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Comment rendre justice aux enfants victimes et mieux les protéger? Paris, le 16 février 2005. Jean-Pierre Rosenczveig président de Défense des Enfants International-France . Les leçons d’Outreau. Parmi d’autres 1 – Cerner les limites de l’expertise
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Comment rendre justice aux enfants victimes et mieux les protéger?Paris, le 16 février 2005 Jean-Pierre Rosenczveig président de Défense des Enfants International-France
Les leçons d’Outreau Parmi d’autres • 1 – Cerner les limites de l’expertise • 2 – Améliorer le recueil de la parole des enfants quand certains la remettent en question, mais des résistances à la régression se sont manifestées • de la part de nombreux professionnels • du Ministre de la Justice • De la commission VIOUT • 3 – Offrir de meilleures garanties aux enfants victimes pour mieux les protéger
Il faut se souvenir d’où l’on vient • La jeune victime de violences sexuelles cumule de longue date plusieurs handicaps • Être mineure (l’infans), sinon de moindre intérêt • Être victime • Le tabou des violences sexuelles • Ces enfants étaient voués à un sort peu enviable • Auditionnés sans précautions • Esseulés durant la procédure • Ballottés sinon maltraités • Exclus au final • Et une justice éparpillée, émiettée, sans cohérence (entre justice pénale et civile)
Deux objectifs liés entre eux • Pour rendre justice aux enfants • Ne pas les exclure de l’enquête et de la procédure de jugement en prenant mieux en compte leur parole • « Sur le fond comme sur la forme, rendre justice ne consiste pas seulement à sanctionner l’auteur mais aussi à rendre la victime apte à prendre la parole, à être entendue et pas seulement auditionnée. » (F Jésu) • Pour mieux protéger les enfants et leur permettre de se reconstruire • Mobiliser le tribunal pour enfants et spécialement le juge des enfants • Offrir des garanties quant à la publicité
I - POUR RENDRE JUSTICE AUX ENFANTS Il convient notamment de • Ne pas négliger leur parole • En améliorer le recueil • Accompagner son expression
La loi du 17 juin 1998 n’est pas tombée du ciel ! • Un travail impulsé par M. Emmanuelli et M. Jacques Toubon • qui ont repris les propositions des ONG ( conf. le travail du COFRADE ) • en s’appuyant sur des démarches innovantes impulsées • par des policiers (Carole Mariage et Thierry Terraube), • des gendarmes (Procédure MELANIE) • et des magistrats (La Réunion) • dans une ambiance prenant ENFIN en compte • les droits des enfants (la dynamique de la CIDE) • et des victimes de violences sexuelles (un travail enclenché depuis 1981 avec des étapes 1983, 1985, 1989)
Mais une mise en œuvre mal préparée • Des efforts disperséssans réel suivi politique • Les équipements police et justice de bric et de broc : épique et parfois croquignolesque. 7 ans après, on reste loin du compte • Les formations : les efforts du CNEFPN de Gif sur Yvette, mais des blocages dans les têtes • Des initiatives intéressantes sur le terrain • Un guide des bonnes pratiques insuffisant (dec. 2003) • Mais des résistances psychologiques massives • Peut être aussi des lacunes dans la loi et sûrement des erreurs dans la circulaire du 20 avril 1999 (ex. : l’expertise de crédibilité)
La contre-preuve : le rapport de la commission VIOUT (février 2005) • Très peu de préconisations de réformes législatives • S’attache essentiellement à débloquer les attitudes qui ont paralysé partiellement l’application de la loi sans toujours expliquer les causes des blocages relevés • Rappelle les professionnels à leurs responsabilités • Ex.: - dans les signalements à améliorer • Ex.: - ne plus multiplier les intervenants • Ex.: - une meilleure formation et la spécialisation • Ex.: - des services d’enquête à promouvoir • Ex.: - des protocoles s’imposent • Ex.: - l’information en retour de la justice à organiser • Etc.
Pour DEI-France tout signalement doit : • résulter d’une évaluation pluri-professionnelle et pluri-institutionnelle ; • décrire aussi précisément que possible la personne de l’enfant, sa situation familiale et sociale ; • relater les éléments de présomption ou les faits révélés, en les distinguant de l’analyse que le professionnel en fait ; • transmettre l’identité du ou des auteurs présumés ; • informer des démarches de protection entreprises, notamment auprès de la famille, et de leurs résultats ; • enfin, décliner les mesures préconisées
L’apport majeur du rapport VIOUT sur le point de l’audition des enfants • La condamnation de l’expertise de crédibilité • Et la proposition d’une grille pour une d’expertise de l’enfant.
A OUTREAU • On s’est contenté d’auditionner des enfants ; on n’a pas entendu ce que disaient ces enfants • Ces enfants sont d’abord des victimes • Les erreurs qui ont cristallisé le drame judiciaire d’Outreau sont bien celles des professionnels
11 - L’enjeu : entendre les enfantspar-delà leur audition • Les enfants ne doivent pas être évacués de la procédure et du procès pénal quand déjà leur place dans le procès civil est réduite : • dans l’intérêt de la procédure • dans leur intérêt • par respect de la loi internationale (art. 12 de la CIDE) • Des précautions s’imposent – comme pour toute audition – et d’autres liées à leur qualité d’enfant
L’ENREGISTEMENT Article 706-52 (Loi nº 98-468 du 17 juin 1998 art. 28 Journal Officiel du 18 juin 1998) (Ordonnance nº 2000-916 du 19 septembre 2000 art. 3 Journal Officiel du 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002) Au cours de l'enquête et de l'information, l'audition d'un mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 fait, avec son consentement ou, s'il n'est pas en état de le donner, celui de son représentant légal, l'objet d'un enregistrement audiovisuel. L'enregistrement prévu à l'alinéa précédent peut être exclusivement sonore si le mineur ou son représentant légal en fait la demande. Lorsque le procureur de la République ou le juge d'instruction décide de ne pas procéder à cet enregistrement, cette décision doit être motivée.
Plus d’effectivité à rechercher dans l’application de la loi • Dépasser les blocages des enquêteurs (de 80% d’accords pour l’enregistrement dans certains départements à seulement 20% dans d’autres !) en leur en montrant l’intérêt • Déjà l’enregistrement montre la victime telle quelle était à l’époque • Évite les répétitions et le sentiment de n’être pas cru • Renseigne sur le climat de l’expression de la parole de l’enfant • Utiliser banalement ces enregistrements au procès
L’enquête de contexte et d’environnement • Le travail policier classique au-delà de l’aveu ou du témoignage • Notamment sur les circonstances de la révélation, les conditions de vie faites à l’enfant (l’existence d’éventuels conflits autour de lui), l’accès à l’éventuel dossier d’assistance éducative, etc. • Bref, remettre la parole de l’enfant en perspective
12 - Créer les conditions d’expression de la parole des enfants • A défaut des parents • Pour créer un climat de confiance, un accompagnement par un professionnel de l’enfance (art. 706-53 CPP) • Pour organiser la défense un administrateur ad hoc • Un défenseur • Des efforts à renforcer sur les lieux spécialisés • Il faut saluer le travail hors du commun fait par les policiers et les gendarmes. Il a eu de nombreuses déclinaisons positives y compris pour les adultes dans des affaires autres que sexuelles
13 - L’expertise • On ne peut qu’adhérer aux propositions de la commission Viout sur ce point quand elle condamne l’expertise de crédibilité qui cette question relève non pas de l’expert, mais du juge • Les vraies questions à poser aux experts • Elle doit porter sur • La personnalité du plaignant • Les circonstances et le contexte de la révélation • Le retentissement éventuel et les modification de la vie psychique de la victime • Une observation sur le récit du plaignant et son évolution depuis sa révélation sous l’angle psychologique • Le degré de connaissance et de maturation du plaignant en matière sexuelle • La formulation si possible d’un pronostic sur le retentissement observé
14 - La confrontation • Un droit important pour le mis en examen, reconnu par la CEDH • Mais une difficulté pour la victime susceptible plus facilement de subir des pressions
15 - Le poids de la parole de l’enfant • Un élément parmi d’autres : il ne faut pas sacraliser la parole des enfants Comme les adultes • ils peuvent se tromper • ils peuvent mentir et se mouvoir dans des systèmes de loyauté « L'enfant victime peut chercher, par exemple, à se montrer fidèlement attaché aux modes de relation qu'il a éprouvés et acquis avec ses parents ou avec les autres adultes, voire avec les autres enfants, qui l'ont maltraité. » (Dr F. Jésu) • Leur parole n’a ni plus, ni moins de poids en matière pénale que dans l’ensemble du droit de l’enfance : un avis, sauf quelques cas particuliers
16 - Des juges d’instruction spécialisés • L’enjeu social est aussi important que d’autres pour lesquels des magistrats ont été spécialisés • L’exemple de Bobigny • Pas facile, mais indispensable
17 - Le droit au silence de l’enfant • Droit majeur pour tout enfant : être présent ou non, parler ou non • Le rapport Bouchet du Conseil d’Etat en 1989 reste ici pertinent • Chacun - auteur et victime - avance à sa vitesse et doit être respecté même si la présence de la victime est importante pour qu’il lui soit rendue justice
En résumé, demain • La violence sexuelle faite aux enfants est une réalité – mais rien ne dit qu’elle augmente – : rendre justice aux enfants pour fonder une démarche de réparation • Cela suppose leur faire toute leur place dans la procédure et le procès • La loi de juin 1998 est bonne même si des améliorations sont possibles (ex.: expliquer les décisions aux enfants) • Par-delà des instructions, dépasser les blocages psychologiques, cela suppose : • Une sensibilisation des professionnels au drame des victimes et des enfants • Une préparation des professionnels • Un soutien apporté aux professionnels dans une matière éprouvante
Conclusion Si la parole des enfants pose problème, avant de la remettre en cause, ici comme ailleurs, il faut s’interroger sur les erreurs commises par les adultes dans l’exercice de leurs responsabilités Pas question de régresser, ni pour les enfants, ni pour les victimes
Une technique standardisée,mais des réponses personnalisés • Respecter le rythme de chaque enfant • Prendre en compte ses souffrances • Procédure judiciaire ou /et psychologiques voire administrative
Deux niveaux de culpabilité de l’enfant à prendre en considération • la culpabilité d’avoir été, ou de s’être senti, partie prenante des mauvais traitements ou des abus, le cas échéant d’y avoir éprouvé un plaisir masochiste ou d’avoir mesuré de façon ambivalente la relation d’emprise partagée entre la victime et l’agresseur : il s’agit ici d’une culpabilité intime, souvent de source inconsciente ; • la culpabilité d’avoir, en ayant révélé les faits, acquis un statut de victime reconnue et parfois valorisée à l’excès, et surtout d’avoir déclenché une chaîne de réactions au cours desquelles les adultes impliqués se défendent et sont punis comme des enfants : il s’agit ici d’une culpabilité surtout sociale.
II – MIEUX PROTEGER L’ENFANT • Saisir le juge des enfants pour mettre en œuvre une démarche de reconstruction • Maîtriser la publicité
21 - MOBILISER LE JUGE DES ENFANTS • Si les parents sont défaillants • Au plus tôt et plus souvent que ce n’est le cas • Le rôle du parquet est ici une nouvelle fois essentiel et déjà expliquer à l’enfant les décisions qui interviennent dans l’instance pénale • Créer les conditions pour que la violence ne se reproduise pas • Encore faut-il que le juge des enfants dispose d’équipes ad hoc
22- Protéger l’enfant de la publicité • L’enfant délinquant est protégé de la publicité; • L’enfant victime doit l’être réellement • La loi • La déontologie • L’éthique
Sur l’ensemble, nous disposons d’une réelle marge de progression ! • L’affaire d’Outreau et celle d’Angers qui se profile constituent des chances de sortir du néolithique du traitement (policier, judiciaire, psychiatrique, journalistique, politique) des violences sexuelles à enfants • Sans négliger un effort de pédagogie vers l’opinion