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Les conséquences climatiques de l’éruption du volcan Laki. en Eure-et-Loir entre 1783 et 1788.
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Les conséquences climatiques de l’éruption du volcan Laki en Eure-et-Loir entre 1783 et 1788
Ce travail présente un bilan des recherches menées en partenariat avec la Société généalogique d’Eure-et-Loir dans le cadre d’une exposition consacrée aux conséquences climatiques de l’éruption du volcan islandais Laki en Eure-et-Loir entre 1783 et 1788
Les faits : • L’éruption du Laki, volcan islandais, a eu lieu le 8 juin 1783, suivie d’une dizaine d’autres entre cette date et février 1784. Elle a occasionné de fortes perturbations dans le climat de l’hémisphère nord, sensibles pendant 6 à 7 années. Ce volcan, ou plutôt cette fissure volcanique dans laquelle s’ouvre plus de cent cratères, se caractérise par le rejet d’une quantité énorme de cendres soufrées et fluorées dans l’atmosphère qui atteint bientôt, en raison d’un front de hautes pressions stationné sur l’Europe du nord-est, le continent européen, touchant d’abord la Norvège, l’Angleterre, puis la France. • Cette dégradation des conditions météorologiques a été abordée dès 1991 par l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie dans son étude sur l’histoire du climat. Plus récemment, la NASA a consacré d’importants travaux à cette série d’éruptions pour mieux comprendre la baisse des températures qu’elle avait induite en Europe. • L’Eure-et-Loir n’a pas échappé aux nuées de cendres et des perturbations météorologiques exceptionnelles se sont multipliées entre juin 1783 et les années 1788-1789 environ. Si on ne connaît pas d’écrits dédiés à ces seuls phénomènes tels qu’il en a été conservé, en Bourgogne par exemple, avec la correspondance de l’abbé Giraud Soulavie qui relate ses observations, en revanche, une partie des curés des paroisses locales ont mentionné ces anomalies du climat dans les registres paroissiaux tout comme les seigneurs l’ont fait dans les documents de gestion de leurs domaines. • Les premières notations apparaissent dès le 12 juin dans le département. Diversement décrite, la nuée apparaît sous les termes de « brouillard sec », « brouillard jaune » ou « fumée jaune » et, parfois même, « brouillard noir ». Les prêtres s’interrogent sur sa présence allant jusqu’à relayer les hypothèses les plus fantaisistes. L’article le plus recopié fut alors celui de l’astronome de La Lande paru dès juillet 1783 à Paris. Les interrogations étaient alors nombreuses quant à ces nuées et à leurs conséquences. Les observations météorologiques se multiplient autant à l’Observatoire de Paris qu’au sein de l’Académie de Médecine, créée depuis 1778. • Si l’Eure-et-Loir se situe à la limite occidentale du passage du nuage de cendres, le département n’en subit pas moins ses effets : brouillard, canicule, neige abondante et, en conséquence, inondations, grêle et tempêtes en tous genres
Effets particuliers des éruptions volcaniques de hautes latitudes • Lors d’une éruption volcanique dans les zones de hautes latitudes, de grosses quantités de dioxyde de soufre, d’acide chlorhydrique, de cendres, et, dans le cas du Laki, de fluor sont éjectées dans la stratosphère. Dans la plupart des cas, l’acide chlorhydrique s’associe à la vapeur d’eau pour créer des pluies acides. Le dioxyde de soufre se transforme en acide sulfurique, lequel, en condensant, produit des aérosols contenant des particules qui stagnent dans l’atmosphère pendant très longtemps, obscurcissent durablement le ciel et finissent par retomber sur terre en polluant les sols. Les particules en suspension empêchent la diffusion du rayonnement solaire, entraînant un refroidissement de la terre d’où une altération sensible du climat.
1783 • Il s’est écoulé un très bref laps de temps entre l’éruption du volcan Laki et l’arrivée des nuées cendreuses sur nos contrées. Il est présent dès le moins de juin à Gellainville, Oinville-Saint-Liphard, Broué, Landelles, Douy, donc en des points relativement éloignés les un des autres dans le département. Douy est situé non loin de Cloyes dans la vallée de l’Aigre, Oinville-Saint-Liphard, non loin d’Auneau. • Les descriptions, en général, relatent cet étonnant phénomène quelques semaines, sinon quelques mois après sa survenue. Elles reprennent les mêmes éléments : un brouillard « sec », parfois un brouillard « jaune » qui couvre la contrée sans déposer la moindre humidité et le soleil, tant au lever qu’au coucher, apparaît rougeoyant, sinon violacé. • À Broué, le curé, qui narre cette apparition, la situe fin mai, il s’agit forcément d’une confusion de date due au fait qu’il rédige son texte postérieurement. En revanche, il donne des précisions sur les signes annonciateurs de cette anomalie : « on vit du côté de Raville, à dix heures du soir, paroistre plusieurs longues bandes de lumière qui ont été visibles pendant plusieurs jours avec une claireté capable d’y lire à sa lueur ». Il précise que ce brouillard « était si épais que à peine pouvait-on voir un homme à vingt pas » et situe sa disparition à la mi-août. Douy se trouve dans une situation analogue : « le 19 juin 1783, a paru un brouillard sec semblable à une fumée, qui s’est épaissie de plus en plus. Elle a duré ainsi jusqu’au 6 du mois de juillet ; quelques jours cependant elle étoit moins épaisse que les autres. Elle a recommencé le jeudi 9 de juillet et a continué jusqu’aux environs du mois de septembre : il y avoit cependant quelques jours clairs ». À Morvilliers, le curé ne fait pas état du nuage, mais relate une grêle exceptionnelle intervenue le 3 août 1783 : « il s’est passé un orage comme de vie d’homme on n’en a vu dans ces contrées. Plus de 30 paroisses limitrophes ont été, je ne dis pas affligées, mais écrasées par ce terrrible ouragan, qui a parcouru plus de 15 lieues de païs. La grelle dans cette paroisse avoit depuis 1 pouce jusqu’à 2 de diamètre, et dans celle de Moulicent, Lôme, etc.., la grelle avoit jusqu’à 3 à 4 pouces de diamètre, et a brisé les grosses branches des arbres, les thuisles et jusqu’aux chevrons des maisons ». Mais c’est sans doute le curé de Gellainville qui fournit la description la plus sensible du phénomène : « dès le mois de juin 1783, il s’est élevé pendant deux mois les matins et pendant les journées des brouillards extraordinaires dont l’odeur étoit très fétide. Ils ont nui prodigieusement aux productions de la terre, en sorte que les bleds ont mal fleuri et peu grené. »
Registre paroissial de Morvilliers, 1783 Le 3 aoust 1783, il s’est passé un orage comme de vie d’homme on n’en a vu dans ces contrées. Plus de 30 paroisses limitrophes ont été, je ne dis pas affligées, mais écrasées par ce terrible ouragan qui a parcouru plus de 15 lieues de païs. La grelle dans cette paroisse avoit depuis 1 pouce jusqu’à 2 de diamètre, et dans celle de Moulicent, Lôme, etc, la grelle avoit jusqu’à 3 et 4 pouces de diamètre, et a brisé les grosses branches des arbres, les thuiles et jusqu’aux chevrons des maisons. A la suite de ce terrible fléau, la terre a été couverte de neige depuis les festes de Noël jusqu’au premier jour de Caresme : elles avoient communément 2 pieds de hauteur. Tous les fourrages avoient été hachez par la grêle et par conséquent une grande partie des bestiaux a péri de misère. Le gibier dont nous étions infestés dans les cantons a été presque tout détruit. L’été suivant de 1784 a été d’une sécheresse horrible, et presque tous les grains de la saison des mars ont péri. En conséquence, ce malheureux païs est ruiné pour plusieurs années. Je souhaite que la postérité ne soit jamais affligée d’un pareil fléau. (transcription M.C.Courbe, Société généalogique d’Eure-et-Loir) Chroniques climatiques dans les registres paroissiaux
Registre paroissial de Vérigny, GG 13, 1783 L’hyver de l’année 1784 a été remarquable par la rigueur, par la quantité de neiges et par le temps qu’elle a resté sur la terre. On n’avoit pas vu, dit-on, autant de neiges depuis l’année 1684. La neige a resté sur la terre depuis le 28 décembre 1783 jusqu’au 25 février suivant. Le froid a été aussi rigoureux qu’en 1740 et 1776 et même qu’en 1709. (transcription M.C.Courbe, Société généalogique d’Eure-et-Loir)
Registre paroissial de Douy, 1783 • L’hyver de 1783 ayant été fort pluvieux, les eaux de la rivère ont souvent haussé et baissé successivement, mais le premier de mars ayant haussé, elles se sont tenuës hautes jusqu’au 5, et dans la nuit du 5 au 6 s’étant élevé une tempête considérable, le six, la rivière s’est tellement enflée que dans la nuit du six au sept, l’eau passoit beaucoup par dessus le pont de la mare, touchoit au pont de St Sauveur, passoit en abondance dans les deux maisons qui sont de ce côté cy au bout du dit pont et dans la grange qui est entre ces deux dites maisons. L’eau a commencé à baisser presque aussitôt, sans cependant que ceux des Ruës ayent pu passer un peu facilement à sec que le neuf au soir. On croit que la rivière n’avoit pas été si grande depuis trente ans… • Le dix neuf juin a paru un brouillard sec semblable à une fumée qui s’est épaissie de plus en plus. Elle a duré ainsi jusqu’au six du mois de juillet ; quelques jours cependant elle étoit moins épaisse que les autres. Elle a recommencé le jeudi neuf de juillet et a continué jusqu’aux environs du mois de septembre. Il y avoit cependant quelques jours clercs. • (transcription M.C.Courbe, Société généalogique d’Eure-et-Loir)
Intempéries de l’air et des saisons Dès le mois de juin 1783 il s’est levé pendant deux mois les matins et pendant les journées des brouillards extraordinaires dont l’audeur étoit très fétide. Ils ont nui prodigieusement aux productions de la terre en sorte que les bleds ont mal fleuri et peu grené. La récolte a été médiocre en sorte qu’il a fallu quatre nombres de gerbes pour donner un septier de bled très moucheté. Les terres du fort au faible n’ont produit que dix nombres. La vendange a aussi été médiocre chaque quartier de vignes n’a pas donné plus d’un poinçon. Le froid s’est fait sentir dès la fin d’octobre et a toujours été en augmentant. Le dix décembre les grandes gelées ont commencé et n’ont fini qu’au dix février 1784. Pendant tout ce temps la terre a été couverte de neiges qui tombant presque tous les jours se sont augmentées jusqu’à couvrir la terre de deux pieds généralement et dans les endroits où le vent l’amoncelait, il s’en est trouvé jusqu’à cinq pieds d’élévation. Pétion, curé. (transcription M.C.Courbe, Société généalogique d’Eure-et-Loir) Registre paroissial de Gellainville, 1783
Mention de décès inexpliqués • Entre le 29 juin et le 1er septembre 1783, trois personnes décèdent subitement dans la paroisse d’Alluyes. Si leur âge, plus de cinquante ans, suffit à justifier le décès en terme d’espérance de vie de l’époque, ce qui semble plus étonnant est le court laps de temps qui sépare ces trois morts sans qu’on trouve mention de quelque épidémie dans cette paroisse à cette date.
Registre paroissial d’Alluyes, 1783 • L’an mil sept cent quatre vingt trois, le vingt neuf du mois de juin, a été inhumé, dans le cimetière de cette église avec les cérémonies accoutumées, le corps de Pierre Menager, journalier, vivant époux de Christine Potage, décédé presque subitement hier dans la communion de l’Eglise, étant âgé de soixante quatre ans environ ; en foy de quoy nous, curé de cette paroisse de Notre-Dame d’Alluye soussigné avons dressé le présent acte en présence de Pierre, Jean, François, les Menager, enfants du deffunt et de Pierre-Claude Bertrand, gendre et autres parens dont les uns ont signé avec nous et les autres ont déclaré ne le scavoir, de ce interpellés. • L’an mil sept cent quatre vingt trois, le dimanche trois aoust, a été inhumé, dans le cimetière de cette église avec les cérémonies accoutumées le corps de Pierre Bourgine, serviteur de labour, vivant époux d’Elizabeth Parrault, décédé subitement hier à la Ronce en cette paroisse d’Alluye, ayant satisfait à son devoir pascal en la présente année, ledit Bourgine âgé de cinquante ans environ ; en foy de quoy nous, curé de ladite paroisse d’Alluye avons dressé le présent acte, en présence de Jean Parrault, boulanger, beaufrère de cette paroisse d’Alluye, de Jean-Baptiste Legrand, laboureur, de Pierre Lesieur, de la paroisse de St Germain les Alluye, et de Jean Pineau, laboureur de la paroisse de Montemain, tous trois cousins germains dudit défunt, lesquels témoins ont signé avec nous, fors ledit Lesieur, qui a déclaré ne savoir signer de ce interpellé • L’an mil set cent quatre vingt trois, le premier jour du mois de septembre, a été inhumé, dans le cimetière de cette église avec les cérémonies accoutumées, le corps de Marie-Madeleine Fleury, veuve de Claude Rival, vivant jardinier, décédée subitement hier au matin dans la communion de l’Eglise, étant âgée de soixante sept ans environ ; en foy de quoy, nous curé de cette paroisse d’Alluye soussigné avons dressé le présent acte en présence de Mr Jacques Blin, vicaire de cette paroisse et de Pierre Cheron Tailbois, clerc tonsuré, aussy de cette paroisse, lesquels ont assisté à l’inhumation et signé avec nous. Blin, prêtre curé • (transcription M.C.Courbe, Société généalogique d’Eure-et-Loir)