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La démocratie sociale dans les pays européens à l’épreuve de la crise:une comparaison France-Allemagne-Italie-EspagneSéminaire 11e Biennale de Lasaire « La crise actuelle en Europe bouscule en profondeur les relations industrielles »Conseil économique et social de Grèce Athènes, 29 novembre 2013 Udo Rehfeldt
Deux documents de base • Frédéric Lerais, Jean-Marie Pernot, Udo Rehfeldt, Catherine Vincent et al., La démocratie sociale à l’épreuve de la crise: un essai de comparaison internationale, rapport IRES, octobre 2013 Disponible en français et anglais sur le site web de l’IRES: www.ires.fr/etudes-et-travaux • N° spécial « Europe et syndicats » de la Chronique internationale de l’IRES (n° 143-144), disponible après présentation au CESE français le 6 février 2014: www.ires.fr/publications/la-chronique-internationale
La « démocratie sociale » • Ce terme correspond dans les pays anglo-saxons à la « démocratie industrielle » • complément à la démocratie politique pour la régulation sociale • 2 formes: • participation des partenaires aux décisions politiques (consultation, accords tripartites) • sphère autonome (négociation collective) • équilibres divers entre intervention de l’Etat et autonomie des partenaires sociaux
Modifications dans la crise • modification de l’équilibre de l’intervention de l’Etat et des partenaires sociaux • modification des équilibres internes à la sphère de régulation par les partenaires sociaux
1) Etat-partenaires sociaux • partout: montée des interventions unilatérales de l’Etat • dérégulation sociale (notamment marché du travail) • politiques d’austérité, coupes budgétaires • éléments nouveaux depuis 2010: • « Recommandations spécifiques » de la Commission européenne • Mémorandums de la Troïka (GR, P, IRL) • objectifs: • abolition des protections de l’emploi • diminution des salaires et de l’emploi dans le secteur public • blocage de la dynamique salariale par: • décentralisation de la négociation collective • dérogation (abolition du principe de faveur) • actions contre indexation et salaire minimum
2) Sphère de régulation autonome • partout: revendication patronale ancienne: décentralisation de la négociation collective • traditionnellement relayée par l’OCDE (moins aujourd’hui), maintenant surtout par BCE et Commission européenne • question: sauvage, imposée par l’Etat ou coordonnée? • partout: détérioration du rapport des forces • taux de syndicalisation • taux de couverture conventionnelle • taux de grève
Quatre cas de figure théoriques • destruction des dispositifs de la démocratie sociale • montée de l’unilatéralisme étatique pour imposer la décentralisation • décentralisation coordonnée (encadrée par accord central) • dispositifs de la démocratie sociale inchangés ou réactivés
La réalité dans les pays • cas extrême de destruction (1): la Grèce (traité par les intervenants grecs) • Dans les quatre grands pays de la zone Euro (F,D,I,E): situations intermédiaires (entre 3-4 et 2-3) • Dans les deux pays du Nord (France, Allemagne): • Réactivation de la concertation au sommet • En même temps: décentralisation coordonnée • Dans les deux pays du Sud (Italie, Espagne): • Tentatives de régulation étatiques unilatérales, • Puis: réactivation de la concertation au sommet pour encadrer la décentralisation
France: 3 niveaux de négociation • interprofessionnel • branche: minima souvent en dessous du salaire minimum national • entreprise: dynamisée par « lois Auroux » (1982): et par loi 35 heures (1998) • pas de niveau dominant • articulation par principe de faveur • faible taux de syndicalisation (8%), mais • fort taux de couverture (99%) • grâce aux mécanisme de l’extension
France: « lois négociées » • 2004: « loi Fillon » (sur base accord patronat-CFDT-FO-CFTC-CGC): abolition partielle du principe de faveur, accords dérogatoires, dans la pratique peu utilisés • 2007: « loi Larcher »: négociation obligatoire entre partenaires sociaux avant tout projet législatif social du gouvernement, loi inspirée du « protocole social » de Maastricht • 2008: loi sur la « démocratie sociale » (sur base accord patronat-CGT-CFDT): accords « majoritaires », négociation dans entreprises sans représentation syndicale • 2013: accord national interprofessionnel sur accords d’entreprise de « sécurisation de l’emploi » (sans CGT et FO), transposé par loi
Allemagne: 3 niveaux de négociation • interpro: concertation tripartite intermittente • négociation collective: centralité de la branche (sauf CC d’entreprises) • Établissement/entreprise: accords d’établissement négociés par conseils d’entreprise (BR) – loi de 1972 • - obligatoires pour sujets couverts par « droits de codétermination » • - interdiction de négocier sur sujets réservés à la négociation collective (salaire, temps de travail, …)
Réactivation de la concertation dans la crise • 2008-09 Sommets de crise • 2009: 2ème plan de relance: • soutien à la demande • prime à la casse • investissements publics • allègement d’impôts pour PME • extension loi chômage partiel
Le chômage partiel • 60 % (67 % avec enfant) du salaire net financé par Agence fédérale pour l’emploi • jusqu’à 97 % par conventions collectives • nécessaire: accord du conseil d’entreprise
Autres instruments pour l’emploi • accords d’établissements dérogatoires: - métal: 2004-06: 850, 2008: 885, 2009: 743, en vigueur 2010: 1060 • comptes d’épargne temps • par convention collective de branche avec clause d’ouverture • nécessaire : accord conseil d’entreprise et syndicat • « pactes pour l’emploi »: accords d’entreprise avec syndicat • 1993, 2006, 2009, 2010: Volkswagen • Airbus, Siemens, Opel,… • accords de crise régionaux: • - Bavière, Bade-Wurtemberg, Rhénanie du Nord-Westphalie
Emploi sauvegardé, mais... modération salariale (depuis 2004 déjà): • salaires conventionnels réels stagnent • Salaires effectifs réels en baisse rapport de forces affaibli • couverture conventionnelle en baisse: • Branche: 1996: 70 %, 2011: 54% • extension peu utilisée • secteur de bas salaires en hausse: dualisation • lois Hartz: intérim, mini-jobs, externalisation (services) • pas de salaire minimum national • taux de syndicalisation en baisse (montée des services)
conclusion Allemagne • depuis 2011: rattrapage salarial partiel • compétitivité économique sauvegardée • mais situation potentiellement fragile, car: • politique budgétaire serrée • baisse de la demande intérieure • baisse de la demande extérieure en raison des politiques d’austérité en Europe:
Italie: 3 niveaux de négociation • interpro: accords paritaires et tripartites Concertation sur taux d‘inflation programmé • branche: accord tripartite de 1993: - CC de 4 (2009: 3) ans - Rattrapage salarial après 2 ans (jusqu‘en 2009) • accord d’entreprise: RSU et/ou syndicat - salaires: interdiction de déroger de la CC de branche, sauf accord préalable sur primes liées à productivité, rentabilité ou qualité • accord territorial: pour PME sans RSU
Dérogations • 2009: accord tripartite (sans CGIL): accords d’entreprise dérogatoires • 2010 accord Fiat Pomigliano (sans CGIL): dérogation sauvage • 2011: accord interconfédéral unitaire: accords d’entreprise « modificateurs », règle majoritaire • 2011: loi Berlusconi: accords de « proximité » et dérogation, y compris à la loi • 2012: accord tripartite (sans CGIL, 2013 accord d’application avec CGIL): « pacte pour la productivité »
Les accords d’entreprise • Faible poids (données fragmentaires): seulement dans les grandes entreprises de l’industrie (et fonction publique) • Peu d’accords territoriaux • Salariés couverts par accords d’entreprise dans l’industrie: - années 1990: 64 % - années 2000: 54% • Accords salariaux (primes): - 1999: 63 % des accords (> 50 salariés) - 2002: = 1 % des augmentations • 2010-11: accords en hausse, 2012 nouvelle chute • Accords 2010-12: 5 % dérogatoires, 38 % « de crise », 40 % salariaux • Grandes entreprises préfèrent Cassa integrazione (chômage partiel) aux accords dérogatoires
conclusion Italie • Taux de couverture stable • Taux de syndicalisation restabilisé • Résistance syndicale à la dérogation • Faible négociation décentralisée • Modération salariale avec conséquence: • stagnation de la croissance et de la productivité • Problème de compétitivité hors-coût
Espagne: 3 niveaux de négo • interpro: pactes tripartites et accords-cadres paritaires • branche: province et région • entreprise: comité d’entreprise et syndicat
Dérogations • Loi 1994: seulement si CC de branche le permet • Loi 2010 (Zapatero): négociation salariale d’entreprise dérogatoire, si pas d’accord: médiation • Loi 2012 (Rajoy): possibilité de sortir de la CC de branche
Accords d’entreprise • « flexibilité interne » pour éviter licenciements dans 27 % des grandes entreprises (> 250 salariés): • 68 % modifient le salaire, 40 % le temps de travail • 55 % des cas par accord d’entreprise, 28 % unilatéralement, 3 % par médiation, 1 % par renégociation de la CC • préférence des PME pour « flexibilité externe »
Accords de compétitivité dans l’automobile • Renault • Nissan Barcelone • Opel Figuerelas (Saragosse) • Ford Almussafes (Valence) • Volkswagen
conclusion Espagne • Décentralisation limitée • Négociation interpro reste active (accord janvier 2012) malgré pressions de la crise et de l’UE