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1. Nas re ddi ne. 1. Ce ma tin -là, a ssi s sur un ta pi s à l’ om bre d’un pal mier , Nas re ddi ne boi t du lai t de cha me lle sau pou dré de ca nne lle . Mus ta fa , son pè re , l’ a ppe lle :
E N D
1 Nasreddine 1 Ce matin-là, assis sur un tapisà l’ombre d’un palmier, Nasreddine boit du lait de chamellesaupoudréde cannelle. Mustafa, son père, l’appelle : -Nasreddine, va sortir l’âne de l’étable, nousallons au marché. -Ton ordre est sur ma têteet dansmes yeux, répond le petitgarçon qui enfileses babouches et remeten placeson bonnet. • PuisNasreddineconduit l'animaljusqu'à son père. Tous deuxattachent sur la croupe de la bête • un grandpanierrempli de dattes. • Mustafa s'installe sur l'âne, et • Nasreddinemarchederrière. • Le chemin estencorebourbeux de la dernière pluie, • et le garçonenlève ses babouches • pour ne pas les salir. 2 Vincent @ Dys é moi id création
1 bis Nasreddine Près de la porte de la ville, Nasreddineet son pèrecroisent un vizir sur un magnifiquechevalarabe. En apercevantMustafa, le vizirdéclare auxgensde sa suite : -Regardez qui s’amène ! Un groshomme qui se prélasseet qui faitpatauger son propre fils dansla crotte ! D’un ton tranquille, le pèrerépond : -Son excellence m’écorche les oreilles. MaisNasreddinechange de couleur. Son cœur se remplit de honte qu’on aitosé se moquer d’eux, et il voit le monde en noir. -Je rentre à la maison, dit-il, je suisfatigué. -Déjà ? s’étonneMustafa. -Commecela, on ne se moquera plus de nous ! Son père rit et déclare : -Faisselon ta fantaisie. 3 Vincent @ Dys é moi id création
2 Nasreddine • La semainesuivante, Nasreddine tond la laine des moutons • qui souffrent de la chaleurdepuis l'arrivée du printemps. • Les bêtesremuent pour éviter la brûlure du rasoir, • et le petitgarçon fait bien attention • de ne pasécorcher leur peau rose et délicate. • Quand il a terminé, il ramasse les flocons de laine • dans un sac volumineux. Le père s'approche. • -Tu as bien travaillé mon fils. Va chercher l'âne, maintenant, nousallonsporter la laine chez les tisserands. • -Ton ordre est sur ma tête et dans mes yeux. 1 Lorsqu'il revientavec l'animal, Nasreddineboite. -Je me suistordu la cheville, explique-t-il. -A l'instant ? En traversant la cour ? -Oui, ditNasreddine en baissant les yeux. Mustafa a un souriremalicieux. -Si tu souffres en marchant, mieux vaut que tu t'asseyes sur l'âne. Nasreddine prend le bas de sa robeavec ses dents, et s'installe sur le baudet. Il estcontent de sa ruse. On ne se moquera pas de son père, qui marchetranquillement, coiffé de son beau turban. 2 Vincent @ Dys é moi id création
2 bis Nasreddine Le chemin estcaillouteux le long de la rivière. Au bruit des sabots, les femmes qui lavent leur linge se retournent. Certaineséclatent si fort de rire qu'elles en tombent à la renverse. La plus vieillegrommelle : -Voilàcommentmarche le mondeaujourd'hui. Ce sont les enfants qui se prélassent sur les bêtes, et les vieux qui marchent à pied. Les pères n'ont plus d'autorité. -Tu as raison, dit une autre. On ne respecte plus les gensâgés. -Comme si on ne pouvaitêtre deux sur un baudet, ajoute une troisième. Mustafagarde son calme, et lance d'un ton sévère : -Femmes, têtesfélées, vous m'écorchez les oreilles. MaisNasreddinerougit sous l'offense et, un peu plus loin, glissejusqu'au sol. -Je vaisrentrer à la maison, j'ai oublié de fermer l'enclos des moutons ! dit-il. Son pèresouritavecmalice. -Tu n'as plus la chevilletordue ? -Non, non, elle s'estréparéetouteseule. -Alors faisselon ta fantaisie. 3 Vincent @ Dys é moi id création
3 Nasreddine 1 1 Quelques jours plus tard, dans la basse-cour, Nasreddinepoursuit une poule. Pour lui échapper, celle-ci court sur ses petitespattes, et bat des ailes en caquetant. Nasreddine la saisit par le cou et l'enferme dans une cage d'osier. -Ma jolie, ma belle, tu vasfaire une grandepromenadejusqu'au marché. Je vais t'apporter de la compagnie pour que tu ne t'ennuies pas. A petits pas, il s'approche d'un autrevolatile bien dodu. Aprèsavoirrempli la cage de cinq poules et d'un coq, il se dirige versla maison où l'attend son père, et lui dit: -Aujourd'hui il fait très chaud. Ce seraépuisant de marcher. Montonstous les deux sur l'âne. Mustafasouritmalicieusement : -Faisonscomme tu le proposes. Vincent @ Dys é moi id création
Nasreddine 3 bis A nouveau l'âneparcourt les sentiers. Il porte sur son dos le fils, le père, et les poules et le coq dans leur cage. Sur la place du marché, installés à une terrasse, quelquesvieillardsboivent des citronnadesglacées. Les gloussements des poulesattirent leur attention. L'un ricane, son voisinpouffe de rire, et tout le groupe s'esclaffelorsquepassentdevant eux l'âne, le fils, le père et les poules et le coq. -Regardez ce groshomme qui martyrise sa bête. Le pauvreâne, son ventretraînepresquejusqu'à terre, dit l'un. -Le garçon estassis trop en avant, il lui casse le cou ! remarque un autre. -Ils vontfairemourir leur monture d'épuisement par cettecanicule. Que les genspeuventêtreméchantsavec les animaux ! 2 Mustafagarde son calme. -Taisez-vous, vieuxradoteurs, vous m'écorchez les oreilles. Et ilscontinuent leur chemin. Dès qu'il a perdu de vue les vieillards, Nasreddineremue sanscesse sur l'âne. -Que se passe-t-il ? s'inquiète son père. -J'ai des fourmis dans le derrière. Il vaudrait mieux que je descende et que je rentre à la maison. -Des fourmis sur un âne, c'estrare, remarque son père en souriant. Maissi tu le souhaites, alors faisselon ta fantaisie. 3 Vincent @ Dys é moi id création
Nasreddine 4 1 La semainesuivante, Nasreddinepenseavoirtrouvé la bonnesolution pour cheminer. -L'âne estfatigué, déclare-t-il en apportant un grand sac remplide pastèques. Il avait l'air abattu ce matin, et il a refusé les herbes que je lui proposais. -Commentallons-nousfaire pour vendreles fruits du marché ? demandeson père d'un ton innocent. Le fils, embarrassé, propose : -Nouspourrions peutêtremarcherderrière lui, commecela il ne portera que les pastèques. Ce sera moins lourd. -C'est une bonneidée, déclareMustafaavec un souriremalicieux. Vincent @ Dys é moi id création
4 bis Nasreddine 2 • L'ânetrottine d'un bon pas, toutréjoui d'être si peu chargé, • tandisque Mustafa et Nasreddinepeinentà le suivre. • Sur le chemin, un petitgarçonavance à côté d'eux, • en les regardant d'un air moqueur. • Un peu plus loin, un deuxièmepetitgarçonrejoint • le premier, puis un autre, et un autreencore. • Bientôt, ilsforment un petitgroupe, • qui s'amuse en regardant l'âne et leur propriétaire. • -Qu'est ce qu'ils ont à rirebêtement ? demandeNasreddine. • -Rire est de leur âge, répondMustafa • de sa belle voixtranquille. Continuons. Mais une petitefilleinterroge les enfantsmoqueurs d'une petite voixpointue : -Pourquoi ces deux-là préfèrent-ils se fatiguerplutôt que de fatiguer leur âne ? -Ce sont des imbéciles, répondent les garçons. Nasreddinesent son cœur tomberjusqu'à ses pieds. Il devientrougecomme un poivron et il s'enfuit. 3 Vincent @ Dys é moi id création
5 Nasreddine 1 Pendantplusieurs jours, Nasreddineréfléchit. Lorsqu'arrive le jour du marché, il conduit l'âne à son père en déclarant : -Père, j'ai trouvé la solution pour aller au marché sansqu'on se moque de nous. Nousporterons l'âne. Mustafasourit. -Tu perds ton bon sens, mon fils. Ta proposition estabsurde. Jusqu'ici je t'ai laisséagirselon ta fantaisie, maisaujourd'hui tu doiscomprendre ton erreur. -Je n'ai pas fait d'erreur. J'ai écouté tout le monde. -C'estjustement là ton erreur. Les gens, s'ilsen ontenvie, trouventtoujours une raison de se moquer et de critiquer. Dans ce cas, que doit-on faire à ton avis ? -Ne pas les écouter, bafouilleNasredddine, si confus que des larmes lui montent aux yeux. -Exactement. C'est à toi de décider si tu entends des parolesremplies de sagesses ou de sots et méchantsbavardages. 2 Vincent @ Dys é moi id création
Nasreddine 5 bis 3 Nasreddinelève son visage vers son père et déclare d'un ton triomphant : -J'ai compris. Il ne faut pascraindre les jugements des autres. Ni avoir peur du ridicule. -Je suisheureux que mon fils, la flamme de mon coeur, sache si bien raisonner. Vincent @ Dys é moi id création