Filles et garçons dans les mini-entreprises

1. Filles et garçons dans les mini-entreprises Mardi 15 avril 2014 Université Lille 3

2. Introduction: • Des femmes minoritaires parmi les dirigeants et les créateurs d’entreprises (18% des dirigeants, 29% des créateurs), • Des femmes globalement sous-représentées dans le monde de l’entreprise, et plus présentes dans l’emploi public, • Plus diplômées en moyenne que les hommes, elles accèdent moins aux postes à responsabilité, • Des orientations différentes durant la scolarité expliquent en partie ces inégalités.

3. Quelques mots sur la notion de genre • La notion de genre rend compte des différences non biologiques, et en particulier des différences socialement construites, entre les hommes et les femmes. • Le genre se manifeste notamment à travers l’existence de rôles « traditionnels », socialement valorisés, différents pour les hommes et les femmes. Ces rôles sont souvent hiérarchisés, induisant une domination des hommes sur les femmes. • La notion n’est pas figée: les rôles sociaux peuvent évoluer.

4. Mixité, parité, égalité • La mixité renvoie à la coprésence des deux sexes dans un espace, • La parité renvoie principalement à l’égale représentation des deux sexes dans une organisation, • Cependant, une autre acception du terme porte sur l’égale reconnaissance, à tâche égale, du travail des femmes et des hommes, • La parité constitue un outil au service de l’égalité.

5. Quel équilibre dans l’effectif des mini-entreprises • Sur l’ensemble des mini-entreprises, un équilibre entre filles et garçons (47% de filles), • Des effectifs répartis de façon très variables: • 28 mini entreprises sur 68 comptent entre 40 et 60% de filles • 12 comptent 75% de garçons et plus • 8 comptent 75% de filles et plus • 53% des professeurs accompagnant les mini-entreprises sont des hommes.

6. Pourcentage de filles dans les mini-entreprises (selon questionnaire)

7. Quelle explication pour ces répartitions • Des mini-entreprises parfois constituées au sein de sections ou d’options au recrutement fortement genré, • Mais cela ne semble pas toujours être un élément décisif (pas d’écart marqué entre participation des filles et des garçons en lycée professionnel), • Les affinités semblent jouer dans la constitution des groupes quand elle se fait sur le volontariat: « Un ami a nous a levé la main, on s’est dit pourquoi pas » (entretien élève).

8. La conception de la parité chez les élèves • La trame du dossier que doivent compléter les élèves comporte cette question: « Y a-t-il une parité entre les hommes et les femmes? » • Quand le déséquilibre est fort, les élèves se justifient parfois: « Parmi nous, il y a 8 filles et 4 garçons, nous ne respectons pas la parité homme-femme, mais nous n'avons pas choisi les membres de notre équipe. En effet, c'est notre professeur qui nous a sélectionnés dans le cadre d'un questionnaire d'entrée dans la mini-entreprise. » (dossier mini-entreprise)

9. Tous égaux dans la mini-entreprise? • Pour certains, l’absence de mixité n’est pas un obstacle à l’égalité: « Nous n'avons pas de femme dans notre mini et nous partons du principe que nous sommes tous égaux dans la mini entreprise. » • Pour d’autres, la parité suffit à l’égalité: « Les 12 mini entrepreneurs se composent de 6 garçons et 6 filles. Notre mini-entreprise fonctionne de manière équitable pour tout le monde. » • Mais est-ce si évident?

10. La répartition des rôles (1) • Dans les dossiers les élèves utilisent souvent un tableau présentant les compétences et les centres d’intérêt des élèves. Ces deux éléments sont mis en avant dans la répartition des rôles. • « Les taches sont bien reparties au sein de notre entreprise entre les garçons et les filles chacun s’investissant dans le service qui lui convient le mieux, notre entreprise est composé de 10 garçons et de 15 filles. » (dossier)

11. La répartition des rôles (2) • Or les centrés d’intérêt sont souvent liés au genre (par exemple, informatique et jeux vidéos pour les garçons, danse, équitation pour les filles). • Les compétences identifiées par les élèves sont parfois différentiées (exemple: « mathématique, fabrication, graphisme » pour les garçons, « organisation, rigueur, sérieux » pour les filles). • Certains dossiers attribuent collectivement des compétences et des centres d’intérêt à l’ensemble des filles d’un côté, à l’ensemble des garçons de l’autre.

12. La répartition des rôles (3) • Même quand les dossiers mettent en avant la répartition égalitaire des rôles, on trouve souvent des déséquilibres entre différents services, voire des services non mixtes. • « Oui, il y a parité entre les hommes et les femmes dans notre entreprise. Nous sommes 18 élèves : 10 filles et 8 garçons et notre entreprise est dirigée également par un garçon et une fille. De plus, la parité est respectée dans chaque service de notre mini entreprise » quand l’organigramme montre pourtant qu’il en est autrement : 4 filles à la production, 4 filles sur le secteur commercial, 4 garçons aux ressources humaines, 3 garçons à la comptabilité.

13. La répartition des rôles (4) • « La mini entreprise X comprend dans ses rangs une femme qui apporte un regard plus féminin sur l'ensemble du projet ». Elle est responsable administrative.

14. Les mini-entreprises unisexes • Deux mini-entreprises, composées exclusivement de filles, revendiquent cette particularité (dans le nom – incluant « elles » ou « miss » - et dans les couleurs « féminines » du logo). • Les mini-entreprises composées de garçons ne le revendiquent pas. Est-ce plus difficile à assumer, ou au contraire cela va-t-il de soi?

15. La place du minoritaire • « X, le seule garçon et le plus jeune membre de l’entreprise a su très vite trouver sa place parmi les 5 filles. » • Il n’est pas rare qu’un élève seul de son sexe dans la mini entreprise en assume la direction, seul ou en binôme: « C’est une SCOOP composée d’élèves de dessin industriel et d’usinage, classe dans laquelle il y a peu de mixité (1 fille). X est donc une entreprise majoritairement masculine, cependant notre PDG est [nom de la fille] »

16. Des prises de position en faveur de la parité • Des binômes fille-garçon à la direction des mini-entreprises. • « piste d’amélioration: on a fait des groupes mixtes pour équilibrer les équipes ». • Des choix de logo « unisexes » (couleurs non marquées ou complémentaires)

17. Dans le travail, des détails révélateurs • Dans une mini-entreprise proposant un service de repassage, les garçons sont présentés devant des classeurs et des tableaux blancs, les filles fer à repasser en main. • Dans une autre entreprise fabriquant des objets en bois, un garçon est photographié en atelier, des filles faisant une vente. • Il y a parfois des écarts entre l’organigramme et ce qui disent les dossiers de l’activité réelle.

18. Des rôles parfois non questionnés • « L’année dernière, on avait fabriqué des petites pochettes qui contenaient des clés USB, c’était en lien avec le développement durable. On avait récupéré des jeans, les filles avaient découpé, cousu, on avait mis un crochet avec un petit mousqueton qui servait à ne pas perdre sa clé USB » (Paul, enseignant) • « Après avoir cherché d’autres issues mais sans solution, nous avons décidé de faire une production artisanale car trois membres de l’équipe savaient coudre et nous pourrions avoir l’aide de mères et grands-mères de certains membres de l’équipe. » (dossier)

19. Une répartition des rôles parfois assumée • Pour une mini-entreprise qui vend des préservatifs: « Les garçons ont ici fait preuve de galanterie en laissant les filles se débrouiller. Mais cela a fonctionné. Le lycée est composé en majorité de garçons et l équipe de choc et de charme est allée à leur rencontre et on manifestement trouvé les bons arguments!! »

20. Une implication différenciée? • « Alors il y a neuf garçons et cinq filles. Dans les garçons, on a un peu tous les caractères, du très réservé au plus expansif. Chez les filles, c’est assez extériorisé. On a souvent des petits conflits entre les filles et les garçons, les filles trouvent les garçons trop mous et les garçons trouvent les filles très entreprenantes. Il faut passer par le gérant, et le gérant, c’est un garçon…. Il faut respecter la hiérarchie et c’est ce qui pose problème en fait. » (Leïla, enseignante)

21. Des effets d’affinités avec les enseignants? • Les enseignants hommes tendent à juger la conduite de la mini-entreprise plus facile quand ils s’occupent d’un groupe où les garçons sont majoritaires. • Les enseignants indiquent développer leur créativité professionnelle plutôt dans les cas où elles suivent un groupe composé majoritairement de filles.

22. En conclusion • Les élèves ont saisi la notion « mathématique » de parité, mais ne peuvent pas toujours la respecter. • La croyance selon laquelle une répartition par goûts et compétences serait nécessairement équitable vient masquer des effets de genre. • La fluidité des rôles dans les mini-entreprises joue un rôle complexe: dépassement d’une répartition initiale stéréotypée, ou retour des stéréotypes. • Les élèves apparaissent néanmoins réceptifs aux principes d’égalité.