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Fête. Réunion préparée avec Josette Delaporte et Thierry Hély. 1. Etymologie / Définitions 2. Notions / Concepts : La fête vue par 2 sociologues et un romancier 3. Questions / Discussion 4. Tentative de synthèse avec la 4 ième question 5. En guise de conclusion. Plan.
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Fête Réunion préparée avec Josette Delaporte et Thierry Hély 1. Etymologie / Définitions2. Notions / Concepts : La fête vue par 2 sociologues et un romancier3. Questions / Discussion4. Tentative de synthèse avec la 4 ième question 5. En guise de conclusion Plan
Etymologie et définitions • Etymologie : • Mot de la famille de « foire » , de racine latine à valeur religieuse « fès » et « fas ». « Fête » XI s du latin « festa » ou « festum » • « Foire » XII s de « féria », les jours de fête religieuse étant jours de marché. • « Festin » XIV s de « festino » petite fête. • « Festonner, feston » XV s de « festone » ornement de fête. • Définitions : • Petit Robert : Solennité, ensemble de réjouissances de caractère commémoratif ou simple réjouissance publique. • Dictionnaire de Philosophie : Phénomène social, la fête oscille entre les deux pôles de la cérémonieet de la réjouissance collective .
NOTIONS /CONCEPTS « Sous le signe du « ça » et de la confrontation au néant, la fête est un étourdissement collectif anti-économique, un engloutissement dans le présent propice à la mise en relation de ce qui est ordinairement séparé » • Telle pourrait être la synthèse sous l’angle philosophique des livres sur la fête de : • Jean Duvignaud (sociologue français né en 1921) Le don du rien(Essai d’anthropologie de la fête, Stock, 1977) • Roger Caillois (1913-1978, écrivain et sociologue français) Les Jeux et les hommes : le masque et le vertige (1958) • Mircea Eliade (1907-1986, historien des religions et romancier roumain) Le mythe de l'éternel retour(Éditions Gallimard / Idées – 1969) • Un étourdissement anti-économique, un engloutissement dans le présent : • Un étourdissement : Une frénésie del’ordre du plaisir et de la jouissance. L’ivresse est de mise. On se déguise. La spontanéité est non seulement permise mais obligatoire. • Anti-économique : La fête est inutile, c’est tout le contraire d’un investissement. En marge du temps social, la fête est libérée des contraintes de la production et du travail. Si l’on consomme beaucoup, c’est parce que l'insouciance (l’absence de peur de manquer plus tard) est derigueur. La fête est « gratuite ». • Un engloutissement dans le présent : Le plaisir de la fête ne renvoie pas à un horizon temporel. Le plaisir n’a pas rapport à l’avenir, il est sa propre justification, hors l’ordre de la nécessité. La fête est pur présent. A croire Lévinas, la fête est un engloutissement du temps dans le présent. La fête est un étourdissement collectif dans lequel le « moi s’engloutit ».
NOTIONS / CONCEPTS (suite) • Propice au rapprochement de ce qui est habituellement séparé : • Se fondre dans l’indivis : L'individu libéré de son rôle social tend à se fondre dans l'indivis. Ainsi la fête est-elle propice à la mise en relation de ce qui est ordinairement séparé : les classes sociales, les sexes, les âges, voire les vivants et les morts, l'humain et le divin, le social et la nature La fête est plutôt de l'ordre de ce que Sartre appelait l' « adhérence » : tous sont censés participer d'un même élan, être emportés. La fête est un tourbillon qui semble abolir provisoirement les personnalités. La fête est égalitaire, elle dénude et démasque par la dérision. • Se rapprocher plus que s’exprimer : L’individuest davantage sommé de s'étourdir que de s'exprimer. Si la fête proscrit les attitudes réellement agressives, elle n'est pas non plus l'occasion de nouer des liens profonds d'amitié par le dialogue. Il y a finalement là moins confrontation, rencontre, dialogue, que dissolution provisoire. • Un investissement politique : La dépense festive peut avoir une valeur ostentatoire : elle permet d'afficher son rang, de constituer en obligés tous ceux qui en ont profité. Elle n'est alors gaspillage gratuit qu'au sens économique, pas au sens politique. • Une confrontation au néant : • Sous le signe du « ça » et non du « moi » : Il va généralement de soi que ce que l'on fait pendant la fête demeurera sans conséquences, précisément parce que l'on n'est pas censé être alors entièrement soi-même. C’est à ce titre qu’on peut penser que la fête est sous le signe du « non moi », autrement dit du « ça » qui selon Freud est une intrication profonde de l’élan vital (Éros) et de la pulsion de mort (Thanatos). • Une confrontation au néant : « En tant que désir d’en finir avec le supplice qu’est l’individualité » selon Olivier Rey, on peut voir dans la fête la volonté d’une confrontation au néant qu’Heidegger assimilait à l’« Être » : à la fois source et réfutation de toute réalité définie, de tout « Étant ». Selon Durkheim « La fête oscille toujours entre 2 pôles : la cérémonie et le divertissement ». Entre ostentation et défoulement n’y aurait-il pas là ce qui, paradoxalement,tramela fête ?
QUESTIONS • Pourquoi fait-on la fête ? • La fête est-elle une cérémonie ou un divertissement ? • La fête est-elle une transgression, un engloutissement ? • La fête aujourd’hui est-elle la même qu’hier ?
1. Pourquoi fait-on la fête ? Le besoin de rupture avec le quotidien paraît être au fondement même de la fête. Pour rompre avec le quotidien la fête met le monde à l’envers : • Improductive, la fête est une coupure dans le défilé des jours consacrés au travail, à la gestion et à l’effort. La fête est pure dépense. Selon l’expression de Mircea Eliade « la fête injurie l’économie » • Démonstrative ou exubérante, la fête est tout le contraire d’une gestion appliquée et comptable qu’anime au quotidien le plaisir de faire et/ou la peur de manquer demain. • Joyeuse : rires, couleurs et bruits ou recueillie : prières ou commémorations, la fête est exubérante ou ostentatoire, toute à l’opposé du quotidien discret et laborieux. • La fête met en relation ce qui est ordinairement séparé : les classes sociales, les sexes, les âges, les vivants et les morts, l’humain et le divin, le social et la nature. • Elle est bombance et abondance, notamment dans les sociétés de pénurie. • Elle est déguisement. On fait « peau neuve », on change d’habit. Il s’agit d’habiter pour un jour, un soir, une heure une autre vie. • Elle exalte l’instant présent ou au contraire tend à arrêter le temps. La fête est une autre manière de considérer le temps. Elle se vit soit dans la flambée de l’instant, sans souci du lendemain soit au contraire par delà le temps en célébrant des valeurs intemporelles de l’ordre du sacré. • Elle suspend les hostilités. On fête dans la joie et la bonne humeur ou dans le recueillement autour de valeurs collectives. Dans les deux cas, pour que la fête soit entière, les vieilles querelles, les rancoeurs, les clivages sociaux ou idéologiques doivent être oubliés. Aussi peut-on penser avec Freud que la fête est « une levée de censure » ou « un excès permis, voire ordonné » qui révèle des pulsions normalement refoulées, canalisées par l’éducation et les règles de la vie collective générées par la peur de manquer.
2.La fête est-elle une cérémonie ou un divertissement ? • Cérémonie : célébration de valeurs extra quotidiennes qui tend à arrêter le temps ? • A l’origine la fête avait pour objectif de mettre en relation l’homme avec les forces plus fortes que lui, avec l’inconnu : le cosmos, le divin, l’au-delà, les morts. • On peut penser que les sacrifices faisaient partie intégrante des fêtes primitives parce que les hommes cherchaient à composer avec ce qu’ils ne connaissaient pas et qui leur faisait peur, à obtenir la bienveillance du ciel et des dieux. • Dans le monde contemporain, les cérémonies, quelle qu’en soit la nature, sont toujours de l’ordre du sacré puisqu’elles célèbrent toutes soitdes croyances religieuses, soit des valeurs symboliques fortes telles que le souvenir des morts ou plus diffuses comme une victoire, une nation ou même un nouveau millénaire… • Par l’intemporalité des valeurs célébrées, la cérémonie tend à arrêter le temps. • Aussi peut-on penser que la cérémonie tende à relier au sens religieux « religare » la communauté autour de valeurs symboliques en les sacralisant dans l’intemporalité. • Divertissement : dérision des valeurs quotidiennes qui tend à engloutir le temps ? • Le plaisir qui sous-tend le divertissement n’a pas rapport à l’avenir. Il est inutile au sens où il est sa propre justification. • Le divertissement est tout le contraire d’un investissement, puisque le temps et les richesses s’y engloutissent d’un coup. • A lire Lévinas, la jouissance est déjà engloutissement du temps et de la signification. • Ainsi peut-on penser que le divertissement en anéantissant les valeurs quotidiennes, constitue une espèce de chute dans le « puits sans fond » du présent, un engloutissement du temps et/ou du « moi ». • Si, selon la typologie de Durkheim, la fête oscille en permanence entre : • Le divertissement au sens de défoulement, • Et lacérémonie au sens de célébration de valeurs sacrées • On peut aussi penser qu’elle oscille en permanence entre : • L’engloutissementdu temps(négation du passé et du futur) • Etl’arrêt du temps (immortalisation du passé)
3. La fête est-elle une transgression, un engloutissement ? • Une transgression Transgresser, c’est enfreindre une loi, une règle, une norme. C’est se mettre en marge de la normalité. • La cérémonie est une transgression des valeurs quotidiennes puisque : • Elle met en relation ce qui est ordinairement séparé : les vivants et les morts; l’humain et le divin; les hommes et leur histoire. • Elle tourne le regard vers le passé contrairement au quotidien qui le tourne vers le futur • Le divertissement est également une transgression des valeurs quotidiennes puisque : • Il met le monde à l’envers en niant l’économiepar l’étourdissement dans le plaisir de l’instant • Il se noie dans le présent en faisant fi du passé et du futur Aussi peut-on penser que la fête (amalgame cérémonie/divertissement) est une transgression. • Un engloutissement Engloutir, c’est disparaître dans un gouffre. Cela revient à privilégier une direction au détriment des autres : • La cérémonie privilégie le passé.On peut donc penser que l’individu s’y engloutit. • Le divertissement privilégie le présent.On peut donc penser que l’individu s’y engloutit. Aussi peut-on penser que la fête est un engloutissement du temps et/ou du « moi ». • La fête sous l’emprise du « ça », du « surmoi » et du « non-moi ». • Selon Freud, le « ça », c’est le pôle pulsionnel, amalgame intriqué sous le signe d’Éros (libido/pulsion de vie) et Thanatos (pulsion de mort). C’est notre ancrage dans la nature ou la nature en nous. (A.C-S) • Le « moi » cherche en permanence son équilibre entre le « ça » (la nature) et le « surmoi » (la culture/ l’éducation/l’autre). Si le « moi » est à la fois l’un et l’autre, le « non-moi » est soit tout l’un soit tout l’autre. • La cérémonie s’inscrit sous le signe du « surmoi », de l’ordre et du « non-moi » • Le divertissement s’inscrit sous le signe du « ça », du désordre et du « non-moi » Aussi peut-on penser que la fête est une transgression et un engloutissement qui s’inscrit sous le signe du « non-moi » mais aussi du « néant » au sens de Heidegger qui l’assimilait à l’Être, à la fois à la source et à la réfutation de tout Étant.
4. La fête aujourd’hui est-elle la même qu’hier ? La fête d’aujourd’hui comparée à la fête d’hier en 10 points, : • Collective :L’est-elle autant qu’autrefois ? Rassemble-t-elle autant les classes sociales ? La tendance actuelle n’est-elle pas, qui « se ressemble se rassemble » ? • Relation avec le sacré : Les valeurs collectives « sacrées » (religion, patrie) font-elles autant recette ? Si Noël et le Jour de l’an résistent, le cercle restreint de la famille et des amis n’a-t-il pas supplanté la collectivité ? • Joie, excès et abondance :Elle l’est restée. Excès et abondance se sont même accrus dans le cadre de la société de consommation. Mais n’est elle pas moins égalitaire qu’autrefois. L’«excès gratuit » au sens d’antan existe-t-il encore ? Ne s’offre-t-on pas maintenant la fête qui plait, en famille et entre amis ? • Levée de censure : Moins de valeurs sacrées et moins d’autorité impliquent fatalement moins de censures à transgresser. La pure dépense antiéconomique de la fête n’est-elle pas la seule levée de censure qui perdure ? • Exaltation de l’instant présent en rupture avec la quotidien :Les jours fériés ne sont plus synonymes de fêtes mais de temps libres. Chacun fait désormais ce qui lui plaît de son temps libre et pas forcément la fête. Trop de temps libre ne tue-il pas la fête de ne pas travailler ? • Monde à l’envers :Y a-t-il autant de valeurs à renverser ? Moins de censures n’implique-t-il pas moins de transgressions possibles ? Si une valeur reste aujourd’hui à inverser par la fête, n’est-ce pas celle de l’ego ? • Corps en jeu : Les danses populaires qui rassemblaient en masse les générations et les classes sociales ne sont plus ce qu’elles étaient. A son gré, chacun désormais ne pratique-il pas la danse qui lui convient ? • Rires, couleurs et bruits : Ils sont toujours là. Même si les grands carnavals sont désormais rares, cela n’empêche pas des débordements destructeurs qui eux par contre n’ont rien de parodiques ! • Hostilités suspendues : Est-ce toujours aussi vrai si les fêtes trans-idéologiques n’existent plus vraiment ? La fête n’a-t-elle pas changé parce que nous avons changé ? La liberté politique, la libération sexuelle, le moindre poids de la morale, la désaffection à l’égard des valeurs patriotiques, civiques et religieuses ainsi que la remise en cause du principe d’autorité ne sont-elles pas la marque de la désacralisation des principes d’antan au profit de la sacralisation du « moi » ? L’individu moderne ne veut-il pas se distinguer, non se fondre, ni se montrer solidaire de principes partagés ? Le « moi » moderne ne se veut-il pas singulier, unique, non-clone de tous ? Faut-il regretter que la fête ait changéparce que le « non-moi » ne ferait plus recette ? N’est-ce pas aussi parce que le quotidien est aujourd’hui moins dur que la fête a changé ?
En guise de conclusion Tous sont censés être emportés d’un même élan. La fête est de l’ordre de ce que Sartre appelait « l’adhérence ». « Adhérer, ce n’est pas admettre une idéologie. C’est entrer dans un être collectif et développer en soi une seconde nature » J Duvignaud Cette seconde nature qui pourrait s’appeler « joie du plaisir partagé », ne présuppose-t-elle pas que le « moi » accepte de s’y perdre un peu ? S’y perdre un peu, mais jusqu’où ? Épicure dans Lettre à Ménécée dit qu’il n’est pas possible « .. de vivre avec plaisir sans vivre avec prudence, honnêteté et justice » Si le plaisir est le but, est-il toujours le chemin ? Prendre un chemin, même si c’est pour s’y perdre, n’est-ce pas d’abord le choisir ?
Prochaines réunions… Mardi 13 février : « La morale » + choix des sujets du 2 iem trimestre Mardi 13 mars : « Le jeu » Toutes les informations et documents sont disponibles sur : http://www.cafe-philo.eu/ Bonne et heureuse année 2007 !