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20. Roman inédit de Léo Beaulieu. Chapitre 18 - première partie L’Évasion. Chapitre 18 L’évasion
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20 Roman inédit de Léo Beaulieu Chapitre 18 - première partie L’Évasion
Chapitre 18 L’évasion Pendant que Jason se prépare à planifier méticuleusement son projet, Édith a la présence d’esprit de reconstituer et mémoriser le chemin complet du retour qui la ramènerait dans sa chambre le plus expéditivement possible. Elle était devenue experte à ce jeu que les jeunes du refuge baptisèrent ‘les yeux-bandés’. Symboliquement, ce sera l’obscurité totale qui remplacera bientôt le bandeau. Eh oui ! Qui aurait pensé qu’un simple jeu de mémorisation pratiquée par les petites filles de la résidence deviendrait soudainement un outil efficace pour Édith ? Bien malin qui aurait pu prédire… et pourtant ! Avec un calme déconcertant, elle déambule lentement devant Sam, son ‘gardien’, qui ne cesse de l’observer. Astucieuse, elle se dirige vers le petit coin réservé aux dames, situé tout près du couloir vers l’entrée de la salle de réception. – Une étape importante est franchie et une fois l’éclairage absent, je sortirai puis tournerai carrément à gauche pour enfiler le long passage jusqu’à ma chambre. se dit-elle.
Toutefois, il devenait impératif qu’elle puisse récupérer son livret de banque des mains d’Hélène avant de quitter le manoir. Belle affaire ! Que de doigté pour y arriver ! Heureusement, sa chambre était juxtaposée à la sienne et accessible par une porte communicante. Isolée dans un des cabinets du petit coin, elle attend donc impatiemment que les lumières s’éteignent. Songeuse… elle met en cause son impétuosité d’adolescente. – Qu’est-ce qui m’arrive ? J’suis pas mal mêlée ces temps-ci… Hier encore, j’acceptais cette nouvelle vie et j’entrevoyais un avenir prometteur malgré les humiliations que j’aurais à tolérer… puis ce soir, par hasard, je rencontre Jason et tout est chambardé ! En effet, il a suffi de quelques mots échangés pour que je découvre dans quelle galère infâme je me suis embarquée ! Un réseau de prostitution… rien de moins ! Que de honte je ressens quand j’y réfléchis ! Impardonnable ! C’est à me demander si fuir le refuge m’a amenée à un niveau de vie améliorée ? Oh, bien entendu, ce n’est pas désagréable de vivre dans le luxe !
- Cet étalage de richesse qui m’entoure n’a jamais fait partie de ma vie et depuis, mon arrivée ici, c’est l’abondance : le grand luxe, l’alimentation, de beaux vêtements, des meubles qui ornent de façon très chic les appartements, un décor de grand hôtel, quoi ! Enfin presque tout ce que je pouvais espérer ! Mais, quel prix dois-je payer pour ça ? Ce genre de vie est vraiment dégueulasse, mais en même temps, ça me contrarie et m’effraie toujours un peu de prendre la route vers l’inconnu… encore une fois ! Ah, quand donc aurai-je, moi aussi, une vie calme et heureuse comme bien des jeunes de mon âge ? Est-ce que le destin me permettra enfin d’en profiter un jour ? Des questions passent et repassent… et les réponses se font absentes pour l’instant. C’est un moment crucial qui se présente. Elle le sait bien. D’une cavale à l’autre, elle court des risques qui ne sont pas toujours calculés. Oui, des risques pour lesquels des ‘pros’ pourraient prendre le temps de réfléchir avant de passer aux actes. Mais, hélas, l’heure n’est pas à la méditation ; au contraire, elle doit se fier à son instinct qui, depuis son départ de la maison de David, ne lui a pas trop joué de mauvais tours quand même.
D’une esquive à l’autre, les moyens deviennent de plus en plus subtils, il faut bien l’admettre. Elle a essentiellement besoin de toutes ses énergies. – Mais s’il fallait que la fugue avorte, qu’adviendrait-il de moi ? S’il fallait que j’échoue, je suis si jeune ! …Ah, puis, non, il ne faut pas penser à ça. … Malgré tout, le moment est grave ! Elle joue sa liberté, elle en est convaincue. Édith commence à pressentir le pire, son cœur se serre… Elle réévalue les nombreuses décisions qu’elle a dû prendre dans le passé, puis un bruit infernal la fait sursauter. Bang ! Le bruit sourd d’une explosion ! Le manoir est plongé dans le noir ! – Jason a réussi ! C’est le signal ! Notre fugueuse prend alors ses jambes à son cou et regagne sa chambre en moins de temps qu’il ne faut pour le dire ; elle avait vraiment bien mémorisé le parcours.
Tout en s’affairant à changer de tenue pour prendre la poudre d’escampette en moto dans les rues de Manhattan, surtout pendant une nuit froide d’un début d’été tardif, elle prend soudainement conscience de ce qu’elle s’apprête à accomplir. Ce n’est pas du cinéma ! La voilà enfin prête après avoir enfilé un jean, un pull à collet roulé, une veste de cuir et des souliers de course. – Maintenant, comment annoncer à Hélène que je déguerpis du manoir et surtout quels mots utiliser pour la convaincre de me remettre mon livret de banque ? Oh là la ! C’est toute une énigme ! Mon Dieu !… Dans mon énervement, j’allais oublier mon porte-chance ! Se dirigeant dans l’obscurité totale, elle tâtonne nerveusement le fond du tiroir de sa commode pour récupérer son vieux billet de vingt dollars qu’elle glisse en vitesse dans la poche de son jean. - Oufff ! Ça y est ! Arrive le moment périlleux : elle doit avec habileté faire face à Hélène, souhaitant qu’elle soit dans sa chambre.
Le vacarme incessant du va-et-vient depuis la grande salle s’ajoute au bruit des pas saccadés des gens qui courent et se heurtent les uns aux autres, trébuchant sur les obstacles le long du couloir. Le bruit de l’explosion, combiné à la noirceur qui suivit, a semé l’hystérie chez les convives. Ils hurlent d’effroi et se précipitent dans toutes les directions espérant trouver une issue d’urgence. Bien sûr, Jason avait escompté sur un moment de confusion de la part des invités pour faciliter l’escapade d’Édith, mais jamais il n’avait souhaité qu’une telle bousculade s’en suive créant ainsi une effroyable panique. – Mon Dieu ! Qu’est-ce que j’ai fait là ? Et si quelqu’un se blessait ? Je ne pourrai jamais me le pardonner ! Sans perdre un instant, il court en direction de la cuisine où il avait décelé une sortie de service. Édith, entièrement absorbée par l’objectif qu’elle doit rencontrer, nonobstant les ténèbres qui l’enrobent, ne semble pas consciente outre-mesure de la possible tournure dramatique des événements. Ainsi, évitant de faire trop de bruit, elle frappe tout doucement à la porte qui communique avec la chambre de la bonne.
– Qui est-là ? Que se passe-t-il donc ici ? Brusquement sortie de son sommeil, Hélène panique… – Il n’y a plus de lumière ? Je ne vois rien… Mais qu’est-ce qui arrive pour l’amour du ciel ? Édith ? C’est toi, Édith, qui est là ? – Oui, c’est moi ! Je dois te parler ! C’est urgent ! dit-elle en tournant la poignée de la porte et se dirigeant à tâtons vers le lit de la bonne. – Où es-tu, Édit ? Je ne te vois pas… Fin du premier chapitre 18 - À suivre…
20 Tous droits réservés – 2006 Photos : Pierrette Beaulieu Thème musical : Le Duel De Michel Cusson