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Essais , II, 10 « Des Livres »

Essais , II, 10 « Des Livres ».

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Essais , II, 10 « Des Livres »

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Presentation Transcript


  1. Essais, II, 10 « Des Livres » • Je ne compte pas mes emprunts, je les pèse. Et si je les eusse voulu faire valoir par nombre, je m’en fusse chargé deux fois autant. Ils sont tous, ou fort peu s’en faut, de noms si fameux et anciens, qu’ils me semblent se nommer assez sans moi. Es raisons, comparaisons, arguments, si j’en transplante quelqu’un en mon solage, et confonds aux miens, à escient j’en cache l’auteur, pour tenir en bride la témérité de ces sentences hâtives, qui se jettent sur toute sorte d’écrits : notamment jeunes écrits, d’hommes encore vivants: et en vulgaire, qui reçoit tout le monde à en parler, et qui semble convaincre la conception et le dessein vulgaire de même.

  2. Essais I, 25 « De l’Institution des Enfants » Les écrivains indiscrets de notre siècle, qui parmi leurs ouvrages de néant, vont semant des lieux entiers des anciens auteurs pour se faire honneur, font le contraire. Car cette infinie dissemblance de lustres rend un visage si pâle, si terni, et si laid à ce qui est leur, qu’ils y perdent beaucoup plus qu’ils n’y gagnent. […] Il m’advint l’autre jour de tomber sur un tel passage : j’avais traîné languissant après des paroles Françoises, si exsangues, si décharnées, et si vides de matière et de sens, que ce n’étaient voirement que paroles Françoises : au bout d’un long et ennuyeux chemin, je vins à rencontrer une pièce haute, riche et élevée jusques aux nues : Si j’eusse trouvé la pente douce, et la montée un peu allongée, cela eût été excusable; c’était un précipice si droit et si coupé que des six premières paroles je connus que je m’envolais en l’autre monde : de là je découvris la fondrière d’où je venais, si basse et si profonde, que je n’eus oncques puis le cœur de m’y ravaler.

  3. Essais, I, 25 « De l’Institution des Enfants » Si sais-je, combien audacieusement j’entreprends moi-même à tous coups, de m’égaler à mes larcins, d’aller pair à pair quant et eux : non sans une téméraire espérance, que je puisse tromper les yeux des juges à les discerner. Mais c’est autant par le bénéfice de mon application, que par le bénéfice de mon invention et de ma force. Et puis, je ne lutte point en gros ces vieux champions-là, et corps à corps : c’est par reprises, menues et légères atteintes. Je ne m’y aheurte pas : je ne fais que les tâter : et ne vais point tant, comme je marchande d’aller.

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