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POLYHANDICAP : BONNES PRATIQUES ET EVALUATION. PALAIS DE L’UNESCO 23 NOVEMBRE 2006. SOMMAIRE UNESCO 23 NOVEMBRE 2006. Accueil des participants p : 3 Monique RONGIERES, Présidente G.P.F. PRESENTATION DE LA JOURNEE p : 4
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POLYHANDICAP :BONNES PRATIQUES ET EVALUATION PALAIS DE L’UNESCO 23 NOVEMBRE 2006
SOMMAIRE UNESCO 23 NOVEMBRE 2006 Accueil des participants p : 3 Monique RONGIERES, Présidente G.P.F. PRESENTATION DE LA JOURNEE p : 4 Modérateur : Philippe GAUDON, Chargé de Mission G.P.F. Directeur Général Association « Le Clos du Nid » DE L’EVALUATION A L’EVALUATION INTERNE p : 5 Jean-Yves MOINE, PROMOQUALTS LA LOI DE 2002 : ASPECTS LEGISLATIFS ET MISE EN ŒUVRE p : 9 Philippe DIDIER-COURBIN, Sous-Directeur des Personnes Handicapées (D.G.A.S.) CONSEIL NATIONAL DE l’EVALUATION SOCIALE ET MEDICO SOCIALE p : 13 ORIENTATIONS ET CLARIFICATIONS, Gérard BASLE, Administrateur G.P.F., membre du C.N.E.S.M.S., Directeur Général Adjoint Association Don Bosco CONDITION D’UNE EVALUATION UTILE p : 19 Philippe GAUDON LA DEMARCHE D’EVALUATION Modérateur : Georges SAULUS, Psychiatre, Administrateur G.P.F. METHODOLOGIE D’ELABORATION D’UN REFERENTIEL ASSOCIATIF p : 26 Patrick SORIA, Cabinet ABAQ CONSEIL (Lyon) PROCESSUS D’EVALUATION DANS UN ETABLISSEMENT p : 30 Eliane LE RETIF, Directrice Association Marie-Hélène (27) Estelle BACHER PLACE DES USAGERS AU REGARD DE L’EVALUATION p : 34 Laurence DESEIGNE, parent – Présidente A.S.S.E.P.H. (45) POLYHANDICAP ET BONNES PRATIQUES : DES OBJECTIFS AUX CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE Modérateur : Gérard COURTOIS, Secrétaire Général G.P.F. Directeur Général Association Les Tout-Petits (91) TABLE RONDE : MISE EN ŒUVRE DES BONNES PRATIQUES p : 38 VIE QUOTIDIENNE : Joëlle TOBELEM, Chef de Service L’OASIS (86) C. MITTAULT, Parent L’OASIS SOINS : Dr Xavier BIED-CHARRETON, Administrateur G.P.F., Directeur Médical C.E.S.A.P. p : 42 DEVELOPPEMENT DE LA PERSONNE : p : 46 Philippe ROSSET, Directeur I.M.E. « Amis de Laurence » (75) Madame HETIER, Parent EVALUATION DES FORMES D’ORGANISATION ET DE PARTICIPATION p : 49 Roland LEFEVRE, Directeur La Montagne C.E.S.A.P. (60) EXEMPLE DE RESEAUX ET DE COOPERATIONS TABLE RONDE Modérateur : Henri FAIVRE, Président Adjoint G.P.F. Président : HANDAS – CLAPEAHA L’HOPITAL p : 56 Dr Philippe DE NORMANDIE, Mission Handicap AP-HP, Paris LES COOPERATIONS INTER ETABLISSEMENTS p : 59 Michel BELOT, Psychologue Hôpital Marin d’Hendaye (64), Coordinateur national des correspondants G.P.F. Claude SŒUR, Directrice M.A.S. Mont de Marsan (40) LOISIRS ET VIE SOCIALE p : 64 Alban BEAUDOUARD, Directeur de Moulin Mer (Loisirs Mer Vacances – Asso DON BOSCO) L’ECOLE p : 67 Estelle GOUDON, Chef de Service S.E.S.S.A.D., Association Les Tout-Petits CONCLUSION - Dr Elisabeth ZUCMAN p : 71
ACCUEIL DES PARTICIPANTSMadame Monique RONGIERES, Présidente G.P.F. Mesdames, Messieurs, Cette journée d’étude sera l’occasion d’une large sensibilisation sur la dynamique d’évaluation et permettra d’illustrer comment ce qui apparaissait souvent comme une contrainte peut être efficacement convertie en valorisation d’une approche pluridisciplinaire réfléchie et concentrée. Plusieurs expériences de terrain illustreront les principes spécifiques pouvant guider à la réflexion dans l’élaboration et l’évaluation des « bonnes pratiques » auprès des enfants et adultes polyhandicapés. Je vous souhaite une bonne journée et vous remercie de votre fidélité. Avant de donner la parole à Philippe GAUDON, je souhaite dédier cette journée à notre ami Stanislaw TOMKIEWICZ pour les 10 ans du G.P.F.
PRESENTATION DE LA JOURNEE Modérateur : Philippe GAUDON, Chargé de Mission G.P.F. Directeur Général Association « Clos du Nid » (48) Dans la tradition des journées d’études du GPF, qui traitent de thèmes associant échange de pratiques et vision éthique de l’accompagnement des personnes polyhandicapées, nous avons choisi d’aborder cette année la question de l’évaluation des établissements et services médico-sociaux. Cette question s’éclaire de l’actualité du secteur et constitue à cet égard une « passerelle » avec les Etats généraux du polyhandicap qui nous ont réunis l’an passé. Nous souhaitons ainsi analyser comment cette question de l’évaluation émerge dans l’esprit des différents acteurs engagés (gestionnaires, familles, professionnels) et va contribuer à faire évoluer les pratiques dans une perspective d’amélioration de la qualité, de transparence et de communication. Au-delà de l’actualité législative, il s’agit également pour nous de répondre aux inquiétudes manifestées par notre secteur, peu familiarisé avec ces approches et à certains égards craintif sur sa compatibilité avec nos fondamentaux, nos valeurs, nos pratiques. A partir de quelques pré requis, l’objectif de cette journée est de tenter de faire émerger une vision commune des conditions de mise en place de l’évaluation dans les établissements et services pour personnes polyhandicapées, conciliant les indispensables dimensions éthiques du projet, et leur traduction en termes de « bonnes pratiques professionnelles ». A cette fin, et dans une démarche allant du général au particulier, nous vous proposons un rappel de cadre réglementaire qui nous est proposé et des bases conceptuelles telles qu’elles ont été déjà explorées par des pionniers du champ associatif, social et médico-social. Au fil de la journée, nous aborderons les dimensions plus directement pratiques de l’évaluation, dans le domaine des acteurs engagés, des méthodologies de travail, illustrées de l’expérience de quelques établissements déjà engagés dans ce travail. Vous l’avez compris, notre « fil rouge » de la journée sera de « dédramatiser » cette notion souvent encore mal connue, pour que chacun puisse s’en saisir comme d’une opportunité pour encore améliorer les conditions d’accueil proposées à nos usagers. C’est sans doute également une occasion supplémentaire de réfléchir à la valorisation des axes qui nous paraissent essentiels dans l’accompagnement au quotidien des enfants et adultes polyhandicapés, dont nous connaissions l’étendue des besoins. Je remercie au nom du GPF l’ensemble des intervenants qui ont accepté de nous faire partager leurs connaissances, expériences, et sans doute leurs interrogations.
DE L’EVALUATION A L’EVALUATION INTERNE Jean-Yves MOINE, PROMOQUALTS J’ai dirigé pendant 25 ans un établissement médico social qui était un centre d’hébergement et de réinsertion sociale qui accueillait des mères avec enfants. Depuis 1987, une démarche d’évaluation a été développée. Donc, c’est plutôt mon expérience que je vais partager ; mon côté pointu dans la place de l’évaluation s’est centré sur la personne accueillie, développement des compétences sociales, valorisation à partir des forces de projets personnalisés quel que soit l’espace disponible pour valoriser un projet personnel. Je vais faire un bout de chemin avec vous pour vous parler de l’évaluation « début » et « aujourd’hui ». Par rapport à l’évaluation, je voulais vous dire que ce n’est pas parce qu’on en parle aujourd’hui qu’elle n’existait pas avant. Quand on circule dans les structures, d’abord les gens travaillent bien dans la majorité des cas et ont déjà mis en place des stratégies d’évaluation, c'est-à-dire que quand vous faites une organisation, il y a forcément de l’évaluation, dès que vous définissez des objectifs, ne serait-ce que sur le principe méthodologique d’une définition d’objectif (Q.Q.C.O.Q.P., échelle de temps, échelle d’intensité), vous avez toujours quelque part le mot « évaluation » pour pouvoir dire « avons-nous atteint l’objectif dans le temps prévu avec les moyens donnés ? ». Lorsque vous faites des réunions de synthèse ou de projet, cela vient aussi de l’évaluation, quand on embauche quelqu’un, on l’intègre dans une équipe, il y a aussi quelque chose qui tient de l’évaluation. Donc, il y a bien longtemps que, tous, vous faites de l’évaluation. Si vous êtes sur la dimension de la complexité, effectivement, on est plus à l’aise pour parler de systémie ; en 1987, c’était beaucoup plus difficile de parler de ce regard. Il y a la notion de rétroaction, feed-back, tous ces retours pour en tirer un enseignement et pour en faire, à partir de ces enseignements, une continuité, il y a de l’évaluation aussi. Et puis, dans la pratique quotidienne des acteurs, on s’aperçoit qu’on ne peut pas ne pas évaluer. Aujourd’hui, il y a une loi pour vous dire : évaluer mais cette loi veut dire qu’il faut évaluer avec une méthodologie, c’est cela l’enjeu : il faut passer d’une culture d’évaluation pratiquée par les uns et les autres à une culture méthodologique pour pouvoir coordonner, coopérer, mutualiser mais s’il n’y a pas un optimum d’accrochage possible avec une reconnaissance des uns et des autres, cela sera difficile de monter des systèmes de coopération, de coordination. Si on veut aussi aller dans « donner du sens à ces indicateurs », il faut que ceux-ci soient dans un langage à peu près commun à tous pour que l’on puisse donner du sens à un échange sur le regard des indicateurs d’un côté et de l’autre. S’ils sont trop différenciés, on se demande à quoi ils peuvent servir. Tant que la culture n’est pas plus méthodologique, il est difficile d’en faire quoi que ce soit. Comme les psychiatres disent « on ne peut pas ne pas fusionner », les comportementalistes disent « on ne peut pas ne pas se comporter » et en systémie « on ne peut pas ne pas interagir », on peut dire globalement « qu’on ne peut pas ne pas évaluer ». On est dans une démarche qui nous amène à avancer sur cette logique. Pour l’instant, les uns et les autres ont déjà fait du développement de démarche méthodologique avec des outils qui venaient soit des fédérations, soit de la créativité des institutions mais la route, le démarrage de toutes ces logiques est bien entamé. Qu’est-ce qu’on peut faire maintenant pour regrouper tout cet ensemble ? L’évaluation, c’est bien un système qui va stimuler l’échange au niveau d’un regard méthodologique sur ce qui se passe entre les humains, sur ce qui se passe en termes d’organisation de façon naturelle : relation à l’autre, on est bien dans une logique où il y a un système d’échange soit organisé, soit naturel. Heureusement, dans notre champ médico-social, on est bien dans une relation à l’autre, donc forcément il faut que la dimension d’échange naturel reste une des forces de la rencontre avec l’autre. Ce qui nous est demandé aujourd’hui à partir de cette évaluation un peu implicite, c’est de la rendre plus explicite pour partager et comprendre, pour contrôler et coordonner, rendre compte et mutualiser, pour ensuite piloter et manager. C’est intéressant car, dans cette journée, la notion d’évaluation devrait ressortir sur une logique de pilotage et de management c’est à dire pas simplement le résultat, cela ne nous intéresse pas, c’est la culture que l’évaluation va mettre en place dans les institutions : culture de pilotage et de management.
Jean-Yves MOINE Il est certain que, si tous les 5 ans, on revient sur de l’évaluation interne, c’est bien pour dire que, tous les 5 ans, on ne va pas faire un travail comme si 6 mois avant rien n’avait été fait mais c’est une continuité d’évaluation, de recherche de stratégie de progrès et donc vraiment du pilotage et du management le plus partagés possible en interne avec les professionnels mais aussi avec les personnes accueillies et aussi avec l’environnement. Pour voir un peu plus clair, il me semble qu’il ne faut pas faire de confusion entre tel ou tel modèle à choisir, il n’y a pas de conflit de modèles, il y a seulement une intelligence de l’harmonisation de ces modèles pour rendre compte parce qu’on ne peut pas trouver un seul modèle universel qui répond à tout puisque chaque objectif est affublé des indicateurs des critères d’évaluation et que toute organisation a plusieurs objectifs, on peut très bien imaginer qu’il y a plusieurs modèles d’évaluation dans vos structures (et c’est d’ailleurs le cas). Il y a une culture de l’évaluation qui est côté « organisation » : nous avons des institutions, des services, des établissements et forcément on a à répondre à des modèles d’évaluation qui sont de l’ordre de l’organisation. Mais on ne peut pas se satisfaire d’un choix d’une évaluation du côté de l’organisation pour dire que l’on a fait un projet d’accompagnement personnalisé de qualité. L’organisation peut être de qualité mais ce n’est pas suffisant sur la qualité de mission. Quand vous avez, par exemple, AFNOR normalisation, côté personne accueillie, on a du mal à dire qu’on va « normaliser la personne accueillie » et c’est une chance qu’on ne puisse pas le faire. On laisse ces modèles côté organisation, là où ils ont leur pertinence. La démarche d’évaluation, il faut bien savoir à quoi cela sert, pour évaluer quoi. La rationalisation des choix budgétaires, c’est aussi une tentation car quand on a besoin de 1 200 € et qu’on nous en donne que 1 000, il va bien falloir faire des choix ; mais on ne peut pas faire ces choix en se centrant sur une définition du prix de la vie humaine en disant que cette personne ne mérite pas qu’on investisse sur elle donc on va faire l’économie sur telle ou telle personne qui ne le mérite pas ou qui coûte trop cher. Arriver dans cette logique de connexion de modèles centrés sur l’organisation pour en faire une déduction sur les stratégies d’accompagnement, c’est un peu difficile ; ISO, au départ, c’est zéro défaut processus et procédures et zéro défaut chez l’être humain, ce n’est pas intéressant car les défauts, c’est ce qui fait la différence, c’est ce qui fait l’énergie et c’est ce qui fait la vie. Si vous êtes dans des ateliers (C.A.T., par exemple), vous avez une possibilité d’utiliser ISO au niveau de la production ; certains C.A.T. sont dans cette logique parce qu’ils sont dans une logique de production. Et puis, vous avez les modèles qui sont centrés sur les personnes : on aura à répondre, dans l’évaluation interne, à ces logiques centrées sur l’organisation et ces logiques centrées sur les personnes accueillies. La personne accueillie fait intervenir toute une série de métiers et chaque métier a ses propres outils d’évaluation. Il n’est pas question de gommer ces outils, au contraire, il faut que chaque métier devienne de plus en plus expert dans sa discipline et pour développer l’expertise, il faut bien que ces personnes utilisent leurs outils le mieux possible (les psychologues ont des grilles spécialisées, dans les formations, les professionnels ont des grilles d’évaluation qui appartiennent à chaque métier) et c’est là, à un moment donné, si on respecte les outils d’évaluation de chaque métier, comme ces métiers font une réponse à cette prise en charge globale, il faut bien que, dans la contractualisation avec la personne accueillie, on ait un discours qui soit simple pour elle donc qu’on crée, au dessus de tous ces outils d’évaluation, un langage commun et c’est à partir de ce langage commun que l’on peut créer une démarche d’évaluation. Ensuite, quand c’est compliqué, il faut mieux aller dans l’explicite car on maintient la dimension complexe mais on la rend moins compliquée. On est allé aussi sur l’idée de réfléchir en disant que, quand vous êtes en train d’accompagner une personne handicapée, il y a toute une série de » prestations/pour » c'est-à-dire que la personne ne peut pas faire quelque chose, il va bien falloir mettre en place des modalités d’accompagnement pour elle et quand on est dans la prestation/pour, on est dans une prestation où l’organisation est assez dominante et on
Jean-Yves MOINE peut dire que la culture de l’évaluation des organisations (protocoles, modalités d’accompagnement, procédures pour les toilettes par exemple….) peut être mise en place avec une logique liée à des modèles organisationnels. Et puis il y a la « prestation avec » : on est dans l’échange avec la personne accueillie et cette « prestation avec » doit s’affiner pour être dans une réalité de la relation humaine et pas dans la mécanique des organisations : c’est pas l’un contre l’autre mais c’est l’un en complémentarité car quand vous avez une personne handicapée, vous avez forcément à répondre à une organisation au regard du handicap et vous avez à avoir aussi une organisation en lien avec son projet personnalisé. Concernant la « prestation avec », il semble que l’enjeu soit intéressant car c’est sur cet enjeu que l’originalité de notre secteur doit valoriser sa place dans le champ sanitaire et médico-social c'est-à-dire on doit laisser cet espace de créativité et de liberté dans la rencontre avec les personnes accueillies et ne pas tenter de faire trop de groupes comme on peut retrouver dans le sanitaire avec des groupes homogènes… L’individu est unique donc ne commençons pas à essayer de rassurer les partenaires financeurs en disant « on va mettre tout le monde dans le même sac » et on va vous définir un coût par rapport aux uns et aux autres. Gardons la capacité à donner du relief à l’accompagnement comme étant un caractère chaque fois unique avec la personne accueillie. Dans ce champ, il me parait important, et vous verrez dans l’évaluation, à un moment donné, vous aurez à faire la démonstration de la qualité du projet d’accompagnement personnalisé en lien avec les modalités d’accompagnement que vous allez mettre en place à partir d’une capacité (dont il faudra également faire à démonstration) à faire un diagnostic et puis d’établir ce qui est dans la notion de contrat, qu’est-ce qu’on va faire pour la personne et qu’est-ce qu’on attend de la personne dans ce contrat. L’important c’est que, quel que soit le rouleau compresseur des organisations et des moyens financiers, c’est de toujours avoir en sens et valeurs : la place de la personne accueillie est au centre de tout ce qui est notre engagement et de notre mission. Il faut se rappeler, pour cela, que, pour nous, toute l’organisation passe par la personne accueillie : elle est unique et globale, elle a la maîtrise du projet de vie, elle est inscrite dans son environnement social et on ne peut pas la réduire à son handicap. Pour nous, dire cela, c’est déjà induire la façon dont la culture va se mettre en place : quand on dit la personne est unique et globale, c’est la personne accueillie mais nous-mêmes aussi donc l’interaction dans l’accompagnement, c’est un caractère unique et global qui se fait ici et maintenant et il n’y a pas une façon d’agir qui dirait « faites comme ceci », il n’y a pas de corrélation directe entre un mode d’action et son effet. On sait que, dans la dimension globale de la personne, on a une organisation globale à mettre en place et on sait qu’il y a des corrélations entre un ensemble de mode d’actions et un ensemble d’effets. En disant cela, je dis que dès qu’il n’y a pas de corrélation directe avec un mode d’action et son effet, on dit que l’évaluation ne peut pas être un contrôle sur une personne ou sur les intervenants, on ne peut pas dire que « c’est à cause de toi ou grâce à toi que la personne régresse ou progresse ». Par contre, on peut se poser globalement la question de l’institution qui est aidante et structurante pour la personne. Elle est inscrite dans son environnement social, c’est évident, et ne peut pas réduire la personne à son handicap et cela me fait penser toute de suite à Jean-Dominique BAUBY qui a écrit « Le scaphandre et le papillon » avec un mouvement de paupière. C’est bien que derrière le mouvement de paupière, si on avait organiser des logiques d’accompagnement centré sur le handicap, on aurait stigmatisé le handicap et enfermé la personne alors que si on est sur le projet de valorisation, on va chercher au-delà du handicap c’est quoi le projet de vie. La qualité sociale sur laquelle peut fonder une démarche évaluation interne nécessite d’expliciter la qualité de proposition de l’accompagnement de l’accueil personnalisé, de démontrer la qualité de l’organisation mais ce n’est pas parce que le projet personnalisé et la qualité de l’organisation sont réussis que cela suffit. Il faut que, simultanément, il y ait un mieux-être pour les personnes accueillies mais aussi une valorisation des acteurs et de l’expertise des professionnels mais aussi que la société y retrouve des gains sociaux, culturels et économiques et là, on aura la qualité sociale et on pourra mettre dans ce tiroir de l’évaluation interne toute cette démonstration.
Jean-Yves MOINE Donc, on est parti de l’évaluation « pas grand-chose », naturelle, à une évaluation « coté organisation », « côté personnes ». L’évaluation interne cherche à l’ambition de la qualité au travers du management et d’un pilotage participatif dans le respect de la personne accueillie. Je vous rappelle la Loi 2002.2 qui pose un cadre fort : * tous les cinq ans, * le contrôle de l’activité (cela viendra mais après avec l’évaluation externe) * et depuis le 01/09/2006, il y a un guide de l’évaluation consultable pour voir l’ambiance plutôt de l’ordre des recommandations et la de culture qui va être développée Exigences : * Une évaluation interne * Des activités de qualité des prestations délivrées * Evaluation tous les cinq ans * Des résultats formalisés dans un rapport communiqué à l’autorité ayant délivré l’autorisation * Sur la base des références professionnelles * Une évaluation externe sur le même champ que l’évaluation interne (tous les 7 ans) 1 guide en préambule : * Impulser une culture propre au secteur * Respecter la marge d’autonomie dont les établissements doivent bénéficier * Fixer des orientations générales * Formuler des principes fondamentaux et des repères incontournables * Rendre cohérentes les démarches Objectifs : * Faire évoluer les pratiques et les compétences * Produire des connaissances pour nourrir la décision * Renouer le dialogue social et la coopération entre les acteurs * Valoriser l’action conduite 4 grandes étapes : * Mettre le cadre de la réalisation de l’évaluation interne : qu’est ce que l’on veut faire ? * Construire un référentiel en interne (travail contextuel pour que tout le monde se l’approprie) * Réalisation de l’évaluation interne * Détermination de la dynamique de la formation continue (management et pilotage) Les 4 axes du guide : * le projet d’établissement et sa dynamique * le droit à la charte des usagers * la démonstration de l’accompagnement personnalisé * la gestion des ressources Conclusion : Il s’agit d’apprécier la façon dont l’ensemble des activités et prestations concrétisent le projet et prennent en compte les recommandations de bonnes conduites professionnelles.
LA LOI DE 2002 : ASPECTS LEGISLATIFS ET MISE EN ŒUVREPhilippe DIDIER-COURBIN, Sous Directeur des Personnes Handicapées (D.G.A.S.) Je vais essayer de mettre l’accent sur un certain nombre de sujets qui sont des sujets d’actualité qui montrent comment la Loi du 11 février 2005 vient, d’une certaine façon, donner un éclairage nouveau et un prolongement à un certain nombre de dispositions qui avaient trouvé leur place dans la Loi 2002.2. Cette dernière était une loi très axée sur les institutions sociales et médico-sociales (qu’il s’agisse des établissements et des services) en mettant un accent très marqué sur la place de la personne usager de ces structures. La Loi du 11 février s’inscrit dans ce prolongement et porte sur le cadre beaucoup plus large que celui des institutions sociales et médico-sociales accueillant des personnes handicapées mais, au-delà de cela, c’est également une loi qui, en quelque sorte, met un accent extrêmement marqué sur quelque chose d’ambitieux qui est le parcours de la personne et qui est le projet de vie. Cette notion de projet de vie était naturellement déjà présente dans la loi 2002.2 mais je pense que la loi de février 2005 lui donne peut-être une dimension et une dynamique beaucoup plus importantes. Ce que je voulais également vous dire, c’est que les grands principes et objectifs de la Loi de 2005 concernent certes l’ensemble des personnes qui sont confrontées à une situation de handicap, quelles qu’en soient les raisons, la cause du handicap, l’âge des personnes et ce sont des principes naturellement dont on peut se dire est-ce que tous concernent de près le publics et les personnes, dont vous, professionnels du champ du handicap, êtes en charge ? Je crois que oui, y compris quand on parle de principe de non discrimination, lorsqu’on parle de principes de choix de vie, lorsqu’on parle de compensation personnalisée, lorsqu’on parle même de participation effective des personnes, on se dit « mais attendez, il y a un certain nombre de personnes dont on a voit mal comment elles peuvent être concernées par la Loi ». En définitive, qu’il s’agisse de la personne elle-même ou de son entourage familial proche, on voit bien que ce sont des objectifs qui naturellement les concernent et auxquels elles doivent être associées. Quelque chose à noter dans cette Loi de 2005, c’est que, pour la première fois, a été inscrite une définition du handicap. Le législateur s’est bien gardé de définir ce qu’est une personne handicapée, il a essayé, par contre, de mettre en lumière ce qu’est le handicap, ce qu’est cette situation et ce qu’il a permis de faire, c’est de faire ressortir une définition qui montre bien le lien et l’interaction qui existent entre la déficience, dont la personne peut être porteuse, et également la réponse ou la non réponse que lui apporte son environnement (social, familial, établissements…) ; autre chose qu’il faut noter : cette définition du handicap tente de balayer l’ensemble des principales manifestations du handicap et naturellement le polyhandicap est mentionné. Cette Loi évoque des situations qui sont nouvelles, non pas dans la réalité, mais dans leur prise en compte par des textes notamment : le handicap psychique et notamment les troubles de santé invalidants. C’est une façon de montrer que le handicap peut frapper à tout âge et qu’il convient d’y apporter des réponses dans le cadre des dispositions prévues par cette Loi et cette définition du handicap signifie, notamment concernant le champ du handicap psychique, qu’il n’y a pas lieu d’opérer cette distinction en disant d’un côté nous avons certaines personnes en situation de handicap et d’un autre côté, des personnes frappées par la maladie. Cela n’a pas de sens. Des personnes peuvent être frappées par un problème de santé et qui, du fait de l’installation dans la durée de ce problème, se retrouvent en situation de handicap. C’est toute la problématique de l’articulation entre le sanitaire, le social, le médico-social et l’articulation avec les dispositifs de droit commun. Cette Loi également tend à opérer un équilibre entre une volonté de mise en œuvre de dispositions d’accessibilité au sens large : la Loi parle de l’accessibilité en termes « d’accessibilité » des transports, des logements mais aussi d’accessibilité au sens « d’accès » (accès à l’éducation, accès à la scolarisation, accès à l’emploi, accès à la vie sociale…) et un balancement dans cet aspect accessibilité et un autre volet dit de la compensation. Cette compensation est souvent confondue avec la mise en place d’une nouvelle mesure qui s’appelle la prestation de compensation. Le principe de la compensation va beaucoup plus loin : la compensation c’est en quelque sorte l’ensemble des réponses individualisées apportées à une personne dès lors que le droit commun, l’environnement, même avec des accompagnements,
Philippe DIDIER-COURBIN même avec des adaptations, n’arrive pas totalement à apporter la réponse qui permet de faire face à la situation de handicap. Les établissements, les services, l’ensemble des dispositifs social et médico-social, que vous connaissez, fait partie de ce champ de la compensation. En ce qui concerne la prestation de compensation, c’est un des nouveaux dispositifs prévus par la Loi. Il est complexe, lourd, il a été long à mettre en place et, sur un certain nombre d’engagements qui ont été pris notamment dans le cadre du « plan polyhandicap action », je comprends que vous puissiez vous demander où on en est. La mise en œuvre de cette Loi 2005, avec près de 80 décrets, ce qui est énorme mais pas étonnant étant donné la diversité des champs couverts par la Loi ; sur ces décrets, 40 étaient des textes qui relevaient, pour l’essentiel, de la D.G.A.S. qui a fait au plus vite. Cependant, on a passé pas mal de temps sur la mise en place de la compensation et on a passé également pas mal de temps, au préalable, sur la construction et la proposition de nouveaux outils d’évaluation. Cela ne concerne pas l’évaluation par les services, par les équipes, des prestations qu’elles offrent aux usagers mais c’est l’évaluation de la situation de handicap. Il s’agissait bien entendu d’apporter aux nouvelles équipes pluridisciplinaires des maisons départementales des outils nouveaux puisque, en quelque sorte, il ne s’agit plus d’attendre des équipes qui viennent se substituer aux anciennes C.D.E.S. et aux C.O.T.O.R.E.P. simplement un rôle de guichet qui vient répondre de manière ponctuelle à une demande pointue d’orientation, de prestation, d’allocation, ce qui était malheureusement un peu le cas auparavant, mais il s’agit dorénavant d’essayer de porter sur une personne un regard plus transversal, plus global, sur non seulement sa situation, ses besoins mais aussi sur ses attentes pour, avec elle et son entourage, essayer d’établir quelque chose qui soit du domaine d’un projet de vie. Donc, nous avons été amenés à mettre à la disposition des maisons départementales qui se mettaient en place et notamment des équipes pluridisciplinaires, un outil multidimensionnel d’évaluation qui est un instrument que je vous invite à examiner puisque, je pense, c’est assez intéressant car cela sera également non seulement un outil de dialogue interne aux M.D.P.H. et aux équipes pluridisciplinaires pour dialoguer avec les personnes handicapées mais ce sera aussi un outil qui doit permettre de dialoguer avec les services, les équipes qui ont vocation à accompagner notamment les personnes polyhandicapées car, malgré toutes les ambitions que l’on porte sur les M.D.P.H. et les équipes pluridisciplinaires, c’est quelque chose qui va mettre du temps à se mettre en place, qui pose des difficultés, que la C.N.S.A. ait des crédit d’Etat et l’action des départements dans des financements nouveaux, tentent d’accélérer au maximum, mais on voit bien qu’une évaluation sérieuse réussie, pas seulement à un moment donné mais qui est sur la durée du parcours de quelqu’un ne peut se faire qu’en liaison et avec un dialogue extrêmement étroit avec les établissement et les services qui doivent jouer le rôle d’équipes ressources pour les nouvelles M.D.P.H. On a commencé par la mise en place de la prestation de compensation dite à domicile, il y a ensuite un deuxième volet qui vous intéresse peut-être encore davantage : c’est la mise en place de prestation de compensation pour les personnes qui sont admises en établissement. La prestation de compensation en établissement, c’est un texte qui est maintenant stabilisé, qui a été soumis au C.N.C.P.H. et pour lequel, compte tenu d’un certain nombre de demandes de modifications d’amélioration du texte, il a été nécessaire de le « remettre sur le métier » et nous venons d’obtenir des arbitrages interministériels qui nous permettent, dans les semaines qui viennent, de pouvoir le publier. Ce qu’il faut en retenir, c’est que, en ce qui concerne la prestation d’’établissement, le choix a été fait, sachant que de plus en plus de personnes sont, en quelque sorte, à la frontière entre ce qui est l’établissement proprement dit et puis des formules autres d’accueil des personnes et également la réalité du retour souvent de plus en plus fréquent des personnes dans leur entourage familial à un certain moment de la semaine ou de l’année, amène à ce qu’il n’y ait pas césure mais un continuum entre les deux dispositifs : prestation à domicile et prestation d’établissement afin que les personnes qui sont amenées à quitter un certain moment l’établissement puissent bénéficier de l’ensemble des droits financiers offerte par la prestation de compensation à domicile mais également, et cela fait partie des avancées les plus récentes de la Loi, de veiller à ce que les personnes qui sont en établissement puissent bénéficier d’une certaine portion de l’élément des aides humaines de la prestation y compris pendant les moments où elles sont hébergées. C’était une question complexe comme d’ailleurs a été complexe la question de se dire comment ouvre-t-on le droit aux autres éléments (aides
Philippe DIDIER-COURBIN techniques, frais de transports) à des personnes qui sont accueillies de manière générale dans les établissements. C’était complexe parce qu’il s’agissait à la fois, bien entendu, ne pas priver ce public-là des avancées de la prestation de compensation et, en même temps, de veiller à ce qu’on n’encourage pas le désengagement de certains autres financeurs. Pour être clair, la personne, qui est prise en charge dans une structure, y est accueillie avec l’ensemble de l’accompagnement humain qui est nécessaire. Il faut faire attention à ne pas mettre le doigt dans une mécanique qui ferait que progressivement, au prétexte qu’il existe une prestation de compensation, y compris accordée dans une certaine limite lorsque la personne est en établissement, que cela puisse inciter certains mauvais esprits à verrouiller un peu plus les moyens donnés aux établissements et aux services au prétexte que la prestation de compensation peut compenser un certain nombre de manques. Ce n’est pas le choix qui a été fait ni proposé par la D.G.A.S., ni celui qui a été retenu. Ce qui peut expliquer une certaine lenteur et précaution à sortir des textes dont on voit tous les aspects positifs mais dont il faut faire attention à verrouiller certains retours et certaines récupérations qui pourraient en être faites. Un petit mot sur deux sujets : Le plan d’action en faveur des personnes handicapées : parmi les choses qui avait été actées dans ce plan d’action, il y avait notamment la poursuite d’un effort de création de places en faveur des personnes polyhandicapées et également la nécessité de poursuivre le rééquilibrage entre les différentes régions et les différents départements. La réponse à cet engagement est naturellement la poursuite du plan d’action pluriannuel 2005-2007 qui, depuis le démarrage, comporte des moyens spécifiquement dédiés aux personnes polyhandicapées qu’elles soient en établissements pour adultes ou en établissements et services pour enfants. Concernant le rééquilibrage, les instruments qui nous sont donnés pour tenter d’y répondre sont notamment la mise en place des P.R.I.A.C. C’est un nouveau dispositif qui permet aux Préfets de Région, en liaison avec l’ensemble des services de l’Etat, de pouvoir établir, de façon peut-être plus formalisée et plus projetée dans le temps qu’antérieurement, de pouvoir programmer la façon dont il va utiliser les moyens qui lui sont donnés par l’Etat ou par la C.P.A.M. ou par la C.N.S.A. pour pouvoir dire voilà quels sont les moyens dont je vais pouvoir disposer et voilà comment je vais pouvoir à la fois prendre part et donner une réalité aux fameux schémas d’équipements départementaux mis en place en liaison et sous l’autorité des présidents des conseils généraux mais en liaison avec les Préfets, ce qui lui permet également de nouer non seulement ce dialogue avec les départements mais aussi avec le secteur sanitaire notamment avec les ARG. Les P.R.I.A.C. ont été mis en place fin 2005 et commencent à s’appliquer en 2006. C’est nouveau et la D.G.A.S. a exercé une assez forte pression sur les D.R.A.S.S. pour qu’elles s’approprient cet outil avec le soutien de la C.N.S.A.; on a conscience qu’on essuie les plâtres. Lorsqu’un programme de ce type a été adopté, ce n’est pas figé dans le marbre, il doit vivre et évoluer et si on se rend compte qu’une appréciation de besoins et de réponses n’a pas été suffisamment pensée et calibrée, à tout instant, la mécanique prévoit de faire évoluer les choses. Egalement, le plan d’action en faveur des personnes polyhandicapées appelait à développer, au sein de chaque M.D.P.H. et d’offrir aux personnes polyhandicapées et à leur entourage, la possibilité de bénéficier d’une évaluation et d’un plan de compensation. Tous les outils réglementaires et financiers ont été mis en place pour permettre la mise en place des M.D.P.H. et des équipes pluridisciplinaires en direction des personnes polyhandicapées et en direction de l’ensemble des usagers de pouvoir établir cette compensation. On connaît à la fois toutes les ambitions des textes concernant les M.D.P.H. et on en mesure actuellement toute la complexité d’installation qui est réelle et qui doit s’accompagner d’un certain nombre de précautions et prendre un temps minimum pour se stabiliser, qui va demander, selon nous, un à deux ans. Il est également évoqué, dans le plan, la place des aidants familiaux dont la Loi de 2005 reconnait de manière très précise le rôle. Elle prévoit un dispositif de dédommagement des aidants familiaux et prévoit même des dispositions qui permettent à des personnes de faire le choix entre la mécanique du simple dédommagement et, dans certains cas, de permettre y compris le salariat d’un aidant familial. Cela a été un débat difficile car cela
Philippe DIDIER-COURBIN pose des problèmes pratiques et financiers auxquels nous avons souhaité répondre mais, en même temps, cela pose des problèmes d’ordre éthique plus délicats. On a essayé de trouver un équilibre qui permet de répondre à une attente très financière et pratique et en même temps de ne pas tomber dans des dérives qui pourraient être complexes. Pour terminer, un mot sur un autre engagement, pris dans le cadre du plan d’action, qui est l’adoption d’une réglementation concernant les établissements et services qui accueillent des personnes handicapées. Il y a deux choses qui se sont surajoutées : on a la Loi 2002.2 qui dit que les établissements et services doivent donner lieu à la sortie de textes, de décrets qui déterminent les conditions techniques de fonctionnement. Il existe déjà pour les établissements pour adultes, notamment les M.A.S., un texte, déjà ancien, qui définit ces conditions de fonctionnement. La Loi de 2005 donne une commande complémentaire, ce qu’elle nous oblige à faire, c’est de sortir un texte qui concernerait la loi que le législateur défini ainsi les personnes adultes n’ayant pu acquérir un minimum d’autonomie et de définir, dans un texte, les obligations en termes de composition et de qualification des équipes qui interviennent dans ces structures. La question que l’on s’est posée, c’est de se dire est-ce, compte tenu de la définition prise par le législateur (et on voit bien qu’on est sur une définition qui concerne un public qui peut être très hétérogène : personnes polyhandicapées, traumatisés crâniens, personnes très lourdement handicapées, à domicile…), on voit également que, dans cette définition, on ne vise pas nécessairement qu’un seul type d’établissement (M.A.S. ou F.D.T.), cela vise un champ beaucoup plus loin. Ce chantier, nous n’avons pas pu l’ouvrir jusqu’ici puisque nous avons dû traiter les 40 autres décrets. Les premiers contacts pris avec les têtes de réseaux, nous amène à se dire qu’on n’a pas tellement l’intention en quelque sorte de faire une annexe 24 de plus (dans l’esprit des anciens textes) ni de refaire nécessairement un nouveau décret M.A.S. car on est sur quelque chose de plus large. Ce que nous allons tenter de faire, c’est plutôt de revisiter, au sein d’un groupe de travail qui va être mis en place sous l’égide à la fois du C.N.C.P.H. et de la D.G.A.S. pour déterminer un certain nombre de besoins et de se dire les textes, notamment sur les M.A.S., doivent être complétés pour aller plus loin. Une fois qu’on a déterminé les besoins, il faut, en face, définir un certain nombre de réponses (censées y répondre). Qu’est-ce qui va se passer ? On a le choix de rester dans un système avec un contrôle a priori et qui est de dire que pour pouvoir accueillir des personnes ayant tel ou tel type de besoins, il faut absolument, pour être agréé, aligner telles personnes, offrir tels types de locaux, de prestations…. On resterait dans un mécanisme traditionnel. L’exercice que l’on va tenter, en liaison avec des professionnels et des têtes de réseaux, c’est de plutôt s’orienter vers quelque chose qui aurait l’aspect d’un cahier des charges et de dire dès lors qu’un organisme, quelle que soit son appellation (M.A.S., F.A.M….), a pour vocation d’accueillir des personnes qui présentent des besoins définis de telle sorte, il s’engage à offrir une réponse et des besoins sur lesquels on va se mettre d’accord avec les autorités de tutelle et il s’engage à respecter ce cahier des charges. On sera moins dans une culture d’un contrôle à priori mais dans une pratique de contrôle a postériori compte tenu des engagements pris par l’organisme, c’est là-dessus qu’il sera évalué pour en tirer des conséquences. Ce travail va être conduit au cours des semaines, des mois, à venir. Notre ambition est de pouvoir dans un espace d’environ 2 mois lancer ce groupe de travail à un rythme accéléré (1 séance hebdomadaire). Une équipe va s’en charger au sein de la D.G.A.S. (bureau chargé des adultes handicapés) et on aura également à réfléchir, pour les organismes qui accueillent certains types de publics présentant un certain type de besoins et qui entreraient dans cette démarche de cahier des charges qui sera la réponse apportée en termes financiers (un organisme qui ferait des engagements de plus grande exigence compte tenu de l’exigence des besoins des personnes qu’il accueille demandera à en avoir la traduction dans le contrat qu’il passera avec l’autorité de tutelle). Voilà l’esprit dans lequel on s’engage ; c’est quelque chose qui est ambitieux car il va falloir faire la jonction entre les exigences de la Loi 2002.2 et en même temps les attentes nouvelles de la Loi de 2005. J’ajoute, quand je parle d’exigence au cahier des charges des établissements et service, on envisage bien entendu que cette exigence puisse concerner un établissement donné, un service donné mais aussi qu’elle puisse concerner un ensemble ou un réseau de services et d’établissements puisque, dès lors qu’on parle de parcours et de projet, on peut avoir plusieurs équipes qui peuvent, en liaison entre elles, se coordonner pour apporter cette réponse. C’est une façon également de mettre en synergie des moyens et d’avoir une réponse de qualité qui n’oblige pas à chaque fois, dans chaque équipe et dans chaque établissement, à exiger et à prévoir des objectifs que l’on ne pourrait atteindre.
CONSEIL NATIONAL DE L’EVALUATION SOCIALE ET MEDICO SOCIALEORIENTATIONS ET CLARIFICATIONSGérard BASLE, Administrateur G.P.F., membre du C.N.E.S.M.S.Directeur Général Adjoint Association Don Bosco (29) La Loi du 2 janvier 2002, rénovant l’action sociale et médico-sociale, instaure une obligation d’évaluation pour l’ensemble des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Cette obligation comporte deux modalités : * Une évaluation interne réalisée par les structures elles-mêmes, * une évaluation externe confiée à des organismes extérieurs habilités. Afin d’accompagner cette obligation, la loi a prévu la mise en place d’un Conseil National de l’Évaluation Sociale et Médico-sociale (C.N.E.S.M.S.). Ce conseil, placé auprès du ministre chargé de l’action sociale, est chargé principalement de quatre missions : * Valider les procédures, références et recommandations de bonnes pratiques professionnelles au regard desquelles seront évalués les établissements et services * Examiner les dossiers déposés par les organismes qui sollicitent une habilitation à pratiquer l’évaluation externe et donner un avis au ministre sur ces organismes * Promouvoir la culture de l’évaluation dans le secteur social et médico-social * Participer à l’évaluation d’établissements et services expérimentaux La composition du Conseil National de l’Evaluation Sociale Installé en avril 2005, le Conseil National de l'Evaluation Sociale et Médico-Sociale associe professionnels, usagers, personnes qualifiées, gestionnaires de l’ensemble des institutions et services qui répondent aux besoins des enfants et familles en difficulté, des personnes handicapées, des personnes âgées, et des personnes en situation d’exclusion. Le Conseil comprend également des élus locaux, des représentants de l’Etat, des organismes de protection sociale. Le nombre de membres du Conseil, titulaires et suppléants, est désormais de 114 personnes. La présidence est assurée par Monsieur Stéphane Paul, Inspecteur Général des Affaires Sociales. Les missions du Conseil national de l’évaluation sociale et médico-sociale concernent l’ensemble du champ couvert par la Loi du 2 janvier 2002. Ce champ, très étendu, concerne les personnes âgées, les personnes handicapées, la protection de l’enfance et l’inclusion sociale. Sa composition prend en compte cette diversité des secteurs et des acteurs. Le fonctionnement du Conseil national de l’évaluation sociale Au cours de sa première année de fonctionnement le Conseil s’est doté d’un règlement intérieur qui fixe les modalités de son fonctionnement général et qui précise aussi le fonctionnement de la commission technique permanente et celui des commissions techniques spécifiques. Ce règlement intérieur explicite également les dispositions relatives à la déontologie, applicables aux membres du Conseil. Une commission technique permanente, chargée d’assurer la préparation et le suivi des travaux des séances plénières, a été constituée en mai 2005. Un secrétariat, placé sous l’autorité du Président, assiste le Conseil pour l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble des réunions.
Gérard BASLE Les travaux du Conseil national de l’évaluation sociale La diversité des acteurs et des secteurs du domaine social et médico-social qui se reflète dans la composition du Conseil est également reconnaissable dans la multiplicité des initiatives et dans la disparité des travaux réalisés, ainsi que dans leur état d’avancement en matière de références, de procédures ou de bonnes pratiques professionnelles. Dans ce contexte, le Conseil s’est rendu compte que sa mission de validation devait comporter une étape préalable visant à recueillir des éléments permettant de mieux cerner la compréhension qu’ont les acteurs du domaine social et médico-social, de ces concepts de « procédures, références et recommandations de bonnes pratiques professionnelles ». Avec l’aide d’un laboratoire universitaire un état des lieux a été réalisé. Deux notes d’orientations : La première, relative au champ de l’évaluation et à la complémentarité entre évaluation interne et évaluation externe est parue en novembre 2005. La deuxième relative aux procédures, références et bonnes pratiques professionnelles a été communiquée en janvier 2006. Un groupe de travail chargé de coordonner la rédaction du guide de l’évaluation interne prévu dans la note d’orientation n° 2 a reçu du Président du CNESMS sa lettre de mission en février 2006. Destiné à tous les établissements et services du secteur social et médico-social, ce guide a vocation à donner un cadre commun. Il sera également une aide pour tous ces établissements et services, soit pour s’engager dans une démarche évaluative, soit pour continuer à améliorer une démarche déjà avancée. L’évaluation interne n’est pas une pratique fondamentalement nouvelle : des démarches visant à apprécier les activités et la qualité des prestations ont d’ores et déjà été initiées au sein de nombreux établissements et services. Pour autant, de façon à ce que ces démarches puissent porter tous leurs fruits et que les établissements et services partagent une véritable « culture de l’évaluation », ces démarchesdevront progressivement s’organiser, se formaliser et tendre à respecter les exigences suivantes. Une démarche intégrée L’évaluation interne n’est pas un exercice « à part », « en plus » ou « à côté » : elle doit être intégrée à la politique et à la stratégie de l’établissement ou du service. Si elle demande un investissement plus particulier lors des premières années (notamment en raison de la nécessaire construction d’outils répondant aux spécificités de l’établissement : supports d’évaluation, critères et indicateurs pertinents,…) et si elle comporte un temps spécifique d’analyse et de production de résultats, elle doit cependant s’articuler pleinement au fonctionnement régulier des établissements et services. Une démarche structurée et rigoureuse L’évaluation est une démarche exigeant du temps, de l’énergie et de la méthode. En ce sens, elle doit préalablement se structurer, s’organiser, se programmer, se planifier. Elle exige des temps de passage à l’écrit permettant à la fois de « mettre en mots », de mieux partager, mais aussi de laisser des traces, à la fois sur les processus initiés et les résultats produits.
Gérard BASLE Une démarche impliquant les instances décisionnelles L’évaluation doit éclairer et favoriser la prise de décision : de ce fait, elle implique directement les décideurs – à tous niveaux – qu’il s’agisse des administrateurs, des directeurs ou des responsables d’établissements et de service. L’inscription volontariste des décideurs dans toutes leurs composantes, dès en amont de l’évaluation, est une condition déterminante de la réussite de ce processus. • Une « démarche projet » L’évaluation est une démarche permettant de légitimer l’action d’un service ou d’un établissement par la mise en débat de celle-ci, en contribuant au positionnement de chacun en tant qu’acteur autonome et responsable, dans le respect de son rôle, de ses attributions, de sa place dans le système, sans redondance ni substitution. Dans ce cadre, des espaces de réflexion et une autonomie de la pensée de chacun doivent être garantis aux différents acteurs de l’établissement ou du service afin qu’ils soient en capacité d’élaborer et d’exprimer un point de vue étayé. Une démarche éthique et déontologique L’évaluation interne doit se réaliser conformément aux principes éthiques et déontologiques garantissant la liberté de parole et d’expression, le respect des droits fondamentaux des personnes, la reconnaissance de la légitimité de chacun ; elle doit être conduite en appliquant les règles de discrétion, de confidentialité, de déontologie professionnelle. Un exercice de prise de distance L’évaluation interne suppose de prendre de la distance par rapport aux contingences quotidiennes, aux habitudes, aux évidences ; pour ce faire, est nécessaire la conjugaison de plusieurs éléments, notamment les suivants : * la pluralité et la confrontation des points de vue ; * la pluridisciplinarité ; * le recours à un ou des supports d’évaluation adaptés aux spécificités de l’établissement ou du service et appropriés par l’ensemble de ses acteurs… Une logique systémique L’évaluation doit resituer l’établissement ou le service dans son contexte : ainsi, elle ne peut faire l’économie d’une appréciation du projet d’établissement ou de service dans l’environnement institutionnel dans lequel il se situe (par exemple, au regard du projet associatif dans lequel il s’inscrit ou au regard des différents schémas existants…). De même, l’évaluation devra prendre en compte les « sous-systèmes » qui structurent l’établissement ou le service : projet social, projet éducatif, projet médical, projets personnalisés,… Enfin, l’évaluation veillera à tirer des enseignements sur les articulations, la cohérence et la complémentarité entre ces différents systèmes et sous-systèmes. Ainsi, l’évaluation est globale et ne peut se centrer sur un seul objet, par exemple les moyens financiers d’un établissement ou d’un service. Pour autant, la question des moyens sera une dimension abordée dans le cadre de l’évaluation, notamment au regard de l’efficience des actions conduites.
Gérard BASLE • Une dynamique collective et plurielle L’évaluation interne doit impérativement impliquer les différents acteurs et composantes de l’établissement ou du service : * l’institution (à travers ses valeurs, son projet, ses missions, sa stratégie, son organisation et son mode de fonctionnement) * les personnels (à travers leurs responsabilités professionnelles, leurs différentes qualifications, leurs cultures, leur positionnement réciproque et leurs complémentarités) * les usagers (à travers leurs histoires singulières, leur projet de vie, leurs besoins mais aussi leurs attentes à l’égard de l’établissement ou du service) Plus qu’une démarche « participative » de type « consultatif », c’est un engagement et une co-responsabilité dans une dynamique de progrès. L’évaluation suppose l’engagement des dirigeants mais aussi celle de tous les acteurs :cadres, salariés, usagers, familles…la démarche d’évaluation pour être utilement conduite nécessite un accompagnement par un « maïeuticien » c’est à dire quelqu’un d’extérieur capable d’aider a éclairer les zones de non-dits pour aider chacun dans un mode participatif à produire des connaissances partagées, a développer des apprentissages collectifs. L’évaluation doit permettre de nourrir une démarche continue d’amélioration concrétisée par un plan d’action permettant d’engager les évolutions nécessaires. L’évaluation se tient à distance du contrôle ; contrôler c’est vérifier, évaluer c’est comprendre (Pierre Savignat) • Une démarche contradictoire et critique Une démarche collective ne signifie pas d’emblée une démarche consensuelle, ou uniforme. C’est parce que les points de vue ne seront pas identiques, qu’ils seront en tension, en confrontation que des connaissances nouvelles et des perspectives novatrices pourront être envisagées. Aucun point de vue ne peut être surdéterminé par rapport à un autre. L’évaluation doit constituer un espace « d’analyse critique », de croisement des savoirs de l’ensemble des acteurs, permettant ainsi de dégager des marges d’amélioration à investir. Une démarche compréhensible En vue de favoriser l’implication de chacun, l’évaluation doit pouvoir être comprise par tous. En ce sens, les règles du jeu doivent être explicites, intelligibles et accessibles par tous. Elle exige également des informations, des communications tout au long de la démarche. Enfin, elle exige une transparence sur les résultats de cette évaluation. Les incontournables L’évaluation interne est obligatoire pour l’ensemble des établissements et services relevant de l’article L.312-1 du Code de l’action sociale et des familles et autorisées au titre de l’article L.313-1. Le champ de l’évaluation couvre les activités et la qualité des prestations délivrées. Quatre domaines d’interrogations des pratiques des établissements et services et des professionnels.
Gérard BASLE Ce guide, pour chaque établissement et service, retient quatre domaines « incontournables » concernés par l’évaluation interne : Le droit et la participation des usagers, la personnalisation des prestations ; L’établissement ou le service dans son environnement ; Les modalités de mise en œuvre du projet d’établissement ou de service ; L’organisation de l’établissement ou du service. Pour chacun de ces domaines le guide précise que l’évaluation doit analyser « …l’ensemble des manières de faire, de dire, et d’agir mises en oeuvre par l’établissement ou le service et par les professionnels dans le cadre de leur activité… » « …Quels choix ont été réalisés ? Comment cela a été mis en place ? Quelle est l’analyse des effets ? Quelles sont les marges de progrès ?… » « …Il s’agit au travers de ces questions d’apprécier la façon dont l’ensemble des activités et des prestations concrétise le projet et prennent en compte les bonnes pratiques professionnelles… » Ce guide de l’évaluation interne vient d’être validé par l’assemblée plénière du CNESMS le 15 septembre. Le Conseil a défini son programme de travail pour le deuxième semestre 2006 et l’année 2007 . Ce programme adopté à l’unanimité des membres du Conseil prévoit de valider 16 recommandations de bonnes pratiques professionnelles. Il s’agit d’un programme prévisionnel qui pourra être modifié en fonction des commandes que le CNESMS recevra mais son développement dépendra également des moyens en personnel et en financement que le Conseil se verra attribuer. L’évaluation et la personne polyhandicapée Appliqué aux personnes polyhandicapées le processus d’évaluation doit permettre tout particulièrement de mesurer si, au-delà des déclarations debonnes intentions, les pratiques quotidiennes témoignent bien d’une véritable personnalisation de la prise en charge de ces personnes. Référencée à un projet d’établissement élaboré pour prendre en compte cette manière particulière d’être au monde de la personne polyhandicapée, l’évaluation est un processus dynamique dans lequel tous les acteurs doivent être impliqués. * l'association et ses valeurs fondamentales, c'est à dire celles qui ont présidées à sa création. * l'institution, c'est à dire chacun des personnels qui compose l'équipe pluri professionnelle dont les missions et les actions sont fédérées par le projet d'établissement. * Les usagers avec leur histoire singulière, leur projet de vie, leurs besoins spécifiques. * Les établissements et les services qui accueillent les personnes polyhandicapées sont concernés par les bonnes pratiques professionnelles dont le champ couvre potentiellement l’ensemble des établissements et services relevant de la Loi du 2 janvier 2002. Les annexes 24 ter du décret du 29 octobre 1989 avaient eut le très grand mérite d’identifier une population spécifique ainsi que ses besoins particuliers. * Les personnes polyhandicapées présentent un « … handicap grave aux manifestations multiples avec déficience motrice et déficience mentale sévère ou profonde, entraînant une restriction extrême des possibilités de perception, d’expression et de relation … ». La prise en compte des besoins spécifiques de la personne polyhandicapée nécessite l’intervention de nombreux spécialistes dans le domaine du soin de l’éducation, de la socialisation.
Gérard BASLE Cette multiplicité des intervenants présente le risque aujourd’hui bien identifié d’une juxtaposition des actions de ces nombreux spécialistes. Les modalités d’élaboration de mise en œuvre et de suivi de chaque projet individualisé doivent permettre de prendre en compte les besoins spécifiques de chaque personne polyhandicapée accueillie dans un établissement ou un service. Dans ce contexte, l’évaluation devra notamment porter sur la façon dont le projet d’établissement ou de service organise les modalités d’intervention de ces différents acteurs auprès de la personne polyhandicapée et de sa famille. Le guide ne vient pas remplacer des références qui sont toujours d’actualité comme par exemple les annexes 24 du décret de 1989. à propos des relation de l’établissement avec les familles les trois mots clés que tous nous avons en mémoire sont toujours à prendre en compte. La démarche d’évaluation va nous conduire par exemple à examiner comment la famille est informée, comment elle est associée à l’élaboration ainsi qu’a la mise en œuvre des différentes actions pluri professionnelles qui constituent le projet de leur enfant. Quels choix ont été réalisés, Comment le soutien de la famille a–t-il été mis en place du point de vue de l’équipe des professionnels, mais aussi du point de vue de la famille ? et se sont ces regards croisés venant de points de vue différents qui permettront de conduire les évolutions nécessaires. Le guide souligne la nécessité d’une instance de coordination et d’organisation de la démarche d’évaluation, en proposant d’utiliser ou de créer « …une instance plurielle et collégiale, garantissant l’implication de l’ensemble des acteurs (les usagers, l’ensemble des catégories professionnelles, les bénévoles)… » je suis personnellement convaincu que la démarche d’évaluation favorise le développement d’un processus continue d’amélioration de la qualité des pratiques professionnelles et des prestations proposées aux personnes polyhandicapées et à leur famille.
CONDITIONS D’UNE EVALUATION UTILEPhilipe GAUDON Eléments de contexte En posant les principes d’une nécessaire (obligatoire) évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux, la loi du 2 janvier 2002 n’a toutefois pas précisé la forme et les attentes de la Puissance Publique vis-à-vis de cette démarche. Les débats parlementaires révèlent bien à cet égard, les différentes « visions » de cette évaluation, tantôt inspirée d’une logique de contrôle, d’une préoccupation de bonne utilisation de l’argent public, ou d’une approche standardisée proche du modèle sanitaire de l’accréditation. Parallèlement, le vaste champ des établissements médico-sociaux désormais, ouvert à la concurrence marchande, pouvait également plaider pour une forme d’évaluation « consumériste », fondée sur la seule satisfaction de l’usager sans autre référence à la mission de l’établissement et la conduite de son projet. Particularité Française, l’injonction législative d’évaluation peut apparaître incongrue aux observateurs étrangers, largement convaincus de la nécessité d’un engagement volontaire et autoproduit pour le bon déroulement de cette démarche. Fort heureusement, l’entrée en lice du Conseil National d’Evaluation Sociale et Médico-Sociale (CNESMS) a largement contribué à « clarifier le paysage » et à poser les fondements d’une évaluation dynamique, constructive, concertée, et largement appuyée sur le Projet d’Etablissement et sa réalisation. Par son habile communication, le CNESMS aura largement contribué à convaincre les sceptiques et rassurer les inquiets, sur une forme d’évaluation réclamant la participation des principaux acteurs, et laissant une place prépondérante à l’auto-évaluation dont les vertus vont bien au-delà d’un simple « galop d’essai » pour l’évaluation externe. Utile à qui ? Ainsi débarrassée des préjugés administratifs et comptables, l’évaluation peut dès lors s’épanouir dans le champ de ses bénéficiaires au premier rang desquels apparaît naturellement l’usager que nous distinguons du consommateur précité. Il ne s’agit plus strictement d’apprécier la qualité des prestations offertes, mais de garantir une qualité d’information, le respect effectif des droits de l’usager, sa compréhension et sa participation à l’action proposée, et subsidiairement son appréciation sur la qualité de l’accompagnement proposé. Pour les professionnels, héritiers d’une culture très inspirée des approches par métiers et dans certains cas de la « division du travail », l’évaluation peut désormais fournir l’occasion d’une interrogation approfondie sur le sens de l’action collective. Une action collective davantage orientée sur la mission, les étapes de sa conduite, les fonctions, les objectifs communs et les places et rôles de chacun mobilisé dans une démarche de complémentarité. A ce niveau, l’appropriation de l’évaluation comme dimension participative de la politique managériale, apparaît être une opportunité pour l’ensemble du corps professionnel. Sans réduire la complexité du champ managérial à la démarche d’amélioration de la qualité (certains le font…), il apparaît que l’évaluation peut produire des effets de revalorisation de l’action produite, et par « feed-back » des acteurs et des promoteurs de cette action. C’est donc bien l’ensemble des acteurs, remis au cœur de l’établissement et du service, qui est invité à penser son intervention au regard d’une possible évaluation, non pas des résultats obtenus auprès de l’usager, mais dans la réalisation des interventions et actions préalablement définies, organisées et admises par les partenaires internes et externes. A ce stade, on comprend mieux comment la synergie peut efficacement s’opérer avec une démarche de projet d’établissement qui constitue le préalable incontournable à une démarche d’évaluation productive. Le projet d’établissement et de service en supportera une obligation de forme, insistant sur la description des déclinaisons opérationnelles des valeurs, objectifs et actions développées dans des domaines aussi primordiaux que : * La mise en œuvre des droits de l’usager * Les partenariats, coopérations, travail en réseau * Les éléments constitutifs de l’accompagnement médico-social * La constitution et la contractualisation des projets personnalisés * L’intervention des professionnels et la pluridisciplinarité Par cette approche de l’évaluation, l’utilité de la démarche ne s’apprécie plus à travers la souscription à une obligation légale, mais bien davantage dans une perspective dynamique d’adaptation réfléchie et concertée de l’offre sociale et médico-sociale.
Philippe GAUDON Les conditions Nous le savons, à l’exception de quelques pionniers, notre secteur a accueilli l’injonction législative avec méfiance, contestant aux plans éthiques et professionnels l’orientation des politiques publiques. L’adhésion des acteurs n’est donc pas acquise mais constitue un préalable essentiel à l’efficacité de la démarche. Cette adhésion ne pourra s’obtenir sans une information suffisamment complète et documentée, visant à « dialectiser » les résistances culturelles, et inscrire la volonté politique et stratégique de l’Association dans les éléments de contexte propres à l’établissement et son activité. A ce niveau, l’engagement des cadres et cadres intermédiaires se révèle absolument nécessaire. Il leur appartiendra d’informer, de rassurer, et de rechercher la participation active des salariés à chaque étape de la démarche. Une démarche qui, si elle connaît nécessairement des « temps forts » d’investissement intense, doit bien être présentée d’emblée comme une démarche continue, déterminante de l’esprit et de la forme de l’exercice professionnel individuel et collectif. Cette recherche d’adhésion devra s’accompagner d’une politique de communication institutionnelle sur la démarche, spécifiquement pensée et identifiée (supports), accessible à l’ensemble des acteurs quels que soient leur place et rôle dans l’institution. Cette communication élargira son « spectre » à l’actualité réglementaire et administrative de l’évaluation sociale et médico-sociale, symbole de la participation de la structure à un environnement ouvert et de réseau, et de l’inscription de l’évaluation dans un « tout cohérent » solidarisant les politiques publiques, les valeurs associatives, le projet d’établissement, et l’évaluation des pratiques et projets. Seconde condition, l’opportunité pour la structure de bien choisir, voire d’élaborer son outil (référentiel) conforme à ses orientations, ses priorités, ses spécificités. A ce titre, on observera que la dynamique instaurée par l’élaboration concertée de son propre référentiel, constitue un préalable efficace au recueil de l’adhésion des acteurs professionnels. Ce temps offre en effet, l’opportunité d’échanges de vues utiles sur ce qu’il apparaît nécessaire d’évaluer, la structure générale du référentiel, la formulation précise des références. Il fournit également l’occasion au gestionnaire d’affirmer ses valeurs et de traduire celles-ci dans leurs dimensions opérationnelles, des orientations techniques et des partenariats. Le choix du prestataire qui accompagnera la structure dans sa démarche se révèle également essentiel. On s’emploiera, par un système d’auditions préalables, à choisir (dans les meilleurs rapport qualité/prix), celui qui semble le plus correspondre à la culture et aux valeurs du gestionnaire et de l’établissement. Plus généralement, cette étape contribue à inscrire la démarche d’évaluation dans un contexte de rigueur méthodologique (admettons-le pas toujours présent dans le secteur,…), et à déterminer les indispensables délégations de rôles et de responsabilités (groupes de pilotage, référents qualité, calendrier d’exécution), révélatrices de motivations et degrés d’engagement. Enfin, on l’aura compris, il appartient aux cadres et principalement au directeur, de veiller à ce que cette démarche ne soit pas « désincarnée » de la « logique 2002-02 » et de la resituer régulièrement dans son lien solidaire avec l’effort de « lisibilité » et de « transparence » nécessaire et réclamée aux établissements sociaux et médico-sociaux. L’évaluation, à ce titre, intéresse dans une perspective de globalité et de cohérence l’ensemble de la « chaîne associative » de l’action sociale et médico-sociale, engagée du projet associatif aux projets personnalisés des usagers accueillis. La chance qui nous est offerte est que l’évaluation ne peut porter que sur ce qui a été probablement pensé, élaboré et mis en forme par les acteurs eux-mêmes, dans les seules limites des cadres législatifs et réglementaires généraux. C’est l’un des principaux mérites de l’action du CNESMS d’avoir su imposer cette approche « endogène et dynamique », par opposition à des modèles standardisés et normalisants, souvent plus conformes à la culture de l’Administration.
Le polyhandicap Appliquée au polyhandicap, la démarche présentée souffre-t-elle quelques spécificités ? Certains conservateurs ou esprits critiques ont trop hâtivement conclu que la nature du travail auprès des personnes polyhandicapées, dans sa grande complexité faite de petits détails et d’une importante composante clinique et relationnelle, se prêtait mal (ou était incompatible) à la démarche d’évaluation. A contrario, on pourrait justement affirmer qu’elle l’impose encore davantage. Il ne sera bien sûr pas question d’évaluer la personne accueillie, ses progrès, ses acquisitions ou régressions, mais la bonne mise en œuvre des éléments du projet personnalisé, toujours exposé au risque de se perdre dans « les océans du quotidien ou de la relation interpersonnelle ». A l’évidence, le rapport à l’usager, souvent rappelé dans la loi, est là principalement reporté sur le représentant légal et ainsi, le plus souvent la famille. Il constitue une réalité imposée avec laquelle il nous faudra composer pour s’assurer une participation justement équilibrée, spécifiquement dans la démarche d’élaboration du projet personnalisé et la prise en compte de l’expression des choix de l’usager… ou de son représentant. Par ailleurs, la composante hautement pluridisciplinaire réclame sans doute davantage de méthode, de coordination-coopération, d’élaboration collective dont l’effectivité impose une évaluation régulière. Les 20 dernières années, marquées par l’ambition qualitative de l’accompagnement des personnes polyhandicapées, ont imposé au-delà de l’orientation politique et administrative, la mise au point de « bonnes pratiques professionnelles » protocolisées, portant sur les « temps forts » ou considérées prioritaires dans les axes de la santé, de l’alimentation, du confort, des apprentissages, de l’autonomie… Généralement, l’évaluation apparaît le complément naturel d’une approche médico-sociale par objectif, laquelle, appliquée au polyhandicap, ne sacrifie rien à l’appréhension de la globalité de la personne polyhandicapée. En conclusion, nous devons nous saisir de l’opportunité « entre ouverte » de se construire une approche et un référentiel conforme à son projet et à ses valeurs. On m’objectera que les valeurs ne s’évaluent pas, mais des valeurs qui ne se traduiraient pas en action, demeureraient incantatoires et, au pire, sans effet sur les usagers. L’évaluation des pratiques professionnelles auprès des personnes polyhandicapées nous offre également une occasion exceptionnelle de valoriser les connaissances acquises, dépasser les représentations caritatives et méritoires, pour imposer des pratiques conciliant humanisme et professionnalisme. Ce dernier aspect dévoile ainsi une articulation originale, entre l’évaluation et une action militante, que le GPF a toujours soutenu dans la promotion de la qualité de « prise en charge » ou d’accompagnement des enfants et adultes polyhandicapés.
ECHANGES AVEC LA SALLE Daniel BLATRIX (correspondant local G.P.F. en Côte d’Or et secrétaire général de l’ADAPEI 21) : Monsieur DIDIER-COURBIN, concernant la P.C.H. dans les établissements, j’ai cru comprendre qu’elle était mise en place mais on conseillait jusqu’alors aux parents de conserver l’A.C.T.P. car elle était reversée dans le cadre des retours en famille, la P.C.H. n’étant pas applicable dans les établissements, il n’y avait pas de rémunération pour les aidants familiaux. Philippe DIDIER-COURBIN : concernant la prestation de compensation à domicile, les textes sont sortis en décembre dernier. En revanche, pour la prestation de compensation en établissement, le texte a été soumis au C.N.C.P.H., a été arbitré et va être publié dans les semaines qui viennent. Ce qui est prévu, c’est que les personnes, qui sont en établissement, auront la possibilité de déposer leur dossier en principe jusqu’en mars 2007 (et au-delà). Pour ceux qui déposent leur dossier en mars 2007, ils auront la possibilité de faire valoir leurs droits à compter du mois de juillet 2006 (effet rétroactif de l’ordre de 9 mois). Il faut attendre quelques semaines pour que le décret sorte et les personnes qui sont perçoivent l’allocation compensatrice pourront comparer les deux dispositifs et faire valoir leur droit d’option. Daniel BLATRIX : les transports sont-ils pris en compte dans la prestation de compensation ? En effet, pour les personnes adultes en établissement, les transports c’est un véritable problème quand les parents vieillissent et ne peuvent plus venir chercher leur enfant dans l’établissement, le lien familial risque d’être rompu. Est-ce que ces transports seront pris en charge par la P.C.H. ainsi que certains matériels (cf orthopédie) ? Philippe DIDIER-COURBIN : les transports vont être pris en charge à plusieurs titres. Les personnes, qui sont hébergées en établissement ou qui fréquentent quotidiennement un établissement, auront accès à l’élément de la prestation dit surcoût du transport avec des règles qui permettront à la fois de prendre en charge les frais d’une personne qui est handicapée mais autonome et utilise un véhicule (tarif kilométrique) et pour les personnes qui ont besoin de faire appel à un tiers pour se déplacer, la prestation permettra de faire valoir, sur la base d’une indemnité kilométrique, les surcoûts des transports. Le texte prévoit également que, lorsqu’une personne, hébergée en établissement, est amenée à rejoindre sa famille, que les proches viennent la chercher, la ramène dans l’établissement et repart au domicile, que ce surcoût (pour la famille) de ces différents aller et retours soit également pris en compte. Par ailleurs, quand on parle de surcoût de transports, on parle de surcoûts qui n’ont pas vocation à être pris en charge à un autre titre. On a actuellement, dans le champ des structures pour les adultes handicapés, plusieurs cas de figure : dans les budgets des établissements pour adultes, il n’y a pas de dispositions réglementaires qui imposent ou prévoient qu’ils prennent en charge théoriquement ces frais de transports. En revanche, dans les C.A.T., il y a possibilité que ces derniers prennent en charge les transports dès lors qu’ils sont collectifs. Pour les enfants, les budgets permettent à l’établissement de les prendre en charge. La prestation de compensation interviendra là où notamment la Sécurité Sociale n’est pas déjà engagée. Concernant les aides techniques, une personne qui fréquente un établissement a naturellement droit à l’élément aide technique ou accès à l’élément des frais spécifiques exceptionnels à la seule condition qu’il ne s’agisse pas d’aides ou de matériel, qui rentrent dans le cadre des missions de la structure qui les accueillent. Daniel BLATRIX : concernant les adultes, ils sont orientés soit en M.A.S., soit en F.A.M. Afin de simplifier, serait-il possible d’obtenir des orientations en M.A.S./F.A.M, sachant que les conditions d’accueil sont les mêmes dans ces deux structures et qu’il est compliqué de faire une nouvelle demande pour obtenir une orientation en F.A.M. quand on a eu une première en orientation en M.A.S. et inversement ? Philippe DIDIER-COURBIN : il est vrai qu’il peut y avoir une certaine hypocrisie dans les faits à dire que les M.A.S. ont telle mission et il y aurait une césure claire avec le rôle qu’est celui des F.A.M. On voit bien que, pour avoir vécu le lancement des programmes qui favorisaient la création des MA.S. et des F.A.M., que certes les foyers double tarification, à l’époque, avaient vocation à nécessiter peut-être moins d’investissements et de financements Assurance Maladie mais on sait que, dans les faits, cela a été souvent suivant l’opportunité locale et puisqu’on donnait aux D.R.A.S.S. de l’argent de la Sécurité Sociale, s’ils pouvaient trouver d’autres partenaires financiers (départements), cela permettrait de créer davantage de places que celles possibles dans le cadre d’un seul financement Sécurité Sociale, même si l’on observe que, dans les faits (enquête faite par le CREAI des Pays de Loire), d’une certaine façon, il y a des graduations à la fois dans l’intensité des besoins et puis également des catégories de public et de handicap plus présents dans l’un ou l’autre. Qu’est-ce qu’on peut faire ?
ECHANGES AVEC LA SALLE On aurait pu profiter de la préparation du décret 39.2 pour dire que c’est l’occasion de remettre à plat cette question mais ce n’est pas l’état d’esprit actuel. En effet, la Loi prévoit un rendez-vous important qui est de dire que, dans les 5 ans qui vont suivre la sortie de la Loi 2005 , il conviendra de prendre des dispositions qui font sauter les barrières d’âge c'est-à-dire que, d’une part les règles d’accès à la prestation de compensation des personnes handicapées non âgées et le régime de la prestation de compensation pour des personnes handicapées notamment du fait de l’âge auront vocation à se rapprocher. Par ailleurs, la Loi indique que les règles de participation des usagers, quel que soit leur âge, auront vocation à être rapprochées, harmonisées, voire unifiées. C’est un énorme chantier qui va venir reposer, de façon plus précise, la tarification des établissements. Si on dit que demain les personnes âgées dépendantes, du fait de l’âge, se verront appliquer le même régime de prestations qu’aux personnes handicapées « traditionnelles » et si on dit également qu’on leur appliquera le même régime de participation (frais d’hébergement, dépendance…), on voit bien qu’on a un chantier majeur devant nous qui va remettre à plat les cartes de la tarification des établissements. Il n’est donc peut-être pas tout à fait opportun de redéfinir la question de la tarification des M.A.S. et des F.A.M. alors même qu’on a un chantier beaucoup plus vaste, dans la nouvelle législature, qui va s’ouvrir. Cela va au-delà même de la tarification, c’est toute la question de comment va être financé le phénomène de la dépendance dans les décennies qui viennent. Gérard COURTOIS : il me semble qu’il y a un certain nombre de choses à souligner. Le début de la matinée a été très riche et on voit bien le lien entre la Loi de 2002.2 et celle de 2005 qui vient d’être fait de façon claire. Si dans la Loi de 2002.2, on pose le problème de l’évaluation, avec la Loi de 2005, l’accent est plus encore porté sur les besoins de la personne. Mon interrogation va s’attacher à cet aspect car le médico-social (les établissements d’accueil) a fait preuve déjà, depuis le début de l’introduction de ces législations, d’un fort dynamisme et même d’une grande performance en répondant à un certain nombre d’éléments en établissement demandés par les administrations de contrôle pour répondre aux obligations législatives. Quelque chose s’ajoute : si, dans la Loi 2002.2, l’attention première est déjà centrée sur le projet personnalisé, dans la Loi de 2005, on introduit la notion de projet de vie. La loi de 2002.2, impose aux établissements du médico-social de formaliser un contrat de séjour. C’est important car cela fixera des engagements du médico-social vis-à-vis des réponses ou solutions faites ou soumises à la personne. Avec la formalisation du contrat de séjour et les obligations simultanées d’élaborer un projet personnalisé et de respecter naturellement le projet de vie : la question des limites et des moyens va prendre toute sa place… ne serait-ce, comme l’a soulevé tout à l’heure un intervenant, qu’en termes de financement des transports ou, comme l’a mentionné Philippe GAUDON, dans sa conclusion, en termes de temps… Oui, tout cela demande du temps, du personnel. Il est à noter que déjà les choses se font et se mettent en place et bon nombre d’établissements ont répondu à un certain nombre d’indicateurs dans le cadre des préparations budgétaires… la convergence tarifaire ne va-t-elle pas pénaliser certains ? Lisser par le bas ? Je m’excuse de lier toutes ces choses mais c’est impératif de rassembler tous ces éléments. Pour les établissements du médico-social, la question des moyens se pose – nos financements sont déterminés essentiellement par les taux directeurs qui s’appliquent à des groupes fonctionnels qui montrent déjà de grandes limites. On voit donc que le secteur associatif est très performant et qu’il est même très coopérant par rapport à tous ces objectifs. Mais je reste persuadé que cette législation concernant l’évaluation, comme cela a été dit par les intervenants, est une très bonne dynamique surtout si elle permet de se dégager de l’objectif unique de la convergence tarifaire. Comme l’a dit Didier PHILIPPE-COURBIN, cela va souligner, à terme, le problème de la dépendance en général qu’il va falloir financer d’où mon interrogation : est-ce que le secteur médico social, est-ce que le secteur du handicap, probablement un peu mieux financé que d’autres (secteur des personnes âgées, par exemple), pour répondre aux besoins de la dépendance des personnes âgées, va voir ses moyens lissés par le bas pour pouvoir distribuer plus solidairement (l’intention serait bonne) mais ne répondrait pas aux obligations par rapport à cette qualité et à cet attendu sur le projet de vie des personnes handicapées et notamment polyhandicapées Philippe DIDIER-COURBIN : concernant les financements de la dépendance, effectivement la question a été posée, au moment où ont été mises en place la C.N.S.A. et la Journée Nationale de Solidarité, de quels choix fait-on : créer une nouvelle branche de Sécurité Sociale ou mettre en place un dispositif original à la fois financé par la solidarité nationale et en même temps un dispositif qui s’appuie sur un recyclage des financements que les départements apportent déjà en direction des personnes âgées et des personnes handicapées ? C’est la mise en place d’un dispositif original qui a été choisi. Compte tenu des difficultés des branches traditionnelles de la Sécurité Sociale, c’était peut-être une certaine forme de prudence de mettre en place justement un dispositif qui ait un caractère original et à l’abri de ces dispositions là. Les efforts supplémentaires qui ont été débloqués avec la mise en place de la C.N.S.A. et du financement de la journée
ECHANGES AVEC LA SALLE dépendance montrent bien que l’on a pu trouver des financements spécifiques qui sont venus doubler, je vous le rappelle, les dépenses qui sont assurées actuellement par les départements en direction des personnes handicapées en matière de prestations puisque la contribution de la C.N.S.A. aux départements pour la prestation de compensation vient quasiment doubler les financements que les départements pouvaient accorder au titre de l’allocation compensatrice tierce personne. Ce sont des financements dédiés et supplémentaires qui n’ont pas été arrachés aux caisse. Ce sont ces financements qui ont permis d’accompagner l’effort de la Sécurité Sociale notamment pour les créations de places que ce soit dans le secteur du handicap ou dans le secteur des personnes âgées. Donc, des financements particuliers ont été trouvés, un dispositif original a été mis en place qui semble assez bien conçu pour ne pas être trop impacté par les difficultés nécessaires de recherche d’équilibre des caisses régionales. Un choix de prudence a été fait, maintenant, dans le cadre de la préparation de la future législature, les politiques auront soit à confirmer ce choix, soit de l’infléchir, ce sera un débat assez présent au cours des prochains mois. Pour terminer, sachez que le Ministre de la Santé, après avoir chargé au printemps dernier le sénateur Paul Blanc d’une réflexion sur le problème de la prise en charge et de l’accompagnement des personnes handicapées vieillissantes, vient de nommer une chargée de mission pour une réflexion qui serait rendue au Ministère en fin d’année notamment sur la question des différentes pistes de financement (avantages et inconvénients) de la dépendance pour les années qui viennent Gérard COURTOIS : on ne peut pas répondre sur le plan plus général et plus politique mais peut-être sur un point plus précis qui s’impose aux établissements médico-sociaux. Depuis plusieurs années, le financement pour le fonctionnement des établissements est assuré par une reconduction des budgets accordés ; aussi, il y a aussi une véritable inquiétude : on arrive au terme de l’arrêt du financement et des aides pour les 35 heures, quid du devenir du financement de ces postes-là. Certains Conseils Généraux ou départements ont fusionné les postes création A.R.T.T., pour les D.A.S.S., on voit d’un département à l’autre des pratiques complètement disparates. Sur ce qui vient d’être dit par rapport à la journée de solidarité et au financement qu’elle a permis, Monsieur DOUSTE-BLAZY avait dit que cela ne couvrirait pas la totalité des besoins, il y a matière à s’inquiéter déjà en termes de moyens humains. Il faut savoir que nous sommes de plus en plus souvent contraints à demander à nos hommes et femmes qui normalement sont en contact des personnes sur le terrain à répondre à un certain nombre de tâches : répondre aux indicateurs, répondre à l’évaluation. Effectivement, il y a du personnel, effectivement cela coûte cher, peut-être plus cher qu’avant, mais c’est peut-être encore moins bien géré. Il y a de moins en moins de personnel en lien directement sur le terrain et plus en retrait pour répondre à des objectifs de gestion administrative. Philippe DIDIER COURBIN : il y a toujours matière à s’inquiéter, on doit être vigilant. En revanche, puisque vous évoquez les insuffisances de financement, nous sommes confrontés aux efforts de rigueur auxquels il faut faire face : en même temps, quand vous regardez les taux de progression des financements accordés au secteur médico-social, nous avons encore pour 2007 obtenu un taux d’évolution qui est loin d’être négligeable. Par ailleurs, il y a un certain nombre d’établissements qui peuvent se retrouver en difficulté du fait notamment de la fin d’un certain nombre d’aides arrivées à leur terme. En 2006, je vous rappelle que, sur des financements alimentés par la C.N.S.A., nous avons pu accorder aux services déconcentrés des financements dédiés pour permettre de répondre à des situations de difficultés d’établissements qu’elles soient conjoncturelles ou structurelles. Ces financements ont été débloqués et nous avons l’intention de le faire à nouveau en 2007. On ne répondra pas partout à l’ensemble des préoccupations de tous les établissements mais sachez que des enveloppes dédiées ont été accordées aux DRASS pour tenter d’y répondre et nous les examinerons à chaque fois que des demandes complémentaires nous seront faites.
LA DEMARCHE D’EVALUATIONModérateur : Georges SAULUSpsychiatre, Administrateur G.P.F. Nous allons reprendre comme schéma ce qui a été décrit par Philippe GAUDON à savoir que l’évaluation fait partie d’un tout avec une dimension associative, une dimension d’établissement, une dimension plus personnalisée Il va donc vous être présenté successivement ces trois niveaux : • associatif avec Monsieur Soria, Directeur du Cabinet ABAQ Conseil (Lyon) • établissement avec Madame Eliane LE RETIF, Directrice Générale de l’Association Marie-Hélène et Madame Estelle BACHER • individuel avec le témoignage de Madame Laurence DESEIGNE, maman et présidente de l’ASSEPH (Orléans) Je laisse donc la parole à Monsieur SORIA…
METHODOLOGIE D’ELABORATION D’UN REFERENTIEL ASSOCIATIFPatrick SORIA - Je vais aborder le thème de cette journée du point de vue « méthodologique » en évoquant l’élaboration des supports d’évaluation interne dans un cadre d’organisme gestionnaire qu’il soit de statut associatif ou autre ; ceci afin de valoriser les bonnes pratiques professionnelles au travers de l’évaluation interne. 1. Contexte (réglementations et recommandations) : la Loi de rénovation de l’action sociale et médico sociale du 2 janvier 2002 Art L312.8 : les établissements … procèdent à l’évaluation de leurs activités et de la qualité des prestations qu’ils délivrent, au regard notamment des procédures, des références et de recommandations de bonnes pratiques professionnelles, ou en cas de carences, élaborées, par un conseil national d’évaluation sociale et médico-sociale, placé auprès du Ministère chargé de l’action sociale. Les résultats de l’évaluation sont communiqués tous les 5 ans à l’autorité ayant délivrée l’autorisation. Art. L312-8 : les établissements font procéder à l’évaluation … par un organisme extérieur. Les organismes habilités doivent respecter un cahier des charges fixé par décret. La liste des organismes est établie par arrêté du Ministère … après avis du CNES-MS. 2.Notion d’évaluation L’évaluation interne doit être réalisée au cours des 7 années suivant l’autorisation et au moins 2 ans avant renouvellement. Ses objets : • Mesurer si les pratiques quotidiennestémoignent d’une véritable personnalisation, d’une juste réponse aux attentes et d’un réel respect des usagers et familles, • Interroger le projet d’établissement (réponse à la population accueillie, dynamique territoriale, efficience…), • Émettre un jugement sur la cohérence des relations, • Mesurer l’impact des actions conduites. L’évaluation externe se prononcera sur : le sérieux de l’évaluation interne et les améliorations effectivement réalisées. L’évaluation a pour objet l’appréciation, à intervalles réguliers de : * La cohérence, * La pertinence, * L’efficacité, * L’impact, des actions Les caractéristiques de la méthodologie d’évaluation interne : * Une démarche intégrée * Une démarche structurée et rigoureuse * Une démarche collective et plurielle * Une démarche contradictoire * Une démarche impliquant les instances institutionnelles Les champs d’investigations : * Le droit et la participation de l’usager * La personnalisation des prestations * Le projet d’établissement * L’établissement dans son environnement * L’organisation
Patrick SORIA LE CYCLE DE L’EVALUATION 2ème ENGAGEMENT 1er ENGAGEMENT ENGAGEMENT DANS LA PROCEDURE PLAN D’AMELIORATION ET DE SUIVI EVALUATION INTERNE EVALUATION EXTERNE Plan d’amélioration La place de l’évaluation dans la démarche qualité La démarche d’évaluationconstitueune étape d’une démarche plus globale d’amélioration continue de la prestation. Elle permet de valider à période définie l’ensemble des actions et organisations entreprises. 3. La notion de référentiel • Support de l’évaluation, outil objectif, partagé, compréhensible de mesure du niveau de conformité des pratiques aux engagements ou références posées. • Habituellement, un référentiel est structuré en un certain nombre de chapitres et/ou thématiques (champs d’investigations). Chaque champ est évalué au travers de références et critères : • Référence : énoncé d’une exigence, d’un engagement, d’un objectif, d’un cadre d’exercice. Elle s’impose. • Critère : énoncé d’un moyen ou élément précis permettant de répondre à la référence. Il est ajustable. 4. Les enjeux pour un organisme gestionnaire • Répondre aux obligations légales et recommandations officielles • Donner du sens à l’évaluation et s’assurer de la mise en oeuvre de ses engagements et valeurs • Apporter de la cohérence, de la coordination, de l’expertise.
Patrick SORIA Envisager la co construction d’un référentiel partagé par l’ensemble des établissements et services qu’il gère, à savoir : • Un support unique, qui propose les mêmes objets d’évaluations (engagements, références) • Un support qui, chaque fois que nécessaire, propose des contenus spécifiques (déclinaisons adaptées de références) Les motivations • favoriser le collaboratif • Facilité l’adhésion et la compréhension • Donner un poids, • Maîtriser les ressources consacrées à l’évaluation La place d’un organisme gestionnaire Poser les principes, les champs et les caractéristiques de l’évaluation interne et du référentiel Définir les modalités de l’évaluation interne : • Définir ce qui est entendu par évaluation interne • Positionner les démarches d’audit et de contrôles interne • Définir les modalités de coordination des évaluations (engagements, rapports…) Développer des méthodes et des supports d’évaluation interne : • Proposer des démarches adaptées aux caractéristiques des différents établissements et services (en fonction des effectifs, de l’organisation…) • Former des personnes ressources, envisager des temps de mise en commun d’expériences • Proposer des supports institutionnels (guide appliqué, maquette de rapport, grille d’évaluation…) • Proposer des consignes, des recommandations quant à la réalisation de l’évaluation interne (place de l’usager, répartition des champs de l’évaluation, composition et nombre de groupes, méthodes…) 5. Méthodologie d’élaboration d’un référentiel et de supports d’évaluation a) Cadrer le projet : finaliser les objets et finalités du référentiel, définir précisément les modalités d’élaboration b) Analyser des référentiels existants : pour identifier un référentiel socle ou deséléments pertinents c) Recueillir les éléments spécifiques (formulés par les intervenants des établissements et usagers) d) Bâtir l’architecture du référentiel e) Formuler les références et critères f) Si nécessaire, formuler les spécificités (par activités ou populations distinctes) g) Recueillir des propositions d’amélioration : auprès des intervenants et usagers h) Elaborer un guide méthodologique de l’évaluation i) Valider et approuver l’ensemble des éléments EXEMPLE D’ARCHITECTURE DE REFERENTIEL Référentiel structuré en 4 chapitres : Les valeurs et les engagements de l’association qui sont portés par ses établissements • Le sens que l’association donne à ses actions d’accompagnement des usagers et les exigences qu’elle s’impose. • Les orientations politiques, les organisations et les coordinations nécessaires à la bonne mise en œuvre de ces engagements et prestations. • Les éléments indispensables à la qualité et au cadre de vie.
Patrick SORIA Chapitre 1 : Valeurs et engagements • Thème 1 : valorisation des Capacités de l’usager et Action sur son Environnement • Thème 2 : Respect des Droits et Libertés • Thème 3 : Cadre et Qualité de Vie Chapitre 2 : Accompagnement de l’usager • Thème 4 : Projet d’Etablissement ou de Service • Thème 5 : Participation et Satisfaction de l’usager • Thème 6 : Projet de Vie personnalisé et Contrat de séjour • Thème 7 : Démarches d’Accompagnement de l’usager Chapitre 3 : Organisation et coordination • Thème 8 : Gestion et Coordination des Ressources • Thème 9 : Dossier Unique de l’usager • Thème 10 : Gestion de la Qualité et des Risques Chapitre 4 : Support logistique et sécurité • Thème 11 : Logistique • Thème 12 : Sécurité des Personnes et des Biens
PROCESSUS D’EVALUATION DANS UN ETABLISSEMENT Eliane LE RETIF, Directrice Générale Association « Marie-Hélène » (27) Estelle BACHER L’Association MARIE HELENE, dont Madame RONGIERES est co-fondatrice et Présidente, a crée cinq établissements dans le département de l’Eure. Quatre pour personnes polyhandicapées (2 IME – 2 MAS) et 1 IME pour enfants et adolescents autistes. Créée en 1964 par un petit groupe de parents, l’Association accueille aujourd’hui 165.personnes polyhandicapées ou autistes : 53 enfants et 112 Adultes. Elle emploie 240 personnes représentant 210 salariés ETP. Les valeurs fondamentales portées par l’Association et que l’on retrouve dans tous les projets, (du projet individuel au projet associatif) portent toutes sur le respect de la personne polyhandicapée et son bien-être. C'est-à-dire sur la lutte contre toutes les formes de souffrance. La recherche de progrès à tout prix est quasi inexistante ou plus exactement omniprésente mais jamais prioritaire ni prépondérante. La démarche de projet existait bien avant la loi 2002 – 2 au sein de l’Association Marie Hélène qui a l’habitude d’écrire ses différents projets, de les remettre en cause régulièrement et de les réactualiser chaque fois que cela s’avérait nécessaire. Qu’il s’agisse du projet associatif, d’un projet d’établissement, de projet de développement, Notre questionnement en termes d’auto évaluation était : « mais comment étalonner ce travail ? Cette sensibilité à l’autre ! sa reconnaissance ! son égalité ! ce partage de vie au travers d’actes si simples …. Nous pensions alors : « Cà ne se voit pas tout cela ! personne ne peut comprendre ce que nous faisons « nous répéterons toujours la même chose d’une évaluation sur l’autre » nous confondions peut-être, je le crains, évolution et évaluation comme si ne pouvait s’évaluer que le progrès, le positif ; Ceci pour vous dire que lorsque nous avons lu dans la loi du 2 Janvier 2002 qu’il y aurait un volet qui serait consacré à l’évaluation et à l’autoévaluation, nous nous sommes demandés comment nous pourrions évaluer ce que nous mettions en œuvre pour apporter du bien-être aux enfants et aux adultes polyhandicapés… Comment évaluer le plaisir, la sérénité, le confort, la sécurité, la qualité de vie, de ces personnes. Malgré cela, nous nous sommes mis très tôt au travail. Pendant plus de deux ans, tous les cadres de l’Association se sont réunis deux à trois jours par mois pour travailler sur cette loi. Au début, ce travail, il faut le reconnaître nous inquiétait un peu et ne nous motivait pas beaucoup. Il est devenu intéressant, plaisant et dynamique grâce à la méthodologie qu’Estelle BACHER a employée. La présentation, la lecture, et l’analyse des textes de loi qu’elle a faite a contribué pour beaucoup à ce changement d’attitude au regard des obligations instituées par la loi. Notre expérience des projets nous a appris qu’il était quasiment impossible de faire travailler un groupe important de personnes sur un même sujet, et que faire la synthèse d’une dizaine de groupes ne donnait pas un résultat satisfaisant. Nous avons donc dés le début décidé que la rédaction de tous les documents réclamés par la loi 2002 serait faite par les cadres des établissements, y compris le chef des services généraux. Nous voulions profiter de cette occasion pour les réunir et les faire réfléchir sur les organisations mises en place dans les établissements et leurs modifications survenues au fil des années. L’aspect obligatoire, la loi, et les délais imposés ont donné un autre sens au travail. Il fallait s’y atteler, tout le monde était concerné et c’était le travail de chacun qui en dépendait pour les années à venir. Très vite est apparue la nécessité d’une grande cohérence et d’une complémentarité entre cadres, mais aussi entre établissements de la même Association. En termes de management de cadres, ce fut une expérience riche et intéressante. Tous ceux qui étaient présents au départ de ce travail n’étaient plus tous là pour rédiger la conclusion. Mais les nouveaux arrivés ont pu sans difficultés particulières s’intégrer au groupe et participer très concrètement à ce travail. Leur méconnaissance de l’histoire des institutions et de leurs fonctionnements leur permettait un questionnement sans concessions qui obligeait le groupe à réfléchir et à sortir de ces retranchements. Nous avions aussi, dés le début, décidé de nous accorder le temps nécessaire qu’il faudrait pour réaliser ce travail. Sachant pertinemment que ce serait long et qu’il faudrait y consacrer beaucoup d’énergie. En même temps, nous étions bien conscients que notre travail auprès des personnes polyhandicapées était construit que l’accompagnement que nous leur assurions était basé sur les valeurs fondatrices de l’Association, et nous savions que nous étions exigeants dans ce domaine. Nous avions déjà rédigé pour partie ces documents. Leur révision sous ce nouvel angle induit par la loi du 2 Janvier 2002 a mis en évidence des divergences et des dysfonctionnements mais au cours de ces échanges apparaissaient en même temps les actions à mettre en œuvre pour y remédier. Pour élaborer les différents outils demandés par la loi, nous sommes partis des projets existants dans les institutions. Le fait de pouvoir travailler simultanément sur cinq établissements était intéressant. Cela permettait de relever des différences dans les fonctionnements, de réfléchir sur ce qui les justifiait, pourquoi s’étaient-elles installées au fil du temps. Que représentaient-elles aujourd’hui. Etaient-elles toujours nécessaires. A l’issue de ces réflexions nous avions des propositions à faire pour : soit résoudre la difficulté, soit apporter une amélioration dans l’accompagnement des résidants au travers de tous ces actes essentiels et pourtant si simples de la vie quotidienne.
Eliane LE RETIF – Estelle BACHER La méthode employée consistait à questionner sous différents angles (familial éducatif, médical) tout ce qui se passe chaque jour dans la vie d’un résidant tout au long de son séjour dans l’établissement. Depuis l’étude du dossier pour une éventuelle admission jusqu’à la fin du séjour avec tous les moments sensibles et délicats que cela comporte pour la famille et le personnel. Je vais maintenant laisser la parole à Estelle Bacher qui nous a accompagnés tout au long de cette démarche…. Merci Mme LE RETIF ! Je voudrais vous dire tout l’intérêt que j’ai aujourd’hui à analyser avec vous ce processus de travail mené avec l’Association Marie-Hélène entre novembre 2002 et mars 2005 – c’est en effet dans des associations comme celle-là que la consultante que j’étais à l’époque a pu réellement exercer son métier, c’est-à-dire à la fois 1/ apporter une expertise = éclairer l’Association sur les textes, sur les pratiques du secteur, sur les articulations à imaginer entre le projet d’établissement et tous les autres outils de la loi 2002.2 mais aussi 2/ accompagner la réflexion d’un collectif de travail, faire preuve de beaucoup de respect et parfois de naïveté sur les pratiques professionnelles développées, sur les orientations données (c’est important car on ne me demandait pas de réfléchir à la place de MAIS bien de développer des moyens, des outils, des méthodes, une attitude facilitant la réflexion et la libérant d’un cadre juridique un peu complexe parfois…) Avant de présenter dans les grandes lignes la méthodologie qui nous a amenés jusqu’à l’évaluation interne, je voudrais revenir sur deux points qui caractérisent le travail mené avec l’association Marie-Hélène : D’abord, c’est une association qui s’est donnée à la fois le temps et les moyens d’avancer : le temps de l’analyse des textes (qui, pour la petite histoire, paraissaient parallèlement à nos travaux – de la Charte parue le 8 septembre 2003 au contrat de séjour paru le 26 novembre 2004 en passant par le règlement de fonctionnement paru le 14 novembre 2003), le temps de la réflexion / de la maturation (l’association Marie-Hélène s’est donnée le temps avec l’encadrement de comprendre le sens de tout cet arsenal juridique et de lui donner du sens), les moyens d’avancer (des réunions de travail régulières mais suffisamment espacées dans le temps pour laisser à chacun le temps de poursuivre sa mission au quotidien et de réfléchir entre les séances collectives de travail). De plus, c’est une association qui était, depuis longtemps, inscrite dans des démarches projet, dans de la création, dans de l’innovation…mais aussi dans la remise en question permanente ce qui signifie que le Directeur Général d’abord mais aussi la Directrice Générale Adjointe de l’époque qui était Eliane LE RETIF et tous ses collaborateurs cadres étaient, je pense, prêts à mettre les pratiques en débat, à défendre leurs positions, à échanger et ce…avant de reconstruire ensemble les murs de fondations bien ancrées dans toutes les têtes…ce que je veux dire par là, c’est que, pendant toute cette démarche qui nous a conduit à revoir l’ensemble des projets d’établissements, à concevoir tous les outils destinés aux personnes accueillies et à leurs familles, le collectif avec lequel j’ai travaillé n’a pas toujours parlé d’une seule voix, qu’il y a eu de nombreux échanges, que la discussion était ouverte, réelle, transparente…nous n’avons pas toujours été d’accord, nous avons passé du temps sur certains termes (prise en charge, accompagnement, résidant, …), nous avons balayé certains textes et sommes revenus dessus quelques mois plus tard seulement car la réflexion n’était pas mûre…tout ceci a permis à chacun de participer à tout ce travail qu’on qualifie dans notre langage d’amélioration continue de la qualité…mais qui perdure aujourd’hui dans l’association et c’est, je crois, très important. Présenter le processus de travail : comment a-t-on procédé ? Une 1ère phase de novembre 2002 à juin 2004 (20 mois) pour construire ensemble les principaux outils des cinq établissements de l’association Marie-Hélène : les projets d’établissement, les livrets d’accueil avec, en annexe, les règlements de fonctionnement et la Charte des droits et libertés de la personne accueillie, les « procédures » d’élaboration, de mise en œuvre et de suivi des projets personnalisés…mais aussi pour réfléchir à un outil d’auto évaluation de la qualité du service rendu aux personnes accueillies dans les établissements….et ce en partant d’un postulat très simple : les projets d’établissements font référence pour l’ensemble des professionnels de l’association ; ils s’inscrivent dans le respect du projet associatif, des valeurs portées par l’association et du cadre juridique dans lequel agit l’association ; il est donc indispensable de prendre le temps avec les professionnels de questionner ces projets et de mesurer l’écart éventuel entre ce qui est écrit et ce qui est pratiqué au quotidien…la grille d’auto évaluation a donc été conçue sur cette base ; nous avions pris le temps à l’époque de nous approprier les recommandations de la DGAS en matière d’évaluation interne et nous avions décidé avec l’association de concevoir un outil simple sous la forme d’un questionnaire permettant à un groupe de professionnels de s’exprimer sur cette mesure d’écarts éventuels (ce que je fais, est-ce bien ce qui est écrit ? sinon, pourquoi ? y difficultés à convaincre l’association de travailler sur cet outil…le risque étant que, quelques mois plus tard, on lui demande d’en utiliser un autre ! et que la difficulté a plutôt porté sur : « mais, au fait, Mme BACHER, qui va animer les réunions d’auto évaluation ? c’est vous, n’est-ce pas ? »….eh là, j’ai dit non, non à plusieurs reprises…et cela nous a conduit à une deuxième phase de travail….Y a t-il des choses à améliorer ?).
Eliane LE RETIF – Estelle BACHER Une 2ème phase de novembre 2004 à mars 2005 (4 mois) où nous avons conçu ensemble le dispositif d’auto évaluation « made by l’association Marie-Hélène » et où j’ai proposé au groupe de les former d’abord et avant tout aux techniques d’animation de groupe et d’animation de réunion…en fait, nous sommes sortis de l’étude et de l’analyse de textes, de la réflexion sur le contenu des projets et des outils…pour aller sur du management d’équipe et du management de groupe. En quatre séances, de mémoire, chacun a acquis quelques techniques, des clés de compréhension dans ce domaine et ensemble, nous avons imaginé l’auto évaluation dont Eliane LE RETIF va maintenant vous exposer les grandes lignes. Eliane LE RETIF : à la fin de cette première phase de travail, nous étions convaincus d’avoir mis au point les outils nécessaires pour la deuxième phase qui consistait à les présenter à l’ensemble du personnel et à mettre en place l’autoévaluation en constituant des groupes chargé de ce travail dans chaque établissement. Lors de cette présentation j’ai choisi délibérément d’insister sur les aspects positifs de ces nouvelles obligations, qu’il ne fallait pas les vivre comme des contraintes supplémentaires, mais au contraire y puiser ce qu’elles pouvaient apporter et permettre à chacun dans son rôle de professionnel, membre d’une équipe au service de la personne polyhandicapée. A l’issue de cette présentation un appel à candidatures pour participer à ces groupes d’autoévaluation a été lancé et on peutavouer que celles-ci n’ont pas été pléthoriques, il a fallu auprès de certaines catégories de professionnels, solliciter, encourager, insister un peu pour que les groupes soient bien représentatifs de tous les services de l’établissement (éducatif, médical paramédical, services généraux, administratifs). Par contre, nous pouvons dire aujourd’hui que celles et ceux qui ont participé à ce travail n’ont pas été déçus et qu’ils en éprouvent même une réelle satisfaction. Pour permettre plus de facilités d’expression autour de toutes ces questions nous avions décidé que l’animateur du groupe de travail sur l’auto évaluation viendrait de l’extérieur. Mais nous voulions aussi, et nous y tenions beaucoup, que cette personne soit dans le cadre de son exercice professionnel porteuse des valeurs fondamentales clairement affirmées par l’Association Marie-Hélène dans sa charte. Il fut donc décidé que ce serait un cadre de l’Association qui animerait, dans un autre établissement que celui ou il exerce, le groupe de professionnels constitué pour procéder à la première auto -évaluation Ce travail d’interrogation sur le quotidien professionnel de chacun et sur les objectifs communs s’est révélé être très intéressant. Les bonnes questions furent posées. Par exemple : « Pourquoi procède-t-on ainsi ». Mais étaient également posées à chaque fois : « pourquoi ne fait-on pas autrement » Sommes-nous satisfaits du résultat obtenu Est-ce cohérent avec les valeurs fondamentales prônées dans les établissements. Les intérêts du résidant et ceux de sa famille sont-ils bien pris en compte. Reste-on dans les limites de notre mission. La volonté de comprendre, d’expliquer, de rechercher toute possibilité de « mieux faire » a largement effacé toutes les inquiétudes qui rodaient autour du contrôle non avoué ou d’une quelconque réorganisation du travail qui ne dirait pas son nom. Cette analyse réalisée nous avons classé toutes ces actions en deux grands groupes d’une part les points faibles tous ceux dont nous n’étions pas très satisfaits et que nous savions pouvoir améliorer ou modifier, et d’autre part les points forts, tous ceux pour lesquels nous étions convaincus qu’ils correspondaient bien à ce dont la personne polyhandicapée avait besoin, ou à ce que les familles attendaient, ou encore s’ils correspondaient à la mission confiée à l’Association et à ses établissements. Nous avons pris alors réellement conscience qu’il se passait beaucoup plus de choses qu’il n’y paraissait dans le quotidien et qu’elles étaient assez bien organisées et structurées. Mais elles étaient accomplies si naturellement qu’elles s’estompaient dans tous ces actes à la fois si simples et si importants de la vie quotidienne qui malgré toute la vigilance que l’on peut y apporter a souvent tendance à devenir un peu routinière La première surprise à l’issue de cette phase de travail fut de constater que les points faibles étaient pour nombre d’entre eux assez facilement améliorables et que les points forts étaient plus nombreux que ce que l’on imaginait. De ce fait, ce travail est devenu encore plus intéressant, plus motivant, nous mesurions en même temps combien notre savoir faire avait évolué au fils des ans, nous ressentions également la nécessité de multiplier les échanges avec d’autres équipes de professionnels. Nous constations aussi qu’il suffit souvent de peu de choses pour apporter beaucoup plus aux personnes accueillies.
Eliane LE RETIF – Estelle BACHER La synthèse de tout ce travail a été présentée aux différentes équipes lors de l’Assemblée Générale du Personnel en Janvier 2006.par chacun des animateurs de chaque groupe d’autoévaluation. La dernière phase est en cours, elle consiste après l’analyse de cette synthèse à élaborer un plan d’actions qui devrait guider nos actions dans les prochaines années. En conclusion, Il ressort de cette autoévaluation que dans de nombreux domaines nous avons des efforts à faire et ce à tous les niveaux des établissements, ils sont clairement identifiés et les actions à mettre en œuvre pour y parvenir sont indiquées. Il est à noter aussi qu’au fur et à mesure de l’avancement des travaux nous avons constaté une satisfaction à pouvoir enfin concrétiser et expliciter ce que l’on a si souvent tant de mal à faire entendre et comprendre par les Administrations bien sur, mais aussi par nos propres équipes. Pour terminer, j’ai envie de dire que cette loi du 02-02-2002 tant attendue et reçue avec beaucoup d’interrogations nous a permis de poser nos actions, de les analyser et de vérifier leur concordance avec les objectifs annoncés par l Association. Il faut maintenant faire vivre ce travail et maintenir la dynamique indispensable à son évolution. Nous savons bien que la réflexion ne sera jamais terminée que nous devrons sans cesse nous interroger pour les actualiser. L’accompagnement des personnes polyhandicapées ne peut pas être figé. C’est un travail qui nécessite de la volonté et beaucoup d’énergie. Il appartient à l’encadrement de maintenir les équipes dans cet état d’esprit d’éveil, de les solliciter, et de les aider dans leurs recherches. Donner du sens à tout ce qui est entrepris, valoriser le travail de chacun jusque dans le plus petit acte de la vie quotidienne. C’est au niveau de la politique associative que les orientations se décident et c’est à l’Association d’affirmer cette volonté de réflexion permanente. Il faut bien sur pour cela que nous acceptions de dégager les moyens nécessaires pour mener une telle politique évolutive toujours au service de la personne polyhandicapée ou autiste. C’est à nous cadres des établissements qu’il appartient de mettre en œuvre et de maintenir cette dynamique pour réaliser ce travail dans de bonnes conditions. Conclusion (Estelle BACHER) Simplement un mot sur la frilosité du début…qui s’est effacée derrière un engouement réel et continu ! Si on reprend les objectifs retenus par le CNESMS quant à ce que doit être une démarche d’évaluation interne, je pense qu’on retrouve bien l’expérience de l’association Marie-Hélène : Une association qui s’appuie sur l’évaluation interne pour faire évoluer ses pratiques, …pour produire des connaissances, pour nourrir la décision, …pour valoriser l’action menée auprès des personnes polyhandicapées ou autistes, …pour contribuer à l’évolution du secteur. Deux ou trois interrogations : La place des familles dans une telle démarche ? elle est encore à imaginer. Le lien avec les autorités de contrôle ? Les échanges de pratiques avec d’autres associations ? ils sont à renforcer.
PLACE DES USAGERS AU REGARD DE L’EVALUATION Laurence DESEIGNE, parent – Présidente ASSEPH (45) Je suis la maman d’Alexandre, 13 ans, polyhandicapé et je suis également la Présidente d’une association orléanaise, l’A.S.S.E.P.H., qui gère un établissement pour enfants et adolescents polyhandicapés ainsi qu’un S.A.D. Pour ce matin, j’ai essayé totalement d’oublier que je suis une présidente d’association et donc parent, bien informée, pour essayer de reprendre le rôle d’une maman traditionnelle d’un enfant accueilli dans un établissement. Je me suis d’abord posé comme question : concernant l’évaluation, quels moyens avons-nous, parents, d’évaluer la qualité d’accompagnement d’un enfant face à un établissement ? Il est vrai qu’avant la loi de 2002 et 2005, nous avions peu de moyens. Nous pouvions voir le type d’accueil qui nous était réservé dans l’établissement : s’il était plutôt ouvert ou plutôt fermé, est-ce qu’on peut facilement rencontrer les intervenants, les référents de notre enfant ou est-ce très fermé ? Nous avions éventuellement comme moyen d’appréciation éventuellement les ratios d’encadrement éducatif ou para-médical qui pouvaient donner quelques indications sur est-ce qu’il y a suffisamment de personnel éducatif pour mettre en place beaucoup d’activités. Mais nous avions peu d’autres informations. Avec l’arrivée de la Loi et l’obligation faite aux établissements, c’est vrai que nous, parents, nous pouvons un peu plus affiner notre sentiment. Nous pouvons comparer le projet de l’Association et celui de l’établissement : ce dernier répond-il bien aux valeurs affichées par l’Association car c’est indispensable. Nous avons aussi à disposition les livrets d’accueil, les contrats de séjour, les règlements de fonctionnement. Ce sont des outils qui ne nous servent pas à contrôler le travail qui va être fait au sein de l’établissement avec nos enfants mais nous permettre d’avoir confiance en vous, ce qui est primordial pour pouvoir vous confier notre enfant. La première évaluation qui nous est proposée, c’est celle de notre enfant au moment de l’entrée dans l’établissement. Elle doit être faite après un temps d’observation et nous être restituée rapidement par l’équipe pluridisciplinaire mais il faut aussi que nous soyons associés à cette observation car quand vous découvrez notre enfant, nous parents, le connaissons déjà depuis un certain temps surtout lorsque c’est un adolescent ou un pré-adolescent. Il est indispensable qu’il y ait un véritable partenariat entre vous et nous pour connaître cet enfant et nous proposer, ensuite, un projet individualisé. De la même façon, au fil des ans, il est indispensable que les synthèses soient l’occasion d’un véritable partenariat avec les parents sinon comment l’enfant et la famille peuvent-ils adhérer au projet individualisé s’ils ne sont pas associés à son élaboration ? Si le projet individualisé, fait par l’établissement, ne prend pas en compte le projet de vie que la famille a avec l’enfant, elle ne pourra pas y adhérer. Par ailleurs, je souhaite insister sur le fait que les enfants polyhandicapés sont des enfants et, par conséquent, comme tout enfant qui se respecte, vous n’aurez pas le même enfant à l’établissement que nous à la maison. Ma fille, qui n’est pas polyhandicapée est une enfant remarquable à l’école ; à la maison, c’est un diable. Son grand frère qui est polyhandicapé, c’est pareil : il n’a absolument pas le même comportement dans l’établissement et chez nous. Si nous ne pouvons pas communiquer sur ces différences de comportement, le projet individualisé qui sera bâti par l’établissement n’aura pas forcément de sens pour les parents. Il y a donc nécessité de partenariat déjà au niveau du projet individualisé. La Loi insiste aussi maintenant sur l’évaluation des services rendus. Régulièrement, nous parents, recevons des questionnaires à remplir sur « êtes vous satisfait de cela… ». Ces questionnaires ont l’avantage de faire remonter des problèmes mais s’ils sont bâtis uniquement par les professionnels sans aucune concertation avec les parents (par exemple le Conseil de Vie Sociale), l’établissement peut passer à côté de choses essentielles pour les familles et donc pour les usagers. Un exemple : l’examen du dernier questionnaire de satisfaction fait apparaître que la préoccupation majeure d’un grand nombre de parents, c’est la propreté des vêtements de leur enfant quand il rentre au domicile ; cela dérangeait certains parents que l’enfant arrive avec un vêtement tâché de nourriture ou de peinture. Pour l’établissement, c’était un détail. Par contre, pour les parents, il y avait le regard de l’autre sur cet enfant qui rentre chez lui tâché et sale.
Laurence DESEIGNE Si ces questionnaires de satisfaction ne sont bâtis que sur la réflexion des professionnels, on va passer à côté de choses très importantes. Il est vrai qu’un établissement peut être très satisfait du retour de ces questionnaires car on va dire que les parents sont très contents des horaires d’ouverture, des locaux, de la qualité de l’alimentation… mais, par contre, est-ce que cela va vraiment révéler la vie de l’établissement, est-ce qu’on ne passe pas à côté de la « grogne », qui risque d’être sous-jacente, au sujet d’une perception réelle ou imaginaire, d’un manque de personnel donc d’un manque d’activités, d’un manque de soins paramédicaux… Les parents ne peuvent pas être associés à l’élaboration même du questionnaire mais ils pourraient être consultés, à un moment ou un autre, avant l’envoi du questionnaire pour donner leur avis, leurs idées : nous y gagnerions tous ! De la même façon, un bon indicateur de l’évaluation du service rendu, c’est d’aller étudier non pas seulement le taux de présence des enfants dans l’établissement ou le taux d’absentéisme des personnels mais aussi de réfléchir sur les taux d’hospitalisation des enfants afin de voir si en fonction du travail effectué, cela avait une incidence ou non sur le nombre d’hospitalisation des enfants ; par exemple, concernant les déformations orthopédiques, le travail fait au sein de l’établissement conduit-il à moins d’hospitalisation pour des problèmes orthopédiques ? L’intervention sur la luxation de hanche qui arrive en général vers l’âge de 4-5 ans est-elle éloignée dans le temps (pour avoir des interventions vers l’âge de 10 ans) ? Un enfant, constamment hospitalisé pour détresse respiratoire, l’est-il un peu plus ou un peu moins maintenant. Cela peut donner un bon indicateur du travail effectué auprès des enfants Peut-être une piste de travail pour vous aussi. Pour les parents, l’évaluation des pratiques professionnelles telle que la loi le demande, cela reste quelque chose de très flou car on ne sait pas toujours si cela existe dans l’établissement, comment est-elle pratiquée… pour la majorité des parents, c’est un peu une inconnue. Par contre, en tant que présidente d’association, cette évaluation des pratiques professionnelles se fait par le biais d’une démarche qualité mise en place déjà depuis quelques années et j’ai envie d’insister, à nouveau, sur la nécessité d’un partenariat avec les familles puisque de la même façon la hiérarchisation des problèmes ne va pas être la même pour les professionnels et pour les parents. Il est important d’associer les familles de vos établissements à cette évaluation des pratiques professionnelles pas dans le sens de contrôle mais plutôt dans l’esprit de faire avancer les choses et de progresser dans la qualité de l’accompagnement de l’enfant. Une fois que les procédures de démarche qualité sont avancées, il serait important qu’elles soient systématiquement validées par des parents (soit par le C.V.S., soit par le Conseil d’Administration). Je pense que sans ce partenariat, il n’y aura pas d’adhésion et la place des usagers ne sera pas forcément bien comprise et respectée. Après se pose la question, à long terme, du respect de toutes ces procédures mises en place et du contrôle de ce travail. C’est une de mes interrogations et une de mes inquiétudes. Voilà le regard du parent tel qu’il est aujourd’hui.
ECHANGES AVEC LA SALLE Gérard BASLE : ce n’est pas vraiment une question que je voulais poser mais plus rebondir sur ce qu’a dit Madame Laurence DESEIGNE à propos de l’évaluation de son enfant. Je voulais évoquer ce que le guide de l’évaluation approche sur ce plan-là en disant bien qu’il ne s’agit pas d’une évaluation clinique qui va porter sur l’évaluation d’un enfant mais bien plutôt sur la façon dont le projet personnalisé ou individualisé aura été construit à la fois dans sa phase d’élaboration et on regardera également en termes d’évaluation la façon dont la mise en œuvre de ce projet aura été réalisée. Cela m’amène, par rapport à cette volonté complètement légitime qu’ont les parents de devoir être présents en tant qu’acteurs avec leur enfant de ce projet, à évoquer ce que le Conseil, au travers de son guide, propose pour ce qui est de la participation des usagers (parents ou même les jeunes) dans l’élaboration de la démarche d’évaluation : c’est la création d’une instance plurielle qui va intégrer à la fois tous les métiers des professionnels de l’établissement mais aussi des parents (pas uniquement au niveau du Conseil de Vie Sociale) de façon à ce qu’il y ait une vraie représentativité, dès la phase de conception et d’élaboration de la démarche, et dans le suivi qui va être fait dans cette démarche avec une difficulté : il faudra à la fois prendre cette notion de représentativité et aussi la notion d’efficacité avec un groupe pas trop important pour travailler utilement Salle : juste pour rebondir sur ce qu’a dit Madame DESEIGNE par rapport à la question de son fils et le fait qu’il soit différent chez lui ou dans l’établissement. Je trouve très important que les parents participent à l’élaboration et l’évaluation de ce projet et, en même temps, il faut faire attention que la famille n’envahisse pas non plus tout l’établissement. On sait bien aujourd’hui l’aspect un peu malsain à l’école de parents omniprésents où l’enfant n’a plus d’espace hors maman et papa
POLYHANDICAP ET BONNES PRATIQUES :DES OBJECTIFS AUX CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE Modérateur : Gérard COURTOIS,Secrétaire Général G.P.F. - Directeur Général Association « Les Tout-Petits » J’ai la charge d’être le modérateur de la table ronde de cet après-midi ; aussi, avec notre timing serré puisque nous avons une demi heure de retard, nous allons commencer tout de suite. Après notre studieuse matinée sur l’évaluation où nous avons pu saisir les attentes législatives et repérer tout le bénéfice de s’inscrire dans la démarche, il ne peut y avoir de réflexion sur l’évaluation sans aborder la notion des bonnes pratiques en matière de Polyhandicap. L’après-midi va donc être partagée en deux tables rondes et nous allons commencer par la mise en œuvre des bonnes pratiques. Tout d’abord dans le cadre de la vie quotidienne avec Madame Joëlle TOBELEM, chef de service à l’Oasis à BRIARD dans la VIENNE s’attachera à nous dire dans ce contexte de la vie quotidienne et à travers son expérience ce qu’elle met derrière cette terminologie « les bonnes pratiques », à quoi elles font-elles référence ? à qui s’adressent-elles ? Madame MITTAULT, maman de Romain exposera à son tour les différentes étapes de son parcours de parents avec son regard sur l’accompagnement qu’elle a vécu : à n’en pas douter son point de vue rentre dans l’évaluation car les parents sont aussi des experts. Monsieur BIED-CHARRETON, Xavier abordera les bonnes pratiques avec la double casquette du directeur et du praticien puisqu’il est le directeur médical du CESAP mais n’en reste pas moins un homme de terrain… Le connaissant bien, je sais qu’il insistera sur le devoir d’organisation en institution en matière de soins : de soins quotidiens et de soins d’urgence et vous verrez qu’il rappellera les valeurs essentielles dictées par la pratique et la compétence. Après les soins et tout naturellement nous porterons notre attention sur « les bonnes conduites » et leurs préalables que développera Monsieur Philippe ROSSET, directeur de l’I.M.E. « Les amis de Laurence » à PARIS, bonnes conduites indispensables au développement de la personne, à son « grandissement », à la construction de la personnalité. Il le fera en lien avec Madame HETIER, maman de Régis accueilli à Notre-Dame de Joye, et exposera comment entre la famille, l’enfant et l’institution les bonnes conduites ou leur absence peuvent influencer le fonctionnement et la construction familiale. Avant de donner la parole à la salle, Monsieur Roland LEFEVRE, directeur du centre « La Montagne » du CESAP dans l’Oise à Liancourt fera un retour sur l’évaluation dans le secteur médico-social et je crois qu’il nous renforcera dans la confiance en nos organisations, nos associations qui ont acquis une compétence réelle et qui se montrent plutôt performantes dans la volonté à mettre en œuvre la participation même si certains attaquent la gouvernance associative…
VIE QUOTIDIENNE Joëlle TOBELEM, Chef de Service OASIS PEP (Biard – 86) « L’autre est ma source » (Albert JACQUARD) Faire référence à la vie quotidienne produit presque toujours une situation paradoxale. Nous sommes prêts à croire, en effet, que parce qu’il s’agit du quotidien les choses sont simples et concrètes, presque faciles. C’est pourtant parce qu’il s’agit du quotidien et de la répétition que celui-ci exige, que tout est difficile, que nous avons besoin de chercher des repères théoriques fiables et qu’au fond tout est complexe. De plus, s’agissant des personnes polyhandicapées, nous savons d’expérience que la recherche des bonnes pratiques se heurte à des difficultés particulières liées entre autres à la fragilité des corps, aux perturbations psychiques, aux difficultés de communications, aux pathologies conjuguées et aux effets du polyhandicap sur l’entourage familial. S’agissant d’évaluation, les personnes polyhandicapées parce qu’elles déstabilisent nos certitudes posent au fond les bonnes questions, à savoir : quelles sont les valeurs qui nous fondent à agir ? C’est à partir de ces valeurs que nous déterminons des objectifs, objectifs aux regards desquels l’évaluation doit être conduite. Nous tenons donc d’ores et déjà quelques repères pour définir une bonne pratique : 1- Une bonne pratique c’est d’abord, sans doute, une pratique modeste, qui invite à l’humilité parce que la plupart du temps nous cherchons, nous nous interrogeons et nous constatons que nous savons peu de chose. D’ailleurs que savons-nous, par exemple, des goûts d’une personne polyhandicapée en matière de musique, de cuisine, de peinture, de théâtre, de danse, de vêtements etc. ? Que savons nous, encore, de sa souffrance physique et, à plus forte raison de sa souffrance affective ? Et que savons nous, finalement, de la manière dont elle se représente l’absence et, à plus forte raison, la mort ?2- Une bonne pratique admet que face à une situation donnée il y ait des bonnes pratiques parce que nous ne sommes jamais sûrs de détenir une vérité définitive. C’est, par exemple, une maman qui accompagne son enfant à l’établissement. Nous les accueillons. Tout se passe bien, la maman repart. 5 minutes après, l’enfant est agité, il crie, il pleure etc. S’agit-il d’une détresse par rapport au départ de sa mère ? S’agit-il du désagrément qu’il a peut-être à retrouver tel membre du personnel ou tel camarade ? S’agit-il des deux à la fois ? Il est clair, que ces trois interprétations peuvent être prises en compte et quelles déterminent des réponses, des pratiques différentes. 3- Les bonnes pratiques s’adressent à une personne et non à un individu, individu confondu dans un collectif ; elles prennent donc en compte la relation de cette personne avec son réseau de relations habituelles. Le fonctionnement institutionnel tend toujours à uniformiser et ce faisant il dépersonnalise, une bonne pratique doit donc lutter contre cet effet indésirable de l’institution. On a évidemment tendance, par exemple, à donner à manger à un enfant, parce qu’il est l’heure du goûter et non pas parce qu’il a faim. Ou encore, tel adulte accueilli dans une MAS se voit refuser l’installation du téléphone dans sa chambre au prétexte que les autres n’en n’on pas. 4-Les bonnes pratiques sont nécessairement collectives, elles engagent un travail pluridisciplinaire. C’est la seule démarche susceptible de prendre en compte la globalité de la personne et de limiter le risque d’erreur. 5-Les bonnes pratiques se réfèrent à la loi parce qu’elle seule peut garantir le respect des droits fondamentaux des personnes. C’est toujours l’extérieur qui donne sens à ce qui se passe à l’intérieur de l’institution. Dans un établissement d’hébergement pour adultes, la bonne pratique n’est pas d’interdire la sexualité, mais de rappeler que dans l’établissement comme à l’extérieur, la violence est interdite, nul ne peut jamais imposer à l’autre son propre désir, nul ne peut jamais soumettre l’autre à sa propre volonté. 6- Les bonnes pratiques intègrent donc un questionnement éthique. Le philosophe Paul RICOEUR peut ici nous donner un cadre de références utiles avec ce qu’il appelait le « Triangle Ethique[1] » constitué du JE (je suis libre en situation) du TU (toi à qui je m’adresse et dont la liberté vaut la mienne) et du IL (le tiers, l’institution, l’état devant qui j’ai et nous avons à répondre). Ce triangle nous recentre donc sur les valeurs au nom desquelles nous avons à répondre de l’action que nous menons chaque jour.
Joëlle TOBELEM 7- Les bonnes pratiques, pour qu’elles soient humbles, multiples, relationnelles, collectives, légales, éthiques, enfin, pour reprendre tout ce que je viens de vous citer, doivent être mises en oeuvre en amont à l’égard de ceux qui accompagnent chaque jour les personnes en situation de handicap et à qui on demande d’en répondre (répondre, res-pondre, responsabilité). Cette bienveillance que doit porter l’institution à l’ensemble du personnel est une garantie supplémentaire mais indispensable de bonnes pratiques. Forte des valeurs qui nous fondent à agir et qui, finalement, outre les valeurs républicaines, sont des valeurs de reconnaissance et de promotion des personnes, il me semble que rien dans l’apparente futilité de la vie quotidienne n’est négligeable. 1. Les bonnes pratiques adressées aux personnes polyhandicapées s’intègrent dans « une pédagogie du « minuscule » car rien n’est spectaculaire, mais rien n’est insignifiant .../... Ce « minuscule » caractérisant notre démarche se double d’un paradoxe. Nos attentes sont illimitées alors même que nous savons que, chaque jour, l’évolution est minime. [2] » Toute évaluation qui ne prendrait pas en compte cette dimension ne pourrait prétendre à la pertinence de ses résultats. Comment évaluer le "minuscule" quand par définition il est presque invisible ? 2. Les bonnes pratiques adressées aux personnes polyhandicapées s’intègrent dans « une pédagogie de laparole. Que comprennent-ils ? si peu de choses à certain moment et tellement à d’autres. C’est pourquoi notre langage doit être permanent.[3]» C’est parce qu’ils ne parlent pas que nous devons leur offrir un bain de langage même si cette pédagogie de la parole se double d’un travail tout particulier sur la communication non verbale. Mettre en mots c’est la garantie que nous pouvons leur donner pour éviter le passage à l’acte. Toute évaluation qui ne prendrait pas en compte cette qualité de parole ne pourrait prétendre à la pertinence de ses résultats. La difficulté tient au fait que le poids de la parole n’est pas proportionnel à son volume mais à son authenticité. 3. Les bonnes pratiques adressées aux personnes polyhandicapées s’intègrent dans une « pédagogie du lien.[4]» Nous avons à nous relier à eux et avec eux à nous relier aux autres. « L’autre est ma source [5]» nous suggère Albert JACQUARD. L’autre est, évidemment leur source également. Ne l’oublions pas… Nous avons trop tendance, sans doute, à les regarder isolement, sans voir aussi l’environnement dans lequel chacun s’intègre et doit pouvoir s’intégrer durablement. Nous ne pouvons servir la personne polyhandicapée qu’en la considérant dans le lien qu’elle a à cultiver avec son environnement et en particulier avec sa famille. Toute évaluation qui ne prendrait pas en compte cette réalité du lien ne pourrait prétendre à la pertinence de ses résultats. La difficulté étant de savoir comment s’évalue la qualité du lien ? Tout nous pousse aujourd’hui, souvent à juste titre, à construire des protocoles qui permettent de penser que l’on progresse vers une qualité de vie, d’accompagnement et de soins pour les personnes auprès de qui nous intervenons. Ce qu’il est désormais convenu d’appeler "démarche qualité et certification" est censé garantir la qualité de la démarche pédagogique. Il nous faut pourtant veiller sans relâche à ce que nous ne perdions jamais le sens dont ces protocoles doivent être porteurs. Ce n’est pas le protocole qui justifie l’action, mais bien le sens de l’action qui justifie le protocole. Dans cette conception de l’action, nous pouvons réellement nous poser la question de savoir ce que l’on évalue et comment on l’évalue, c'est-à-dire, en référence à quelles valeurs ? Il s’agit donc finalement, avant même de procéder à toute évaluation et pour pouvoir évaluer, de dire la nature du regard que nous portons sur la personne polyhandicapée. Parce que « Si questo è un uomo » parce que « Si c’est un homme » pour reprendre le beau titre de l’ouvrage de Primo LEVI[6], au sortir des camps de concentration, alors, il est comme chacun, détenteur d’une inaliénable dignité et c’est ce repère qui doit en chaque chose nous servir de guide. • [1] Paul RICOEUR : « Avant la loi morale : l’éthique » in : encyclopédia universalis. Supplément II. Les enjeux. Paris 1990 p. 66-70. • [2] Cf. Joëlle TOBELEM et Michel BILLÉ « Les pédagogues de l’essentiel » in : L’école des parents, revue de la Fédération Nationale des Ecoles de Parents et des Educateurs. Hors série N°2 septembre 2004 • [3] Cf. JT.MB. ibidem. • [4] Cf. JT. MB ibidem. • [5][5]Cf. Albert. JACQUARD. Conférence la Crèche : « Remettre en chantier la terre des hommes. » Le 8 novembre 2006 • [6] Primo LEVI : « Si c’est un homme » Ed. Robert LAFFONT Paris 1947
TEMOIGNAGE DE C. MITTAULT,Parent Oasis (Biard, 86) Notre vie bascule le 17 juin 82 lorsqu’avec beaucoup de difficultés, Romain arrive parmi nous. Juste né, il va déjà devoir se battre pour survivre. Quant à nous, nous allons devoir nous battre à ses côtés pour qu’il vive, tout simplement. Gavé durant presque 2 mois, Romain ne sait pas téter, il va falloir l’alimenter à la cuillère et la tâche va s’avérer des plus difficiles, il ne s’alimente pratiquement pas et pleure énormément nuit et jour. Que faire ? Nous consultons plusieurs médecins qui n’ont pas l’air de comprendre ce qui se passe : « Ne vous inquiétiez pas, nous dit l’un deux, dans un an, vous aurez oublié tout cela » « Il est évident que votre enfant n’a pas faim », nous dit l’un de ses confrères » « Rassurez vous, je n’ai jamais vu de bébé se laisser mourir de faim », nous dit un troisième A chaque fois que nous sortons d’une consultation, nous nous remettons en cause : mais que faisons-nous ? Pourquoi s’y prend-on aussi mal avec lui ? Ce ne peut être que de notre faute, puisque que les professionnels ne trouvent rien d’anormal. Nous décidons de changer à nouveau de médecin. Romain va avoir 4 mois ou peut-être 5, je ne sais plus exactement, il pèse à peine 5 kg, il pesait 3 kg 700 en naissant. Pour la première fois, ce médecin prend conscience de la gravité de l’état de notre fils, elle comprend sa détresse : beaucoup trop crispé, Romain ne peut pas déglutir, elle prescrit du Liorésal : quelques jours plus tard, je commence à voir la différence, un léger mieux se fait sentir au moment des repas. Il pleure cependant toujours autant. Dieu merci, moi j’ai repris mon travail, nous avons une chance énorme : la nounou de notre fils aîné a accepté de garder Romain. Il pleure la journée chez elle, la nuit chez nous mais, aujourd’hui encore, elle compte beaucoup pour nous. Un peu épaulés maintenant, nous sommes dirigés vers le C.A.M.S.P. de Biard. Si nous en doutions encore, nous avons maintenant la certitude que notre fils ne sera jamais, comme on le dit pudiquement, « comme les autres ». A nouveau, il va nous falloir ravaler notre salive, s’armer de courage, voir la situation telle qu’elle est et faire face ! Roman, lui, ne semble pas vraiment perturbé par les séances de travail pourtant assez intensives, il arrive même parfois à esquisser un sourire, chacun d’eux est pris comme un cadeau. Bien sûr, les progrès sont pratiquement inexistants mais soyons positifs !!! Le fait d’aller au C.A.M.S.P. a au moins le mérite de me permettre de voir d’autres parents. Jean-Pierre, le kiné, a bien conscience de l’isolement des parents et prend l’initiative de faire se rencontrer plusieurs d’entre nous. Nous commençons à discuter entre nous : que vont devenir nos enfants ? Quelle vie allons-nous pouvoir leur offrir ? Il est bien évident qu’ils n’ont pas leur place dans une école traditionnelle. Peu à peu, l’idée germe : nous devons mettre tout en œuvre pour que nos enfants reçoivent l’éducation qui leur est due. Pour cela, il va falloir à nouveau retrousser les manches et se battre, toujours ce verbe qui revient inlassablement. Nous créons une association, les P.E.E.P. nous écoutent et deviennent partie prenante dans le projet. Nous ne nous décourageons pas. Romain ne va plus au C.A.M.P.S., les professionnels ont eu la franchise de nous dire que son état, ne s’améliorant pas, il était inutile de continuer. Il est maintenant en permanence à la maison, notre nounou a fini par abdiquer, nous nous sommes organisés tant bien que mal. Le matin, nous avons une aide à domicile, l’après-midi, 3 h par semaine, Romain a de la kiné à domicile et c’est son papa qui s’occupe de lui mais il embauche à 4h le matin et rien n’est facile. Cependant, Romain va mieux, nous réussissons à l’alimenter tant bien que mal, j’avoue que je vois arriver l’heure du déjeuner avec appréhension. Romain doit le ressentir, je le sais, j’essaie de me décontracter mais ce n’est pas toujours évident.
C. MITTAULT Notre fils a maintenant 7 ou peut-être 8 ans, il est devenu très souriant mais à la fois très râleur, il sait ce qu’il veut et tente de mener son monde à la baguette. Il n’y parvient pas toujours et le fait savoir, son caractère s’affirme. Notre vie s’articule autour de lui pour lui et par lui, son grand frère s’en rend bien compte mais il l’aime et se plie, bon gré mal gré, à notre système de vie. C’est vrai que nous nous sommes repliés sur nous-mêmes. Il va falloir que cela change ! Peu à peu, une certaine sérénité s’installe. Nous nous sommes habitués aux regards curieux, étonnés, parfois mal à l’aise, des personnes que nous croisons mais nous avons trouvé la parade : « tu vois, Romain, les gens te regardent car ils te trouvent beau ». Il est fier ! Et c’est encore une occasion de lui dire « lève ta tête ». Et puis, petit à petit, nous réapprenons à vivre, nous voyons de plus en plus souvent nos amis. Romain est devenu très sociable, il est attachant, charmeur, aimé de tous mais il est dans un monde d’adultes, effectivement, ce n’est pas méchant mais les enfants jouent entre eux et l’on se rend bien compte qu’ils ne font pas attention à lui. Mais le combat des parents n’a pas cessé et, en fin d’année 94 ou début 95 (merci M. GAULT), l’I.E.M. déménage une remise, s’active à aménager un coin toilette, un lavabo, tout le personnel d’entretien travaille d’arrache pieds pour donner à la pièce un aspect agréable car, miracle, une section que l’on va appeler « MIEUX VIVRE » va voir le jour. Seule ombre au tableau, 6,7 enfants seulement vont pouvoir en bénéficier mais c’est un début ! Nos enfants vont enfin avoir une structure pour les accueillir. Bien sûr, il n’est aucunement question d’internat et l’établissement ferme pour les vacances scolaires mais nos enfants ont un lieu qui leur appartient, ils existent, ils sont reconnus, ils vont pouvoir enfin bénéficier d’une éducation qui leur convient. C’est à cette période que Romain, très observateur, se rend compte que certains enfants, qui se tiennent mieux que lui, sont mis sur les toilettes. Il réussit à faire comprendre au personnel éducatif, très attentif, qu’il souhaite également aller sur les toilettes. A force d’obstination, d’encouragements, dans l’année suivante, Romain devient propre. Bien sûr, il y a encore et il y aura toujours de « petits incidents pipi », souvent de notre faute si nous manquons de vigilance, parfois également un signe de mécontentement. Nous allons encore patienter trois longues années mais, en décembre 97, la récompense arrive : l’OASIS ouvre grand ses portes. Romain a 15 ans, un enfant est décédé, un autre aura dépassé l’âge de bénéficier de cette structure ; sa maman, aujourd’hui, se bat toujours avec nous dans le projet du centre adultes. D’emblée, nous savons, nous sentons, que ce que nous avons attendu tant d’années va correspondre exactement à nos souhaits, donc à nos besoins. Nos enfants ont bénéficié dans la section « MIEUX VIVRE » d’un encadrement qui leur permet aujourd’hui d’appréhender le mieux possible la vie en communauté. Mais le travail qui reste à faire est énorme. La tâche est ardue. Le personnel éducatif fait tout de suite preuve d’une écoute très attentive non seulement auprès des enfants mais également auprès des parents. Nous marchons la main dans la main. Romain semble si bien dans son nouvel univers que nous décidons de le laisser une nuit en internat ; nous le laissons le vendredi soir, nous irons nous-mêmes le rechercher le samedi matin avec impatience. Notre « grand » nous donne l’impression d’avoir très bien accepté cette première nuit. D’autres vont suivre dans aucun souci, c’est pour cela que, progressivement, nous allons le laisser un week-end entier avec ses copains et ses copines « tu es aussi grand que Matthieu ! ». En réponse, nous avons de grands sourires. Une idée mûrit lentement : pourquoi ne pas tenter une semaine entière ? Nous nous lançons dans la grande aventure ! Une semaine plus tard, nous récupérons l’ombre de notre fils. Nous étions prêts à la séparation mais pas lui. Va suivre un lourd travail commun entre Romain, le psychiatre, le personnel éducatif et nous, bien évidemment. Aujourd’hui encore, bien qu’ayant fait un gros travail sur lui-même, nous sentons bien la réticence de Romain face à l’internat mais nous sommes confiants. Aujourd’hui, notre jeune homme a 24 ans. Il y a toujours des progrès. Oh bien sûr, rien n’est jamais flagrant mais, un beau jour, on se dit « tient, il ne faisait pas çà ou bien il ne réagissait pas de telle ou telle façon ». Si notre situation aujourd’hui semble normale, ne nous méprenons pas, notre vie s’est simplement améliorée, c’est tout. Mais, pour nous, quel luxe ! A voir comme la communication peut s’établir avec notre fils, à le voir sourire, à le sentir heureux, nous pensons qu’il a eu bien raison de se battre pour vivre et nous sommes fiers de lui. Mais nous savons aussi que, sans cesse, nous allons devoir lui répéter : « Tu es grand Romain, lèves ta tête ! »
SOINSDr Xavier BIED-CHARRETON, Directeur Médical C.E.S.AP. Introduction : Comment ai-je pratiqué depuis plus de trente cinq ans pour qu’enfin aujourd’hui on me demande de parler de Bonnes Pratiques ? Et, au fait, moi, je n’en sais rien, si j’applique, si j’exécute de Bonnes Pratiques. Et d’abord qui est désigné pour en juger ? Mes patients, mes malades, mes clients ? d’autres disent « les usagers » ?... Alors, je sais, des gens vachement bien, vachement plus expérimentés que moi, ont créé des référentiels d’évaluation de la qualité de mes interventions. Enfin, pas des miennes à moi, mais de celles que nous pratiquons. L’évaluation, il en a été beaucoup question ce matin, c’est aussi celle de la qualité des prestations, on m’assure que cela sera plus interrogé dans les modalités que dans les résultats. Et plus au niveau de la cohérence (rapport entre objectifs et moyens de l’action) ; il y en a tout de même qui parlent et se trompent en parlant de qualité des soins, en supposant que cela pourrait conduire de façon proportionnelle à de bons ou meilleures résultats sur la santé ! Et d’insister sur la qualité des soins qui dépend des aspects techniques (connaissances, matériel, installation, quantité de personnel qualifié) et aussi des capacités relationnelles qui intègrent : écoute, tact, empathie, sensibilité, confiance, confidentialité… toutes sortes de choses qu’on ne m’a jamais apprises. Donc il a été inventé des outils d’évaluation qui ont été validés, avec même le Conseil National de l’Évaluation ; c’est très impressionnant. Bientôt je saurai si j’exerce mon métier de façon honorable. Mais au fait, avant de les évaluer, mes Bonnes Pratiques, pouvez-vous me dire au juste de quoi il s’agit ? Ah, non, excusez-moi, c’est à moi de vous l’expliquer. Je vais donc vous donner des définitions ; puis quelques exemples ; puis on verra les limites de ces notions et comment nous en sortir au mieux. Et j’accepte de le faire aujourd’hui car vous le savez je suis une personne double : Conseiller ou Directeur médical, donc désigné pour connaître, maîtriser et conseiller mes collègues et confrères ; et aussi, je suis praticien ; et certains jours je me demande : est-ce que aujourd’hui j’ai pratiqué moi-même comme je le recommande aux autres ? Première partie : des définitions Les Recommandations : ce sont des façons ou des actions très officielles de conseiller, de préconiser, soit des méthodes, soit des façons de procéder ; très fortes ; il y a donc une notion d'autorité ; la recommandation constitue le socle de la bonne pratique. Les recommandations sont les premiers éléments de la démarche d'action médico-sociale. J'ajoute, à titre personnel, que j'utilise parfois ce terme de "recommandation" quand je suis amené à répéter pour la énième fois les mêmes conseils ; et donc ce jour-là il y a aussi une notion d'autorité (avant-hier, peut-être un peu de colère…). Les Références : on reste dans le domaine de la directive * : les références sont des indications plus précises par rapport à des textes déjà énoncés, par exemple les recommandations. La référence est donc l'énoncé d'une exigence en regard d'un objectif à atteindre. * = indication générale donnée par l'Autorité, étative, associative ou institutionnelle. Les Procédures : historiquement les procédures sont des manières de procéder, ou d'agir, juridiquement donc, la façon d'appliquer la Loi, en suivant des formalités incontournables qui doivent être remplies. Ce serait donc au législateur qu'il appartiendrait de définir et d'orienter les procédures. Aujourd'hui ce mot à un nouveau sens : une procédure décrit une séquence ordonnées d'activités ou d'interventions mises en œuvre dans une situation précise. Pour faire encore plus moderne on peut utiliser le terme "process" qui sous-entend en plus que la procédure peut évoluer, que le "process" est en "progress". Les Protocoles : traditionnellement le protocole est le recueil des règles à observer en manière d'étiquette (rien à voir avec l'éthique), la préséance, l'ordonnancement dans les cérémonies officielles) et au-delà ce qui est conforme aux normes de la vie sociale. Nous utilisons maintenant ce même terme de protocole pour préciser un ensemble de règles à respecter et des gestes à effectuer au cours de certains traitements ou de certains soins. Il ne
Dr Xavier BIED-CHARRETON s'agit pas de quelque chose de spécifique pour une personne, mais, je le répète, cela concerne un type de situation, ou de symptomatologie. Bien sûr les premiers protocoles connus concernent les situations à la fois les plus courantes et les plus préoccupantes (c'est ainsi que sur Internet vous trouverez plus de 200 références sur les Bonnes Pratiques dans le secteur médico-social, et on y retrouve surtout la maltraitance, l'accueil des personnes en difficultés, les situations de crise, le SIDA…). Les Conduites à tenir : ensemble plus simple et plus précis de règles et de gestes à effectuer auprès d'une personne pour une situation ou un soin spécifique. Donc on peut dire que : Recommandations, Références, Procédures, Protocoles et Conduites à tenir, constituent la base de nos interventions ou prestations. Il ne s'agit pas de textes littéraires (je vous montrerai ailleurs d'autres sortes de textes, eux, littéraires…). Nous avons tous, administrateurs civils et privés, directeurs, docteurs et tous acteurs du champ médico-social à participer à l'élaboration et à l'amélioration de ces documents qui permettent ensuite dans la vie de tous les jours de travailler de façon correcte. A notre échelon institutionnel, si de tels outils sont disponibles, s'ils sont bien utilisés, peut-être un jour seront-ils eux aussi validés et reconnus comme de Bonnes Pratiques. Passons aux exemples. Deuxième partie : des exemples Les outils déjà existants, officiels et plus spécialisés : * le Code de Déontologie, remis à tous les médecins par le Conseil de l'ordre des médecins du département où ils exercent, avec le Guide d'exercice professionnel ; * le Code de la Santé, le Code de l'Action Sociale ; * les Lois, Circulaires, Décrets concernant notre domaine ; on peut en suivre la publication sur Internet, dans les revues spécialisées (ASH, bulletins…) ; * les projets associatifs, les projets d'établissement ; et je donnerai quatre exemples personnels : • le Livre des Secrets, ou Petit Manuel à l'usage des docteurs des personnes gravement handicapées, publié par le G.P.F. en 2001avec le soutien de la Fondation de France et de Iris Initiative, • la Charte nationale en faveur des personnes polyhandicapées, diffusée lors des États généraux du Polyhandicap en novembre 2005 et reprise à un mot près dans le Plan d'action du ministre délégué, • un exposé sur le dossier médical lors des journées médicales de CESAP Formation les 4 ; 5 et 6 octobre 2004 à Lille, • autres textes sur douleur, souffrance, maltraitance, les périodes d'aggravation… Exemples de protocoles et conduites à tenir, fiches d'observation, réalisées et réactualisées dans les établissements où je pratique : • tableau du réseau de soins, continuité des soins, urgences, • protocole de distribution des médicaments, • pour un bon déroulement des repas, • crises d‘épilepsie + fiche d'observation d'une crise, • protocole d'appareillage, • protocole pour le transit intestinal, • à propos de la douleur, de la fièvre… • fiche descriptive des symptômes de la douleur, • recommandations diététiques (surpoids), • protocole au sujet de la contenance (et non pas contention), • à propos des petites et grandes promenades, • en cas d'ingestion de produits dangereux ou d’erreur de médicaments, • dossiers médicaux, dossiers médicaux résumés et actualisés, • cahier de bord médecin – infirmière, • dossiers de liaison avec l'hôpital...
Dr Xavier BIED-CHARRETON Réflexions sur la pratique pluridisciplinaire : la spécificité des soins aux personnes polyhandicapées, atteintes de multiples troubles qui sont tous interdépendants ; la collaboration permanente entre personnels soignants et éducatifs. Et en réalité avec tous les collègues ;la collaboration également permanente avec les familles. Troisième partie : les limites Malgré tout cet énorme travail que l'on pourrait dire préliminaire, préventif ou plutôt fondamental, qui est la base de notre travail, peut-être de nos "bonnes pratiques" nous savons qu'il y a des limites, en voici quelques unes : - Les pratiques, vous l'avez compris, ce sont donc des activités volontaires, réfléchies, visant des résultats concrets ; elles découlent des règles ou principes énoncés dans les Recommandations et Références… Elles sont toujours aussi en référence à une éthique professionnelle, d'abord basée sur le respect et les bons usages de la vie quotidienne (la bonne éducation ?). - Ce qui est "bon", c'est ce qui fonctionne bien, ce qui rend bien le service attendu ; ne dit-on pas par exemple : bon médecin ? bon époux ? bon père ? bon directeur ? bonne AMP… ? - Bon, c'est aussi ce qui convient, ce qui correspond aux recommandations, ce qui est utile ; et aussi ce qui est bien fait, qui mérite l'estime : on dit aussi, parfois : voila du "bon travail". Parfois c'est aussi ce qui est agréable, heureux, comme "bonne année", "bon appétit", ou "bonne route". - Et c'est aussi ce qui est charitable, qui veut du bien aux personnes qui nous sont confiées, à autrui, d'autres disent "à son prochain", ou bien faire une "bonne action", avoir un "bon mouvement" ; c'est le contraire de méchant ; (cela n'a rien à voir avec les "bons du Trésor"). Mais vous le voyez, ici ce qualificatif ne contient pas qu'une valeur d'appréciation technique ou professionnelle ; mais qu'on le veuille ou non, quelle que soit notre éducation (ce qui a précédé notre formation professionnelle) il y a aussi une connotation d'appréciation morale, de bon, ou de mauvais. Tous les jours au contact de ces personnes nous sommes tous des praticiens, qui connaissons la pratique, ce qui est différent du théoricien. Le théoricien est celui qui élabore, connaît et défend la théorie d'un art, d'une science ou d'un métier ; il s'occupe principalement de connaissance ou de réflexion abstraite, beaucoup moins souvent de la pratique, des applications quotidiennes de ses théories. (Les théories sont des ensembles organisés d'idées, de concept abstraits, de spéculations intellectuelles, elles précèdent l'application pratique ou contribuent à sa vérification, on dit maintenant "évaluation"). Et cela serait bien que les théoriciens, les gens des bureaux (petits et grands bureaux) mettent un peu plus la main à la pâte (la pâte, souvent c'est la … matière). Ils comprendraient et apprécieraient mieux les soucis du quotidien. Leurs Recommandations, Références et autres Décrets et Circulaires seraient plus adaptés et applicables… Et aussi cela serait bien que de plus nombreux praticiens toutes corporations incluses, apprennent à prendre du recul, à réfléchir, à écrire sur leur travail quotidien, à devenir un tout petit peu, voire plus, théoricien. Cela permettrait que les méthodes ou Bonnes Pratiques soient élaborées de façon complète, avec la pratique et la théorie, ce qu'on appelle une Méthode : une méthode c'est un ensemble de démarches raisonnées et suivies pour parvenir à un résultat ; cela rassemble les réflexions sur la pratique et les règles et principes, l'enseignement et l'expérience, cela aboutit de façon positive à une meilleure organisation, donc aux Bonnes Pratiques. Cela permet, permettrait de rassembler théoriciens et praticiens, ce que certains appelaient dans le temps la "méthode expérimentale" qui consiste à observer, réfléchir, évaluer puis faire avancer les pratiques qui sont donc toujours "in progress". Je suis content d'avoir compris tout cela, de vous l'expliquer aujourd'hui ; ce qui ne veut pas dire que je ne sois, selon les jours, ni un bon théoricien, ni un bon praticien. Vais-je me soumettre à ma propre auto-évaluation ? Autre limite : malgré tout ce travail de réflexions et de pratique ancienne je sais que nous ne pourrons jamais tout prévoir, tout anticiper. Il y aura toujours des situations imprévues, peut-être imprévisibles, et à ce moment là, chacun d'entre nous, celui ou celle qui est là, devra faire face, avec du cran et une capacité de décision ou d'action parfois très difficile et risquée.
Dr Xavier BIED-CHARRETON C'est aussi ce qui explique la dernière phrase des protocoles et conduites à tenir : "si cela ne se déroule pas comme expliqué, en cas d'aggravation ou d'inquiétude…" appeler le SAMU, le cadre de garde, avertir les parents… Et même parfois, il faudra avoir le courage de ne peut-être pas faire ce qui a été écrit mais s'adapter à la situation actuelle. C'est vrai chaque fois que l'on accepte un travail auprès d'être humains, tous différents. C'est peut-être vrai dans tous les métiers ? Encore une limite : c'est qu'à force de préciser des Bonnes Pratiques, de les faire valider (par qui ? ça on ne me l'a encore jamais dit), elles seront peut-être ensuite très activement recommandées et que cela risque d'aboutir à un ensemble commun et partagé, mais, normatif et desséchant. Tout cela étant bien évalué, pourquoi pas avec des certifications type ISO 9002 ou 9003 ; on ne parle plus de méthodologie mais de "métrologie" : science de la mesure. Et nous, notre champ d'action, je l'ai déjà dit, il est plein, il est presque entièrement basé sur de l'incertain, du probable, de l'imprévisible, car nous acceptons d'accueillir les plus faibles et les plus fragiles ; et ce n'est pas non plus eux (on les appellerait "usagers" ou les clients) qui sont capables de remplir des questionnaires de satisfaction. Dans certains établissements, certaines associations, ce sont les parents qui s'attribuent ce droit d'observation, de qualification, voire d'évaluation. Mais peut-on être expert avec un jugement lucide quand on est soi-même très touché affectivement ? Et je reprendrai une phrase de Maurice Villard, de septembre 2005, complétée en juillet 2006 : "quand je vois le nombre d'écrits, de grilles, de tableaux… qui s'accumulent aux fins de traçabilité et de futurs contrôles, j'ai le sentiment que ce sont maintenant les façades qui compteront afin d'être "qualitativement corrects". Dernier exemple : et puis le trouble numéro 1 dont sont atteints les personnes qui nous sont confiées, à travers toutes leurs fragilités et faiblesses, ce qui prime c'et la douleur et sa compagne quasi quotidienne, la souffrance. Et j'ai le regret de vous le dire, malgré les années de pratique, de réflexion, de théorisation, je sais qu'il n'est pas possible d'évaluer, encore moins de quantifier la souffrance, qui ne sert à rien, qui ne s'éteint jamais, et qui finit par nous atteindre nous aussi. Alors, si vous le voulez, vous continuerez ou vous organiserez des formations, des groupes de travail, des séances de réflexion sur la pratique, sur ce sujet n° 1. Je veux bien vous aider. Tout à fait entre nous, cela m'intéresse bien plus que les référentiels d'évaluation. Conclusion Vous l'avez compris, il nous est imposé dans tous nos métiers d'être théoricien et praticien ; selon nos postes, toujours un peu plus l'un que l'autre. Il y a des personnes expérimentées qui peuvent vous aider à progresser dans l'Art des Bonnes Pratiques. Je précise : les bonnes pratiques ce sont les innombrables processus organisationnels qui vous sont proposés. L'Art, c'est de savoir les appliquer, pour chacun d'une façon strictement personnalisée ou individualisée. Au-delà des Bonnes Pratiques ce qui guide votre travail c'est ce que vous ressentez, c'est ce qu'essaient de vous transmettre ces personnes. C'est cela qui, au jour, le jour vous met en mouvement, ces montagnes d'émotions, qui elles aussi sont in-mesurables, in-évaluables, in-quantifiables. Certains jours elles vous font mal, vous mettent à mal, ce qui risque d'entraîner des attitudes, des réponses, des situations, parfois tout-à-fait adaptées, peut-être grâce aux Bonnes Pratiques ? D'autres jours… Mais ce que je vous souhaite, c'est qu'au milieu de tout cela, le théorique de plus en plus lourd, le pratique, si difficile, il y ait aussi des surprises. Des sourires, des réactions positives espérées ou inattendues. Et quand cela arrivera, notez le bien, prenez une photo, un petit bout de vidéo, écrivez une observation ou un petit poème. Tout cela permettra de fabriquer un BEL ALBUM des BONNES SURPRISES, exposé dans le hall d'entrée. De tous les papiers (montagnes de papiers) que nous fabriquons c'est un Bel Album qui sera le plus beau et dont vous pourrez être fiers.
DEVELOPPEMENT DE LA PERSONNEPhilippe ROSSET, Directeur I.M.E. « Amis de Laurence » (Paris)Madame HETIER, Parent Philippe ROSSET La présence de Madame HETIER, parent d’une personne polyhandicapée qui se présentera tout à l’heure, donne la note première de ce par quoi commence notre construction et nos bonnes pratiques, à savoir la rencontre d’une famille dont l’enfant est porteur d’un polyhandicap et des professionnels représentant une institution apte à l’accueillir. De cette rencontre, si elle est sincère, vont naître des échanges, des interrogations, un respect mutuel pour une même personne qui généreront des bonnes pratiques. Ce duo n’est donc pas un hasard, il est le fruit d’une exigence associative au sein de laquelle le travail famille-institution a toujours été le fondement pour un accueil respectueux de la personne handicapée. Madame HETIER Nous, parents, nous nous sommes tous posé un jour ou l’autre la question du développement de notre enfant : Va-t-il grandir ? Va-t-il récupérer sur son handicap ? Va-t-il pouvoir vivre normalement avec son handicap ? Va-t-on pouvoir vivre auprès de lui, nous, sa famille, une vie digne d’être vécue ? Enfin pourra t on vivre heureux en famille avec ce handicap qui nous habite tous : parents, frères et sœurs ? Philippe ROSSET Qui dit enfant , dit famille , donc père, mère et souvent et peut- être frère et sœur …qui dit enfant dit un être vivant, dit un être humain repéré dans un tissu social ; vivant dans une société qui a en charge sa santé, son éducation, ses loisirs et le droit de vivre une vie unique et pleine au même titre que n’importe quel autre enfant. Cet enfant a un prénom, il a sûrement du caractère, bien évidemment une forte personnalité… Nous n’accueillons pas dans cette institution des polyhandicapés mais des enfants polyhandicapés… Madame HETIER Nous allons nous engager dans ce long travail qu’est le développement de la personne handicapée. 1° Dans un premier temps il nous faut CONNAITRE la personne handicapée. Connaître tout simplement cette personne. La regarder comme quelqu’un et non comme un handicap ou un obstacle insurmontable. L’appeler par son nom ou son prénom, ne pas la tutoyer dès le premier contact (alors gd mère on va bien aujourd’hui) Philippe ROSSET Le premier travail spécifique que nous ayons à faire est bel et bien de nous adresser à un enfant et non à un handicap. Nous nous adressons à un enfant porteur d’un polyhandicap. Et mieux nous cernerons la personne, mieux nous nous occuperons du handicap. C’est dans cet état d’esprit que nous pourrons ensuite aborder l’accueil et le travail auprès de cet enfant. Enfant dont le polyhandicap est complexe tant les expressions en sont multiples et centrées sur une seule et même personne. Cette complexité en appelle une autre qui est la multiplicité des réponses aux soins, des attentions, des rééducations qu’il faut pouvoir dispenser à cet enfant. Une à une ces réponses existent et elles touchent là, différentes disciplines et bien entendu différentes catégories socioprofessionnelles. Les diverses actions dirigées vers l’enfant nous amènent à parler alors d’un travail pluridisciplinaire, plus justement d’un travail en équipe pluridisciplinaire. Ce travail nécessite que chacun des intervenants soit à la fois à l’écoute de l’enfant et à l’écoute des propositions, des réflexions de ses collègues Madame HETIER Reconnaître la personne handicapée qui est face à moi, la laisser me connaître me reconnaître lui donner du temps…. d’ou l’exigence d’être face à elle en toute limpidité Il est important surtout pour les plus jeunes que chacun aie sa place : parents, famille, institution et au sein de celle-ci que chacun garde sa spécificité. L’auxiliaire de vie n’est pas le médecin le médecin n’est pas le kiné etc. Chaque rôle doit être reconnu avec évidence. Mais on est là dans la normale. Pour qu’un jeune s’éveille bien, et on le voit à travers toutes les dérives, il faut que chacun tienne son rôle.
Philippe ROSSET, Directeur I.M.E. « Amis de Laurence » (Paris)Madame HETIER, Parent Philippe ROSSET Chaque personne, dans sa profession et avec ses compétences, exerce auprès de l’enfant dans le cadre du projet de celui-ci. Cette compétence est reconnue comme constitutive du grandissement de l’enfant. Cette compétence s’énonce à l’ensemble de l’équipe comme un témoignage, elle se partage et s’exploite dans la vie quotidienne. Le travail spécifique ne se noie pas dans l’équipe pluridisciplinaire. Le kinésithérapeute qui participe à un moment donné à une activité de groupe reste dans sa fonction avec son regard particulier, avec sa manière de faire. Il ne prend la place de personne et personne ne prend la sienne. Ceci cependant reste un exercice qui n’est pas toujours facile de pratiquer. Aussi faut-il pouvoir réguler toutes ses interventions, les coordonner ; cela exige de pouvoir et de devoir se rencontrer pour échanger donc de créer des espaces temps répertoriés et investis. Au final l’équipe pluridisciplinaire se constitue sur ces principes et ces rencontres. Madame HETIER 2° Développement de la personne handicapée dans la vie quotidienne Il n’est pas si simple d’aider l’autre à « faire ». Il faut d’abord établir le bilan de ce qu’elle peut accomplir seule, de ce qu’elle ne peut pas faire pour le moment et de ce qu’elle ne pourra peut être jamais faire seule (au moins le pense-t-on au moment T de son histoire). On sent très vite venir l’idée de l’équipe « AUTOUR DE ». Evidemment il serait délicat de laisser une telle appréciation à une seule personne, et à laquelle une personne se développe d’autant mieux qu’elle ne rencontre pas d’obstacle à « FAIRE » La douleur est redoutable, elle empêche la personne de se développer. Il faut mettre la personne handicapée dans une situation confortable : fauteuil, posture, lieux de vie appropriés A table trouver la cuillère, la fourchette qui lui convient le mieux avec laquelle elle soit le plus participant à son repas pour qu’elle devienne la plus autonome possible ????? Philippe ROSSET Cette notion de confort est primordiale. Elle met en jeu des compétences multiples et variées, elles mettent au travail tout en même temps, le médecin de rééducation fonctionnelle, l’orthoprothésiste, le kinésithérapeute, l’ergothérapeute, le psychomotricien, l’éducateur. Alors les observations et les connaissances de chacun vont s’ajouter les une aux autres pour donner naissance à un appareillage, une installation dans laquelle l’enfant sera correctement et confortablement installé sans être préoccupé par des tensions, des douleurs, des contractions qui viendraient altérer son attention, sa disponibilité. Ainsi installé pour pouvoir être dans la rencontre avec autrui, bien installé pour pouvoir participer à une activité, bien installé pour pouvoir se nourrir ou être nourri sans ou en diminuant sérieusement les risques de fausse route etc.…Etre bien installé pour pouvoir, et c’est bien le mot pouvoir qui donne un sens à toutes ces actions, qui place et rend l’enfant attentif et acteur dans sa vie quotidienne.. Madame HETIER 3°-Pour ce développement il faut mettre en œuvre des moyens. Etre à la recherche des bons gestes des bons diagnostics des bonnes paroles… et surtout les mettre en œuvre en équipe en y associant les parents en leurs faisant partager les découvertes Je reprends l’exemple de la fourchette : si on a trouvé un bon moyen, le dire aux parents et vice versa Mais attention la « maison et l’institution sont deux lieux différents, il faut laisser la porte grande ouverte entre les deux, créer des passerelles, mais le résidant doit pouvoir s’autoriser une attitude différente dans l’un et l’autre lieu. Ceci est une source de richesse. Pour le bon développement de la personne handicapée, il est important de créer une communication entre chacun. Ce n’est pas si facile de communiquer avec des jeunes qui ne parlent pas ou peu. Alors la communication passe par des gestes des jeux de figure de mimiques pour ceux qui voient. On constate qu’une fois que quelqu’un est entré en communication avec l’autre, il reste à élargir le cercle et entrer en communication avec les autres : la communication entre chaque membre de l’équipe (eux parlent mais restent humbles car ils savent que la parole ne facilite pas tout en communication !)
Philippe ROSSET, Directeur I.M.E. « Amis de Laurence » (Paris)Madame HETIER, Parent Auquel il faut s’attacher solidement : la communication. Pour cela, quel que soit le support utilisé, il faut en avoir envie, ce propos s’adresse tant aux enfants que nous recevons qu’aux professionnels et surtout vis et versa. Il faut avoir envie pour donner envie. Ce travail concerne tout le monde. Il est une règle d’or qu’il faut respecter auprès des enfants polyhandicapés : c’est parler, parler n’est pas bavarder et dans le même temps il faut écouter ce qui est la contrepartie logique qui finit l’acte. Il faut parler ses actes au quotidien, quelles que soient les incertitudes que nous puissions avoir des possibilités de compréhension des enfants. Pourquoi cette nécessité ; simplement si je puis m’exprimer ainsi, la majorité des enfants accueillis n’ont pas de mouvements volontaires, ils sont déplacés, manipulés, nourris ; nous nous sommes le moteur qui leur permet de se déplacer, d’être propre, de manger…alors parler… c’est rassurer, calmer, accompagner, c’est être avec, c’est parler pour l’autre et non pour soi, c’est parler en vérité. Dans ce temps, parler c’est leur permettre d’anticiper l’action future, de s’y préparer, d’être acteur. Parler c’est reconnaître l’autre en tant qu’être humain. Vous me direz communiquer n’est pas seulement parler… Bien entendu, la communication est autre chose. Elle interroge la compréhension de la personne polyhandicapée, elle interroge sa représentation et la représentation qu’elle a de nous même ; le fait qu’elle se sache comprise donc reconnue, capable d’être en relation, fait d’elle un être humain reconnu, incontournable interlocuteur, sujet de la mission qui nous incombent. Tout cela nécessite, par la connaissance de décoder les différentes informations que les enfants nous laissent percevoir dans les différentes situations qu’ils rencontrent dans leur quotidien, dans les différentes prises en charge dont ils font l’objet. Et tout ceci est à partager. Madame HETIER 4°-Parents ou professionnels ne sommes pas à l’abri d’une recherche de résultat : Ici, comme dans la vie normale, il est important de ne pas mettre la personne handicapée en état d’échec. Réfléchir en équipe et avec la famille qui a peut être des idées pour savoir jusqu’ou espérer. Proposer aux jeunes un projet défini, essayer d’en atteindre le but mais s’il n’est pas atteint ne pas s’en désoler. Je pense qu’il faut être innovant et ambitieux dans nos projets mais, qui peut le moins ne peut pas toujours le plus. Philippe ROSSET Et il faut compter aussi sur la dynamique associative qui doit insuffler une éthique, une politique qu’elle doit défendre auprès de la société civile et d’état. Alors à la question du début sur le développement de notre enfant, il me semble que cela devient plus clair et plus exigeant. Peut être nous comprenons peu à peu que nous ne devons pas nous enfermer seuls dans ce malheur. Nous allons soutenir cet enfant handicapé avec SON aide, SES efforts avec l’aide aussi des professionnels à qui nous le confions, l’aide des voisins des amis. La vie est à ce prix. Refuser ce développement, c’est refuser la vie, c’est refuser le risque de grandir.
EVALUATION DES FORMES D’ORGANISATIONET DE PARTICIPATIONRoland LEFEVRE, Directeur La Montagne CESAP Il n’est plus possible aujourd’hui de concevoir un processus de travail sans l’accompagner d’une démarche d’évaluation intégrée, on peut considérer que c’est un grand progrès, et je pense que nous sommes nombreux ici à avoir constaté combien elles pouvaient contribuer à faire évoluer des démarches de travail. Pour ce qui concerne l’évaluation des formes d’organisations, cela mérite en revanche d’être discuté. Autant je suis convaincu qu’un travail d’analyse des organisations, au sens ou par Exemple Michel CROZIER l’a développé avec L’analyse stratégique et systémique, apporte une réelle aide au changement des organisations, autant il me parait plus complexe de manier des modèles d’évaluation généralistes dans une perspective d’aide au changement et d’amélioration des formes d’organisation. Nous avons, pour engager cette discussion, la chance de disposer pour notre branche d’une évaluation sur les formes d’organisation existantes dans les établissements et services médico-sociaux. C’est une enquête qui a permis de procéder à une véritable évaluation de notre secteur, Elle a en effet émis un avis sur les formes d’organisation en place dans les établissements et services de la branche tout en préconisant de méthodes d’amélioration. Cette enquête réalisée en 2002 par le CREDOC, pour le compte d’UNIFAF a été réalisée par voie postale, à partir d’un fichier de 5000 établissements sociaux et médico-sociaux. Le questionnaire adressé à chaque établissement recueillait des éléments descriptifs de l’établissement, de ses salariés, de son organisation, des évolutions identifiées. Un volet du questionnaire était en outre réservé aux salariés. Il portait sur les parcours scolaires et de formation, les itinéraires professionnels et contenait une description des activités et des tâches demandées et réalisées. En moyenne, 5 salariés de chacun des 1000 établissements volontaires ont rempli ce questionnaire. Les résultats ont permis de dégager des tendances sur les formes d’organisation en présence dans notre branche professionnelle. Trois schéma type d’organisation ont ainsi été identifiés : • L’organisation stratégique d’anticipation. • L’organisation tactique d’adaptation. • L’organisation conventionnelle. Il s’agit là d’un classement par niveaux de performances, UNIFAF préconisant de soutenir les démarches d’amélioration de la qualité des organisations conventionnelles pour les amener à se rapprocher du modèle d’organisation stratégique d’anticipation. L’organisation stratégique d’anticipation : Ce sont en majorité les organisations qui se sont construites autour d’un projet explicité, avec participation des personnels, qui fixe les critères de gestion des ressources humaines. Le fonctionnement repose sur des instances de régulation ce qui donne un aspect formel aux relations internes, mais une large autonomie aux intervenants. L’organisation est plutôt cognitive, et le management participatif. L’encadrement se distingue par son rôle dans la mobilisation-formation continue des intervenants, ce qui suppose une implication forte, démarquée des savoir-faire traditionnels. Pour Jean Afchain, le point saillant de ce type d’organisation tient dans le niveau d’exigence qui peut être demandé aux professionnels, le fonctionnement impose un questionnement constant de chacun sur sa pratique et oriente dans une attitude générale qui tire vers l’engagement.
Roland LEFEVRE Cette organisation est repérée comme étant plus fréquente dans les établissements spécialisés dans l’accueil des enfants et adolescents handicapés, mais aussi en difficulté - 32% de l’ensemble des établissements - 41% des établissements pour enfants et adolescents handicapés - 31 % des établissements d’adultes handicapés L’organisation tactique d’adaptation : Ce sont les organisations qui se distinguent par leur capacité d’adaptation et la polyvalence des professionnels. Les contraintes de développement et l’environnement institutionnel les poussent à dépasser le cadre classique du travail social, mais seulement la moitié d’entre elles a un projet explicite. Le diplôme n’est pas le seul critère de recrutement, et les compétences débordent de la relation avec la personne pour intégrer les liens avec les commanditaires. L’encadrement intermédiaire tient un rôle d’animation, et les intervenants sont moins autonomes. Ce type d’organisation concerne la moitié des établissements du secteur du handicap et de nombreux instituts d’éducation pour déficients sensoriels - 39% des établissements. - 48% des établissements d’enfants et adolescents handicapés - 45% des établissements d’adultes handicapés L’organisation conventionnelle : Les organisations de ce type sont les moins nombreuses, elles continuent à se référer aux pratiques traditionnelles et aux seules références formulées par les autorités publiques. Les projets de service sont encore moins fréquents que les projets associatifs, eux-mêmes peu actualisés. Le diplôme reste le principal critère de recrutement, et le métier détermine la répartition des tâches. Le professionnel dont la formation garantit la maîtrise des techniques, dispose d’une certaine autonomie. Le management est peu dirigiste même s’il prend des allures directives ou paternalistes, l’encadrement assure exclusivement une fonction de coordination. Ce modèle d’organisation se retrouve davantage dans les établissements pour personnes âgées et de la petite enfance - 29% des établissements. - 11% des établissements d’enfants et adolescents handicapés. - 24 % des établissements d’adultes handicapés Pour information, 50% des établissements pour personnes âgées. On constate tout d’abord que les établissements d’enfants handicapés se répartissent principalement sur les deux premiers modèles et que la représentation des établissements pour adultes se réparti sur les trois modèles avec encore 24 % d’entre eux sur le modèle conventionnel. Est-on bien éloigné de l’appréciation portée en 2005 par Jean Pierre Hardy, chef du bureau de la réglementation financière et comptable à la DGAS, qui dans un ouvrage collectif publié par L’ANDESI intitulé « être directeur en action sociale aujourd’hui » s’exprime, à titre personnel est-il précisé , « sur la mal-gouvernance associative et ses conséquences sur les pratiques de Direction »