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économie de la culture et du spectacle vivant Maxime legrand. L’artiste dans une économie de marché : La question de la place d l’artiste dans la société. Introduction.
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économie de la culture et du spectacle vivantMaxime legrand L’artiste dans une économie de marché : La question de la place d l’artiste dans la société.
Introduction • Dans bien des sociétés, l’art ne s’est pas manifesté comme une activité spécifique trouvant en elle-même sa raison d’être, mais plutôt comme l’auxiliaire d’autres fonctions, bénéficiant alors de leurs bases économiques. • Lorsque l’art revendique son autonomie, les compétences artistiques sont conduites à rechercher d’autres bases économiques. • A l’invention « moderne » de l’art correspond la nécessité d’une nouvelle architecture économique des arts, et de la pertinence de cette dernière dépendra la viabilité du système et de la condition artistique.
1. La notion d’artiste : perspectives historiques. • Dans l’antiquité, Atristote reconnaissait deux capacités : • la première consistait à savoir suivre un raisonnement ; • la seconde à faire preuve d’une certaine intelligence ou intuition. • Lorsque le terme d’art apparait il s’agit de souligner l’existence d’une méthode adéquate, et suivie de manière rigoureuse, pour atteindre les résultats recherchés. • Au Moyen Age, on trouve une classification entre des arts dits libéraux et des arts mécaniques. L’artiste n’est pas créateur : il fait, mais seul Dieu Crée. • A l’égal des autres travailleurs manuels, les artistes se sont regroupés dans des ateliers qui produisent et vendent eux-mêmes le produit de leurs activités. • Le fait de devenir un artiste n’est pas nécessairement le fruit d’une vocation, mais plutôt celui du choix des parents mettant en apprentissage leurs enfants à l’âge de onze ou douze ans. • Ces ateliers fonctionnent comme de véritables entreprises. L’artiste est technicien avant d’être artiste et il lui faut tout savoir faire d’un bout à l’autre de la chaîne. Bien entendu, une certaine division du travail s’agence. • Jusqu’à la fin du Moyen Age, et depuis l’antiquité, les figures de l’artiste et de l’artisan ne sont donc pas clairement dissociées.
C’est au cours des XVIIème et XVIIIème siècle, au moment où s’effectuait la grande division entre artisanat et art, que la notion d’œuvre d’art apparut clairement • C’est au XVIIIème siècle seulement que la notion de beauté ou même de génie s’impose au-delà de celle d’aptitude ou de capacité. (cf. Vasari) • On voit apparaître des biographies d’artistes. L’ouvrage de Vasari décrit d’ailleurs les artistes de l’Académie florentine à l’égal des artificiers qui ont atteint une grande renommée, mais pas encore comme des êtres à part. • Les artistes donnent des autoportraits d’eux-mêmes, tel Dürer qui se peint en Christ. • Enfin on voit apparaître la notion d’artiste de cours : celui-ci n’est plus un artisan et se déplace comme il l’entend sans avoir à respecter les normes des guildes locales. • La transformation des ateliers. Ils vont considérablement se développer et diviser le travail en conséquence. Certains ateliers vont ainsi atteindre une taille souvent démesurée, tel celui de Raphaël. Mieux encore, certains ateliers vont devenir de véritables holdings, telle la bottegha du Titien à Venise : il détient des intérêts dans toute une série d’autres ateliers qui travaillent dans des domaines connexes, tel le bois. • Aristocratie et artistes se considèrent désormais comme quasi égaux, ce qui change bien entendu la nature des contrats et des commandes. Autrement dit, les artistes deviennent auteurs. • C’est alors que la notion d’artiste va apparaître de plus en plus en opposition avec celle d’artisan. • L’artiste est censé découvrir ce qui existe plutôt que de copier ou recopier. • Il doit témoigner de l’esprit ou du genius plutôt que de l’ingenius.
En fait, la différenciation des deux modèles de l’artiste et de l’artisan va s’appuyer sur trois éléments : • Le premier est la formation. Avec l’Académie, le maître ne compte plus et seul le savoir théorique importe. En fait, ce savoir théorique se ramène surtout au dessin, et la grande différence vient de ce que les ateliers faisaient surtout l’apprentissage des couleurs, là où les académies apprenaient le dessin. Une différence apparaît aussi dans la distanciation entre professeurs et élèves. On assiste alors à la mise en place d’un modèle vocationnel fondé sur la notion de don. A travers ce modèle, on assiste à la reconnaissance croissante de la personne, de la spécificité et, donc, de la créativité qui s’instaure. • Le second élément de différenciation important se joue au niveau de la rétribution. Un critère immatériel s’ajoute désormais (et que l’on retrouvera d’une certaine manière dans l’aura de l’œuvre d’art développée par Benjamin), lié à la personnalité du peintre. • Le troisième élément porte sur le statut social de l’artiste. En fait, le véritable clivage se situe désormais entre théorie ou science, et arts ou pratiques. On va opposer arts, métiers et manufactures, traduisant une dégradation croissante de l’inventivité, mais surtout une distinction entre activité noble et des activités laissées au peuple. On voit alors apparaître, ou réapparaître, l’utilité comme ligne de démarcation. Alors le terme d’artiste se verra attribué dans l’Encyclopédie, une dimension intellectuelle et l’idée d’un libre choix. • Ces différents éléments de différenciation témoignent de l’apparition de l’individu-artiste tel que nous le connaissons encore aujourd’hui.
2. L’artiste dans la cité aujourd’hui : Artiste et économie de marché : une reconnaissance socio-économique difficile à trouver. • Les gens de théâtre : • L’acteur a gagné en tout état de cause bien plus que l’auteur. Cela était d’ailleurs lié au fait que les répertoires étaient étroits, ce qui faisait que les acteurs étaient mieux assurés de la permanence de leur activité que les auteurs. En outre, ils pouvaient cumuler leur fonction avec celle de directeur et même d’auteur, le meilleur exemple étant celui de Molière, qui aurait touché plus du double comme acteur et directeur de la troupe que ce qu’il touchait comme auteur. • En fait, on s’aperçut que la faiblesse de plus en plus notable dans le temps des revenus d’auteurs et même des acteurs n’était pas due à la grivèlerie des administrateurs de théâtre, mais à la faiblesse du marché. Les pièces étaient peu jouées. L’opéra n’avait pratiquement pas de public avec, en 1778, 112 abonnés seulement. Pour l’ensemble des théâtres parisiens, les quatre cinquième des recettes provenaient des places deux fois supérieures au prix moyen. Quant aux spectateurs, ils purent bientôt passer trois heures dans les music-halls, pour un prix vingt fois inférieur.
Quelques éléments socio-économiques plus généraux: • Tout le monde s’accorde à reconnaître que les artistes reçoivent des rémunérations plus faible que la moyenne. • Aux Etats Unis, cet écart serait de l’ordre de 6%. • En Angleterre et en Allemagne, on retrouve des écarts comparables. • En France, il serait de 10 à 30% selon les secteurs d’activités. • Même en Russie, où les artistes ont longtemps connu un statut plus favorisé, le revenu artistique est inférieur de près de 30% par rapport à la moyenne au début des années 80 pour atteindre le seuil de 40% dans les années 90. • Une des enquêtes menées en Nouvelle-Angleterre montre que les revenus artistiques ne représentent que 46% des revenus des artistes. Leur revenu d’activité moyen est inférieur de 1,6% au revenu moyen des travailleurs alors que leur niveau de qualification est supérieur de 16,6%, à celui du reste de la population. Cette situation des artistes est en outre aggravée par le fait que le coût de leurs activités sont souvent élevés et peuvent largement l’emporter sur leur revenus. Ce déficit est en général comblé par des revenus non artistiques. • L’une des dernière études, publiée par l‘UE en 2006, détache deux traits: • la fragilité de l’emploi des artistes (plus d’un quart sont des travailleurs à temps partiel alors que cette proportion n’est que de un sur six en moyenne) ; • la sous-rémunération (alors que les artistes sont relativement plus qualifiés que la moyenne – deux sur trois ont une formation supérieure contre un sur quatre pour le reste de l’économie – leur rémunération est inférieure de 10%). • Mais une chose est de constater la fragilité économique des artistes, voire la fatalité économique de leurs situation, une autre est d’en faire une conséquence intrinsèque de l’économie de marché.
2. L’artiste dans la cité aujourd’hui : Perspectives philosophiques sur l’artiste face à l’économie : le problème contemporain de l’artiste dans la cité. • La nouveauté en soi, c’est-à-dire qui n’est pas déjà comprise dans un besoin qui la précède, ou plus généralement dans une cause qui la provoque, ne peut apparaître que dans un espace vierge et dénué de finalité. C’est, en quelque sorte, le thème de l’art pour l’art qui sera repris par les romantiques au XIXème siècle. • Mais il ne s’agit pas de dire ici que les œuvres d’art sont dénuées d’utilité ou de fonction. Il s’agit simplement de dire que ces fonctions, ou cette utilité, ne peut précéder l’œuvre d’art ni être contemporain de sa création. Si tel n’était pas le cas, nous retomberions dans la figure d’un artiste artisan qui cherche à élaborer un stratagème, ou une innovation pour répondre à une demande, un besoin ou un problème. • Ainsi donc, l’œuvre d’art au moment de sa création est gratuite • Et c’est peut-être là une première explication à la difficile place de l’artiste dans notre société contemporaine. Dans une économie de marché, il est évidemment difficile de donner une valeur économique à une chose qui, pour exister, ne peut en avoir de prime abord. C’est une fois que le besoin, ou la fonction de l’œuvre d’art sera reconnu et revêtu par elle que sa valeur d’échange pourra être fixée. • De plus, en tant que créateur de nouvelles valeurs, l’artiste s’oppose constamment aux valeurs instituées. Il est un trouble fait. Une source d’anomie. • Pour reprendre une phrase de Nietzsche, l’artiste c’est celui qui peut dire : « je suis né posthume ».
Cependant, la valeur de l’art est souvent justifiée par sa dimension sociale. • Le débat a d’abord été ouvert par ceux qui se sont intéressés à la capacité des arts à fonder une vie en communauté, ou au contraire, à la dissoudre, certains auteurs, comme Rousseau cultivèrent ces deux positions à la fois. • Le débat réapparait aujourd’hui sous une forme privilégié et moralisatrice, celle de l’opposition entre des médias aliénants et un art salvateur. • Mais le véritable changement est venu de la naissance du concept d’esthétique, puisque l’œuvre d’art ainsi identifiée était supposée améliorer ceux qui en bénéficiaient sur le plan moral, spirituel et émotionnel. • Pour Hegel, l’art modère la sauvagerie des désirs. • Pour Shelley, les poètes sont les fondateurs de la société civile puisqu’ils stimulent l’imagination, elle-même instrument du bien moral. • Mais bien loin de penser que ces facettes soient incompatibles, nous allons maintenant essayer de cerner comment elles peuvent ce rejoindre dans une voie qui pourrait permettre aux artistes contemporains de trouver une nouvelle place dans nos sociétés.
2. L’artiste dans la cité aujourd’hui : L’artiste comme modèle d’innovation et de réenchantement : L’artiste, l’entreprise et leur possible collaboration. • Plusieurs choses semblent se dessiner aujourd’hui concernant la place de l’artiste dans une économie de marché, et plus généralement dans nos sociétés. • La première concerne le lien qui semble réapparaître entre le monde de l’entreprise et le monde l’art. Comme nous l’avons vu précédemment, l’artiste de la Renaissance faisait preuve de compétences proches de celle de l’entrepreneur et du gestionnaire. • De plus, l’art comme création est avant tout prise de risque et productions de nouveaux besoins, de nouvelles fonctions et de nouvelles valeurs. Tout ce qui est aujourd’hui recherché par les entreprises pour se démarquer de leurs concurrentes. • L’un des partenariats possibles est alors le mécénat. Le premier argument alors invoqué par les entreprises mécènes est le prolongement de leur capacité d’innover. Il ne s’agit pas seulement d’innovations technique ou technologique, mais tout simplement de ce que l’entreprise en soi est un pôle d’initiative et de créativité qui a aussi besoin d’être stimulé. • Les arts sont aujourd’hui également utilisés pour stimuler la consommation. Les espaces commerciaux contemporains sont de plus en plus aménagés pour conduire ceux qui y viennent à dépenser le plus possible, qu’ils s’agissent de grands magasins, de bateaux, de casinos, etc. Il s’agit là de véritables cathédrales de la consommation, de lieux enchantés, voire sacrés, aux yeux des consommateurs. Mais pour les attirer, il leur faut renforcer en permanence leur caractère magique. • La thèse de Weber sur le désenchantement du monde permet de comprendre comment les arts peuvent créer ce caractère enchanteur. Pour Weber, l’économie capitaliste est une économie hautement organisée et rationalisée de telle sorte que toutes ses structures, y compris celles de consommation, finissent par exercer une emprise des plus pesantes sur les personnes qui y vivent. La recherche de rationalisation conduit à une société aride et formalisée qu’il convient donc de rendre plus agréable en la ré-enchantant. Il faut y introduire des magiciens, des rêves et de la fantaisie (cf. Maffesoli). Les lieux de consommation doivent être sacrés, et l’aménagement du Bon marché à la fin du XIXème siècle traduit cette volonté.
Conclusion • De l’artiste-artisan à l’individu-artiste, et jusqu’à l’artiste dans les perspectives qui s’ouvrent à lui dans la collaboration avec les entreprises, sa place dans la société a fortement évoluée. De nombreuses raisons socio-économiques sont à invoquer. Mais il y a aussi, comme nous l’avons vue une trame, peut-être plus profonde, qui se dessine au travers des notions d’art et d’artiste. • Créateur et destructeur de valeur, producteur du radicalement inédit, l’artiste est ses œuvres dérangent, sans doute, les institutions en place. Cependant, sa capacité et ses processus de création sont indispensables au renouvellement social et culturel, et même plus, au renouvellement économique dans une certaine mesure. • Ainsi, si l’on peut penser, au premier abord, une opposition fondamentale entre les artistes et l’économie de marché des sociétés contemporaines, en seconde lecture il n’en reste plus grand-chose. On ne peut que souhaiter que la collaboration entre artistes et entrepreneur se développe et s’étende, et ce bien au-delà du mécénat. En effet, il semble que ce soit par là que passent à la fois une humanisation de l’économie de marché, mais aussi le regain et le développement des arts.