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Le pied-bot, de José de Ribera, 1642

Une des spécificités de l’homme est sans doute la propension à produire de la beauté. L’oiseau construit un nid qui attirera les femelles mais ce sont les hommes qui le jugeront « beau ».

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Le pied-bot, de José de Ribera, 1642

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Presentation Transcript


  1. Une des spécificités de l’homme est sans doute la propension à produire de la beauté. L’oiseau construit un nid qui attirera les femelles mais ce sont les hommes qui le jugeront « beau ». • Cependant, il est indéniable que nous jugeons beaux d’innombrables objets naturels comme des personnes, des animaux, des plantes, des phénomènes météorologiques, des astres, un galet sur une plage ou la forme pure d’une goutte d’eau.

  2. Le pied-bot, de José de Ribera, 1642

  3. « La beauté de l'œuvre n'est pas celle de la nature. Quoi qu'en aient pu dire certains artistes, ceci apparaît à la réflexion comme une évidence. Le pied-bot de Ribera, les pouilleux de Murillo, les tabagies des peintres hollandais, les vaches de Potter ou les chaudrons de Chardin sont artistiquement beaux. Mais un chaudron dans une cuisine, une vache quelconque dans un pré et à plus forte raison un pouilleux en chair et en os aperçu dans une rue lépreuse de Madrid ne sont pas beaux, n'ont pas de «beauté naturelle». Ou du moins nous ne leur prêterons une sorte de beauté qu'à partir de notre culture artistique. Nous dirons de ce mendiant rencontré sur le parvis d'une église qu'il est beau «comme un Murillo». D'humbles ustensiles de cuisine nous donneront une émotion artistique parce qu'ils nous suggéreront une toile de Chardin. Oscar Wilde écrivait un jour à un ami : «Ce matin, mon jardin ressemble à un tableau de Corot», et les Goncourt notaient dans leur journal que des chevaux aperçus un instant par la porte d'une écurie étaient «beaux comme des Géricault». L'évolution de la beauté naturelle, pour un esprit cultivé, est en fait liée à l'évolution de l'art. Ce sont les œuvres d'art qui nous apprennent à goûter certaines réalités de la nature auxquelles nous serions restés indifférents. »

  4. Murillo, Potter

  5. Chaudron de Chardin

  6. Au lieu d'une laine, d'une soie réelles, de cheveux, de verres, de viandes et de métaux réels, nous ne voyons en effet que des couleurs, à la place de dimensions totales dont la nature a besoin pour se manifester nous ne voyons qu'une simple surface, et, cependant, l'impression que nous laissent ces objets peints est la même que celle que nous recevrions si nous nous trouvions en présence de leurs répliques réelles... • Grâce à cette idéalité, l'art imprime une valeur à des objets insignifiants en soi et que, malgré leur insignifiance, il fixe pour lui en en faisant son but et en attirant notre attention sur des choses qui, sans lui, nous échappaient complètement. L'art remplit le même rôle par rapport au temps et, ici encore, il agit en idéalisant. Il rend durable ce qui, à l'état naturel, n'est que fugitif et passager; qu'il s'agisse d'un sourire instantané, d'une rapide contraction sarcastique de la bouche, ou de manifestations à peine perceptibles de la vie spirituelle de l'homme, ainsi que d'accidents et d'événements qui vont et viennent, qui sont là pendant un moment pour être oubliés aussitôt, tout cela l'art l'arrache à l'existence périssable et évanescente, se montrant en cela encore supérieur à la nature. • Esthétique, trad. S. Jankelevitch, Aubier, t. 1, p. 31.

  7. L’art doit-il être une reproduction en trompe-l’œil de la réalité ? Estate of Duane Hanson/VAGA, New York/DACS, London 2004

  8. Il faut aussi remarquer que les prédicats « beau », « belle », s’appliquent à des objets sans que le locuteur ait une préoccupation esthétique. « Il a fait un beau geste », « C’est une belle action », « Il a gagné un beau paquet d’argent », « Voilà un beau salaud !  », « Alice Sapritch était une belle laide femme », « Oh ! Le beau caca ! ». • Dans tous ces exemples, le qualificatif « beau » est utilisé pour désigner l’excellence ou la perfection, quel que soit le domaine où elle s’exerce et même, paradoxalement, dans le domaine de la laideur.. • Si l’on en croit Socrate, le Beau et le Bien ne sont qu’une seule et même valeur.

  9. « Pour moi, telle est mon opinion : dans le monde intelligible l'idée du bien est perçue la dernière et avec peine, mais on ne la peut percevoir sans conclure qu'elle est la cause de tout ce qu' il y a de droit et de beau en toutes choses ; qu'elle a, dans le monde visible, engendré la lumière et le souverain de la lumière ; que, dans le monde intelligible, c'est elle-même qui est souveraine et dispense la vérité et l'intelligence ; et qu'il faut la voir pour se conduire avec sagesse dans la vie privée et dans la vie publique. » Platon, République

  10. Quand nous parlons des « Beaux-arts», nous associons deux concepts pour désigner l’idée de la beauté artificielle résultant de la volonté ou du projet d’un créateur.

  11. Subjectivité Qu’il s’agisse d’objets naturels ou d’objets artificiels , chaque fois que quelqu’un juge de la beauté il peut ajouter à l’énoncé de son jugement un des suffixes « pour moi » ou « pour toi », « pour eux ». « Ce vase de Chine est beau (pour moi) », « Tu penses vraiment que c’est un beau film ? », « Les étudiants de ma classe adorent les œuvres de Gaudi ». Les jugements concernant la beauté peuvent donc être qualifiés de subjectifs puisque leur acceptation ou leur rejet dépend des « goûts» du sujet qui juge. Le jugement esthétique se ramène toujours à un énoncé de la forme : « J’aime X ou Y».

  12. « Pour décider si une chose est belle ou ne l'est pas, nous n'en rapportons pas la représentation à son objet au moyen de l'entendement et en vue d'une connaissance, mais au sujet et au sentiment du plaisir ou de la peine de celui-ci, au moyen de l'imagination (...). Le jugement de goût n'est donc pas un jugement de connaissance ; il n'est point par conséquent logique mais esthétique, c'est-à-dire que le principe qui le détermine est purement subjectif. » Kant, Critique de la faculté de juger

  13. La fonction magique de la reproduction • Pourtant, le premier soin de l’ancêtre de nos artistes est probablement d’objectiver le réel, de reproduire les images d’objets perçus pour les tenir à disposition, les manipuler, proférer devant elles des incantations et ainsi créer des outils de magie. • L’activité des créateurs des peintures rupestres* n’est pas déterminée par le souci de beauté ou de décoration mais sûrement par la volonté d’un certain réalisme. Il faut que tous reconnaissent le gibier peint sur les parois de la grotte pour qu’il puisse être évoqué propitiatoirement* lorsque les hommes prépareront la prochaine chasse.

  14. « La philosophie grecque a fait appel au concept de mimesis pour penser tous les arts, soit l'imitation, ou tentative de reproduire, avec des moyens spécifiques, l'apparence de quelque chose. Jusqu'à l'invention de la photographie (Niepce, 1822 ; Daguerre, 1839), l'art est donc d'abord imitation — copie — de la réalité extérieure. Pour Platon, la mimesis désigne la copie de la nature, le «trompe-l'œil », soulevant de ce fait un problème philosophique puisque le monde réel est déjà une copie des Idées qui occupent le monde intelligible. La production de l'artiste est copie de copie, simulacre ; elle est non seulement inutile - elle redouble le réel -, mais nuisible parce qu'elle est tromperie ! Pour cela, les artistes doivent être chassés de la Cité... Dans La République on trouve une clarification qui nous intéresse tout particulièrement : prenant l'exemple du lit, Platon distingue en effet l'idée du lit, intelligible ; le modèle, que l'artisan a en tête ; l'objet sensible lui-même, le lit fabriqué par le menuisier ; la figure peinte du lit dans le tableau. Les équivalents neuroesthétiques de cette distinction sont : le concept (l'image première, le « concetto») ; l'objet fabriqué ; enfin, le tableau, représentation conceptualisée de l'objet. » CHANGEUX, J.P., Du vrai, du beau, du bien, page 106, Paris : Odile Jacob, 2008.

  15. Texte : Platon. L’art comme imitation ou reproduction « Maintenant considère ceci. Quel but se propose la peinture relativement à chaque objet ? est-ce de représenter ce qui est tel qu'il est, ou ce qui paraît tel qu'il paraît ; est-ce l'imitation de l'apparence ou de la réalité ? De l'apparence, dit-il. L'art d'imiter est donc bien éloigné du vrai, et, s'il peut tout exécuter, c'est, semble-t-il, qu'il ne touche qu'une petite partie de chaque chose, et cette partie n'est qu'un fantôme. Nous pouvons dire par exemple que le peintre nous peindra un cordonnier, un charpentier ou tout autre artisan sans connaître le métier d'aucun d'eux ; il n'en fera pas moins, s'il est bon peintre, illusion aux enfants et aux ignorants, en peignant un charpentier et en le montrant de loin, parce qu'il lui aura donné l'apparence d'un charpentier véritable. Assurément. Mais voici, mon ami, ce qu'il faut, selon moi, penser de tout cela : quand quelqu'un vient nous dire qu'il a rencontré un homme au courant de tous les métiers et qui connaît mieux tous les détails de chaque art que n'importe quel spécialiste, il faut lui répondre qu'il est naïf et qu'il est tombé sans doute sur un charlatan ou un imitateur qui lui a jeté de la poudre aux yeux, et que, s'il l'a pris pour un savant universel, c'est qu'il n'est pas capable de distinguer la science, l'ignorance et l'imitation. Rien de plus vrai, dit-il. » Platon, République, X, paragraphe 598 -- 600

  16. L’activité de reproduire la réalité entraîne évidemment la capacité de déformer, de recomposer, d’accentuer ou de réduire, bref de modifier l’objet de la perception de l’artiste. • L’objet imaginaire n’est qu’un assemblage jamais perçu de différentes composantes connues dans la réalité. • À telle enseigne que rien, jamais n’est absolument imaginé. Les dieux, les anges ou les extraterrestres sont toujours « humains, trop humains ».

  17. Si l’art a pour fonction de nous permettre de représenter l’imaginaire, il va naturellement se préoccuper prioritairement des images essentielles que les hommes vont puiser dans leurs mythes. • « Or, puisque l'homme a eu sa part du lot Divin, il fut, en premier lieu le seul des animaux à croire à des Dieux ; il se mettait à élever des autels et des images de Dieux. » Platon, Protagoras, 322.

  18. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, une très grande majorité de la production artistique européenne est de nature religieuse. Mais les artistes sont aussi au service des puissants de ce monde. Ils exécutent les portraits et réalisent des sculptures de tous les personnages importants. Ils s’en font les historiographes et chantent leurs louanges. Peut-être l'apparition d’un art contestataire et revendicatif est-elle contemporaine de l’abandon de l’idée que l’art doit se borner à produire des copies de la réalité.

  19. L’artiste travaille toujours pour un interlocuteur potentiel. Une peinture, un morceau de musique, une sculpture, un bâtiment, les mouvements des danseurs sur la scène, un poème, un roman, une pièce de théâtre nous « parlent ». • Ainsi, l’art sert à transmettre des messages qui n’auraient pas pu être véhiculés par la parole banale. L’originalité du langage de l’art devient ainsi un facteur primordial de l’intérêt qu’il suscite. • L’œuvre nous interpelle lorsqu’elle apporte quelque chose de nouveau et qu’elle reste cependant compréhensible. Sa valeur est une résultante d’une combinaison de son originalité et de la richesse de son contenu informatif. • L’art n’a plus, dès lors, pour fonction de créer le bel objet mais plutôt l’objet intéressant.

  20. « La fonction de l'artiste est capitalement celle d'un inventeur. Des inventeurs il y en a plus qu'on ne croit. Mais le caractère propre d'un art inventé est de ne pas ressembler à l'art en usage et par conséquent - et cela d'autant plus qu'il est plus inventé - de ne pas sembler être de l'art. D'apparaître seulement production oiseuse, absurde, inutilisable. (…) Cette idée que notre monde serait constitué pour la plus grande part d'objets laids et d'endroits laids, tandis que les objets et endroits doués de beauté seraient des plus rares et difficiles à rencontrer, je n'arrive pas à la trouver très excitante. Il me semble que l'Occident, à perdre cette idée, ne ferait pas une grande perte. S'il prenait conscience que n'importe quel objet du monde est apte à constituer pour quiconque une base de fascination et d'illumination, il ferait là une meilleure prise. Cette idée-là, je pense, enrichirait plus la vie que l'idée grecque de la beauté. » Jean DUBUFFET, 1973 • L'Homme du commun à l'ouvrage, J.-J. Pauvert, pp. 20-21.

  21. « Où viennent s'installer les estrades pompeuses de la Culture et pleuvoir les prix et lauriers sauvez-vous bien vite : l'art a peu de chance d'être de ce côté. Du moins n'y est-il plus s'il y avait peut-être été, il s'est pressé de changer d'air. Il est allergique à l'air des approbations collectives. Bien sûr que l'art est par essence répréhensi-ble ! et inutile ! et antisocial, subversif, dangereux ! Et quand il n'est pas cela il n'est que fausse monnaie, il est mannequin vide, sac à patates. (...) » Jean DUBUFFET, 1973 , L'Homme du commun à l'ouvrage, J.-J. Pauvert, pp. 4.

  22. L'art pour l'art. — La lutte contre la fin en l'art est toujours une lutte contre les tendances moralisatrices dans l'art, contre la subordination de l'art sous la morale. L'art pour l'art veut dire : « Que le diable emporte la morale ! ». — Mais cette inimitié même dénonce encore la puissance prépondérante du préjugé. Lorsque l'on a exclu de l'art le but de moraliser et d'améliorer les hommes, il ne s'ensuit pas encore que l'art doive être absolument sans fin, sans but et dépourvu de sens, en un mot, l'art pour l'art — un serpent qui se mord la queue. « Être plutôt sans but, que d'avoir un but moral ! » ainsi parle la passion pure. Un psychologue demande au contraire : que fait toute espèce d'art ? ne loue-t-elle point ? ne glorifie-t-elle point ? n'isole-t-elle point ? Avec tout cela l'art fortifie ou affaiblit certaines évaluations... N'est-ce là qu'un accessoire, un hasard ? Quelque chose à quoi l'instinct de l'artiste ne participerait pas du tout ? Ou bien la faculté de pouvoir de l'artiste n'est-elle pas la condition première de l'art ? L'instinct le plus profond de l'artiste va-t-il à l'art, ou bien n'est-ce pas plutôt au sens de l'art, à la vie, à un désir de vie ? — L'art est le grand stimulant à la vie : comment pourrait-on l'appeler sans fin, sans but, comment pourrait-on l'appeler l'art pour l'art ? • Le Crépuscule des Idoles, § 24, trad. H. Albert, UGE, 10/18, pp. 94-95.

  23. La perplexité du spectateur peut se comprendre devant l’image d’une boîte de soupe Campbell par Andy Warhol, un tableau abstrait de Wassily Kandinsky ou un monochrome de Yves Klein. Est-ce de l’art ? • Ces œuvres ont pourtant une grande valeur d’échange et les musées comme les amateurs d’art se les arrachent pour leur collection.

  24. Nous sommes déroutés devant des créations revendiquant un statut artistique mais qui ne dévoilent aucun message (comme un monochrome), qui refusent souvent d’être figuratives (comme une toile abstraite), qui renoncent à l’originalité (comme une boîte de soupe industrielle). • L’objet d’art est-il seulement l’objet de collection ? Mais, qu’en est-il de l’art si la volonté de collectionner n’est déterminée que par le snobisme, la mode ou la publicité autour de l’oeuvre ? • À l’instar des ready-made, tout objet devient potentiellement un objet d’art : il suffit que quelqu’un m’en ait persuadé. L’art est la faculté de persuader quelqu’un que c’est de l’art.

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