si le servage fut aboli dès 1807, les droits seigneuriaux persistèrent. • Dans les pays vassalisé ou soumis à la couronne, on introduisit avec des succès variables les institutions issues de la Révolution : système préfectoral en Espagne, système judiciaire en Pologne, système fiscal en Allemagne, etc.
Dans cette Europe éclatée, la construction d’une unité institutionnelle aurait été l’affaire de plusieurs décennies. Napoléon comprenait l’importance des communications et s’inspirant de l’Empire romain, fît construire un réseau de routes reliant les différentes parties de son empire. • Changeant le visage des vieilles villes d’Europe au bénéfice d’une forme d’uniformisation, la politique de grands travaux eut des effets à long terme, surtout dans les villes italiennes et françaises. • La Grande armée joua un rôle dans le processus de fusion des nations, entrainant un brassage de population. Le commandement était essentiellement français mais les troupiers de l’Armée constituent une illustration remarquable du désir impérial français. • Ainsi en fut-il aussi de la création d’un ordre impérial remplaçant les anciennes décorations de l'Europe et symbolisant la fusion de celle-ci sous le sceptre français : l'ordre impérial de la Réunion, établi en 1811.
Les arts n'échappent pas au processus et le Louvre devient le centre artistique du monde européen. Le « style Empire » étend son influence en Allemagne, en Italie en Espagne. • Les artistes participent à la propagande impériale et dans les salons, la peinture guerrière domine, comme l’ensemble de l’esthétique guerrière. Si les courants dissidents sont rejetés dans l’opposition, les sciences se développent bien, grâce à leurs applications militaires. • Paris devient le centre de l’Europe. Sa population croit d’un quart de 1800 à 1815, alors qu’artistes, financiers, chercheurs de toute l’Europe s’y concentrent, même si les transformations physiques demeurent limitées, à quelques réalisations. • Mais il s’agissait d’une fusion et non d’une union. La France demeurait maître d’œuvre et, paradoxalement, c’est bien le nationalisme français qui provoqua les naissances des nationalismes européens.
D’autant qu’avec le temps, la centralisation s’accroît, et les nations de l’empire sont négligées au profit de son centre. • Rien n’illustre mieux ce processus que les modifications au blocus adoptées en 1810 : n’ayant pu vaincre la contrebande des produits anglais, Napoléon se devint contrebandier et autorisant l'importation de marchandises anglaises par un système de licences réservé aux ports français. • L’économie européenne souffrait d’un blocus qui demeurait équitable jusqu’à ce moment. Les nations d’Europe n’acceptèrent pas cette politique impérialiste. Cela étant, sans les défaites des 1812, qui peut dire si elles se seraient soulevées contre l’Empereur d’Europe?
2.3 – La fin de l’empire (1812-1815) • En 1811, il semblait logique que Napoléon poursuivre sa guerre en Espagne, par où l’Angleterre le narguait. • Mais à l’est, les choses n’allaient pas bien et l'alliance de Tilsitt étant trop dommageable à la Russie. Dès 1808, la balance commerciale russe devint déficitaire • Alexandre 1er redoutait la reconstitution d’un royaume de Pologne, dont le grand-duché de Varsovie semblait être la première étape et était insatisfait du manque évident d’empressement de Napoléon concernant la question ottomane. Pour les Russes, les bénéfices de l’alliance ne concernaient que les Français. • Après sa rencontre avec Alexandre en septembre 1808, Napoléon se prépare à un affrontement. D’autant que la conquête de la Russie lui permettrait de se douter d’une base terrestre pour poursuivre plus loin et frapper l’Angleterre dans ses colonies indiennes.
Napoléon sous-estime les risques d’une invasion et est persuadé que sa puissance aura tôt fait de contraindre Alexandre à la capitulation. • Le 22 juin 1812, la Grande Armée franchit la frontière russe. Les forces russes adopteront une stratégie de recul, davantage causée par l’inefficacité du commandement que par une analyse de la situation. • Après la bataille indécise de Smolensk en août, les forces russes se concentrent pour défendre Moscou. Le 7 septembre 1812, les deux armées s’affrontent dans la plus sanglante bataille du XIXe siècle. Le sort des armes est indécis, mais Napoléon reste maître du champ de bataille et le 14 septembre fait son entrée à Moscou. • Après que les incendies aient ravagé la ville entre le 14 et le 18 septembre, Napoléon est contraint d’abandonner Moscou le 18 octobre. Sur la route du retour, les forces russes lui infligent de lourdes pertes à la bataille de Maloïaroslavets et grâce à l’appui des partisans.
Le froid vient à bout d’un grand nombre de soldats et seuls 30 000 hommes, plus la garde impériale, parviendront à quitter de Russie fin novembre. • La défaite de Napoléon sonne le réveil des nations européennes. C’est de la Prusse que démarra le mouvement • L'Autriche se joint à la Prusse et à la Russie à la bataille de Leipzig en octobre 1813 et la défaite de Napoléon donne le signal à tous ses alliés circonstanciels . Très rapidement, les territoires allemands furent perdus. • Puis la Hollande soulève en novembre 1813, où l’occupant est chassé au profit de la maison d'Orange, avant qu’au sud, la Confédération helvétique sorte à son tour de la sphère d'influence impériale. • En Italie, Murat tente de réaliser à son profit l'unité italienne alors qu’en Espagne, où les prélèvements d'hommes avaient affaibli les forces françaises, Wellington chassa la France.
En moins d’un an, l’empire napoléonien a volé en éclat, ce qui témoigne de l’exaspération des sentiments nationaux. Sur ce point comme sur beaucoup d’autres, la Révolution française aura agi comme un catalyseur. • Une fois les forces françaises culbutées se pose la question du territoire national, envahi à partir de la fin de 1813 par les troupes coalisées d'Autriche, de Prusse, de Russie, de Suède et de l'Angleterre. • En mars 1814, l’épuisement des forces françaises rend toute résistance inutile. La population se détourne, suivie par les maréchaux, laissant Bonaparte isolé. • Il es tcontraint à l’abdication à Fontainebleau le 6 avril, quatre jours après que le Sénat eut prononcé sa destitution. On lui remit la souveraineté de l’île d’Elbe,, où il s’installe à partir du 20 avril. • Mais la France devait trouver une façon de s’entendre avec les vainqueurs. Les négociations conduisirent à la conclusion du traité de Paris du 30 mai 1814.
Talleyrand avait travaillé à favoriser un retour des Bourbons. Pour éviter le revanchisme, et compte tenu de ce retour à la monarchie, les vainqueurs imposèrent des conditions modérées à la France, dont le territoire se trouvait ramené à ce qu’il était en 1792. • Elle était amputée de la Belgique, des départements italiens et de la rive gauche du Rhin, mais conservait Avignon et Nice, Montbéliard, Mulhouse, la Savoie, de même qu’une partie de la Sarre. • Surtout, la France n'était astreinte à aucune contribution de guerre et les Alliés renoncèrent à exiger la restitution des œuvres d'art spoliées. Par l'article 32 du traité, un Congrès devait être convoqué pour régler le sort des anciennes conquêtes françaises. • Mais Napoléon, n’avait pas dit son dernier mot, d’autant que du Congrès de Vienne lui parvenaient des bruits voulant que les Anglais cherchaient à le déporter plus loin et il se résolut à agir.
L’épisode des Cent-Jours commence le 1er mars 1815 par un débarquement en plein jour. Trois semaines plus tard, Bonaparte fait son entrée à Paris sans avoir eu à livrer combat. • La vitesse de l’expédition témoigne de l’attachement des Français à leur ancien empereur et du peu d’affection qu’ils éprouvent pour Louis XVIII, qui doit quitter les Tuileries au milieu de la nuit le 20 mars. • Malgré son désir de paix, Napoléon doit faire face aux coalisés qui reprennent les armes. La fin de l’aventure survient à Waterloo le 18 juin 1815, alors que les forces de Wellington et de Blücher triomphent de ce qui reste de l’armée française. • Napoléon sera exilé sur l’île Sainte-Hélène dans l’Atlantique Sud, où il mourra le 5 mai 1821. Les conséquences de ce dernier sursaut de Napoléon furent désastreuses pour la France.
Le 20 novembre 1815, le second traité de Paris l’amputait de la Savoie, ainsi que des places fortes de Philippeville, Marienbourg, Sarrelouis et Landau. • Il imposait la restitution de toutes les œuvres d'art pillées, une indemnité de guerre de 700 millions et l'entretien d'une force d'occupation de 150 000 hommes. • Désormais soupçonneux, les Alliés (Russie, Prusse, Autriche, Angleterre) plaçaient la France sous surveillance. Louis XVIII pouvait reprendre son trône.