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Sur/sous-diagnostics et Médecine du travail. Christophe de Brouwer Meriem Bayou Jean-Pierre Rézette Centre de Recherche en Santé environnementale et Santé au travail École de Santé publique Université libre de Bruxelles. Bobigny – 25-26 avril 2014. Le problème de l'aptitude au travail.
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Sur/sous-diagnostics et Médecine du travail Christophe de Brouwer Meriem Bayou Jean-Pierre Rézette Centre de Recherche en Santé environnementale et Santé au travail École de Santé publique Université libre de Bruxelles Bobigny – 25-26 avril 2014
Le problème de l'aptitude au travail Docteur, En période de chômage technique, nous avons demandé à Mr. DS de travailler un jour au froid (6°c) la semaine dernière. Outre le froid, ce sont les activités qu’on lui confie en général qui m’interpellent au vu des pontages qu’il aurait subis. La fiche d’aptitude médicale de Mr. DS le déclare apte pour les activités, sans aucune restriction. Étiez-vous au courant de ces interventions ? Mr DS est ouvrier dans l'agro-alimentaire. Certains postes de travail nécessitent de la manutention de charges (~ <= 20 kg), des mouvements répétitifs (travail à la chaîne), parfois en ambiance froide (viande). On peut estimer les charges physique de travail entre 3 et 4 MET. Travail ou perte d'emploi ? Il n'y a pas beaucoup d'autres alternatives. Quel risque s'il continue, quel risque s'il arrête ?
Combien d'opérés « coronariens » reprennent le travail chez les employés et chez les ouvriers ? • Y-a-t-il des « guidelines » (Cochrane par exemple) pour mieux se diriger ? • Quels risques pour le travailleur compte tenu des éléments individuels de santé (tabagisme, tension, obésité, ...) ? • Quels risques pour le médecin du travail de le laisser travailler ? • Quels risques coure l'entreprise ? (Faute inexcusable en France ; dans les multinationales, les systèmes « accidents 0 » - slips, lapses, mistakes and violations, ... - )
Éléments de réponse ? Epidémio : Données belges : 80% des travailleurs opérés (pontage, dilatation cardiaque), reprennent le travail : Employés, environ 85% ; ouvriers, environ 75%. Non -reprise de travail : 15 % (hors mise à la pension) : À même degré de patho : risque d'accident cardiaque ↑ Autres facteurs de risque à prendre en compte dans la décision d'aptitude : tabagisme, obésité, diabète, sédentarité, non compliance médicale, etc. "Cochrane Library" propose 1 article : Ne pas dépasser 6 x le métabolisme de base (travail très lourd). A ce niveau, les données de risque statistique chez les personnes correctement suivies et compliantes, ne semblent cependant pas supérieures au niveau de base : "In spite of several limitations, our study showed no convincing evidence for increasing the cardiac risk of patients with coronary artery disease (CAD) performing occupations with heavy physical exertion." (Wolf et al, Zeitschrift für Kardiologie, 2005)
3 maladies de longue durée chez les travailleurs (statistiques belges): • Maladies mentales : 34,5 % • Maladies système osteo-articulaire : 27,5 % • Maladies cardio-vasculaires : 7,3 %
Accidents du travail (statistique belge, 2012): • Les plaies et contusions superficielles : 50 % • Luxations, entorses et foulures : 25 % • Maladies professionnelles (France, INSEE): • TMS : 85 % • Au niveau de l'entreprise : (Fouquet 2010)
Psychotropes : Données de littérature • Moyenne de déclaration - épisode dépressif -milieu de travail : environ 10 % F>1,5 à 2,5>H • Risque de licenciement chez un déprimé USA : ~ 11 % (Mintz et al, 1992) • Moyenne de prise de psychotrope dans la population générale 40-59 ans : environ 15 % • Prescripteur : médecin généraliste = 80 % (Sénat français, 2006) • Connaissance de guidelines par ceux-ci : 25 % • Doublement de la prescription en 10 ans (Debauche, 2008) • Impact du traitement sur le maintien au travail : pas clair ? (Greener et al, 2005) (Au total 25 % des personnes ont reçu un remboursement de la Sécurité sociale pour des psychotropes : Anxiolytique > antidépresseurs > hypnotiques >neuroleptiques) Médicaments psychotropes et travail, INRS, 2007 Autres données américaines : (Results from the 2007 National Survey on Drug Use and Health: National Findings) • Utilisation non-médicalisée (éventuellement obtenu par internet) • Psychothropes (illicite) : 3 % • Anti-douleur : 2 % • Tranquilisants : 0,7 % • Stimulants : 0,4 % • Sédatifs : 0,1 % Efficacité thérapeutique? 50 % au mieux ! (Debauche, 2008) Impact sur l'employabilité ... Mal. Mentale premier pourvoyeur d' ITT longue durée.
Maux de dos-lombalgie commune Décrochage par rapport aux guidelines en 2000. Klaber et al, Health Expectations, 2000. Décrochage par rapport aux guidelines en 2013. • La délivrance des AINS ou acétaminophène en diminution (guidelines), de 37 % à 26 %. • La délivrance des opiacés en augmentation (non-guidelines) de 19 % à 29 %. • CT ou RMN augmente de 7 % à 11 %. • Augmentation des infiltrations, arthrodèses, ... Mafi et al, JAMA, 2013 Mauvais management = risque d'incapacités qui deviennent chroniques
La disparité des pratiques en amont. Prise en charge des lombalgiques en milieu de travail. Fonds des Maladies Professionnelles - Belgique Creytens, 2007
Disparité des pratiques en aval : le canal carpien. (Forte sous-déclaration en maladie professionnelle.) Facteurs explicatifs : Densité médicale (généralistes et chirurgiens), revenu, composition ménage, niveau d'étude, degré de sévérité, hospitalisation de jour disponible. R2 = 0,42 Le Facteur explicatif principal avancé serait des « différences de style » dans l'application des soins. SAR : taux standardisé d'admission Étude des disparités de la chirurgie élective en Belgique. KCE reports vol. 42B. 2006.
La substance qui expose, est-ce un cancérigène ? IARC, Directive européenne Autres classifications ...
Est-ce un cancérigène ? Lorsque c'est une substance ou des substances classifiées cancérigènes (classe I ou IIa IARC), cela ne pose pas de problème MAIS 1/ Beaucoup de substances n'ont pas fait (encore) l'objet d'une monographie permettant de les classifier, 2/ La réalité de notre exposition est la multi-exposition, à des concentrations souvent faibles pour chacune d'elle : c'est le cumul qui pose problème. Comment faire ?
Grandeur du risque ? Proportion des travailleurs exposés à un risque de cancer par leur travail ? 10 % (SUMER, 2012) : proportion travailleurs exposés 15 % (Doll et Peto, 1981) : causalité 20 % (I. Morelle ; Inst. Bordet, 2010) : cancer pulmonaire, causalité Problématique de la sous-réparation : 3 - 4 % de cancers réparés?
Le problème normatif (1) ex. 10-3 Diagramme de Carrot ex. 10-5 G Welch. Overdiagnosed. Beacon press, 2011
Le problème normatif (2) : diminuer une norme en milieu industriel, c'est : • En prévention primaire : • Améliorer la sécurité d'une exposition nocive, • Augmenter les coûts de revient • Parfois rendre l'activité impossible ou non concurrentielle • Diminuer le nombre de faux négatifs • Augmenter la valeur prédictive négative • C'est la tendance des normes en milieu de travail • En prévention secondaire = dépistage • Augmenter le nombre de faux-positif et l'importance du surdiagnostic • Diminuer la valeur prédictive positive Donc norme prévention primaire # norme de dépistage Il faut trouver le bon équilibre ?
Le problème normatif (3) : la détection de problèmes de santé en milieu de travail chez des personnes réputées en bonne santé, est-ce assimilable à un « incidentalome » ? G Welch. Overdiagnosed. Beacon press, 2011.
Les conséquences théoriques sur le dépistage en post-exposition d'agents cancéreux. * Notons que le risque d'incidentalome augmente avec l'âge, ainsi qu'avec l'amélioration des techniques (Nicholas et al, NIH-PA, 2010).
Hypothèse d'un travailleur exposé durant sa carrière à une exposition seuil non tolérable => 10-3
SUMER : 10 % des travailleurs exposés à des cancérigènes score=>2 ... Nous sommes loin en-deçà de l'exemple précédent (~Intensité 4) • En terme de prévention primaire : bravo ! • En terme de seuil de dépistage (prévention secondaire) : non praticable ! Étude SUMER, 2012.
Institut Bordet (Institut du Cancer de l'Institut Bordet – ULB) Approche théorique Étude Morelle : personnes traitées pour cancer du poumon : causalité possible du travail retrouvée dans 20 % des cas. Isabelle Morelle, 2010. Données : • Prévalence du tabagisme chez les 40-50 ans : 30 % • Incidence annuelle chez les personnes de plus de 55 ans : 200/100 000 • Nous aurions une incidence « réelle » annuelle de 0,04 % de cancer du poumon • lié au travail (dans les tranches d'âge proches de la pension). A des niveaux aussi bas d'incidence, aucun dépistage systématique chez le travailleur n'a de valeur pronostique (FP ↑↑↑).
La traçabilité des expositions est ici essentielle 1/ Seuls lesCurriculum professionnel et matrice « temps-exposition » permettent une décision de surveillance post-exposition cancérigènes. 2/ Des critères de réparation(# de la norme de Prévention primaire) augmentant la valeur du prétest spécifique au travail permettent l'imputation causale de la maladie au travail et donc la prise en charge « maladie professionnelle ». Hors cela, pas de salut ! La valeur du prétest doit être suffisante, selon, pour que le post-test soit utile. En médecine (du travail), souvent : Rapport de Vraisemblance + : 2 à 15 Rapport de Vraisemblance - : 0,5 à 0,07 (par exemple : Wang et al, JAMA, 2005)
Nomogramme de Fagan (en %) (N Engl J Med 1975) Prétest bon RV+ ~ 10 RV- ~0,1 Les recettes sont dangereuses ! Dépistage utile ? RV+ >5 RV- <0,2 Donne un diagnostic ou absence de diag. de certitude ??? SpPin = RV+ >100 SnNout =RV- <0,01 Prétest faible : Par ex. 0,1 % = Risque de cancer niveau « TLV ».
Causalité attribuée au travail et prétest ? Problème de l'imputation et spécificité de la cause 1/ Soit les causalités du cancer dépassent largement le cadre de l'exposition au travail, par exemple un cancer du poumon, et l'attribution du cancer au travail sera surtout une décision « sociétale » (car une Fraction Étiologique de Risque -FER- faible) : d'où l'apparition de la notion d'un lien de présomption entre le métier et la maladie, ou, la mise en place de critères de réparation très « strictes », de façon à retrouver une « situation générale » (ci-dessous). Ex. Cancer du poumon et exposition à la silice : uniquement si matrice temps-exposition suffisante ET image de pneumoconiose. 2/ Soit la causalité du cancer est spécifique au travail : la FER est proche de 100 % , il ne reste plus que la capacité du test (prévalence/incidence et RV) à dépister la maladie ou son absence. Retour à la « situation générale ». Ex. Adénocarcinome lié à l'exposition au bois, mésothéliome lié à l'amiante. → Sans surprise, ce sont les deux cancers les + indemnisés en milieu de travail, alors que ce n'est pas la réalité de la causalité globale du cancer attribué au travail.
Améliorer la valeur du prétest dans une « situation générale », càd hors problème d'imputation. Par exemple, le cancer (adeno-carcinome) de l'ethmoïde causé par les poussières de bois ? (causalité spécifique) • Signes précoces utiles ? Non spécifique ! • Épistaxis • Nez bouché • Rhinorrhée • Critères retenus : • une analyse du risque, • un curriculum professionnel avec • une matrice « temps-exposition » bien conduite, de façon à augmenter sensiblement la « valeur prétest » :
En France, l'adenocarcinome ethmoïdien lié à l'exposition au bois (2ème cancer le + indemnisé en MP) • Le suivi (première exposition est < 30 ans) • Recherche de nez bouché (surtout unilatéral + durée 1 mois) • Disparition de l'odorat (anosmie) • Saignement de nez (spontanée surtout) • Écoulement nasal unilatéral (muco-purulent?) • Douleurs de la face unilatérale. • Référence à l'ORL pour Nasofibroscopie (la RX, scanner et RMN n'est pas conseillé en terme de dépistage). Le suivi (début première exposition est => 30 ans) Référence à l'ORL pour nasofibroscopie d'emblée. Recommandations pour la surveillance médico-professionnelle des travailleurs exposés à l'effet cancérogène des poussières de bois. Recommandation INRS janvier 2011.
Une expérience belge récente ? AR du 11/9/2013 : Surveillance prolongée d'un risque de cancer naso-sinusien chez les travailleurs du bois. Expérience pilote de 5 ans. Critère d'inclusion : • => 55 ans • 20 années complètes d'exposition • Ne plus être exposé (soit pension, soit autre travail) • La déclaration est faite par le médecin du travail • (lors de la mise à la pension, le FMP se substitue). • Prestations remboursées : 2 visites max. par an chez un ORL de son choix • (biopsie, rapport, ...), si suspicion de premiers symptômes (cf dia précédente). • Le résultat des examens pratiqués est adressé aux Fonds des • Maladies Professionnelles. • Si l'examen est positif, le résultat est considéré comme une demande • en réparation en maladie professionnelle.
J'ai cherché dans le doute, un remède contre l'anxiété. Le remède a fini par faire cause commune avec le mal. (Emil Cioran. De l'inconvénant d'être né.)