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Fascisme, nazisme et stalinisme. Cinquième cours : Les bases – La violence comme mode de gouvernement. 3 – Les organisations de jeunesse.
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Fascisme, nazisme et stalinisme Cinquième cours :Les bases – La violence comme mode de gouvernement
3 – Les organisations de jeunesse • Le projet des régimes de type totalitaire les incite à être très attentifs à la jeunesse. D’une certaine façon, c’est pour les générations futures que ces « nouveaux mondes » se mettent en place, les « anciens » ayant été formés à une autre époque, peuvent tant bien que mal s’adapter, du moins certains d’entre eux, mais sans plus. • La jeunesse, au contraire, si elle est prise et encadrée dans les premières années, pourra être éduquée pour vivre dans ces univers nouveaux. • Puisqu’il faut créer un nouvel homme, plus tôt on commence, meilleures sont les chances d’y parvenir. C’est précisément de cette terre meuble que pourra sortir l’homo soviéticus, l’Aryen ou le nouvel Italien.
3.1 – Les jeunesses fascistes • D’abord constitués isolément, les mouvements de jeunesse fascistes furent regroupés en 1926, dansl'Opéra Nazionale Balilla (ONB), puis en 1937 dans la Gioventù italiana del littorio, gigantesque organisation qui, en 1940, rassemblait quelque huit millions d'enfants, d'adolescents et de jeunes adultes. • Les premiers mouvements de jeunesse, les Gruppi universitari fascisti (GUF), furent créés en 1920 dans le milieu étudiant et regroupaient des étudiants âgés de 18 à 28 ans. • Puis apparurent lesBalilla (du nom de Giovanni Batista Perasso, dit « Balilla », un jeune Génois qui, en 1746, avait donné le signal de la révolte contre les Autrichiens), destinés aux garçons de 8 à 14 ans.
Au milieu des années vingt, d'autres groupes furent fondés : lesAvanguardisti(garçons de 14 à 18 ans) et, pour les « futures mères des nouvelles générations fascistes », les Petites Italiennes(8-14 ans) et lesJeunes Italiennes (14-18 ans). • L'édifice fut complété en 1930 par la création desFasci giovanili di combattimentoqui accueillaient dans leurs rangs les jeunes de plus de 18 ans entrés dans la vie active, puis, en 1934, par lesFils de la Louvepour les enfants de 4 à 8 ans. • Placés d’abord sous la tutelle du parti fasciste, les Balilla et les Avanguardisti (80 000 membres en 1926) furent intégrés le 3 avril 1926 dans l'ONB, rattachée au chef du gouvernement, au ministre de l'Intérieur et au commandement de la Milice. • Les jeunes filles dépendaient, des fasci féminins, tandis que les GUF et les Fasci giovanili relevaient du PNF.
L'ONB avait pour tâche d'assurer l'éducation physique et morale, c'est-à-dire idéologique, des jeunes de 8 à 18 ans. L'adhésion était facultative et le consentement des parents exigé. • En janvier 1927, Renato Ricci, connu pour sa loyauté envers Mussolini, en fut nommé président. En septembre 1929, l'ONB devint l'une des branches du ministère de l'Éducation nationale. • En dix ans, il fit de l'ONB un véritable empire, englobant l'Œuvre nationale pour l'Éducation physique, l'Institut national pour l'alphabétisation et l'Association pour le Mezzogiorno. Il s'arrangea pour que l'ONB prenne le contrôle de toutes les petites écoles rurales. • Jusqu'en 1928, les activités furent surtout centrées sur le sport et les manifestations culturelles organisées dans les Case Balilla qui ouvrirent leurs portes dans plusieurs centaines de villes italiennes.
Puis la fascisation du mouvement s'accéléra et l'entraînement militaire devint la préoccupation essentielle. • L'été, les enfants participaient à des camps de vacances durant lesquels l'accent était mis sur le patriotisme et le culte du Duce. La propagande était partout présente. • Après la dissolution en 1928 de toutes les associations de jeunesse catholiques, les effectifs des mouvements fascistes connurent une forte progression : en janvier 1933, on dénombrait 386 000 Balilla, 244 000 Avanguardisti, 720 000 Petites Italiennes et 92 000 Jeunes Italiennes. • En 1937, lorsque l'inscription devint obligatoire, ils étaient 5 millions. En octobre de la même année, toutes les organisations furent regroupées au sein de la Gioventù italiana del littorio, qui passa sous le contrôle du PNF. Starace lui donna un mot d'ordre « Croire, Obéir, Combattre » et une organisation militaire.
3.2 – La Hitlerjugend • Créée en 1926, la Hitlerjugend est placée en 1931 sous l'autorité de von Schirach. Durant toute la période de Weimar cette organisation végète et, en 1932, elle a tout juste 100 000 membres. • Ce n’est véritablement qu’à partir de l'arrivée au pouvoir que les Jeunesses hitlériennes connaissent un essor important, Hitler considérant la prise en main de la jeunesse nécessaire à l'éducation des futurs Allemands dans la ligne des buts qu'il assigne au Reich. • Nommé, en juin 1933, chef des Jeunesses du Reich, von Schirach met la main sur les bureaux et les biens considérables du Comité des associations de jeunesse du Reich. Progressivement, les persécutions ou les coups de force viennent à bout des diverses organisations de jeunesse.
Le 1er décembre 1936, un décret met hors-la-loi toutes les organisations de jeunesse non nazies et oblige toute la jeunesse à entrer dans ces dernières. Fin 1938, la Hitlerjugend compte 7 700 000 membres. • Pour contraindre à l'adhésion les récalcitrants, une loi de mars 1939 institue la conscription de tous les jeunes dans l'organisation, avec menace aux parents de leur enlever leurs enfants. À ce moment, tous les jeunes Allemands de six à dix-huit ans sont tenus d'être inscrits. • De six à dix ans, le jeune garçon fait une période d’apprentissage : il est muni d'un carnet de notes sur lequel sont indiqués ses progrès en matière d'activité physique et idéologique. À dix ans, après avoir satisfait à certaines épreuves, il entre dans leJungvolk où on lui fait prêter serment. • De quatorze à dix-huit ans, le jeune garçon entre dans les Jeunesses hitlériennes.
Il y est éduqué dans les domaines sportif, idéologique et au maniement d'armes, au sein d'une formation paramilitaire. À dix-huit ans, il passe dans le Service du travail, puis dans l'armée. • Les fillettes et les jeunes filles connaissent des organisations parallèles. De dix à quatorze ans, elles sontJungmaedel, dotées d'un uniforme, entraînées au sport, éduquées idéologiquement et formées à une conception qui les prépare à devenir mères de famille. • De quatorze à dix-huit ans, elles deviennent membres de la Ligue des filles d'Allemagne (Bund Deutscher Maedel, BDM) et à dix-huit ans, elles accomplissent une année de service agricole (Land Jahr) ou ménager. • Les Jeunesses hitlériennes sont chargées de recruter les futures élites de l'État nazi. L’organisation gère les « écoles Adolf Hitler » qui choisissent parmi les membres du Jungvolk les garçons qui leur apparaissent les plus doués afin d'en faire des futurs chefs.
Ils sont alors soumis à une discipline sévère et subissent six années d'entraînement intensif sportif, intellectuel et idéologique. À leur sortie de l'école, ils peuvent entrer à l'Université. • Globalement, les Jeunesses hitlériennes ont rempli la mission qui leur était assignée et ont formé des millions de jeunes dans l'esprit national-socialiste en les soustrayant à l'influence éducative de leur famille. La vie en plein air et les activités sportives qu'elles offraient ont largement contribué à son succès.
3.3 – Le komsomol • Les jeunesses communistes, ou komsomols, apparaissent au cours de l’année 1918. Mais même avant la prise de pouvoir, le parti bolchevique s’était doté de structures pour encadrer la jeunesse, au sein des organisations « Travail et lumière », puis de l’Union socialiste des jeunes travailleurs. • L’organisation a été fondée à l’initiative de Lazar Chatskine lors du premier congrès des jeunesses communistes, au début du mois de novembre 1918. • Le komsomol était véritablement une organisation de masse. L’adhésion n’était pas obligatoire, mais fortement recommandé pour les parents membres du parti et pour ceux qui désiraient permettre à leurs enfants d’accéder à une carrière politique, l’une des fonctions du komsomol étant justement de servir de pépinière pour les cadres.
Le komsomol est un véritable parti dans le parti et dispose de ses propres journaux : en 1970, les 131 journaux relevant du komsomol publient quotidiennement 16 millions d’exemplaires. • Le komsomol encadrant les adolescents et les jeunes adultes, d’autres organisations sont chargées de faire ce travail auprès des plus jeunes. Dès l’âge de 7 ans, les parents peuvent confier leurs enfants aux octobristes (jusqu’à l’âge de 9 ans). Ensuite, c’est l’organisation des pionniers qui prend la relève. • Dédié aux plus jeunes, ces deux organisations différent bien sûr dans les activités proposées aux enfants, mais le but demeure le même : préparer les générations futures en leur inculquant les valeurs jugées nécessaires pour vivre dans « l’univers communiste de l’avenir radieux » : esprit civique, conscience de classe, mais aussi respect de la hiérarchie et de l’autorité, de même que culte du chef, particulièrement à l’époque de Staline.
Utilisant l’enthousiasme révolutionnaire de la jeunesse, les structures du komsomol ont été mises à contribution dans les campagnes de modernisation. C’est ainsi que dans les années 30, les membres du komsomol ont participé activement à la campagne de liquidation de l’analphabétisme, avec un succès remarquable. • L’augmentation du nombre de membres témoigne de la popularité de l’organisation : au moment de la fondation, elle comptait environ 20 000 membres, puis près de 500 000 en 1922. Au début de la guerre, le komsomol regroupait plus de 10 millions de membres, garçons et filles, âgés de 14 ans jusqu’au début de la vingtaine. • Dans le komsomol, l’aspect militaire est secondaire. Le patriotisme est de mise, de même que le culte de la personnalité du chef, mais l’ennemi sur lequel le parti lance ses hordes de jeunes n’est que rarement extérieur.
4 – Les organisations féminines • Dans la même logique que les organisations de jeunesse, les organisations féminines ont également une vocation éducative. • D’autant que ces régimes sont du point de vue des rôles sexuels très conservateurs. Conséquemment, les femmes sont vues avant tout (surtout dans le fascisme et le nazisme) comme des mères. • Le cas soviétique est différent, entendu que la proclamation dès 1917 de l’égalité homme femme a eu tendance à effacer partiellement cette division stricte des rôles sexuels.
4.1 – Fascio Femminili • L’association dédiée à l’encadrement féminins, outre les associations concernant les fillettes et les jeunes filles, portait simplement le nom de Faisceaux féminins. • À l’origine, lors de la période révolutionnaire, cette organisation tentait d’effacer les lignes de partage entre hommes et femmes. Celles-ci étaient entraînées au combat de rue, puisque l’on s’attendait à ce qu’elles soient aussi en mesure de lutter physiquement contre les ennemis du mouvement. • La mise en place du régime fasciste va complètement modifier l’optique des Fascio Femminili dans un sens nettement plus conservateur, lequel ira d’ailleurs en s’accentuant tout au long du régime mussolinien.
L’objectif de l’organisation devient alors de mettre en valeur les vertus domestiques des femmes, de réaffirmer l'image traditionnelle de « l'ange du foyer ». • Les faisceaux féminins étaient directement subordonnés au parti et chaque faisceau comprenait une section féminine, dont la vocation était de coordonner toutes les activités des organisations de femmes du Parti. • À côté de cette organisation générale, le milieu des années 20 a aussi vu la création d’une organisation fasciste des femmes rurales, dédiée à faire la promotion des « valeurs fascistes » féminines dans les campagnes d’un pays alors faiblement urbanisée. • Le fascisme n’insistait pas seulement sur les vertus domestiques de la femme et ne faisait pas seulement la promotion de la subordination de celles-ci aux hommes et favorisait la participation des femmes et des filles à des activités à l'extérieur à la famille.
En décembre 1925 fut mis en place l'OMNI (Opera Nazionale per la Maternità ed Infanzia) qui en 1927 lança une campagne nationale visant à accroitre le nombre de naissances.
4.2 - La ligue des femmes nationales-socialistes • En Allemagne, la tâche de contrôler et d’enrégimenter la gent féminine était dévolue à Ligue des femmes nationales-socialistes, fondée en 1931 par la fusion de plusieurs associations nationalistes et nationales-socialistes. Subordonnée au NSDAP, elle est d’une certaine façon la branche féminine du Front du travail • Elle constitue la poursuite logique des BDM dont sont membres les Allemandes de quatorze à dix-huit ans, même si les adolescentes peuvent rejoindre le NSF dès l'âge de quinze ans. • L'organisation vise à diffuser chez les femmes l'adhésion à l'idéologie officielle et le soutien aux dirigeants du parti et de l'État. Elle vise ainsi à étendre le modèle de la femme nationale-socialiste en conformité avec la politique définie par le régime.
L’organisation reprend à son compte, mais avec des objectifs différents l'adage de la société traditionnelle allemande, « Les enfants, la cuisine et l'église ». • Cela étant, le Reich ayant besoin de toutes les énergies du peuple, doit aussi inciter les femmes à participer à l’effort de production en les orientant vers des métiers « d'essence féminine » comme institutrice ou infirmière. • Le national-socialisme, traditionaliste et conservateur, n'est pas hostile à ce que des femmes jouent un rôle de premier plan dans de nombreux domaines. • Dans le cadre de la guerre, si l'organisation promeut le travail des femmes pour certains métiers, elle n'est pas favorable à ce que les femmes combattent. • La ligue participa à la promotion de la politique d'autarcie défendue par le régime et tenta d’influencer les habitudes de consommation des ménages par des campagnes destinées aux femmes.
La ligue avait pour vocation de relayer les messages que le parti voulait faire passer auprès du public féminin. Elle possédait son propre organe de presse. • L’orientation du NSDAP quant au rôle éducatif des femmes dans la société a évolué et avec les années, l'éducation tend à être progressivement retirée aux familles au profit de l'État. • Le national-socialisme n'exalte pas la famille traditionnelle : c'est la procréatrice que le régime célèbre, comme en témoigne la création des Lebensborn, qui permettent aux filles-mères d’accoucher de façon anonyme et de remettre leurs enfants à l’État, qui se charge alors complètement de l’éducation • Un an après sa fondation, la NSF comptait un peu plus de 100 000 membres, alors qu’avant la guerre, près de 2 millions de femmes y étaient inscrites, ce qui représente environ 50 % de l’effectif féminin du NSDAP.
4.3 – Le Jenotdel • Dans l’URSS stalinienne, il n’y a pas d’organisation dédiée spécifiquement aux femmes, égalité juridique des sexes oblige. Ainsi, dans toutes les organisations du parti et de l’État, aucune distinction n’est faite entre les hommes et les femmes. Les organisations comme le komsomol sont toutes mixtes. • Jusqu’à la fin des années 1920, et donc jusqu’à la prise en main autoritaire de l’État par Staline, il y existait au sein du parti une section destinée à la gent féminine, que l’on nommait le Jenotdel. • Loin de travailler à cantonner les femmes dans leur rôle traditionnel, le Jenotdel, qui fut dirigé par de grandes théoriciennes du féminisme russe, dont Inessa Armand et Alexandra Kollontaï, avait un rôle très différent, celui de lutter contre la phallocratie de la société et de faire valoir les droits des femmes.
Parmi les objectifs atteints par cette structure, on compte l’autorisation de l’avortement et des mesures facilitant grandement l’obtention du divorce pour les femmes. Les succès de l’organisation sont assez importants pour attirer plus de 600 000 femmes en son sein, au moment de sa dissolution en 1927. • Car la prise de contrôle stalinienne change la situation. Staline est d’un naturel conservateur, et même si le régime demeure progressiste en ce qui concerne la condition féminine, il va s’employer d’abord à rogner les pouvoirs du Jenotdel, avant de le supprimer. • L’argument est égalitariste : en URSS, puisqu’hommes et femmes sont égaux en droit, il n’y a aucune raison de maintenir une organisation dédiée aux femmes. • Par la suite, Staline va s’employer à « retraditionaliser » les rôles sexuels, en faisant la promotion par exemple de la maternité ou en réduisant les droits octroyés aux femmes.
5 – Les organisations professionnelles • En ce qui concerne les autres organisations civiles, il devient très difficile de dresser un tableau d’ensemble, car celles-ci varient énormément d’un régime à l’autre, en fonction des priorités de chacun d’entre eux. 5.1 — Fascisme • Si l’ensemble des organisations du PNF regroupe, on l’a vu, plus de 20 millions de personnes, la puissance de pénétration de ces organisations dans la société, de même que l’ampleur du quadrillage social par le parti n’atteignent pas le degré tentaculaire observé en URSS stalinienne ou dans l’Allemagne nazie.
La base de toutes les organisations sectorielles est le faisceau, structure locale qui chercher à encadrer la population suivant des critères d’âge, de sexe ou d’appartenance à des groupes socioprofessionnels, comme les Groupes universitaires, première organisation de jeunesse du parti, créée dès 1920. • Dans l’Italie fasciste, il y existe des différences de traitement du parti envers les différentes composantes de la société civile, ce qui n’existe pas, ou peu, dans les versions maximalistes hitlérienne et stalinienne. • En ce qui concerne les rapports avec le secteur productif, par exemple. Alors que les syndicats sont étroitement contrôlés par le parti (à partir de 1926, les syndicats indépendants sont interdits et dissous et les seuls syndicats autorisés sont les syndicats fascistes), les relations du régime avec le patronat sont d’un tout autre ordre.
Le maintien tout au long du régime fasciste de la Confindustria témoigne d’une importante différence d’approche. Les relations avec cette organisation sont très différentes que celles qu’entretient les nazis et les chefs d’entreprises allemands, qui dès 1933 se retrouvent de plus en plus contrôlé par le parti. • En Italie, ces relations ressemblent davantage à du clientélisme qu’à une domination. La signature du pacte Vidoni en octobre 1925, par lequel le régime et la Confindstria s’entendent pour poser les bases de la coopération économique entre eux (laquelle pose par l’interdiction du droit de grève) va clairement en ce sens. • Autre exemple, l’Institut de reconstruction industrielle, créé au début des années 1930 pour sauver de la faillite les banques italiennes. Mais avec le temps, l’IRI deviendra un moteur économique, qui permettra à l’État de se passer davantage de l’approbation du patronat. Dans la foulée de la guerre, ce fait devient patent.
Ainsi, tout en cherchant à contrôler en totalité les masses populaires italiennes, le fascisme italien, surtout dans un premier temps, maintient des rapports hiérarchiques plus traditionnels, dans la mesure où son contrôle tatillon ne concerne pas tout le monde. C’est une différence importante avec Hitler et Staline, pour qui tous, sans exception, doivent être subordonnés de la même façon à l’État.
5.2 – Nazisme • Dès 1925 commence la création au sein du NSDAP des « Ligues nationales-socialistes », afin de recruter partout les noyaux qui permettront d’attirer au nazisme la majorité des Allemands. • Outre celles, déjà évoquées, dédiées à la jeunesse et aux femmes, on en trouve une multitude s’adressant aux différents groupes socioprofessionnels (Ligue des étudiants, des juristes, des médecins, etc.) • Jusqu’en 1933, ces Ligues demeurent des coquilles vides et ne rassemblent que de petits groupes, mais après cette date, elles vont constituer la base d’un encadrement total de la population allemande. • Les Juifs en sont bien sûr exclus, de même que tous ceux qui font preuve d’un manque d’enthousiasme avec le régime.
Cette exclusion implique des conséquences redoutables, car pour pratiquer nombre de professions (journalisme, enseignement, etc.), il est impératif d’appartenir à la ligue correspondante. Conséquemment, la non-adhésion signifie l’exclusion de l’individu de la société et éventuellement la privation de moyens de subsistance. • En 1933 est créé le Front du travail, consécutivement à la dissolution de tous les syndicats, lequel sera intégré en 1934 au NSDAP. Son objectif est de combattre la lutte des classes par une organisation visant à générer la solidarité entre travailleurs et employeurs. • Le Front du travail deviendra conséquemment un rouage essentiel de la main mise du parti sur la société, surtout après la création de la Force par la Joie qui lui est subordonnée et qui lui permet, non seulement de contrôler les ouvriers dans leurs tâches de production, mais aussi dans leur loisir.
C’est le Front du travail qui a été chargé du projet Wolkswagen, après qu’Hitler ait décidé que chaque travailleur allemand devait posséder sa voiture. • Enfin, il convient de mentionner, à côté de ces organisations dévolues aux masses, d’autres qui ont pour mandat de contrôler la production, laquelle n’est pas nationalisée et dispose jusqu’à la guerre d’une certaine autonomie. • C’est ainsi qu’en février 1934 sont créés les groupes économiques : sept organisations représentant les principales branches industrielles et qui ont pour mandat de coordonner la production et de favoriser la pénétration de l’esprit national-socialiste dans les entreprises. • En ce qui concerne la production agricole, cette mise sous tutelle était survenue quelques mois auparavant, à l’automne 1933, avec la création du Groupe des Producteurs du Reich (Reichnährstand).
5.3 – Stalinisme • En URSS, et même avant la formation du pays en 1922, s’est posée avec acuité la question des relations de travail et des organisations de défense des travailleurs, qui avaient joué un rôle important dans la pénétration des idéaux bolcheviques auprès des classes urbaines laborieuses. • Mais une fois instaurée la « dictature du prolétariat », que faire avec les syndicats, qui deviennent théoriquement inutiles, car il n’est plus nécessaire de défendre les ouvriers qui sont désormais au pouvoir ? • Mais dans les faits, ils sont bien sûr encore utiles aux ouvriers. Trop même, car les syndicats se retrouvent dès lors en compétition avec le pouvoir et agissent de façon à lui rappeler les promesses faites aux ouvriers.
Des divergences existent au sein du parti sur cette question, mais l’option défendue par Trotski (la fusion des syndicats au sein du parti) va l’emporter. • Dès l’été 1918 est crée le Conseil central panrusse des organisations professionnelles, qui sera la base de la mise sous tutelle par l’État des syndicats, même si dans les premières années de son existence, elle sera aussi utile dans la lutte contre l’analphabétisme. • Par la suite, et surtout à partir de Staline, les unions professionnelles d’URSS n’auront plus guère pour vocation de défendre les travailleurs, mais bien plutôt de les encadrer et d’en faire des rouages dociles de l’appareil de production. • L’adhésion du travailleur aux syndicats est automatique et les attributions des organisations extrêmement larges : elles s’occupent du travail, bien sûr, mais aussi des loisirs, du logement, de l’approvisionnement, etc.
Les syndicats parviennent à faire ce que le parti ne peut pas faire : contrôler l’ensemble de la population. En effet, le travail étant obligatoire en URSS, cela revient à dire que tout le monde était membre d’un syndicat. • Dans les campagnes, où les syndicats à proprement parler n’existent pas, après la collectivisation, ce sont les sovkhozes qui sont responsables de l’encadrement idéologique des populations rurales. • Dans le cas des kolkhozes, les Stations de Machine et Tracteurs auront, en plus de leurs attributions professionnelles, la responsabilité d’améliorer la « préparation idéologique » des masses laborieuses. • Enfin, les années 1930 vont voir la multiplication des organisations sectorielles dans le milieu artistique et intellectuel : l’Union des écrivains, des compositeurs, des journalistes, etc., afin que tous, sans exception, travailleurs intellectuels comme travailleurs manuels, soient encadrés.
Cinquième cours : 1 – Les « organes » 2 – Répressions fascistes 3 – Répressions nazies 4 – Répressions staliniennes
1 – Les « organes » 1.1 – Le mouvement squadriste • Le mouvement squadriste prit naissance en Vénétie, puis s'étendit dans le Nord et le Centre de l'Italie, où il devint l'instrument de la contre-révolution agraire : en échange de leur soutien, les grands propriétaires fonciers demandèrent aux squadre de faire évacuer leurs terres occupées et de saccager les lieux de réunion du prolétariat rural. • Le scénario des expéditions punitives variait peu : à l'appel des agrariens, trente ou quarante squadristes armés de matraques quittaient leurs bases urbaines. Arrivés à destination, ils dévastaient les bâtiments, molestaient et tuaient les paysans récalcitrants.
En quelques mois, toute l'organisation socialiste fut ainsi disloquée. La terreur gagna ensuite les centres urbains. En ville, elle prit pour cibles les sièges des syndicats et des journaux de gauche, les Chambres du travail et les maisons du peuple. • Dans les rangs des squadre se côtoyaient les individus les plus divers : aventuriers et repris de justice, officiers démobilisés, membres de la bourgeoisie agrarienne jeunes représentants des classes moyennes des villes, tous pénétrés de fanatisme nationaliste, dirigé contre les valeurs bourgeoises d'ordre et de modération, tous aveuglément dévoués à leurs chefs, les ras. • Identifié à la première phase du fascisme, le squadrisme survécut à la transformation du mouvement en parti en novembre 1921. Le congrès de Rome réalisa un compromis entre les revendications des ras et la volonté de Mussolini d'accéder au pouvoir par voie légale.
Peu à peu, le parti prit le pas sur les squadre dans la conduite des opérations. Les deux branches du fascisme, politique et militaire, devaient coexister jusqu'aux lois fascistissimes de 1926, qui dotèrent le régime d'un appareil de répression légale rendant sans objet le maintien de bandes armées autonomes. • Si les membres du mouvement étaient violents, leurs méfaits sont tout de même limités en termes de pertes humaines. • Au cours des années 1920 et 1921, les actions des sqadristes ont entraîné la mort de 72 membres des forces de l’ordre et de 220 socialistes, chiffres auxquels il faut ajouter environ 1200 blessés. Parmi les méthodes de combat des groupes, on note fréquemment l’administration par la force d’huile de ricin…
1.2 – L’OVRA • L’organisation pour la Vigilance et la Répression de l’Antifascisme (OVRA) fut la police secrète de l’Italie fasciste, fondée en 1927. Souvent comparée à la Gestapo, avec qui elle partage des méthodes et des objectifs, elle n’a jamais joué un rôle comparable à la police secrète nazie et au maximum de son développement, elle comptait à peine 5 000 agents. • Dirigée par Arturo Bocchini, l’OVRA avait pour mandat, comme son nom l’indique, de lutter contre les activités et les sentiments antifascistes. • La fondation de l’organisation est consécutive à la tentative d’assassinat perpétrée contre Mussolini le 31 octobre 1926. Dès lors, de multiples lois liberticides et répressives sont mises en place par le gouvernement fasciste.
Toutes les organisations et associations opposées au fascisme sont décrétées hors-la-loi et toute personne reconnue coupable d’avoir commis ou d’avoir exprimé l’intention de commettre des actions visant à mettre en danger l’ordre social, économique ou national ou posant un risque à la sécurité nationale peut être exilée dans des régions périphériques. • Le 25 novembre 1926, en conformité avec la Loi de défense de l’État, des Tribunaux spéciaux sont créés pour juger ceux qui sont accusés d’être des ennemis de l’État, lesquels sont passibles de lourdes peines de prison où même de la peine de mort, entendu que celle-ci a été réintroduite par la Loi de défense de l’État. • Une grande réforme des forces policières est alors lancée. Le nouveau Code pénal mentionne explicitement la création d’un « Département de police politique » chargé de contrôler et de lutter contre la dissidence. L’organisation demeurera secrète jusqu’en 1930.
En 1939, l’OVRA aura procédé à l’arrestation d’environ 4 000 personnes, déférées devant les tribunaux spéciaux et envoyées en exil dans les camps du régime situés sur des îles de la Méditerranée. • Ayant en quelque sort été pionnier à la matière, l’OVRA collaborera par la suite avec Himmler, afin de l’aider à mettre sur pieds la Gestapo. En avril 1936, les deux organisations signent un mémorandum secret qui établit les bases de leur coopération. • L’une des responsabilités de l’OVRA était d’entretenir un fichier d’archives spécialisées où les informations personnelles des individus potentiellement subversifs étaient conservées en vue d’une utilisation par la police ou le système judiciaire. • Pour bien comprendre toute la distance qui sépare l’OVRA de la Gestapo ou du NKVD, il suffit de dire qu’entre 1927 et 1940, à peine dix personnes furent condamnées à mort par les Tribunaux spéciaux.
Au cours de la guerre, l’OVRA fut utilisé par Mussolini pour espionner les groupes de résistance dans les Balkans, dont l’Armée nationale de libération de Josip « Tito » Broz. • Lors de l’invasion de la péninsule par les forces anglo-américaines, l’OVRA recrutait des agents doubles afin d’infiltrer l’administration de l’occupant anglais.
1.3 – La SA • En 1920, Röhm fonde la SA, qu'il conçoit comme un service d'ordre destiné à protéger les réunions du parti nazi et à perturber celles des adversaires politiques. • Recrutées parmi les anciens des Corps francs dissous par le gouvernement, les Sections d'assaut sont placées sous les ordres du lieutenant Klintzsch, Röhm, ne pouvant en prendre personnellement le commandement. • Dès la fondation éclatent les divergences à son propos entre Hitler, qui la veut subordonnée à la direction politique du parti, et Röhm qui estime quelle est une troupe militaire et qu’elle doit bénéficier d'une autonomie complète par rapport aux politiques. • Désireux de contrebalancer l'influence des anciens Corps francs, Hitler nomme à sa tête Hermann Goering. L’organisation se trouve ainsi marquée par l’influence de militaires en délicatesse avec l'armée.
Elle est ainsi un ferment « révolutionnaire » décidé à bouleverser l'ordre établi pour s'y tailler une place. La SA constitue le fer de lance de la tentative de putsch. • Après la tentative de putsch, la SA est reprise en main par Röhm, puis par Salomon. Elle reçoit alors son organisation définitive. Ses missions sont multiples, depuis le collage d'affiches et la distribution de tracts jusqu'aux grandes manifestations de rues et aux affrontements avec les adversaires politiques des nazis. • Par elle, le NSDAP possède une force qui rivalise avec la police. Mais cette force demeure autonome et se considère indépendante des Gauleiters. En 1930, la SA de Berlin se mutine et met à sac le quartier général du parti. Hitler limoge Salomon, prend la tête de la SA et rappelle Röhm, afin qu'il reprenne la situation. • Röhm fait alors de la SA une véritable armée. Il recrute dans les rangs des chômeurs, qui trouvent au sein de la SA nourriture et logement.
Au début de 1933, la SA compte 400 000 hommes et inquiète les dirigeants du NSDAP. Dans la phase de croissance du parti et pendant les premiers mois de 1933, le rôle de la SA est fondamental : c'est elle qui intimide et paralyse les adversaires de gauche des nazis en 1931-1933. Au point où en avril 1932, la dissolution de la SA est ordonné, mais temporairement. • Après la prise de pouvoir, la SA forme l'essentiel des effectifs de la police auxiliaire et procède à l'intimidation des adversaires du nazisme. Elle fait régner sur le pays la terreur, occupant les mairies, les rédactions de journaux, etc., imposant des licenciements d'adversaires politiques ou de Juifs, et obligeant à leur substituer des nazis avérés ou des membres de la SA. • L'administration et les institutions des Lander se peuplent ainsi de nazis. La SA maltraite ses adversaires, les attaquant physiquement ou les humiliant publiquement.
Elle organise le boycottage des magasins juifs, arrête de manière arbitraire qui elle veut. Sa puissance grossit début 1933, alors qu’elle absorbe le Stahlhelm et recrute ceux qui veulent bénéficier du partage des bénéfices. En 1934, elle compte trois millions d'hommes. • Son action gêne Hitler et irrite les dirigeants de l'armée, qui voient en elle une concurrente aspirant à constituer une nouvelle armée. Or, Hitler a besoin des militaires. • Fin juin 1934, redoutant un coup de main de l’armée contre ses troupes, Röhm met celles-ci en état d'alerte. Hitler feint d'y voir un putsch contre lui et dans la nuit du 30 juin 1934, il se rend à Bad Wiessee où l'état-major de la SA s'est réuni pour un banquet. • Les principaux dirigeants sont arrêtés et exécutés. Décapitée, la SA ne joue plus qu'un rôle secondaire, le rôle moteur dans l'État nazi étant désormais dévolu à la SS. En 1939, elle ne compte plus qu'un million et demi de membres.
1.4 – La SS • En 1922, Hitler décide la constitution d'une garde personnelle qui prend d'abord le nom de « Garde du poignard », puis de « Troupe de Choc Adolf Hitler », laquelle participe au putsch de Munich. • À sa sortie de prison, Hitler reprend l'idée et ainsi nait la SS. Ce n'est alors qu'un petit groupe de 300 hommes qui, à partir du 6 janvier 1929, sont commandés par le Reichsführer SS Heinrich Himmler. • Himmler rêve de faire du groupe l'élite du nazisme, et d'abord une élite raciale. Sur les conseils de Darré, il soumet le recrutement à de sévères critères raciaux. Les candidats doivent prouver leur ascendance aryenne jusqu'au XVIIIe siècle et ne peuvent se marier qu'avec l'accord de leurs chefs.
Tout en veillant à développer les effectifs, il fait en sorte de contrôler la croissance du groupe, afin de le tenir en main. En 1933, Himmler dispose de 50 000 SS qui ne sont encore qu'une police du parti et une organisation d'importance secondaire par rapport à la puissante SA. • Après 1933, le rôle de la SS devient fondamental dans le cadre du processus de transformation de l'Allemagne. Elle participe à l'entreprise d'intimidation et est intégrée dans les forces de police auxiliaire. Surtout, elle participe à l'occupation des mairies des Lander. • Mais le véritable tournant de l'histoire de la SS se situe en 1934, lorsque Hitler décapite la SA. Durant l'année 1934, Heydrich s'efforce d'accroître les tensions entre la SA, la Wehrmacht et les dirigeants du parti. S'appuyant sur la SS, Hitler peut procéder au massacre de l'état-major de la SA. Röhm disparu, l'organisation rivale décapitée, la voie est libre pour Himmler et la SS.
D’abord force de police, la SS va fonder sa puissance sur le contrôle de toute la police allemande. Police du parti, elle devient police politique de l'État nazi, grâce à l'accession d'Himmler à la direction suprême de la Gestapo. Dépendant du même chef, Gestapo et SS deviennent deux branches de la même organisation. • En 1935, la SS se subdivise en plusieurs branches : • Les Allgemeine SS sont des militants politiques, mais qui restent dans la vie civile. • Les SS-Verfungungstruppe (« Troupes SS à disposition ») sont militairement enrégimentés. Au début de la guerre, il s'agit d'une petite armée de 28 000 hommes sur les 240 000 que comprend la SS. Une partie forme la garde personnelle d'Hitler, la Leibstandarte Adolf Hitler. • Un troisième groupe, les SS-Totenkopfverbande (« SS à tête de mort »), est chargé de la garde des camps de concentration.
En 1936, le Reichsführer SS devient chef de toute la police allemande et le SD, service de renseignements des SS, fondé par Heydrich, est intégré à l'État comme service de renseignements et de contre-espionnage. • Jusqu'en 1933, la SS recrute parmi les anciens des Corps francs, les intellectuels ratés et les militants nazis. Après 1934, la SS attire des membres de l'aristocratie qui vont peupler les postes supérieurs, des intellectuels, des économistes qui viennent y faire carrière, des membres de la classe moyenne, etc.. • Pour financer son organisation, Himmler crée un cercle d'industriels, banquiers, hommes d'affaires qui subventionnent la SS, attendant en échange une protection pour leurs affaires. • À ce groupe, relativement peu nombreux (il n'atteindra jamais les 250 000 hommes), Himmler entend donner une organisation fondée sur le modèle des ordres religieux et en particulier des jésuites.