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Cours 2 Le jeu classique et la préhistoire du jeu vidéo

Cours 2 Le jeu classique et la préhistoire du jeu vidéo. ANI-23677 Histoire et esthétique du jeu vidéo Dominic Arsenault www.le-ludophile.com. Homo Ludens de Johan Huizinga Les jeux et les hommes de Roger Caillois Histoire de quelques classiques ludiques Préhistoire du jeu vidéo.

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Cours 2 Le jeu classique et la préhistoire du jeu vidéo

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Presentation Transcript


  1. Cours 2Le jeu classique et la préhistoire du jeu vidéo ANI-23677 Histoire et esthétique du jeu vidéo Dominic Arsenault www.le-ludophile.com • Homo Ludens de Johan Huizinga • Les jeux et les hommes de Roger Caillois • Histoire de quelques classiques ludiques • Préhistoire du jeu vidéo Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  2. Huizinga, Johan [1938]. “Nature et signification du jeu comme phénomène de culture”, Homo Ludens. Essai sur la fonction sociale du jeu, Paris: Gallimard. • 1872-1945 • Historien et sociologue Néerlandais Johan Huizinga Huizinga ouvre son analyse en affirmant que le jeu n’est pas qu’une catégorie de la culture, mais qu’il la précède. La preuve: la “culture”, peu importe comment on la définit, requiert une société humaine, et les animaux n’ont pas attendu l’arrivée de l’homme pour commencer à jouer. L’homme n’a rien ajouté à l’idée du jeu; les animaux jouent exactement comme les hommes. La thèse première de Huizinga est que le jeu est une activité signifiante. Tout jeu signifie quelque chose en lui-même et ne saurait pas être simplement rattaché à une quelconque utilité. Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  3. Johan Huizinga • Huizinga s’interroge sur l’absence de toute étude du jeu. Il y a eu des études biologiques: • - Décharge d’énergie surabondante • - Apprentissage des mécanismes importants pour la survie d’une espèce • Des études psychologiques: • - Affirmation de l’individu et sentiment de triomphe • Fonction sociale chez l’humain • Compensation pour des fantasmes inassouvis • Des études culturelles: • - Tel peuple joue à tel jeu, il est donc barbare, ou civilisé. Or, personne ne s’intéresse au jeu pour lui-même; tous partent du principe que le jeu a une utilité autre. Il propose de rémédier à ce manque. Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  4. Huizinga n’étudie pas les jeux, mais le jeu, le principe de jeu. Exemple: jeux de langage. Le jeu n’est pas un sous-ensemble de la culture, mais l’inverse; le jeu est un principe duquel la culture fait partie. On a tendance à opposer le jeu avec le sérieux. Mais comme le dit Freud: L'occupation préférée et la plus intensive de l'enfant est le jeu. Peut-être sommes-nous en droit de dire que tout enfant qui joue se comporte en poète, en tant qu'il se crée un monde à lui, ou, plus exactement, qu'il transpose les choses du monde où il vit dans un ordre nouveau tout à sa convenance. Il serait alors injuste de dire qu'il ne prend pas ce monde au sérieux; tout au contraire, il prend très au sérieux son jeu, il y emploie de grandes quantités d'affect. Le contraire du jeu n'est pas le sérieux, mais la réalité. En dépit de tout investissement d'affect, l'enfant distingue fort bien de la réalité le monde de ses jeux, il cherche volontiers un point d'appui aux objets et aux situations qu'il imagine dans les choses palpables et visibles du monde réel. Rien d'autre que cet appui ne différencie le jeu de l'enfant du « rêve éveillé ». Johan Huizinga Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  5. Johan Huizinga Le poète fait comme l'enfant qui joue ; il se crée un monde imaginaire qu'il prend très au sérieux, c'est-à-dire qu'il dote de grandes quantités d'affect, tout en le distinguant nettement de la réalité. Et la langue allemande, en particulier, a maintenu cette parenté du jeu enfantin et de la création poétique en appelant Spiele (jeux) celles des créations littéraires qui ont besoin de trouver cet appui à des objets palpables et qui sont susceptibles de représentations : on dit Lustspiel (comédie), Trauerspiel (tragédie), et on appelle Schauspieler (acteur) la personne qui les « Joue ».Freud, Sigmund[(1908) 1933]. “La création littéraire et le rêve éveillé”, Essais de psychanalyse appliquée, Paris: Gallimard • Le jeu est une activité volontaire et libre, sans utilité. Le jeu est donc un phénomène esthétique, apprécié pour sa forme et sa beauté intrinsèque, en lui-même. • Le jeu se tient à l’écart du monde ordinaire:«l'arène, la table à jeu, le cercle magique, le temple, la scène, l'écran, le tribunal, ce sont là tous, quant à la forme et à la fonction, des terrains de jeu, c'est-à-dire des lieux consacrés, séparés, clôturés, sanctifiés, et régis à l'intérieur de leur sphère par des règles particulières. Ce sont des mondes temporaires au cœur du monde habituel, conçus en vue de l'accomplissement d'une action déterminée.» [Huizinga 1951, p. 30] Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  6. Johan Huizinga La figure du « cercle magique » a été reprise dans les études du jeu vidéo par Katie Salen & Eric Zimmerman (dans [2004]. Rules of Play: Game Design Fundamentals, Cambridge (MA): MIT Press). Ceux-ci critiquent l’idée sur plusieurs bases: • Beaucoup de jeux ont des conséquences qui dépassent les limites du cercle magique (ainsi par exemple du joueur pathologique qui peut perdre sa maison ou sa femme, ou la roulette russe…). De façon plus large, tout jeu qui est fondé sur un pari a des conséquences qui dépassent le cercle magique. • Le joueur peut penser à son jeu, à une stratégie, etc., même dans sa vie ordinaire. Et pour jouer à un jeu, il faut appliquer des connaissances, des comportements et des compétences qui nous viennent du réel. • Certains nouveaux jeux jouent sur la frontière entre jeu et réalité. • Les jeux vidéo prennent place sur des écrans d’ordinateur ou de télévision qui sont utilisés à d’autres fins. Il n’y a donc pas de lieu circonscrit. Les MMORPGs, par exemple, sont des univers qui roulent en continu. Ils n’ont pas de durée spécifique; le jeu existe même quand le joueur n’y joue pas. Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  7. Johan Huizinga • Le jeu est limité en temps et en espace, et répétable. • Le jeu est régulé (tenu par des règles). • Le jeu forme des groupes sociaux, tisse des liens. • Pour Huizinga, les rites et les cérémonies religieuses sont étroitement liées au jeu. Le théâtre, après tout, trouve ses racines dans les communications avec les divinités avant de se séculariser. Lors de la performance d’un rituel, chacun adopte le rôle qui lui est imparti, dans un espace autre et séparé de la vie courante, dans le cadre d’une activité finie en temps et régie par des règles. Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  8. Roger Caillois • 1913-1978 • Anthropologue / Historien / Sociologue Français • Les jeux et les hommes : 1958 • Le mot “jeu” recouvre une diversité de pratiques disparates. On ne peut classer par endroits où le jeu se déroule, ni par les accessoires qu’il emploie. • Caillois, lui, est intéressé par la classification des jeux (et non le principe de jeu). Bien sûr, les deux se recoupent. Pour classer les jeux, il identifie 4 pulsions ou “attitudes ludiques” que le joueur peut adopter à travers différents jeux. Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  9. Roger Caillois Agôn (compétition à partir de chances égales, triomphe du « meilleur »; attitude de combativité, de dépassement de soi) Alea (hasard, abolit la supériorité du « meilleur », égalise les chances de tous; attitude d’acceptation passive, de résignation) Mimicry (simulacre: imitation, faire-semblant) Ilinx (vertige: sensations viscérales, étourdissement, vertige) Deux principes qui forment deux pôles, sur l’axe desquels se positionnent l’ensemble des jeux selon leur degré de liberté et de régulation: Paidia (amusement, jeu libre, turbulence, chaos) Ludus (règles structurées, conditions gain/perte, ordre, contrainte) Le ludus fournit un sens au jeu Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  10. Jacques Henriot L’imitation (la mimicry) dans le jeu ne doit pas être comprise comme une tentative de correspondre à la réalité (d’où les observations de Freud et de Huizinga): Lorsque l’enfant fait semblant de dormir, la part de jeu qui entre dans cette conduite ne tient pas à la précision avec laquelle elle reproduirait un modèle : l’enfant fait tout, sauf précisément dormir. La conduite de « représentation » paraît ici plus fondamentale que celle de reproduction. L’enfant qui fait semblant de dormir ne cherche pas à reproduire un modèle […] Henriot, Jacques [1976]. Le jeu, Paris: PUF, p.41 Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  11. Petite note de méthodologie • S’assurer de la fiabilité et de la crédibilité des sources. Ce n’est pas parce que c’est sur internet que c’est vrai! Par exemple, faire un travail sur les anciens jeux romains pourrait vous mener ici: http://ablemedia.com/ctcweb/showcase/boardgames8.html. Mais cherchez un peu plus loin et vous tomberez sur un autre site (http://www.boardgamestudies.info/research/notes.shtml) qui donne un portrait plus factuel de la situation et y repère les incohérences. “To sum up: I know it seems hard and somewhat unfriendly to say so, but this internet site about Roman games though nicely illustrated is completely unreliable, since the author refers only to a few publications in English while he ignores other relevant studies completely” (Schädler) Règle générale: consultez plusieurs sources et évaluez la crédibilité de l’auteur. En ordre de fiabilité: anonyme < pseudonyme (“GameZExxpert212”) < nom propre sans détails (“Chris Pruett”) < nom et statut/affiliation/biographie (“Jesper Juul, video game researcher at the Singapore-MIT Game Lab”) Wikipédia ne constitue pas une source en elle-même. Vous pouvez l’utiliser comme point de départ pour une recherche, mais une citation de Wikipédia équivaut à une citation anonyme. Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  12. Des millénaires de classiques ludiques • James Masters, The Online Guide to Traditional Games: http://www.tradgames.org.uk/ “Jeu des 20 cases”, tombes royales d’Ur (Iraq), environ 2500 av. J.-C. “Jeu des 30 cases” / Senet, Égypte, 3500-3000 av. J.-C. Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  13. Des millénaires de classiques ludiques Les romains adopteront le Senet et joueront au “jeu des 12 lignes” (comme quoi Rome a trouvé en Égypte autre chose que le nez de Cléopâtre…), qui deviendra au 6ième siècle l’Alea, puis viendra à se faire connaître tout simplement par la “tabula”, la table de jeu. La lignée du Senet va donner naissance au Backgammon au début du 17ième siècle. Avec le jeu d’Ur, ces deux lignées vont converger pour mener au développement des jeux de plateau (même Serpents et échelles!) Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  14. Des millénaires de classiques ludiques Le Chaturanga (Indes, autour du 6ième siècle av. J.-C.): jeu à quatre joueurs avec un dé pour déterminer laquelle des pièces bougera. Celui-ci, ou le Xiang Qi Chinois selon les hypothèses, est considéré comme l’ancêtre premier d’une branche de jeux qui deviendra éventuellement les échecs. Le Chaturanga migre vers la Perse avec l’expansion Islamiste en Europe (6ième siècle). Il devient le Shatranj, jeu à deux joueurs qui introduit de nouvelles pièces. Les Arabes l’amène jusqu’en Espagne, puis il fait son chemin en France et débarque (c’est le cas de le dire!) finalement en Angleterre avec la conquête des Normands au 10ième siècle. De fil en aiguille, des règles s’ajouteront et se modifieront jusqu’à ce qu’on obtienne les échecs modernes. Cela illustre bien une observation de Roger Caillois: “La stabilité des jeux est remarquable. Les empires, les institutions disparaissent, les jeux demeurent, avec les mêmes règles, parfois avec les mêmes accessoires. C'est, d'abord, qu'ils ne sont pas importants et qu'ils possèdent la permanence de l'insignifiant.” (Les jeux et les hommes) Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  15. Des millénaires de classiques ludiques Enfin, un dernier exemple, plus à propos: Le billard naît du besoin des sociétés de domestiquer des jeux de plein air. On veut créer des versions “pour la maison” de jeux qui se pratiquent à l’extérieur, comme le croquet par exemple. Le billard donne lieu à quelques variantes, dont deux nous intéressent plus particulièrement: la Bagatelle (au 18ième siècle, à la cour de Louis XVI) et le Pachinko (développé dans les années 1930, surtout au Japon). Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  16. Du ludique au vidéoludique Ces deux “jeux de table” d’adresse et de hasard mènent tout droit à l’apparition de la machine à boules. Au départ, celle-ci ne comporte qu’un ressort pour mettre la boule en jeu avec une force variable. La part d’adresse est alors négligeable. Menacée d’être jugée illégale comme tous les appareils de “gambling” dans les États-Unis des années 1930, David Gottlieb, inventeur de la machine à boules, y ajoute le “flipper” qui en fera indiscutablement un jeu d’adresse. Dans les années 1940 apparaissent ensuite les jeux mécaniques (“de foire”): baseball, “shooting gallery”, course de chevaux, chasse. 1961-1962, Steve Russell, étudiant au MIT, crée Spacewar, le premier jeu vidéo, sur un ordinateur PDP-1 (approximativement de la taille d’une voiture) Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  17. Du ludique au vidéoludique 1968: Ralph Baer obtient un brevet pour un jeu interactif sur télévision. Il contacte Magnavox, qui accepte de réaliser et mettre en marché son idée. Le développement durera jusqu’en 1972. La réalisation est surfaite et le prix de l’appareil, le Odyssey, est de 100$ alors que Baer visait le 20$. La mise en marché est bâclée; Magnavox voulant vendre ses téléviseurs, l’Odyssey n’apparaît qu’avec ceux-ci, ce qui donne une fausse impression aux consommateurs que la console n’est compatible qu’avec ces téléviseurs. http://ca.youtube.com/watch?v=H2EIsnr_cv4 (publicité télé révisée: notez le soulignement) http://www.pong-story.com/odyssey.htm#P7 (une idée de l’éventail de jeux disponibles avec la console. Les overlays) Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  18. Préhistoire du jeu vidéo Techniquement, Spacewar est le premier jeu vidéo, mais il est passé inaperçu. Quant au Magnavox Odyssey, il n’a pas eu d’impact déterminant (100 000 ventes pour 210 000 000 d’Américains, soit un taux de pénétration de 0,047%). Le jeu vidéo n’est pas né par eux. En 1969, Nolan Bushnell termine l’université. Ayant expérimenté Spacewar durant ses études à l’université d’Utah et travaillé avec des jeux mécaniques et autres jeux d’adresse dans un parc d’amusement, il a l’idée de fabriquer “des machines à jouer à Spacewar”. Il récupère des pièces, développe un prototype, et présente son idée à Nutting Associates. Ils acceptent de manufacturer et commercialiser Computer Space, la version “arcade” de Spacewar créée par Bushnell. Le jeu, trop complexe, n’est toujours pas un succès. Il fonctionne bien au bar à côté de l’université, mais ne rapporte virtuellement rien dans tous les bars à la clientèle moins éduquée. Nolan Bushnell partira à son compte et fondera sa propre entreprise. Kent [2001], p. 1-35. Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  19. Préhistoire du jeu vidéo Autres paternités revendiquées: 1949: OXO (Tic-Tac-Toe) sur l’ordinateur EDSAC à Cambridge (Angleterre), partie de sa thèse doctorale sur l’interaction homme-ordinateurs. Aucun impact: ordinateur unique au monde! 1958:Tennis For Two, programme créé par William Higinbotham pour distraire les visiteurs au laboratoire de recherche Brookhaven, sur ordinateur analogique au moyen d’un oscilloscope. Aucun impact: jamais développé plus loin qu’une curiosité et une distraction temporaire. (http://gizmodo.com/5080541/retromodo-tennis-for-two-the-worlds-first-graphical-videogame) Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  20. Préhistoire du jeu vidéo 1966: ELIZA (Joseph Weizenbaum) 1970: Game of Life (Conway) Bartle, Richard A. [1996] Hearts, Clubs, Diamonds, Spades: Players Who Suit MUDs <http://www.mud.co.uk/richard/hcds.htm> Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

  21. À lire pour la semaine suivante : texte de Juul (2005). « Video Games and the Classic Game Model », Half-Real. Video Games Between Real Rules and Fictional Worlds, Cambridge (MA): MIT Press, p. 23-54. • Thinking After Dark (http://conference2009.ludicine.ca/) Jeudi le 23 avril – samedi le 25. Histoire et esthétique du jeu vidéo Université Laval, Québec

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