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Vers une amélioration des pratiques cliniques et de l’organisation des services en prévention du suicide: quelques enseignements de la recherche. Janie Houle, PhD Université du Québec à Montréal Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie Équipe Masculinités et Société.
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Vers une amélioration des pratiques cliniques et de l’organisation des services en prévention du suicide:quelques enseignements de la recherche Janie Houle, PhD Université du Québec à Montréal Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie Équipe Masculinités et Société
Trois améliorations souhaitables • Être proactif et tendre la main • Collaborer avec les proches • Établir et cultiver le partenariat
Un profil de personnes décédées • Équipe de chercheurs du Groupe McGill d’étude sur le suicide: Monique Séguin, Gustavo Turecki, Michel Tousignant, Alexander McGirr… • Entre 2000 et 2005, 361 personnes décédées par suicide ont fait l’objet d’une autopsie psychologique • Entrevues en profondeur auprès d’un membre de l’entourage (conjointe, mère, enfant ou autre)
Un profil des personnes décédées Kim, C., Lesage A., Séguin, M. et al., (2003). Patterns of co-morbidity in male suicide completers. Psychological Medicine, 33, 1299-1309. Dumais, A., Lesage, A., et al. (2005). Risk factors for suicide completion in major depression: A case-control study of impulsive and agressive behaviors in men. Am J Psychiatry, 162, 2116-2124.
Un profil des personnes décédées Tousignant, M. Séguin, M., Lesage, A., Chawky, N., Turecki, G. (2003). Le suicide chez les hommes de 18 à 55 ans: trajectoires de vie. Revue québécoise de psychologie, 24(1), 145-159. Dumais, A., Lesage, A., et al. (2005). Risk factors for suicide completion in major depression: A case-control study of impulsive and agressive behaviors in men. Am J Psychiatry, 162, 2116-2124. Zouk, H., Tousignant, M., Séguin, M. et al. (2006). Characterization of impulsivity in suicide completers: Clinical, behavioral, and psychosocial dimensions. J Aff Dis, 92, 195-204.
Un profil des personnes décédées • Événements précipitant le suicide (3 mois) • Séparation humiliante (50%) • Avec partenaire amoureux (41%) • Avec enfants ou parents (8%) • Autre événement humiliant (20%) • Arrestation • Menaces en raison de dettes de drogues • Autre perte (10%) • Décès • Séparation amoureuse d’un commun accord • Perte d’une amitié Tousignant, M. Séguin, M., Lesage, A., Chawky, N., Turecki, G. (2003). Le suicide chez les hommes de 18 à 55 ans: trajectoires de vie. Revue québécoise de psychologie, 24(1), 145-159.
Un profil des personnes décédées • La tentative de suicide est le facteur de risque le plus important des décès par suicide (risque 16X plus élevé; Yoshimasu et al., 2008) • Personnes admises à l’hôpital après une tentative de suicide: • Taux de suicide au cours de la première année suivant le congé: • 1 800 pour 100 000 chez les personnes admises à l’urgence après une tentative (Owens et al., 2002) • 3 000 pour 100 000 chez les personnes hospitalisées après une tentative en Finlande (Haukka et al., 2008)
Un profil des personnes décédées • 80% des personnes qui se suicident sont des hommes: • L’adhésion au rôle masculin traditionnel (stoïcisme, autonomie, réussite, agressivité) est associée à un risque plus élevé de comportements suicidaires (Houle et al., 2008) • Les exigences de la psychothérapie sont en contradiction avec celles du rôle masculin (Brooks et al., 1998)
Brooks, G.R. (1998). A new psychotherapy for traditional men. San Francisco: Jossey Bass Publishers. Dulac, G. (1999). Intervenir auprès des clientèles masculines. Théories et pratiques québécoises. AIDRAH.
Un profil des personnes décédées • CONSTATS: • Les personnes qui se suicident n’ont pas le profil du bon client docile et compliant • Le professionnel seul a peu de chances de prévenir le suicide chez des personnes qui cumulent autant de facteurs de risque • Importance VITALE de travailler en partenariat avec les autres professionnels, les autres établissements, mais aussi et surtout avec les proches
Considérant le profil des personnes qui s’enlèvent la vie à Montréal, nos pratiques et notre organisation des services sont-elles optimales pour prévenir le suicide?
Trois améliorations souhaitables • Être proactif et tendre la main • Collaborer avec les proches • Établir et cultiver le partenariat
1. Être proactif et tendre la main «Pour contrer le suicide, il faudra apprendre à pénétrer dans la sphère privée des personnes suicidaires. Non pas pour les forcer à faire des confidences qu’elles ne sont pas prêtes à faire ou à accepter une aide non sollicitée, mais pour leur faire comprendre qu’il y a quelqu’un de sensible à leur souffrance, prête à leur offrir une oreille attentive.» Michel Tousignant et Monique Séguin. (1999). Le dilemme de la protection de la vie privée dans l’assistance aux personnes suicidaires. Revue française de psychiatrie, 30.
1. Être proactif et tendre la main «C’est à vous de nous offrir vos services et de nous expliquer ce que vous pouvez faire pour nous aider, et non pas à nous de venir cogner à votre porte pour demander de l’aide alors que nous ne croyons plus en rien...» Roméo Dallaire (2006) Conférence de fermeture du Congrès international de la Francophonie en prévention du suicide, Montréal.
1. Être proactif et tendre la main Le parrainage téléphonique de SAM • Rappel des personnes qui ont nécessité l’envoi de secours, car un passage à l’acte était effectif ou imminent • Offre de quelques contacts téléphoniques avec le même intervenant afin d’assurer un filet de sécurité entre le congé de l’hôpital et le suivi (période à risque élevé de suicide) • Justification éthique: demande d’aide précédente et urgence d’agir
1. Être proactif et tendre la main Résultats de l’évaluation: • Réactions unanimement favorables à l’appel inattendu • Caractère proactif du service est l’aspect le plus apprécié • «Dans mon cas, je suis toujours toute seule. Je n’ai personne à qui parler et de savoir qu’il y avait quelqu’un quelque part qui n’avait pas oublié que j’avais eu un problème et que la personne rappelle pour savoir comment ça va, cela m’a fait du bien.» • «Je me sentais importante. Je ne me sentais pas comme un simple numéro.» • «J’avais besoin d’aide et d’avoir quelqu’un à qui parler, mais je n’aurais jamais fait les premiers pas moi-même.» Houle J, Codaire AM, Poulin C. (2009). Évaluation d’une intervention proactive auprès des personnes à haut risque de suicide. Revue canadienne de santé mentale communautaire, 28(10), 35-47.
1. Être proactif et tendre la main CONSTATS: • Tendre la main transmet un important message d’espoir: «on ne vous a pas oublié, vous n’êtes plus seul désormais avec vos difficultés» • Sentiment d’être connecté à autrui est un puissant facteur de protection du suicide, dont on ne peut pas se permettre de faire l’économie!
Trois améliorations souhaitables • Être proactif et tendre la main • Collaborer avec les proches • Établir et cultiver le partenariat
2. Collaborer avec les proches • Les proches sont : • des raisons de vivre • des intermédiaires (souvent essentiels) entre la personne suicidaire et les ressources d’aide • des sources de soutien Mishara B, Houle J. (2008). Le rôle des proches dans la prévention du suicide. Perspectives Psy, 47(4),343-349. Dulac, G. (1999). Intervenir auprès des clientèles masculines. Théories et pratiques québécoises. AIDRAH.
2. Collaborer avec les proches • Il est bien établi au plan scientifique que: • Le soutien de l’entourage protège du suicide et des tentatives de suicide • L’implication des proches améliore l’adhésion au traitement
2. Collaborer avec les proches • D’ailleurs, les guides de bonnes pratiques recommendent tous d’impliquer les proches: • «Impliquer la famille et les proches selon leur disponibilité, au moment de l’évaluation et de l’intervention» Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (2007). Prévenir le suicide pour préserver la vie. Guide de pratique clinique. • «Faire une place aux proches de la personne suicidaire dans le suivi (…) Faciliter l’accès des proches à des services de soutien» Ministère de la santé et des services sociaux (2010). Guide de bonnes pratiques à l’intention des intervenants des CSSS. • «Fournir de l’éducation aux patients et aux familles (…) Il est important d’aider les familles à développer des stratégies pour répondre de manière aidante et positive à un proche qui traverse une crise suicidaire» American Psychiatric Association (2003). Practice guidelines for the assessment and treatment of patients with suicidal behaviors.
2. Collaborer avec les proches • Pourtant... • À Montréal, une étude auprès de 52 personnes admises à l’urgence après une tentative de suicide indique que 60% ont quitté l’urgence sans qu’aucun contact n’ait été initié avec un proche (Houle et Poulin, 2009)
2. Collaborer avec les proches • La tentative de suicide provoque beaucoup de stress et de détresse chez les proches • Sentiments d’inquiétude, de responsabilité à prévenir une autre tentative • Un an après la tentative de suicide, 77% des proches sont encore inquiets à l’égard d’un nouveau passage à l’acte • Sentiment d’impuissance, de colère, de culpabilité Magne-Ingvar U, Öjehagen A. Significant others of suicide attemtpters: their views at the time of the acute psychiatric consultation. Soc Psychiatry Psychiatr Epidemiol 1999;34:73-79. Talseth AG (2001). Psychiatric care of people at risk of committing suicide: Narratives interviews with registered nurses, physicians, patients and their relatives. Unpublished master’s thesis.
2. Collaborer avec les proches • Épuisement des proches • Soutenir une personne suicidaire est très exigeant et complexe • Avec le temps les proches non soutenus s’épuisent et se découragent • Un proche épuisé ne peut plus exercer son rôle de protection du suicide • ATTENTION au découragement des proches, il précède bien des suicides! Tousignant, M. Séguin, M., Lesage, A., Chawky, N., Turecki, G. (2003). Le suicide chez les hommes de 18 à 55 ans: trajectoires de vie. Revue québécoise de psychologie, 24(1), 145-159.
2. Collaborer avec les proches • Les proches ont besoin • d’éducation et d’information • de soutien • d’être impliqué dans les soins, les plans de suivi, le traitement Beautrais AL (2004). Support for families, Whanau ang significant others after a suicide attempt. A literature review and synthesis of evidence. Canterbury Suicide Project. Centre for Suicide Prevention (2009). Attempted suicide: The perspective of significant others. SIEC Alert #71.
2. Collaborer avec les proches • Interventions auprès des proches à SAM • Participants: 131 proches d’hommes suicidaires (tentative de suicide récente et/ou dépression majeure et/ou problèmes de consommation) • Assignation au hasard: • Rencontre d’information • Rencontre d’information avec contact téléphonique • Parrainage téléphonique • Accès rapide à une ressource spécialisée • Questionnaires: • Avant l’intervention • Deux mois après l’intervention
2. Collaborer avec les proches • Résultats de l’évaluation: • Proches • Moins de détresse psychologique • Meilleures stratégies d’adaptation • Communication plus efficace et aidante avec l’homme suicidaire • Hommes suicidaires • Moins d’idéations suicidaires • Moins de symptômes de dépression • Moins de tentatives de suicide Mishara B, Houle J, Lavoie B. (2005). Comparison of the effects of four suicide prevention programs for family and friends of high-risk suicidal men who do not seek help themselves. Suicide and Life-Threatening Behavior, 35(3), 329-342.
2. Collaborer avec les proches CONSTATS: • Une prévention efficace passe nécessairement par la restauration et le maintien des liens sociaux qui rattachent les personnes suicidaires à la vie. • La conjointe, les amis, les parents, la fratrie… tous possèdent un potentiel d’intervention énorme qu’il est impératif de mettre à profit!
Trois améliorations souhaitables • Être proactif et tendre la main • Collaborer avec les proches • Établir et cultiver le partenariat
3. Établir et cultiver le partenariat Qualité de la prise en charge et du suivi des personnes admises à l’urgence suite à une tentative de suicide • Recrutement dans 3 urgences psychiatriques de Montréal au cours d’une période de 12 mois • Participants: 52 personnes admises à l’urgence suite à une tentative de suicide • Deux entrevues téléphoniques: • Deux semaines après le congé de l’hôpital; • Six semaines plus tard (2 mois après le congé) Houle J, Poulin C.(2009). Le suivi des personnes admises à l’urgence suite à une tentative de suicide. Direction de santé publique. ASSS de Montréal. 96 pages. ISBN 978-2-89494-792-0.
3. Établir et cultiver le partenariat Houle J, Poulin C.(2009). Le suivi des personnes admises à l’urgence suite à une tentative de suicide. Direction de santé publique. ASSS de Montréal. 96 pages. ISBN 978-2-89494-792-0.
3. Établir et cultiver le partenariat 2 = 9,5; p < 0,01 Houle J, Poulin C.(2009). Le suivi des personnes admises à l’urgence suite à une tentative de suicide. Direction de santé publique. ASSS de Montréal. 96 pages. ISBN 978-2-89494-792-0.
3. Établir et cultiver le partenariat • Importance VITALE d’établir des ententes de partenariat pour assurer une continuité de services aux personnes suicidaires • Bon service, au bon moment, par la bonne personne • Protocole MARCO a été un précurseur dans le domaine
3. Établir et cultiver le partenariat • Protocole MARCO au moment de son évaluation (2005) • 3 territoires de la région de Montréal • 15 établissements partenaires: • CLSC • Hôpitaux • Centres de crise • Centre de réadaptation en toxicomanie • Suicide Action Montréal
3. Établir et cultiver le partenariat Résultats de l’évaluation: • Défis liés à l’implantation d’un protocole de référence inter-établissement: • Bâtir une relation de confiance • Nécessite des échanges réguliers entre les partenaires • Leadership et la coordination • Bons porteurs de dossier à l’interne et bon coordonnateur à l’externe • Efforts de promotion continus • Intégration des procédures de référence dans les pratiques courantes d’un personnel qui a un taux de roulement élevé Houle J, Poulin C, Van Nieuwenhuyse H. (2009). Improving continuity of care for suicidal persons through collaboration between hospitals and community-based services. Canadian Journal of Community Mental Health, 29(1), 107-118
3. Établir et cultiver le partenariat CONSTATS: • La collaboration interprofessionnelle et inter-établissements: défi le plus important à relever en santé mentale (Gerardi, 2007) • Les relations de partenariat doivent être cultivées au quotidien si l’on souhaite les garder vivantes et efficaces. • Cela prend du temps, de la persévérance, une grande ouverture d’esprit et des occasions de rencontres comme celle d’aujourd’hui!