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Association de Partenariat Scolaire Multilatéral Comenius "L'Orient et l'Occident, la fusion de deux mondes". 2010-1-ES1-COM06-20408.
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Association de Partenariat Scolaire Multilatéral Comenius "L'Orient et l'Occident, la fusion de deux mondes".2010-1-ES1-COM06-20408
Ce projet a été financé avec le soutien de la Commission Européenne. Cette publication n'engage que son auteur et la Commission n'est pas responsable de l'usage qui pourrait être fait des informations qui y sont contenues.
Les influences de la culture arabe Dans la littérature sicilienne
Avant de commencer à parler d’influences orientales dans la littérature sicilienne, nous avons pensé qu’il serait opportun de faire un bref aperçu de la littérature sicilienne – littérature qui a exprimé certains chef-d’œuvre connu aujourd’hui dans le monde entier.
Ecrire dans l'île Sans les écrivains et les poètes siciliens, la littérature italienne, l'une des plus nobles et anciennes en Europe, serait bien moins riche. Non seulement parce qu'en Sicile est née la première grande école poétique italienne succédant au latin au XVIIIe siècle jusqu'à aujourd'hui de grands auteurs ont illustré les lettres bien au-delà des frontières ; il suffit de penser aux deux prix Nobel de littérature, Luigi Pirandello et Salvadore Quasimodo.
Avant ceux-ci , à la fin du XIXe siècle, Giovanni Verga et Federico De Roberto écrivaient des romans qui ont encore aujourd’hui un grand succès, (Les Malavoglia, Maître Don Gesualdo le premier, Les Vice-Rois le second) racontant avec un réalisme tout particulier appelé vérisme, l'un la vie difficile et le destin du peuple insulaire, l'autre la décadence de la noblesse sicilienne.
De son côté, Pirandello est considéré comme l'un des plus importants auteurs de théâtre européens. Six personnages en quête d'auteur, Henri IV, Ce soir on improvise, Comme ci, comme çà continuent encore à dominer les scènes du monde.
La Sicile est aussi terre de romanciers, comme le même Pirandello avec Feu Mathias Pascal, Un, personne et cent mille alors qu'après la guerre, Elio Vittorini publiait Conversations en Sicile dans un langage mythique et suggestif, inaugurant l'époque de l'homme offensé ; le catanaisVitalianoBrancati ironisait sur les vices de la bourgeoisie sicilienne ; l'aristocrate Giuseppe Tomasi di Lampedusa racontait dans un roman - mondialement connu grâce au film de Luchino Visconti -Le Guépard - la décadence de la noblesse de l’île au XIXe. siècle.
Un écrivain moderne actuellement très populaire est Andrea Camilleri qui a su donné vie à une série sans fin de romans populaires basé sur la figure d’un commissaire qui ont été transposé en série télévisée et qui sont une publicité fantastique pour les paysages siciliens.
Ce qui a caractérisé presque tous les écrivains siciliens c’est l’expression du sens de la fatalité… et souvent des destins qu’on ne peut pas changer. Le sens de la fatalité (« Inch Allah ») est un sentiment typique des peuples musulmans, et quelqu’un pense que ce sentiment en Sicile est aussi du aux réminiscences d’un héritage lointain et arabe qui est resté encré dans les consciences……
Certains écrivains méritent une place à part, parce que tout en décrivant la « Sicile fataliste » ils ont essayé de combattre cette apathie surtout d’en faire une lutte à la mafia en dénonçant à travers leurs écrits certains phénomènes mafieux. Parmi les écrivains – qui sont plus nombreux de ce que l’on pense, nous pouvons citer PippoFava(mort pour avoir dénoncer certaines mal affaires) Giuseppe Grasso…
… mais le plus fameux et connu des écrivains qui utilisèrent leur plume pour condamner sévèrement la mafia fut Leonardo Sciascia (Racalmuto 1921 -1989) . Même s’il fut souvent condamné par ses contemporains pour avoir oser publier des articles dans lesquels il osait affirmer certaines vérités pas toujours populaires, même parmi ceux qui combattait la mafia, il a toujours continué à écrire et à condamner les abus fait par la mafia et qui empêchaient un réel développement de l’économie et de la culture en Sicile.
Nous vous traduisons ici une partie d’un article qu’il a écrit sur la mafia de « l’eau ». Ce texte accompagnait un documentaire filmé ayant pour titre « La grande soif » et fut écrit en 1968. Malheureusement pour les Siciliens, entretemps, la situation n’a pas tellement changé….
C’est désormais un lieu commun de dire que la Sicile est terre de contrastes, de contradictions, de paradoxes. Mais dans ces images le terme de la contradiction, du paradoxe n’est pas le mulet mais l’automobile, si considérés comme symboles – respectivement – d’une situation effective, et d’une aspiration qui est restée aujourd’hui vague et vaine. Une économie agraire qui compte parmi les plus arriérées d’Europe, probablement la plus arriérée (note du traducteur : en agriculture, la Sicile n’est plus parmi les plus arriérées de l’Europe), et le rêve de l’industrialisation : voilà la Sicile aujourd’hui.
Des terres de l’intérieur de la Sicile, il y a longtemps, on disait qu’elles vivaient de l’agriculture. Aujourd’hui on pourrait dire qu’elles meurent de l’agriculture, et qu’elles survivent seulement grâce à l’argent envoyé par les émigrants et aux pensions de vieillesse et d’invalidité que l’Etat et d’autres organismes accordent chichement. L’ile a énormément de problèmes. Mais presque tous sont liés au problème de l’eau. L’eau base de dispute qui provoque violence et délits. L’eau qui se perd dans les méandres de la bureaucratie et de la mafia.
Les gens ont conscience de cela, ils savent, comme le dit le proverbe où et comment se perd l’eau. • […] Dans la classification des régions par nombre d’habitants avec une disponibilité d’eau insuffisante, la Sicile se trouve à la première place suivie des Pouilles.
Il fut une période où la Sicile était célébrée aussi pour ses eaux : les poètes grecs, les poètes arabes, le poète Antonio Veneziano en exaltaient l’hydrographie et cela jusqu’au XVIe siècle […]. La Sicile riche en eaux est désormais un mirage. Un mirage la fontaine Aretusa dans le cœur de l’antique Syracuse comme des mirages le sont aussi les fleuves mythiques de la ville: le Ciane et l’Anapo qui furent chantés par Salvatore Quasimodo. Dans ces fleuves naissent les fameux papyrus de l’époque classique, plantes qui ont besoin d’une énorme quantité d’eau. Et encore mirages sont les baigneuses des mosaïques de Piazza Armerina.
Plus réelle est cette Sicile aride, parcourue dans la vallée des eaux du fleuve Salito, grêles et brulantes. Le Salito : un fleuve qui rend aride au lieu de provoquer l’humidité, un fleuve qui nait parmi les gisements de sel – sel gemme et sel potasse – de cette zone de la Sicile où la technique est arrivée seulement pour extraire le minéral et non pour dessaler les eaux afin de donner vie à la terre. Un itinéraire long, obsessif, presque un voyage sans espérance […] Mais qu’en reste-t-il à la Sicile ?
Le rêve de l’industrialisation, là où il s’est réalisé, a ajouté aridité à l’aridité : et le cas plus évident est celui de la plaine de Catania. Partant de deux digues, la plaine aurait du être irriguée, transformée de magasin de blé en jardin d’agrumes. Mais l’industrie a besoin d’eau et voilà que l’eau destinée à l’agriculture a été sacrifiée pour réaliser cet autre rêve, à ce mythe. L’eau ne descendra plus des canaux. Un des nombreux gaspillages, et probablement le plus impardonnable qui a été commis par une classe sociale au pouvoir impréparée et imprévoyante.
[…] Un des cas extrêmes de pauvreté et d’insouciance du gouvernement national et régional est celui de Licata. Mais ce n’est malheureusement pas le seul. Toute la province d’Agrigent souffre d’une pénurie d’eau invraisemblable. • Licata est la ville la plus assoiffée d’Italie : sa dotation maximale en eaux arrive à 35 litres par seconde, mais en cette période elle ne dépasse pas 22 litres avec des pointes de 14 litres par seconde. Souvent l’eau courante manque pendant une période de 30 jours d’affilée. En juillet 1960, la population, exaspérée par le manque d’eau courante bloqua la gare ferroviaire. Des forces spéciales de polices furent appelées, elles tirèrent sur la foule. Un jeune homme fut gravement blessé.
Même Favara, gros centre minéralier, dont le nom arabe signifie source, est parmi les bourgs les plus assoiffés de la province d’Agrigent.
Agrigent aussi, n’a pas d’eau courante dans les maisons, mais au cimetière il y en a en abondance : paradoxe qui s’élève à symbole de solution métaphysique d’un problème qui reste insoluble pour les vivants.
Comme preuve que le problème pourrait aussi être déduit de ses solutions métaphysiques et résout grâce à une bonne volonté concrète et à des compétences, nous avons la zone de Vittoria dans la province de Ragusa où les agriculteurs, sans recevoir ces contributions spéciales généralement données avec beaucoup de générosité à ceux qui spéculent et qui abusent, ont transformés une agriculture extensive en cultures intensives
Toute la cote méridionale de la province de Ragusa est pleine de serres. L’initiative a changé l’aspect socio-économique de la zone. Des produits recherchés y sont cultivés et cela comporte un chiffre d’affaires de milliards (n.d.t. de lires italiennes). Le boom est récent : en 1964 les serres recouvraient un milliers d’hectares, aujourd’hui ils sont plus de 5000. Ce furent les travailleurs agricoles de Vittoria, qui avec leur unique capital des propres bras installèrent les premières serres sur les terrains sablonneux de la cote. Ils résolurent le problème de l’eau grâce aussi à leurs efforts : en creusant des puits souvent avec des moyens rudimentaires, sans aucune aide de la part de l’Etat.
[…] Finalement on construit la digue sur le Jato, même si on est arrivé aux travaux après tant de luttes, tant de jeun et tant de marches pour sensibiliser l’opinion publique et pour faire taire l’opposition mafieuse. Le dernier jeun fut fait à Partinico et il dura huit jours.
Quand la digue sur le Jato sera finie, les eaux de son lac pourront irriguer 8500 hectares avec une augmentation de la production de la valeur d’un milliard et 700 mille lires (1.400 €) par rapport à la production actuelle qui correspondront à 850 mille journées de travail en plus par an.
[…] Et regardons Palerme, qui jusqu’à pas longtemps recevait suffisamment d’eau de l’aqueduc de Scillato et qui aujourd’hui se retrouve avec des carences en eaux potables – surtout dans les quartiers populaires. Il nous semble incroyable que se trouve ici la ville qui fut chantée par les Arabes comme auréolée d’eau, réfléchie dans l’eau, vive grâce au son de l’eau et à sa fraicheur.
Et l’on peut dire qu’après les Arabes, plus personne n’a tenté de résoudre le problème de l’eau en Sicile. Cela veut dire depuis mille ans.
Toutes les eaux connues en Sicile ont été découvertes et nommées par les Arabes. Ces eaux que eux réussissaient à emmagasiner, nous les avons laissées se perdre et se disperser. Et nous sommes dans l’ère de la technique, l’ère des plus grands prodiges de la science.
On ne penserait pas, quand on voit cette façon désespérée dans l’art de se débrouiller, auquel les habitants de la plus grande ville de Sicile sont obligé à recourir pour se procurer le peu d’eau pour boire, pour se laver, pour laver que tout cela, ils le doivent aux « guépards », à ces vieux et antiques messieurs et administrateurs de la ville, qui ont cédé le pas aujourd’hui aux chacals
Le peu d’eau qu’il y a est hypothéquée : les spéculations, la violence, le jeu très profitable de la revente. Un bien public parmi les indispensables, est sous la domination de l’injustice, de l’affairisme, du caprice, de la mafia.
Mais la « GazzettaUfficiale » de la République italienne a offert ces derniers temps un document de clairvoyance gouvernementale sur lequel les Italiens et les Siciliens peuvent fonder de plus amples espérances. On prévoit des travaux pour un montant de 1844 milliards de lire (9oo millions de euros): afin que le problème de l’eau soit complètement et définitivement éliminé
La Sicile de 2015 sera aussi riche d’eau que l’est actuellement le cimetière d’Agrigent. Naturellement, on attendra 2014 pour commencerlestravaux.
Les Arabes en Sicile • Les Arabes sont arrivés en Sicile en 827 et y sont restés un peu plus de 200 ans, donnant un essor fantastique à la culture, aux arts, à la poésie et aux sciences. En outre, ils embellirent leur Royaume de beaux monuments qui ont marqué une époque dans la civilisation européenne. Ce furent deux siècles de développement économique, de tolérance et de cosmopolitisme. • Etant nés et vivant en Sicile, les arabes de Sicile se sentirent Siciliens à tous les effets. • La Sicile, grâce aux nouveaux systèmes d’irrigations introduits par les Arabes devint bientôt un espèce de terre promise et fut appelée « l’ile-jardin » - expression que nous retrouverons auprès de son plus grand représentant poétique.
Ibn Hamdis – poète arabo-sicilien • Abd ibn Mohamed Ibn HamdisGabbar est le plus grand exposant de la poésie arabe de la Sicile à la fin des XIe et XIIe siècles. Né à Noto dans une famille noble autour de 1056, il a dû quitter sa bien-aimée Sicile au moment de la conquête de la part les Normands quand il avait 31 ans. Ensuite, pendant 20 ans, on le retrouvera dans différentes zones du monde arabo-méditerranéen jusqu’à sa mort à Majorque à l’âge de soixante-dix-sept ans , loin de sa patrie, la Sicile, dont il avait conservé un vif souvenir et à qui il a dédié plein de vers qui exprime un regret sincère.
Son œuvre poétique, bachique et élégiaque, exprime l’amour, la douleur et une nostalgie poignante pour sa belle terre d’origine; elle compte plus de 6000 vers, dont beaucoup consacrés à sa Sicile perdue.
De Ibn Hamdis, il nous reste un diwan (= chant de contenu poétique comprenant 360 qasidah ou poésies, pour un total de 6000 vers). Un grand nombre de ces poèmes chantent ou/et pleurent la Sicile de sa jeunesse, perdue pour toujours. L’œuvre a été récupérée au XIX° siècle à Palerme par l’arabiste MicheleAmari. Ses poésies, mais aussi celles d’autres poètes siculo-arabes ont été traduites en arabe moderne, en italien, en sicilien, et …. en musique .
Hamdis est cité aussi par le grand écrivain sicilien Leonardo Sciascia dans un article de 1969 qui traite de « Sicile et sicilitude » qui fait partie du recueil « La corda pazza ». A partir des années 90 on a recommencer à prendre en considération les œuvres de Hamdis en particulier, et de la culture arabe en Sicile en général. Ces œuvres ont inspirés de nombreux poètes et musiciens.
Un court poème consacré à la patrie. • Ô mer! Tu caches au-delà de tes rivages les plus éloignés un vrai paradis. • Dans mon pays je ne connaissais que le bonheur, jamais le malheur. • C'est là, qu' à l'aube de ma vie, • J'ai vu le soleil dans toute sa splendeur. • Maintenant, en exil et en larmes, j'assiste à son déclin... • Ah, si je pouvais m'embarquer sur un croissant de lune, • voler vers les rivages de la Sicile • et là, m'écraser sur le sein du soleil! • O mare! Tu nascondi oltre le tue più lontane rive un vero paradiso. • Nel mio paese conobbi solo felicità, mai disgrazia. • Là, all'alba della mia vita, • vidi il sole nel suo splendore. • Ora nell'esilio e in lacrime assisto al suo declino... Ah, se potessi imbarcarmi sulla luna crescente, volare verso le rive della Sicilia • e là, frantumarmi contro il petto del sole!
Vers l’amour (1) • « Ton image est si loin, ma pensée va vers elle; • Elle qui, d’habitude, accourt quand tu es loin! • Est-ce toi, cette nuit, qui barres son chemin • Et lui ôtes sa force, ou près de toi dort-elle, • Me laissant, dans la nuit, à ma veille, oublié? • J’ai voulu aller la voir, prendre dans ma main sa main, • N’ai saisi qu’un peu d’ombre et d’image rebelle, • Ce leurre de visite, au moins, m’a fait trouver • Le bonheur des secrets, loin de toute apparence. • Aussi bien, pour donner forme à ses espérances, • Faut-il les confier aux pensées du poète. • Toi dont l’œil, par magie, tient la mort toute prête, • Sais-tu quel jugement attend le magicien? • Chez toi, je l’ai bien vu, toute l’audace tient • En ce sabre tranchant : un regard sans chaleur. • Tu as fiché l’amour, en plein vol, dans mon cœur: • Toucher ainsi l’oiseau qui vole, n’est-ce rien ? »
Vers l’amour (2) • Cela semble des perfections, mais elles brillent seulement à tes yeux : elles ne valent rien. • Combien d’ennemis y a-t-il dans un ami • Et dans quelle tranquillité le voleur se cache ! • Combien de chevaux aux formes harmonieuses • N’arrivent affaiblis au but ! • Combien de chameaux, en voyage, dans la nuit • Ne sont retenus par la difficulté du voyage ! • Ainsi l’essoufflement n’entraine-t-il l’amant • Là où l’ascèse et l’angoisse se lient : • Malheur à l’homme touché par l’ignorance, • A qui on loue le corps et non l’intelligence ! • C’est presque une aile, à voler, l’argent : • Mais déjà elle est brisée, et il ne reste aucun bien : • Combien d’hommes dignes habillés de lâcheté ! • On fait briller l’épée, mais pas la gemme. • Sembrano perfezioni, ma risplendonosoltanto agli occhi tuoi: valgono niente;quanti nemici stanno in un amicoe in quanta quiete si nasconde il ladro!Quanti cavalli di armoniose formenon arrivano, deboli, alla meta!Quanti cammelli, in viaggio, nella notte,li trattiene il difficile cammino!Così l'affanno trascina l'amantedove l'ascesi e l'angoscia si legano:sventura all'uomo afflitto da ignoranza,che gli lodano il corpo e non l'ingegno!È quasi un'ala, a volare, il denaro:ma già è stroncata, e non rimane un bene:quanti uomini degni in vile veste!Si lucida una spada, e non la gemma.
La culture arabo-normande • Parfois appelée « civilisation arabo-normande » ou, de façon plus inclusive, de « culture normande-arabo-byzantine », de « culture normanno-sicilienne » , elle est une expression qui fait référence à l’interaction des cultures normande, arabe et byzantine après la conquête, par les Normands, de la Sicile à partir de 1061 jusqu’aux environ de 1250.
Cette civilisation a entraîné de nombreux échanges dans les domaines culturel et scientifique, fondée sur la tolérance montrée par les Normands envers la population hellénophone et les colons musulmans. Les Normands ont ainsi fait de la Sicile un carrefour de l’interaction entre les cultures latino-chrétienne, gréco-byzantine et arabo-islamique. Après la conquête islamique de la Sicile en 965, les Normands avaient réussi à reconquérir l’ile à partir de 1
Attirés par le mythe d’une ile heureuse et ensoleillée dans les mers du Sud, les Normands ont commencé leur expansion dans le Sud. En 1060, le Normand Robert Guiscard (« le rusé »), fils de Tancrède, envahit la Sicile. L’importante population chrétienne de l’ile, alors divisée entre trois émirats arabes, se révolta contre le pouvoir musulman. Un an plus tard, son jeune frère le conte Roger (qui fut par la suite nommé Roger I de Sicile) prenait Messine et, en 1071, Palerme tombait, à son tour, aux mains des Normands. La perte de ces villes, chacune dotée d’un port magnifique, porta un coup sévère à la souveraineté musulmane sur l’ile.
Toute la Sicile finit par être prise lorsque, en 1091, les derniers bastions arabes de Noto, à la pointe sud de la Sicile et de Malte, tombèrent aux mains des Normands dans ce qui marqua le commencement du déclin de la puissance musulmane dans le bassin méditerranéen. La domination normande confirma le rôle de Palerme comme l’une des grandes capitales de la Méditerranée.
Une intense culture normanno-arabo-byzantine s’est développée, encouragée par les dirigeants comme Roger II de Sicile, qui avait des soldats, des poètes et des hommes de sciences musulmans, byzantins et normands à sa cour. Lui-même appréciait la culture arabe et parlait parfaitement l’arabe. Il a utilisé des troupes et des machines de guerre d’origine arabe, dans ses campagnes militaires dans le sud de l’Italie. Il a employé des architectes arabes à la construction de monuments dans le style normanno-arabo-byzantin. Le maintien et le développement des techniques agricoles et industrielles diverses introduites par les Arabes en Sicile au cours des deux siècles précédents contribua à la remarquable prospérité de l’ile. La Sicile devint un modèle et un exemple universellement admiré par l’Europe entière.
Roger II de Sicile est connu pour avoir appelé à sa cour à Palerme le géographe Andalou Al Idrissi qui y réalisa un grand planisphère en argent et qui écrivit ensuite le commentaire géographique correspondant, le « KitabRudjdjar » ou Livre de Roger ,l’un des plus grands traités géographiques du Moyen Âge. Sous Roger II, le royaume normand de Sicile, où vivaient en harmonie Normands, Juifs, Arabo-musulmans, Grecs byzantins, Lombards et Siciliens de souche se caractérise par sa nature multiethnique et sa tolérance religieuse.
Le rêve de Roger II aurait été de créer un empire englobant l’Egypte fatimide et les Etats latins d’Orient. Bien que la langue de la cour soit la langue d’oil, tous les édits royaux étaient rédigés en latin, en grec, en arabe ou en hébreu, selon le groupe auquel ils étaient adressés. Le manteau royal de Roger, utilisé pour son couronnement – ainsi que pour le couronnement de Frédéric II – portait une inscription en arabe avec la date de l’Hégire de 528 (1133-1134). Les auteurs islamiques s’émerveillaient de la tolérance des rois normands :Ils [les musulmans] étaient traités avec bonté, et ils étaient protégés, même contre les Francs. À cause de cela, ils avaient un grand amour pour le roi Roger.
Ces interactions se sont poursuivies avec les rois normands successifs. Par exemple, sous Guillaume II, comme l’atteste le géographe arabo-espagnol Ibn Jubair débarqué dans l’ile de retour de pèlerinage à la Mecque en 1184. À sa grande surprise, il bénéficia d’un accueil très chaleureux de la part des chrétiens normands.
En outre, il fut surpris de constater que même les chrétiens parlaient arabe, que les fonctionnaires du gouvernement étaient encore en grande partie musulmans, et que le patrimoine de quelque 200 ans de domination musulmane précédente de la Sicile était encore intact : voilà ce qu’il nous écrit du roi : « Son attitude envers les musulmans est parfaite : il leur donne de l’emploi, il choisit ses officiers parmi eux, et tous ou presque tous, gardent leur foi secrète et peuvent rester fidèle à la foi de l’Islam. Le roi a pleine confiance dans les musulmans et compte sur eux pour traiter un grand nombre de ses affaires, y compris les plus importantes, au point que l’intendant des Grands pour la cuisine est musulman (...) Ses vizirs et chambellans sont souvent des eunuques, qui sont les membres de son gouvernement et sur lesquels il s’appuie pour ses affaires privées. »