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Histoire de la France révolutionnaire. Premier cours : Les origines matérielles de la révolution : la France du XVIIIe siècle. Premier cours :. 1 – Introduction 2 – Société 3 – Le problème fiscal 4 – Système politique 5 – Les déboires de la politique étrangère. 1 – Introduction.
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Histoire de la France révolutionnaire Premier cours :Les origines matérielles de la révolution : la France du XVIIIe siècle
Premier cours : 1 – Introduction 2 – Société 3 – Le problème fiscal 4 – Système politique 5 – Les déboires de la politique étrangère
1 – Introduction • Le XVIIIe siècle est une période charnière : deux événements vont changer la mécanique de sociétés qui semblaient fonctionner suivant des règles immuables. • Les révolutions américaine et française vont imposer des institutions, des principes, des concepts qui régissent encore aujourd’hui notre univers politique et social. • Sans nier l’importance de la révolution américaine, les événements qui débutent en 1789 en France vont avoir plus d’impact, car aux États-Unis, le terrain étant vierge, ont peut construire à neuf dès le départ. • En France, il faudra avant tout détruire. Et d’abord l’ordre féodal, non seulement sous ses formes économiques (dont il ne reste que peu de chose), mais surtout sous ses formes politiques et sociales.
Le monde qui naît en 1789 consacre un changement de paradigme fondamental : la place de l’individu dans le monde ne lui sera plus imposée par le hasard de sa naissance, mais par le fruit de ses efforts • L’histoire change aussi car depuis toujours, ce sont les élites qui déterminaient la marche de l’histoire, les peuples n’étant alors que le matériau passif avec lequel on façonnait le monde. • Ils existaient mais leur destin consistait à subir. Avec 1789, les masses populaires font irruption dans l’histoire et dorénavant, les peuples n’assisteront plus passivement aux événements : ils vont y participer, les provoquer et les déterminer. • On a retenu le 14 juillet 1789 pour marquer le début de la révolution, mais ce jour n’est qu’un épisode de 1789, aboutissement de processus déjà anciens : développement économique, modification des rapports sociaux, alphabétisation, etc.
Ces éléments sont liés à l’essor de la pensée critique qui, après avoir remis en question l’ordre divin, va se tourner vers la remise en question de l’ordre humain, provoquant des changements fondamentaux. • Les révolutionnaires de 1789 sont les héritiers de l’humanisme de la renaissance. D'un point de vue intellectuel, c’est à partir de celle-ci que commence la révolution. • Si déterminer le début de la Révolution française est complexe, il est encore plus difficile d’en définir la fin. Selon les auteurs, elle prend fin à différemment moment et il n’existe pas de convention évidente à ce sujet. • Ainsi, certains historiens retiennent le 10 thermidor (28 juillet 1794), d’autres le 18 brumaire 1799 (9 novembre 1799), d’autres enfin, le 14 août 1815, suivant les sensibilités politiques de chacun. Et la liste pourrait être allongée bien davantage.
On peut considérer que la Révolution française prend fin avec la stabilisation du système politique et l’assagissement des mœurs politiques, qui survient en 1880, dix après la proclamation de la IIIe république, alors que la France fait la paix avec l’héritage de 1789 : amnistie des communards, adoption du 14 juillet comme fête nationale, de la devise nationale, etc • La France connaîtra d’autres crises, mais de façon générale, la discussion remplace alors la violence et les relations politiques se pacifient. • De même, en 1880, le système politique français trouve un point d’équilibre entre les deux notions dont la juxtaposition a entraîné 1789 et dont la lutte pour la prédominance a rythmé l’ensemble de ce siècle révolutionnaire : liberté et égalité. • Ainsi, toute la période 1789-1880, peut être qualifiée dans de siècle révolutionnaire.
2 – Société 2.1 – D’une société d’ordres… • Depuis le Xe siècle, la société française, société d’ordres, est composée de trois éléments : bellatores, oratores et laboratores, qui ont évolué dans leurs fonctions et leurs dénominations pour devenir les ordres de la renaissance, noblesse, clergé et tiers état. • Même si ces ordres sont très hétérogènes, la société française d’ancien régime est divisée par fonctions et non par richesse, comme dans les sociétés modernes. • Au sein des ordres privilégiés, on compte des pauvres, des gens dont le niveau de vie est inférieur à la moyenne et à celui des membres privilégiés de ces ordres privilégiés.
On trouve des membres du tiers état plus riche que certains membres des ordres dominants, car ceux-ci dominent politiquement et non économiquement. • Monarchie absolue oblige, le clergé supplante la noblesse. Depuis le concordat de 1516, le catholicisme est religion d’État, malgré l’existence de minorités religieuses. Cette situation confère au clergé un pouvoir d’influence considérable, d’autant qu’une part de ce clergé est elle-même issue de la noblesse • Garant idéologique de la structure politique du royaume, le clergé assure de multiples services publics : l’aide aux démunis et aux indigents; l’enseignement; les soins de santé et l’État civil. • Le clergé français est doté de ses propres institutions. Désireux de maintenir son autonomie face au roi et au pape, il dispose de ses propres tribunaux et de ses assemblées.
Ces structures lui permettent de demeurer à l’écart de la société et de défendre sa singularité, qui s’exprime par ses privilèges fiscaux, sa contribution se limitant à un « don gratuit »… • L’Église est le plus riche propriétaire du pays. Environ 10 % des terres du royaume lui appartiennent. Cette richesse foncière génère annuellement environ 100 millions de livres, somme à laquelle il faut ajouter près de 80 millions qu’elle reçoit par le biais de la dîme. • Dans la France d’Ancien régime, l’espace public est religieux. À Paris, on trouve une cinquantaine de paroisses et près du quart du territoire de la capitale est occupé par les couvents et les monastères. • Le temps aussi est catholique, rythmé par les fêtes chômées, qui sont religieuses, et les grands événements de la vie — naissance, mariage, décès – inconcevables en dehors du cadre religieux.
Cette puissance irrigue le corps social, alors que la foi et la pratique religieuse sont omniprésents : assiduité aux messes dominicales, caractère massif des processions, etc. Si l’incroyance, l’agnosticisme, le panthéisme et l’athéisme se développent, ces courants demeurent extrêmement marginaux et ne concernent qu’une petite partie de l’élite intellectuelle. • Grâce à cette puissance sociale, politique, économique, culturelle et spirituelle, le clergé français domine le royaume de France. • Mais les pouvoirs sont très mal répartis et la domination de l’Église concerne le haut clergé, dépositaire de la puissance et des privilèges globaux de l’ordre. • Le clergé est divisé entre les 70 000 prêtres des 135 diocèses du royaume (le clergé séculier) et les 60 000 membres, hommes et femmes, des congrégations religieuses (que l’on nomme le clergé régulier).
Mais les maîtres de cet ordre ne sont que 3 000 : prélats, chanoines des chapitres les plus riches, abbés et supérieurs des couvents et monastères les plus aisés. Dans leur quasi-totalité, ils sont nobles et souvent de haute noblesse, les cadets des grandes familles étant poussés vers l’église pour y faire carrière. • Disposant d’une grande aisance, ce haut-clergé est critiqué pour son oisiveté et ses mœurs mais il y a une part de clichés, bien que les qualités d’administrateurs y sont plus visibles que la vocation mystique. • La grande masse du clergé est issue du milieu paysan et défend des intérêts semblables à ceux de ses ouailles, d’autant que son revenu ne lui permet pas d’avoir un niveau de vie significativement supérieur. Logiquement, ce clergé paysan évolue au même rythme que son milieu tout au long du XVIIIe siècle.
Entre les deux, une place de plus en plus importante est occupée par un clergé moyen, issue du tiers état, dont il partage la relative aisance. Sans être nécessairement radical, le clergé moyen réclame une place plus grande dans la hiérarchie religieuse. • Deuxième ordre en importance, la noblesse cherche au long du XVIIIe siècle à récupérer les fonctions qu’elle a occupées lors des périodes où l’absolutisme royal se relâchait : elle cherche sa revanche sur Louis XIV. • Cette noblesse assez faible numériquement (environ 80 000 personnes) récupère une partie de ses attributions dès l’époque de la régence de Louis XV et tout au long du siècle, sa puissance se renforce. • Plus homogène que le clergé, la noblesse française est néanmoins diverse, même si ses membres ont en commun un sentiment de supériorité qui les distinguent, par leur naissance, leur mode de vie, leur rôle historique et politique et leur désir de maintenir leur suprématie.
Mais il existe des différences marquées entre la vieille noblesse et la nouvelle et entre celle des grandes familles et celles de la province. • Vers le milieu du siècle, la noblesse contrôle encore directement le quart des terres du royaume, malgré le rôle de plus en plus important joué dans la production agricole par les paysans propriétaires. Cette richesse foncière est la principale source de ses revenus. • Mais les droits seigneuriaux sont souvent encore exigés sur les terres que le noble ne possède plus en propre : le cens, les droits de mutation (vente et héritage – la mainmorte), les banalités (redevances perçues pour l’utilisation des équipements de la seigneurie), etc. • La hausse de la valeur foncière est doublement bénéfique à la noblesse. Mais même lorsque celle-ci baisse, le noble a toujours la possibilité d’accroître la pression fiscale sur les paysans.
La première distinction concerne l’ancienneté des titres, laquelle ne va pas toujours de pair avec une plus grande aisance. La vieille noblesse, dite d’épée, refuse d’être confondue avec la noblesse de robe, dont les membres, anoblis récemment, ont obtenu leur titre par l’achat d’un office important ou par le service de l’État. • Mais la principale distinction entre les membres de la noblesse concerne la richesse et l’influence sociale. La haute noblesse est composée de quelques milliers de membres de familles « présentées » au roi. • Avec le retrait du pouvoir absolutiste, elle parvient à supplanter les bourgeois à la tête des institutions du royaume. Fiers de leur statut et s’appuyant sur des fortunes considérables, les membres de la haute noblesse sont peu nombreux à s’impliquer dans le développement économique du pays.
Le train de vie de cette haute noblesse est étranger à la majorité des nobles, petits hobereaux de province, qui disposent d’un domaine parfois devenu très limité. • Sa richesse relative rend le noble de province conservateur et très attaché à ses titres, lesquels sont pour beaucoup la seule richesse dont il dispose encore. Comme la haute noblesse, le petite noblesse s’implique peu dans le commerce, car ce serait à ses yeux déchoir. • Le service militaire est souvent la seule alternative pour les jeunes hommes de cette noblesse, surtout avec la loi de 1781, qui réserve à la noblesse les grades d’officiers. Mais il va de soi que les fils de la haute noblesse grimpent plus aisément, et plus rapidement, les échelons de la hiérarchie militaire. • Et puis, il y a le « reste ». Ce reste, que l’on nomme le tiers état, constitue 98 % de la population du royaume.
S’agissant de la quasi-totalité des sujets du roi, le tiers état est diversifié :on y compte autant les indigents que certains membres de la bourgeoisie, dont la richesse est supérieure à celle de la haute noblesse. • Ce tiers état est très nombreux et il croit tout au long du siècle. On estime généralement que du début à la fin du XVIIIe siècle, la population de la France passe de 20 à 26 millions, ce qui fait du royaume de France l’État le plus peuplé d’Europe (si on excepte la Russie). • C’est aussi une population très jeune : les moins de 20 ans comptent pour plus du tiers, les plus de 40 ans, pour moins du quart. • Cet accroissement n’est pas dû à un baby-boom (d’autant que le taux de fertilité semble décroitre), mais plutôt à une diminution de la mortalité, ce qui témoigne de l’amélioration des conditions de vie et d’hygiène, ainsi que des progrès scientifiques.
Cette masse de la population, dont le niveau économique est très varié, a cependant une chose en commun : les membres du tiers état, qu’ils appartiennent à la paysannerie misérable ou à la riche bourgeoisie industrielle, sont dépourvus de tout pouvoir politique.
2.2 — … à une société de classes. • Les sociétés modernes se caractérisent par la complexification des rôles sociaux et la diversification sociale. Ce processus est entamé en Angleterre dès le XVIIe siècle et s’enclenche en France au cours du XVIIIe siècle. • Puisque c’est par la division des tâches économiques que survient cette diversification des rôles sociaux, elle concerne avant tout les producteurs, c’est-à-dire les membres du tiers état, et beaucoup moins les ordres supérieurs, qui demeurent à l’écart des changements provoqués par la première révolution industrielle. • Sous l’impulsion des changements économiques et démographiques, le tiers état se stratifie. C’est autour de la ville et de l’urbanisation croissante que ce processus prend place.
Les villes ne sont pas une nouveauté du XVIIIe siècle, mais les mutations agricoles, en augmentant la productivité et la production, ont permis d’une société urbaine de plus en plus importante. • Au cours du XVIIIe siècle, la masse critique est atteinte pour permettre certains changements dans les rapports villes-campagnes. Si on ajoute à cela les innovations techniques qui prennent alors place, toutes les conditions sont réunies pour l’émergence de la classe dominante des sociétés modernes : la bourgeoisie. • La population urbaine n’est pas homogène. Au sommet, on trouve les grands bourgeois : négociants, banquiers, dont certains deviennent rentiers, grands industriels. • Certains sont plus riches que la haute noblesse, mais ils s'en distinguent par la mentalité, car c’est à leurs propres forces et à leur esprit économe, croient-ils, qu’ils doivent leur fortune, et non à leur naissance.
Puis viennent les petits entrepreneurs, dénomination qui regroupe un grand nombre de statuts sociaux et de niveaux de vie, cette classe comprenant autant les propriétaires de petites entreprises que les artisans • Mais ils ont en commun le désir d’ascension sociale et d’amélioration de leur condition de vie, de sorte que, par la mentalité, ils ressemblent plus à la haute bourgeoise qu’au petit peuple des villes. • Viennent ensuite les pauvres, généralement manœuvres ou ouvriers, ou sans-emploi lors des périodes de crise. • Malgré l’augmentation de ces pauvres urbains, ils ne constituent pas un prolétariat au sens moderne, car y on trouve une grande variété de statuts : chambrelan (ouvrier à domicile), compagnon résidant chez son patron, petit propriétaire pour qui le travail salarié constitue un revenu d’appoint, etc.
Cette classe urbaine pauvre partage un statut précaire, car elle est très dépendante de la conjoncture économique. Que survienne une mauvaise récolte, l’augmentation des prix alimentaires provoque invariablement des troubles urbains. On passe ainsi aisément de la pauvreté à la misère. • Malgré les différences de classe, la population urbaine partage un environnement commun et une mentalité qui la distingue de l’écrasante majorité de la population d’une France encore très majoritairement rurale. • En 1780, plus de 75 % de la population française appartient à la paysannerie, de sorte que le tiers état, c’est avant tout cette population paysanne. Mais elle est la force passive de ce tiers état, les hautes classes urbaines en constituant la force active. • Restée à l’écart des grands bouleversements du siècle elle demeure encore profondément traditionnelle, conservatrice, religieuse et analphabète.
Le cloisonnement qui caractérise la vie paysanne n’est guère remis en question par les progrès techniques, car les communications encore très lentes font que l’univers du paysan se limite essentiellement à la région ou il vit. • Basée sur la culture du froment, du seigle et du blé noir, mais aussi de la vigne et de l’élevage, selon les régions, l’économie villageoise repose sur une agriculture de subsistance, car pratiquant généralement l’assolement, le rendement agricole demeure faible. • Cette faible productivité préoccupe les spécialistes des villes, mais ils ne parviennent pas à convaincre les paysans de changer leur façon de faire. • D’autant que les innovations permettant un décollage de la productivité ne sont possibles que sur de très grandes exploitations, ce qui nécessite la formation d’un capitalisme agraire, limité à la grande région du bassin parisien.
Ailleurs, c’est l’exploitation familiale qui domine. Les statuts d’exploitation sont divers : on trouve le fermage, le métayage ou la propriété personnelle. • En 1789, environ la moitié des terres du royaume appartient à des familles paysannes. Les paysans qui disposent de suffisamment de terres pour pouvoir vendre des surplus bénéficient de la hausse des prix agricoles tout au long du siècle. On les appelle les laboureurs et ils sont très peu nombreux. • Pour les autres, l’autarcie est le mode de vie habituel et la misère, l’horizon économique. Même pour ceux qui sont propriétaires, les charges sont lourdes : taille royale, dîmes ecclésiastiques et charges seigneuriales amputent sévèrement un revenu très modeste. • Ils arrivent à vivre lorsque la récolte est bonne, mais sinon, c’est la misère. Lorsqu’il ne peut trouver un salaire d’appoint dans les petites industries rurales, le paysan en est réduit à la mendicité et au vagabondage.
Cette condition économique pénible constitue un terreau de choix pour l’éclosion de troubles dans les campagnes, qui de strictement économiques peuvent aisément devenir politiques. • La paysannerie en a contre la taille royale, mais surtout contre les charges seigneuriales qui ont perdu leur raison d’être et sont perçues comme autant d'avatars d’un servage qui a pour l’essentiel disparût. De sorte que la colère paysanne se tourne généralement contre les seigneurs, non contre le roi.
3 – Le problème fiscal 3.1 – Un système déséquilibré • Si le pouvoir politique est de plus en plus contesté, ce n’est pas uniquement à cause de son aspect anachronique, mais aussi à cause son inefficacité économique. Les idées nouvelles se répandent d’autant plus facilement qu’elles critiquent un royaume en piteux état du point de vue financier. • Ceci n’est pas une nouveauté pour la France. Mais au XVIIIe siècle, les besoins se multiplient, alors que les sources de revenus se tarissent : lourdement endetté, l’État français à de plus en plus de difficultés à obtenir de l’argent par des emprunts et les possibilités de pressions fiscales sont aussi limitées car les plus fortunés ne contribuent presque pas aux finances de l’État.
Le clergé contribue par le biais de son « don gratuit » qu’il verse annuellement à l’État, mais comme c’est lui-même qui en détermine le montant, cette source de revenus est plutôt instable. • Ce déséquilibre fiscal est d’autant plus insupportable que le payeur ne bénéficie d’aucun retour sur les impôts qu’il est le seul à payer : les dépenses du royaume sont consacrées pour l’essentiel à deux secteurs, soit l’entretien d’une armée pléthorique et le fonctionnement d’un État qui se centralise et se bureaucratise. • Et il y a aussi bien sûr les dépenses de la cour. Elles ne sont pas en fait particulièrement élevées, soit de 2 % à 5 % du budget de l’État, selon les sources. • Même si ces dépenses ne sont pas énormes, elles apparaissent aux yeux de la population parfaitement futiles et inutiles et mettent en évidence le caractère parasitaire de la noblesse.
Si la chose est à peu près tolérable en période de faste, lorsque la situation économique se détériore et que la disette frappe les campagnes et les villes, ces dépenses deviennent bien sûr insupportables. • Si on ajoute à ces dépenses ordinaires les coûts d’une politique étrangère inefficace et des guerres infructueuses, la situation financière du royaume est plutôt préoccupante. • D’où les multiples tentatives de résoudre ce problème chronique de financement, dont les conséquences politiques sont évidentes, car l’inégalité fiscale contribue au discrédit du système.
3.2 – Tentatives de solutions • Philipe d’Orléans, régent à partir de 1715, ne peut remettre en question l’assiette fiscale : il n’est que régent et pour asseoir son autorité, il a besoin de la noblesse. • De toute façon, il vient de remettre à cette dernière les moyens de s’opposer à toutes réformes fiscales qui lui seraient désavantageuses en redonnant aux parlements leurs pouvoirs de remontrance et il a aussi besoin de l’appui de la bourgeoisie et du peuple. • Il doit donc être imaginatif : il confie alors à l’Écossais John Law la fondation d’une Banque générale, sur le modèle des banques hollandaise et anglaise, qui recourt à l’émission de papier-monnaie. • S’inspirant des mêmes États, en 1717, Law fonde la Compagnie d’Occident, qui deviendra la Compagnie française des Indes en 1719, laquelle obtient du régent le monopole du commerce colonial du royaume.
Ces initiatives auraient pu fonctionner si l’économie française avait été comparable aux économies anglaises et hollandaises. Mais en France, la richesse est foncière ou liée à la rente et aux revenus que la noblesse tire de son statut et de son rôle dans l’État. Elle est peu mobile et ses détenteurs sont aussi plus conservateurs. • Quand Law devient en 1720 contrôleur général des finances, la noblesse retire ses avoirs de la banque, entraînant l’effondrement du cours de la monnaie et la faillite de la Compagnie. Law dut alors quitter la France. • Malgré le coup de fouet donné à l’économie marchande par ces initiatives, un coup sévère fut porté à l’économie du pays, car nombreux sont les rentiers qui déclarèrent faillite. Par voie de conséquence, l’impact politique fut également important, car on reprocha au gouvernement d’être responsable de la situation.
Mais la crise eut du bon pour les finances de l’État, car une partie considérable des dettes de la couronne se trouvait entre les mains de la bourgeoisie nationale rentière et la vague de faillites dont elle fut victime permit à l’État d’effacer une part importante de ses dettes. • Au début du règne de Louis XV, la situation s’améliora, grâce au développement de l’économie nationale et au commerce étranger, alors que les dépenses étaient mieux contrôlées. Pendant ses 15 années de gouvernement, Fleury évita les aventures à l’extérieur, permettant à l’économie de se développer et aux revenus de l’État de croître. • Mais à partir des débuts des années 1740, la France recommença à s’impliquer en Europe et les guerres couteuses qu’elle mena entraînèrent une détérioration de la situation économique et des finances de l’État.
En 1749, par l’édit de Marly, le roi tenta de mettre un impôt dit « du vingtième », contraignant tous les sujets du royaume à verser au trésor 5 % de leurs revenus. • Le rejet de cette mesure par les parlements et les États provinciaux fut unanime, obligeant le roi à recourir à de nombreux lits de justice. Mais l’opposition ne désarmait pas et le gouvernement dut finalement reculer : il dispensa d’abord le clergé (1751), puis la noblesse. • Le problème des finances n’étant pas réglé, c’est encore le tiers état qui écopa, alors que la taille, impôt ordinaire dont étaient dispensés les ordres privilégiés, fut considérablement augmentée. • Louis XV revint à la charge en 1771. Le chancelier Maupeou supprima les parlements, ordonna l’arrestation des parlementaires et nationalisa leurs charges. Il put s‘atteler à la réforme fiscale : l’impôt du vingtième fut restauré et les exemptions fiscales abolies. Jusqu’en 1774, le gouvernement eût les mains libres.
La mort de Louis XV, l’arrivée sur le trône de son petit-fils et le rappel des parlements entraîna un retour aux conditions d’avant 1771. Tous les ministres qui se succèderont alors buteront sur le même problème, soit le refus des parlements de consentir de nouveaux impôts. • Necker, qui succéda à Turgot de 1776 à 1781, recourut massivement à l’emprunt. Ses tentatives de remise en question de l’ordre fiscal échouèrent et il fut renvoyé après avoir dans son Compte rendu au roi dénoncé les abus de la noblesse. • Calonne, l’un des ministres qui succéda à Necker, développa une méthode fort simple : pour donner confiance aux prêteurs, il fallait donner l’illusion de la richesse et pour cela, dépenser, en profitant du fait que l’économie croissait alors, consécutivement à la fin de la guerre et au développement économique.
La méthode fonctionna un temps : les besoins immédiats purent être comblés, mais à moyen terme, le déficit se creusa, les dépenses courantes étant alors alourdies par les paiements d’intérêts sur les dettes. • Il fallut revenir à la réforme fiscale. Deux années de discussions infructueuses convainquirent Louis XVI à convoquer en 1787 une assemblée de notables, composée de représentants des trois ordres, dans le but de court-circuiter les parlements. • Mais cette assemblée se déclara impuissante à donner son accord, refusant d’outrepasser les prérogatives des parlements. Le roi tenta d’imposer un lit de justice au parlement de Paris, provoquant une violente réaction des institutions, appuyées par la population. • Afin de régler la question, les parlements réclamèrent la convocation des États généraux. Sans le moindre enthousiasme, Louis XVI y consentit le 16 août, avant de rappeler Necker au ministère.
L’aristocratie crut alors avoir remporté la bataille : le problème fiscal ne serait plus du ressort exclusif du roi. C’est ce que l’on a nommé dans l’historiographie la révolte des ordres.
4 – Système politique 4.1 – L’absolutisme épuisé • La mort de Louis XIV marque d’une certaine façon la fin de l’absolutisme : la monarchie se poursuit, et elle demeure absolue, mais les forces politiques écrasées par le Roi-Soleil reprennent de la vigueur. • Un trône absolu requiert un roi absolu. Or, Louis XIV ne laisse à sa mort comme héritier qu’un arrière-petit-fils. Une régence devra donc s’exercer jusqu’à la majorité du monarque, situation idéale pour la noblesse avide de reprendre une partie de son ascendance politique. • D’autant que le régent, Philippe d’Orléans, cousin du roi défunt, tranche singulièrement avec ce dernier quant à son mode de vie.
Le roi faisait peu confiance à ce cousin et son testament encadrait cette régence très strictement : autour de Philippe, un conseil devant l’épauler était constitué. La situation déplait au régent, d’autant que l’un des bâtards de Louis, fait prince du sang par son père, est chargé de l’éducation du monarque. • La situation va pousser le régent à permettre l’apparition d’une première brèche dans l’absolutisme : Philippe propose au parlement de Paris de casser le testament du roi en échange du droit de remontrance dont le Roi-Soleil l’avait privé et les parlementaires retrouvent leurs pouvoirs de contrôle et d’opposition. • Louis XIV choisissait son chef de gouvernement au sein de la bourgeoisie; Philippe préfère concéder des pouvoirs à la vieille noblesse en créant des Conseils dirigés par des membres des vieilles familles princières. Même si dès 1718, on reviendra à l’ancienne pratique, c’est une autre fissure dans l’édifice absolutiste.
Dans la population aussi, le pouvoir politique commence à être contesté plus ouvertement. Il n’est d’abord question que des élites intellectuelles et il ne s’agit pas d’une contestation du roi, mais le pouvoir est alors occupé par un régent, ce qui rend les critiques plus faciles, même si elles demeurent tout aussi interdites . • Quand Louis XV décide de gouverner lui-même, rien n’est joué. Certes, le pouvoir absolu est battu en brèche, mais rien n’exclut alors une évolution politique vers une monarchie constitutionnelle, surtout que l’Angleterre est alors le modèle pour de nombreux membres de l’élite. • Le début du règne se passe assez bien : peu de guerres, de bonnes récoltes, une lente amélioration de la gestion du territoire permettent à la misère de reculer. • Trois dates permettent de montrer l’évolution de l’opinion à l’endroit du roi : en 1744, Louis XV tombe malade à Metz et on assiste à des milliers de messes sur le territoire, où l’on prie pour le rétablissement du roi.
Mais 13 ans plus tard, lorsque Damien tentera d’assassiner le roi, on ne note aucune émotion de ce genre. Et enfin, en 1774, on ne compte que trois messes pour le rétablissement du roi, à nouveau malade. • Avec l’arrivée sur le trône de Louis XVI, le discrédit entourant la monarchie s’accroît. Ce n’est pas tant le système qui est contesté que l’homme qui le représente. • Si les rumeurs et les bruits circulant concernant les incapacités sexuelles du monarque ne sont pas la cause de ce discrédit, leur existence témoigne de la désacralisation du personnage. • Si Louis XVI n’a rien d’un despote, c’est un roi très attaché à son autorité et aux institutions et coutumes sur lesquelles elle repose. • L’esprit réformateur qui souffle à la fin du siècle en France est complètement étranger à cet homme passionné de chasse et de bricolage, occupation jugée peu noble pour un homme de son état.
La présence de Marie-Antoinette n’arrange rien. Pour la population, l’Autriche est un État ennemi depuis longtemps et la haine du pays se retourne aisément contre celle sur qui on répand des ragots et des rumeurs. • La reine joue pour l’opinion publique le rôle de bouc émissaire commode et fait l’objet d’une détestation très répandue, affaiblissant d’autant l’autorité du couple royal, car les libelles dont elle est l’objet sont très diffusés et très lus par une population. • Alors que la population s’intéresse de plus en plus aux nouvelles idées, le roi reste campé sur ses positions et refuse de remettre en question son pouvoir. • Ce « parti philosophique », comme on le nomme souvent dans l’historiographie, est victime de la répression de l’État : en 1749, Diderot est emprisonné et en 1752, les deux premiers tomes de l’Encyclopédie sont interdits de parutions.
Loin de faire taire les opposants, ces mesures de répression accroissent l’intérêt et la sympathie du public. D’autant que personne parmi ces penseurs n’appelle à une révolution violente ou même (à l’exception notable de Rousseau) à un renversement de l’ordre social. • Le maître mot de la grande majorité de ces penseurs est celui de liberté, pas encore d’égalité. Il s’agit d’un courant bourgeois, non d’un mouvement des plus pauvres de la société. • Et ce « parti philosophique » pèse d'autant plus sur l’évolution de l’opinion que sa contestation de la monarchie absolue rencontre celle que conduisent les parlementaires.
4.2 – La montée des contre-pouvoirs • Tout au long du siècle, l’opposition des parlements ne cesse de croître : qu’ils défendent ce qu’ils considèrent comme les intérêts généraux de la nation ou leurs intérêts propres, dès le moment où Philippe les ressuscite, ils s’empressent de prendre leur revanche sur un système absolutiste qui les a marginalisés. • Mais c’est surtout la question fiscale qui sert de cristallisation à ce conflit. Malgré leurs désirs de se présenter comme les défenseurs du peuple, les parlementaires sont soucieux de leurs intérêts : la majorité d’entre eux sont issus du tiers état, dont ils se sont affranchis par l’acquisition d’une charge. • La tentative de Maupeou aurait pu aboutir, n’eût été la volte-face de Louis XVI à son avènement. Loin d’avoir été brisée, la volonté des parlementaires s’en trouva fortifié.
Au-delà de la question fiscale, c’est l’absolutisme du pouvoir royal qui est remis en question. Ce que les Parlements réclamaient, c’était l’imputabilité et donc, la fin de l’absolutisme. • En insistant sur le caractère traditionnel de leurs prérogatives, les parlements soulignaient que leur légitimité n’était pas inférieure à celle du monarque, position déjà révolutionnaire. • Cette révolte aurait pu se limiter à une querelle de juridiction, mais le climat général ne s’y prête pas et même en faisant des concessions à ses parlements, Louis XVI n’aurait satisfait qu’une partie de l’opinion. • Cette opinion se trouve représentée au sein d’une institution informelle que l’on nomme le Parti national. Ce n’est pas une organisation partisane au sens contemporain, mais plutôt une vague coalition de groupes très variés à travers le pays, coordonnée par un comité de 30 membres, issus du tiers état.
La force de ce mouvement tient au fait que son idéologie progressiste rallie une part non négligeable de représentants des ordres privilégiés, comme La Fayette, le duc de La Rochefoucauld, le comte de Mirabeau et l’abbé Sieyès. Ce parti est en fait la concrétisation des courants philosophiques qui traversent le siècle. • Son moteur de diffusion, ce sont les clubs qui se multiplient, particulièrement à partir de 1788 et qui trouvent dans les quelques 600 ou 700 cafés de la capitale les lieux de rencontre nécessaires à l’échange des idées. Ces clubs sont aussi présents dans les campagnes et s’établissent ainsi peu à peu des liens, des solidarités un peu partout sur le territoire français. • Le quartier du Palais-Royal à Paris est le principal centre d’effervescence. C’est aussi le lieu de résidence du duc d’Orléans, cousin du roi et figure importante d’un libéralisme aristocratique.
Ce foisonnement qui a donné naissance à l’idée (au mythe?) d’un complot orléaniste, visant le remplacement de la dynastie des Bourbons, enfoncée dans son conservatisme, par la branche cadette des Orléans. • Peu d’éléments tendent à démontrer un complot de cet ordre, même si on devait trouver à Paris des gens soutenant l’idée, entre autres au sein des loges maçonniques, dont Philipe d’Orléans était lui-même grand maître depuis 1773. • Cette présence maçonnique a donné naissance à une interprétation de la révolution comme aboutissement d’un complot. Pas de preuve, mais on ne peut nier que la Franc-maçonnerie était l’un des ciments du parti national. • L’influence de ce parti permet à Necker d’obtenir du roi le doublement des membres du tiers état aux états généraux à venir, mais le maintien du vote par ordre vient réduire à peu de chose cette concession.
5 – Les déboires de la politique étrangère • La politique étrangère de Louis XIV n’avait pas été sans taches : ses guerres couteuses, handicapèrent le développement économique et provoquèrent morts et destructions innombrables. Mais même si certaines de ces guerres ne furent pas couronnées de succès, elles permirent à la France de s’imposer dans le monde. • La politique étrangère de ses successeurs apparait chaotique et infructueuse, sans pour autant être moins couteuse. Mais compte tenu du statut qu’occupe la France en 1715, le contraire aurait été surprenant, car l’ensemble de l’Europe regarde le pays avec inquiétude. • Les guerres menées au cours du XVIIIe siècle vont se solder par un affaiblissement du pays sur la scène internationale, tout en grevant les finances de l’État.
Cela contribua aussi à la désaffection de la population envers le régime. Car c’est une chose de payer pour une armée qui triomphe et qui, en permettant l’expansion de l’empire, permet l’expansion économique; c’en est une autre de payer pour une armée défaite constamment. • C’est ainsi que la désastreuse politique étrangère de Louis XV et de Louis XVI, va contribuer à l’affaiblissement du régime, entraînant des difficultés financières considérables et une perte de prestige dans la population. • Si la guerre de la Quadruple Alliance (1718-1720) n’apporte pas de grands changements sur l’échiquier européen, les guerres qui débutent avec la Guerre de succession de Pologne (qui voit par ailleurs le rattachement de la Lorraine), jusqu’à la Guerre de Sept-Ans (1756-1763), ont un impact beaucoup plus important.
D’abord, elles voient un renversement d’alliance mal compris, alors que la France se détourne de l’Angleterre et de la Prusse, deux États appréciés par l’opinion du, qui voit dans la première le phare du libéralisme politique et économique, et dans la seconde, le modèle du despotisme éclairé. • De guerre en guerre, la France se rapproche de l’Autriche, considérée comme l’ennemi héréditaire et contre laquelle elle s’est battue pendant de longs siècles. De plus, la couronne autrichienne est vue comme le plus solide rempart du conservatisme et de l’autocratie. De sorte qu’avant même le début de la Guerre de Sept Ans, l’opinion française divorçait d’avec le régime dans le domaine de la politique étrangère. • Lors de la Guerre de succession d’Autriche (1741-1748), quelquefois qualifié de première guerre de sept ans, la France, opposée à l’Angleterre, aux Pays-Bas et à l’Autriche, est le principal allié du roi de Prusse.